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06/06/2019 | FRANCE | N°18/08548

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 06 juin 2019, 18/08548


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 7



ARRÊT DU 06 JUIN 2019



(n° 15, 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 18/08548 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5SUA



Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal de grande instance de Créteil RG n° 14/09785 du 18 décembre 2015, sur renvoi après cassation (Com., 7 mars 2018, pourvoi 17-10.567) de l'arrêt de la cour

d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7) RG n° 2016/00728 du 22 novembre 2016





APPELANTE



La société CASTEL & FROMAGET S.A.S., venant aux droits de la société...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 06 JUIN 2019

(n° 15, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 18/08548 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5SUA

Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal de grande instance de Créteil RG n° 14/09785 du 18 décembre 2015, sur renvoi après cassation (Com., 7 mars 2018, pourvoi 17-10.567) de l'arrêt de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7) RG n° 2016/00728 du 22 novembre 2016

APPELANTE

La société CASTEL & FROMAGET S.A.S., venant aux droits de la société CASTEL & FROMAGET CARAÏBES S.A.S.

Inscrite au RCS d'AUCH sous le n° 342 732 351

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Maeva RANCOEUR, de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : 701

INTIMÉE

La Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières ' D.N.R.E.D

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Mme [H] [M], inspectrice des douanes dûment mandatée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 mars 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

' M. Philippe MOLLARD, président de chambre, président,

' M. Olivier DOUVRELEUR, président de chambre,

' Mme Sylvie TRÉARD, conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Véronique COUVET

ARRÊT :

- contradictoire,

- rendu par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par M. Philippe MOLLARD, président de chambre, et par Mme Véronique COUVET, greffière à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

SOMMAIRE

FAITS ET PROCÉDURE3

MOTIVATION5

Sur la régularité de la procédure5

Sur la motivation de l'avis de résultat d'enquête6

Sur la connaissance des pièces venant au soutien des constatations rapportées dans l'avis de résultat d'enquête7

Sur le délai de convocation de la société9

Sur le classement tarifaire des marchandises introduites en Guadeloupe10

Sur la nature des marchandises10

Sur le contrôle effectué en 2013 par la direction régionale des douanes de la Martinique14

Sur les dépens et la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile15

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

1.La société Castel & Fromaget Caraïbes, absorbée en avril 2015 par la société Castel & Fromaget, a pour activité la construction de bâtiments métalliques dans les départements d'outre-mer. A cet effet, elle importe de la métropole des éléments de construction qui font l'objet de déclarations en douane afin d'acquitter les droits et taxes dus et, notamment, l'octroi de mer. Dans la présente affaire, ces déclarations étaient effectuées en son nom et pour son compte par deux transitaires, les sociétés Transit Martiniquais et Info Transit Service.

2.La Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (ci-après la « DNRED ») a engagé, le 19 juillet 2012, un contrôle des déclarations en douane faites pour le compte de la société Castel & Fromaget Caraïbes lors de ses importations de la métropole vers la Martinique et la Guadeloupe depuis le 19 juillet 2009. A l'issue de ce contrôle, elle a adressé, le 18 novembre 2013, un avis de résultat d'enquête à cette société.

3.Elle a, dans cet avis, informé la société Castel & Fromaget Caraïbes que les marchandises importées par celle-ci s'analysaient comme des « [c]onstructions métalliques préfabriquées à l'état démonté », relevant de la position tarifaire 9406003800 (ci-après la « position 9406 ») et soumises à un octroi de mer de 15 %, et lui a signalé que, si l'examen des déclarations faites par ses transitaires révélait que l'importation de ces marchandises en Martinique avait été correctement déclarée sous cette position tarifaire, en revanche, leur importation en Guadeloupe avait été déclarée, à tort, sous la position 7308909900, devenue 7308909800 à compter du 1er janvier 2012 (ci-après la « position 7308 »), soumise à un octroi de mer de 7 % et consistant en des « [c]onstructions et parties de constructions ['] en fonte, fer ou acier, à l'exception des constructions préfabriquées du n° 9406 ».

4.La DNRED a, en conséquence, considéré que ce contrôle établissait l'existence d'une fausse déclaration d'espèce tarifaire ayant entraîné un différentiel de taxation à l'octroi de mer et qu'il en résultait une dette douanière de 492 646 euros.

5.Invitée à faire connaître ses observations dans un délai de trente jours, la société Castel & Fromaget Caraïbes a, par courrier du 20 décembre 2013, contesté la qualification retenue par l'administration des douanes et a soutenu que les marchandises en cause ne constituaient pas des constructions préfabriquées, au sens de la nomenclature douanière, puisqu'elles étaient des éléments de construction relevant de la position 7308, et non des constructions complètes relevant de la position 9406, dont elles ne présentaient pas les caractéristiques essentielles.

6.La DNRED a, par courrier du 13 janvier 2014, impropre ment daté du 13 janvier 2013, fait savoir à la société Castel & Fromaget Caraïbes qu'elle rejetait ses observations, puis, par procès-verbal du 6 février 2014, lui a notifié l'infraction de « fausse déclaration d'espèce constituant une man'uvre ayant pour but ou résultat de faire bénéficier son auteur ou un tiers d'une exonération, d'un dégrèvement, d'une déduction, d'un remboursement ou d'une taxe réduite », prévue, en ce qui concerne l'octroi de mer et l'octroi de mer régional, par l'article 411 1 et 2 h du code des douanes, le montant des droits éludés s'élevant à 492 646 euros. Elle a, le 21 février 2014, émis, sous le numéro 2014/11, un avis de mise en recouvrement de ce même montant à l'encontre de la société, que celle-ci a contesté par courrier du 5 mars 2014, en demandant la décharge des droits redressés au titre de l'octroi de mer.

7.L'administration des douanes ayant rejeté cette demande, la société Castel & Fromaget Caraïbes l'a assignée le 17 octobre 2014 devant le tribunal de grande instance de Créteil. Celui-ci, par jugement du 18 décembre 2015 (RG n° 14/09785), a débouté la société en jugeant que la procédure douanière menée à son encontre était régulière et que le redressement dont elle avait été l'objet était fondé.

8.Sur appel de la société Castel & Fromaget, venant aux droits de la société Castel & Fromaget Caraïbes, la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 22 novembre 2016, infirmé ce jugement et annulé l'avis de mise en recouvrement au motif que la notification de l'infraction douanière visait plusieurs procès-verbaux dont la société n'avait pas eu préalablement connaissance, en violation de l'article 67 A du code des douanes, des droits de la défense et du principe du contradictoire.

9.Statuant sur le pourvoi formé par l'administration des douanes, la Cour de cassation a, par arrêt du 7 mars 2018 (Com., 7 mars 2018, pourvoi n° 17-10.567), cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt déféré, la cour d'appel n'ayant pas recherché, « comme il lui était demandé, si la société Castel & Fromaget n'avait pas eu connaissance, par le tableau qui accompagnait l'avis de résultat d'enquête, de la référence des documents et informations fondant la dette douanière, obtenus par l'administration des douanes auprès des transitaires de la société ». Elle a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

10.La société Castel & Fromaget a, sur renvoi après cassation du 27 avril 2018, saisi la cour d'appel de Paris autrement composée.

11.Par ses conclusions communiquées le 26 juin 2018, elle demande à la cour de :

' dire et juger que la saisine de la cour d'appel sur renvoi après cassation par la société Castel & Fromaget, venant aux droits de la société Castel & Fromaget Caraïbes, est recevable et bien fondée ;

' infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil le 18 décembre 2015 ;

statuant à nouveau,

' dire et juger la société Castel & Fromaget, venant aux droits de la société Castel & Fromaget Caraïbes, recevable et bien fondée dans son recours contre l'avis de mise en recouvrement n° 2014/11 de la DNRED du 21 février 2014 ;

' dire et juger que la procédure menée contre la société Castel & Fromaget, venant aux droits de la société Castel & Fromaget Caraïbes, est irrégulière pour n'avoir pas respecté les droits de la défense et le principe du contradictoire ;

' dire et juger que la DNRED est infondée à retenir l'espèce tarifaire 9406 00 38 00 pour les marchandises introduites de métropole en Guadeloupe par la société Castel & Fromaget, venant aux droits de la société Castel & Fromaget Caraïbes ;

' dire et juger que l'espèce tarifaire 7308 90 99 00 ' puis 7308 90 98 00 à compter du 1er janvier 2012 ' déclarée par la société Castel & Fromaget, venant aux droits de la société Castel & Fromaget Caraïbes, pour l'introduction des marchandises de métropole ne Guadeloupe est conforme à la réglementation douanière ;

en conséquence,

' annuler dans son ensemble la procédure douanière en cause ;

' annuler l'avis de recouvrement n° 2014/11 de la DNRED du 21 février 2014 ;

' ordonner le remboursement de la somme de 492 646 euros à la société Castel & Fromaget assortie des intérêts de retard au taux légal ;

' condamner la DNRED à verser à la société Castel & Fromaget, venant aux droits de la société Castel & Fromaget Caraïbes, la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.

12.Par ses conclusions en date du 27 juin 2018, la DNRED demande à la cour de :

' confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 18 décembre 2015 ;

' dire régulière la procédure douanière en cause ;

' dire que l'administration des douanes est fondée à retenir l'espèce tarifaire 9406 00 38 00 pour les marchandises introduites de métropole vers la Guadeloupe par la société Castel & Fromaget Caraïbes ;

' débouter la société Castel & Fromaget venant aux droits de la société Castel & Formaget Caraïbes de l'ensemble de ses prétentions ;

' condamner la société Castel & Fromaget à payer à l'administration des douanes la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

*

* *

MOTIVATION

13.A titre principal, la société Castel & Fromaget fait valoir que l'avis de mise en recouvrement a été émis à la suite d'une procédure irrégulière et qu'il doit, en conséquence, être annulé.

14.A titre subsidiaire, elle soutient que le classement des marchandises en cause retenu par l'administration douanière est infondé et que c'est à juste titre qu'elle les a déclarées sous la position tarifaire 7308.

Sur la régularité de la procédure

15.La société Castel & Fromaget rappelle d'abord que tant les textes applicables que la jurisprudence imposent le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire dans le cadre des procédures de contrôle douanier. Elle invoque à cet égard, outre la Charte des contrôles douaniers et les articles L. 121-1, L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, l'article 67 A du code des douanes. Elle en conclut qu'elle aurait dû avoir connaissance, ce qui, selon elle, n'a pas été le cas, d'une part, de la motivation, en fait et en droit, de l'administration des douanes et, d'autre part, des pièces venues au soutien des constatations rapportées dans l'avis de résultat d'enquête. Elle fait valoir, par ailleurs, que le délai de convocation à la signature du procès-verbal de notification d'infraction était trop court pour qu'elle puisse se défendre utilement. En conséquence, elle demande à la cour de constater que la procédure a été menée à son encontre en violation de ses droits de la défense et du principe du contradictoire et, pour ce motif, d'en prononcer l'annulation.

Sur la motivation de l'avis de résultat d'enquête

16.La société Castel & Fromaget fait valoir que, dans l'avis de résultat d'enquête qui a été notifié à la société Castel & Fromaget Caraïbes, l'administration des douanes s'est bornée à exposer « de manière laconique » que les marchandises en cause auraient dû être déclarées sous la position 9406, sans procéder à aucune étude technique de leurs caractéristiques et propriétés objectives ni préciser les éléments juridiques et factuels fondant cette affirmation. Elle considère que, ce faisant, l'administration a méconnu les principes rappelés par la Cour de justice de l'Union européenne, qui juge, de manière constante, que « le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d'une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la nomenclature combinée et des notes de section ou de chapitre » (CJUE, arrêt du 19 février 2009, Kamino International Logistics, C-376/07, point 31).

17.Elle ajoute que l'administration a joint à sa réponse aux observations qu'elle avait présentées, huit règlements tarifaires contraignants, dont certains, rédigés en langue slovène, n'étaient pas traduits en français, mais n'a pas expliqué en quoi ces documents correspondaient aux marchandises importées.

18.La société Castel & Fromaget en conclut que l'administration des douanes avait pris sa décision définitive dès le stade de l'avis de résultat d'enquête et avant tout débat contradictoire, en violation des articles 67 A à 67 D du code des douanes.

19.L'administration des douanes soutient qu'elle a pleinement respecté les droits de la défense de la société Castel & Fromaget Caraïbes et qu'elle s'est conformée aux prescriptions des articles 67 A à 67 D du code des douanes ainsi qu'aux principes posés par la jurisprudence l'Union. Elle rappelle qu'elle a, le 18 novembre 2013, communiqué le résultat de son enquête à la société,qui a ainsi été mise en mesure de faire valoir ses observations, ce qu'elle a fait le 20 décembre 2013. Elle ajoute qu'elle a répondu à ces observations par courrier du 13 janvier 2014 et a procédé à la notification d'infraction le 6 février 2014, étant précisé que les textes ne fixent pas de délai pour l'accomplissement de cette dernière formalité.

***

20.Dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, l'article 67 A du code des douanes, dont la société Castel & Fromaget soutient qu'il a été méconnu par l'administration des douanes, prévoit que « toute décision prise en application du code des douanes communautaire et de ses dispositions d'application, lorsqu'elle est défavorable ou lorsqu'elle notifie une dette douanière ('), est précédée de l'envoi ou de la remise à la personne concernée d'un document par lequel l'administration des douanes fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci, la référence des documents et informations sur lesquels elle sera fondée ainsi que la possibilité dont dispose l'intéressé de faire connaître ses observations dans un délai de trente jours à compter de la notification ou de la remise de ce document. »

21.Au cas d'espèce, la remise du « document » visé par cet article, par lequel l'administration fait connaître à l'intéressé la décision qu'elle envisage de prendre et les motifs qui la fondent, a consisté dans la communication à la société Castel & Fromaget Caraïbes de l'avis de résultat d'enquête daté du 18 novembre 2013. Il ressort des termes de cet avis que la DNRED a, d'une part, fait savoir à cette société qu'elle considérait que les faits relevés dans le cours de son enquête étaient « susceptibles de générer une dette douanière dont le montant s'élève à quatre cent quatre vingt douze mille six cent quarante six euros (492 646 euros) » ; la DNRED a, d'autre part, exposé quels étaient les motifs de la décision envisagée en rappelant que la société avait, « sur la période du 19 juillet 2009 au 19 juillet 2012 (période de contrôle), puis jusqu'au 28 mars 2013 (période de reprise), introduit en Martinique et en Guadeloupe des marchandises s'analysant comme étant des constructions métalliques préfabriquées à l'état démonté : bâtiments à usage de bureaux et de dépôts, entrepôts, bâtiments commerciaux, relevant de la position 94 06 », mais que l'examen de ses déclarations en douane révélait que, si ces marchandises avaient été déclarées sous la bonne position en Martinique, elles avaient été déclarées en Guadeloupe sous la position tarifaire 7308, correspondant à des « [c]onstructions et parties de constructions (') en fonte, fer ou acier, à l'exception des constructions préfabriquées du 9406 ». L'administration a, par ailleurs, rappelé quel était le taux d'octroi de mer applicable à ces différentes positions et a calculé le différentiel de taxation en résultant (pièce Castel & Fromaget n° 2).

22.Force est de constater que, dans ses observations en réponse à l'avis de résultat d'enquête qui lui avait été notifié, transmises par courrier du 20 décembre 2013, la société Castel & Fromaget Caraïbes a explicité les raisons pour lesquelles la position 9406 retenue par l'administration n'était, selon elle, pas conforme à la définition qui en était donnée par les textes applicables, lesquels commandaient, en revanche, de classer ses importations sous la position 7308, démontrant par là-même qu'elle avait compris quels étaient les motifs de la décision envisagée.

23.Enfin, en ce qui concerne les renseignements tarifaires contraignants dont il est fait état dans la réponse du 13 janvier 2014 de la DNRED aux observations de la société Castel & Fromaget Caraïbes, il convient de relever que l'administration s'y est référée non pour déterminer la position tarifaire des marchandises en cause, mais seulement à titre de comparaison avec celles-ci, en constatant que la description qui y figurait correspondait à celle de ces marchandises. En tout état de cause, la non-communication de ces renseignements tarifaires contraignants en même temps que l'avis de résultat d'enquête n'est pas de nature à infirmer le constat qui précède que ce dernier était suffisamment motivé.

24.Il en résulte que l'administration a suffisamment exposé les motifs la conduisant à envisager de notifier à la société Castel & Fromaget Caraïbes l'infraction de fausse déclaration et qu'elle a ainsi satisfait aux prescriptions de l'article 67 A précité.

Sur la connaissance des pièces venant au soutien des constatations rapportées dans l'avis de résultat d'enquête

25.La société Castel & Fromaget soutient que, si l'avis de résultat d'enquête comportait, en pièce jointe, un tableau récapitulant les déclarations en douane obtenues auprès de ses transitaires, les sociétés Transit Martiniquais et Info Transit Service, la communication de ce document ne lui a pas permis d'exercer, comme les textes le prévoient, son droit à être entendu préalablement à la notification d'infraction. En effet, elle souligne que les indications figurant dans ce tableau n'avaient trait qu'aux seuls éléments d'assiette et de liquidation de la dette douanière alléguée, sans expliciter les éléments de fait et de droit sur lesquels l'administration avait fondé son contrôle puis son redressement, et ne lui permettaient donc pas d'en connaître la motivation. Elle ajoute qu'elle n'a, à aucun moment, été informée des échanges entre l'administration douanière et les transitaires ni des procès-verbaux de communication par ceux-ci de certains documents, dont elle n'a découvert l'existence que lors de la signature du procès-verbal de notification d'infraction, lequel fait état de huit procès-verbaux dressés en 2012 et 2013 et relatifs aux sociétés Transit Martiniquais et Info Transit Service, dont elle n'avait pas eu précédemment connaissance.

26.Selon la société Castel & Fromaget, il en résulte qu'elle n'a pas été en mesure, à la suite de l'avis de résultat d'enquête, de faire connaître ses observations en connaissance de cause, au mépris du caractère contradictoire de la procédure. A cet égard, elle invoque plusieurs arrêts de la Cour de cassation dont il ressort, selon elle, que la personne concernée par un contrôle douanier doit avoir eu connaissance, avant la notification de l'infraction, de tous les éléments fondant la décision de l'administration.

27.L'administration des douanes réplique que la procédure est régulière et que le principe du contradictoire a été scrupuleusement respecté, avant et après la notification de l'infraction, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation dans son arrêt du 7 mars 2018.

28.Sur ce point, elle soutient que la non-communication des procès-verbaux visés dans le procès-verbal de notification d'infraction, lesquels mentionnaient les numéros des déclarations en douane saisies auprès des transitaires, n'a eu aucune conséquence au regard du respect du principe du contradictoire et des droits de la défense. En effet, elle fait valoir, d'une part, que la société Castel & Fromaget Caraïbes avait accès à ces documents douaniers établis pour son compte par les sociétés Info Transit Service et Transit Martiniquais et, d'autre part, que la référence à ces mêmes documents a été reprise dans l'avis de résultat d'enquête qui lui a été communiqué. Selon la DNRED, la société a donc été mise en mesure de présenter ses observations sur la décision envisagée par l'administration.

29.Enfin, l'administration des douanes précise qu'elle a, dans le procès-verbal de notification d'infraction du 6 février 2014, indiqué à la société Castel & Fromaget Caraïbes qu'elle pouvait contester la décision du service d'enquête en saisissant, pour avis, la Commission de conciliation et d'expertise douanière et rappelle que la société n'a pas fait usage de cette possibilité.

***

30.Selon l'article 67 A du code des douanes, le document que l'administration des douanes doit communiquer préalablement à l'intéressé comporte, notamment, « la référence des documents et informations » sur lesquels la décision qu'elle envisage de prendre sera fondée.

31.Il est constant que l'administration des douanes a fondé l'avis de résultat d'enquête adressé le 18 novembre 2013 à la société Castel & Fromaget Caraïbes, qui constitue le « document » visé par ces dispositions, sur les déclarations en douane faites pour le compte de cette société par ses transitaires, que l'administration a recueillies par plusieurs procès-verbaux de communication et de saisie de documents.

32.Il est également constant que les références de ces procès-verbaux sont expressément visées dans le procès-verbal de notification d'infraction du 6 février 2014, mais pas dans l'avis de résultat d'enquête du 18 novembre 2013 lui-même.

33.Cependant, l'avis de résultat d'enquête est accompagné d'un tableau récapitulant les déclarations douanières mentionnées dans ces procès-verbaux. Cet avis, après avoir précisé que « les faits constatés sont susceptibles de générer une dette douanière dont le montant s'élève à quatre cent quatre vingt douze mille six cent quarante six euros (492 646 euros) », indique de manière expresse que, « [p]our le détail des éléments d'assiette et de liquidation de la dette : voir le tableau joint »). Ce tableau comporte, pour chacune des déclarations prises en compte dans le calcul de la dette douanière, outre des éléments d'identification (n° Siren, raison sociale, représentant), plusieurs informations parmi lesquelles le numéro et la date de la déclaration, le poids, la valeur et l'origine des marchandises déclarées, le montant de la taxation calculée au taux de la position 73 08 puis de la position 94 06 et le différentiel de taxation en résultant (pièce Castel & Fromaget n° 2).

34.Dès lors, la société Castel & Fromaget Caraïbes était en mesure, au vu de ce tableau, de connaître la référence des déclarations en douane faites pour son compte au regard desquelles l'administration envisageait de prendre une décision de notification d'une dette douanière, puisque chacune d'entre elles y figurait avec son numéro et sa date. Il est par conséquent indifférent que l'avis de résultat d'enquête n'ait pas mentionné les références des procès-verbaux par lesquels ces mêmes déclarations avaient été communiquées aux agents de la DNRED.

Sur le délai de convocation de la société

35.La société Castel & Fromaget rappelle avoir reçu, le 16 janvier 2014 au plus tôt, le courrier de la DNRED l'invitant à se présenter le 6 février suivant pour signature du procès-verbal de notification d'infraction. Elle considère que ce délai, inférieur à un mois, était trop court pour lui permettre de prendre connaissance utilement des nouvelles informations que l'administration lui avait communiquées par ce même courrier de convocation et de faire traduire en langue française les documents en langue slovène qui y étaient annexés. Elle fait valoir, par ailleurs, que la démonstration du caractère insuffisant de ce délai est renforcé par le fait qu'afin de se conformer aux exigences de la jurisprudence de l'Union, le législateur a prévu, aux articles 67 A à 67 D du code des douanes, que le droit d'être entendu s'exerce dans un délai de trente jours. Elle conclut que la brièveté du délai qui lui été imparti par l'administration des douanes démontre que celle-ci avait d'ores et déjà pris sa décision et ne souhaitait pas engager avec elle un débat contradictoire.

36.L'administration des douanes soutient que la société Castel & Fromaget Caraïbes a pleinement bénéficié du droit d'être entendu qui lui est reconnu par le code des douanes et la jurisprudence de l'Union. Elle rappelle que la société a disposé d'un délai de plus de trente jours, à compter de l'avis de résultat d'enquête du 18 novembre 2013, pour présenter ses observations, ce qu'elle a fait par courrier le 20 décembre 2013. Elle souligne qu'en revanche, aucun texte ne prévoit que la société Castel & Fromaget Caraïbes aurait dû bénéficier d'un second délai de trente jours, à compter du 13 janvier 2014, date du courrier par lequel elle a fait connaître sa réponse aux observations de cette société, lui a indiqué qu'elle maintenait sa position et l'a convoquée le 6 février 2014 pour la signature du procès-verbal de notification d'infraction.

***

37.L'article 67 A du code des douanes prévoit que la personne à l'encontre de laquelle l'administration des douanes envisage de prendre une décision défavorable ou notifiant une dette douanière doit, à compter de la remise du document lui communiquant les informations requises, disposer d'un délai de trente jours pour faire connaître ses observations.

38.Tel a bien été le cas en l'espèce, puisque l'avis de résultat d'enquête, qui satisfait aux prescriptions de cet article, a été communiqué le 18 novembre 2013 à la société Castel & Fromaget Caraïbes et a expressément imparti à celle-ci, « à compter de la remise du présent avis », un délai de trente jours pour « communiquer au service vos observations écrites quant au résultat de cette enquête (') ainsi que tout justificatif ou document probant » (pièce Castel & Fromaget n° 2). La société Castel & Fromaget Caraïbes a fait usage de cette possibilité en adressant à la DNRED un courrier d'observations en date du 20 décembre 2013. Ayant elle-même répondu, par courrier du 13 janvier 2014, aux observations de la société Castel & Fromaget Caraïbes, l'administration des douanes n'était nullement tenue de lui accorder un nouveau délai de trente jours pour transmettre d'éventuelles observations supplémentaires.

39.Il n'en serait allé autrement que si la réponse de l'administration avait comporté de nouveaux éléments indispensables à la démonstration de la réalité de l'infraction reprochée à la société Castel & Fromaget Caraïbes. Or il ressort de la lecture de cette réponse que tel n'a pas été le cas, puisque que les développements qu'elle comporte viennent seulement conforter l'analyse précédemment faite par l'administration et déjà portée à la connaissance de la société. Quant aux documents en langue étrangère annexés au courrier de la DNRED du 13 janvier 2014, qui consistent en des renseignements tarifaires contraignants délivrés par les administrations douanières de certains pays de l'Union, force est de constater qu'ils ne sont évoqués dans le procès-verbal de notification d'infraction qu'à titre surabondant, en ce que, selon les propres termes de celui-ci, ils « confirment » la position de l'administration (pièce Castel & Fromaget n° 5). Ces documents n'étant donc pas le soutien nécessaire de l'accusation portée contre la société Castel & Fromaget, qui repose principalement sur les déclarations de douane effectuées pour son compte ainsi que sur l'examen des factures, devis et plans correspondants, l'administration n'était pas tenue de procéder à leur traduction, étant en outre rappelé que la société disposait déjà de toutes les informations qui lui étaient nécessaires pour comprendre l'analyse de l'administration et la contester.

40.Le moyen par lequel la société Castel & Fromaget prétend que la procédure aurait été irrégulière est donc rejeté.

Sur le classement tarifaire des marchandises introduites en Guadeloupe

41.La société Castel & Fromaget affirme que les marchandises qu'elle a introduites en Guadeloupe sont des parties de constructions métalliques, au sens de la position tarifaire 7308. Elle reproche à la DNRED de ne pas avoir procédé à une analyse technique des caractéristiques objectives de ces marchandises et d'avoir adopté une position contraire à la pratique décisionnelle de l'administration des douanes.

Sur la nature des marchandises

42.La sociétéCastel & Fromaget soutient que les marchandises introduites en Guadeloupe constituent des « parties de constructions métalliques », au sens de la position tarifaire 7308, et non des « constructions préfabriquées », au sens de la position tarifaire 9406.

43.Elle rappelle que la détermination de l'espèce tarifaire d'une marchandise requiert d'analyser la nature objective du produit lors de son passage en douane, indépendamment de tout élément présageant de sa destination ou de son usage futur. Elle estime, en conséquence, que seules sont susceptibles de relever de la position tarifaire 9406, relative aux « constructions préfabriquées », d'une part, les constructions complètes, entièrement assemblées ou non, à condition que l'ouvrage définitif soit une construction préfabriquée, et, d'autre part, les constructions incomplètes, assemblées ou non, qui présentent, lors du dédouanement, les caractéristiques essentielles d'une construction préfabriquée. Elle ajoute que le produit, qu'il soit ou non destiné à équiper une construction préfabriquée, devra, en revanche, être classé à la position 7308 dès lors qu'il constitue une « construction et parties de construction » qui, une fois amenées à pied d''uvre, restent fixes. Elle souligne que, contrairement à ce qu'affirme l'administration douanière dans ses conclusions de première instance, la réglementation applicable ne fait donc aucunement référence à la notion de « vrac » comme condition permettant de classer une marchandise à la position tarifaire 7308.

44.Au cas d'espèce, la société Castel & Fromaget affirme que les marchandises introduites en Guadeloupe constituent des parties de constructions métalliques qui ne peuvent être objectivement considérées, lors de leur passage en douane, comme des constructions préfabriquées, même incomplètes, en pièces détachées.

45.Elle fait valoir qu'arrivées sur site, les parties métalliques doivent être soudées, ajustées, découpées et reprofilées sans permettre, à elles seules, la réalisation d'un ensemble préfabriqué. Elle précise en effet que l'installation qu'elle fournit n'est pas conçue pré-assemblée et conditionnée en amont par un fabricant. Elle affirme que, contrairement aux constructions préfabriquées, dont l'ensemble des lots est fabriqué au sein d'une même usine, elle ne réalise qu'un seul lot ' la structure métallique ' sur les dix que comporte la construction complète définitive, à l'assemblage de laquelle interviennent par la suite d'autres corps de métiers. Elle souligne également que le faible degré de préfabrication des charpentes métalliques, leur prix, ainsi que la durée de leur construction correspondent davantage à ceux d'une construction traditionnelle qu'à ceux d'une construction modulaire.

46.Elle expose, ensuite, que l'analyse des documents douaniers d'introduction de ces marchandises en Guadeloupe, repris en annexe du procès-verbal de notification d'infraction, permet d'établir, d'une part, que la valeur déclarée de ces produits ne correspond pas à celle de « constructions métalliques préfabriquées » et, d'autre part, qu'ils ne peuvent être analysés comme des constructions, complètes ou incomplètes, en pièces détachées « soit terminées en usine, soit livrées sous forme d'éléments à assembler sur place, présentés ensemble ». Elle relève également que le nombre d'introductions réalisées sur la période considérée confirme que les marchandises concernées ne peuvent être analysées comme des constructions, même incomplètes, en pièces détachées.

47.Par ailleurs, elle reproche à l'administration des douanes de n'avoir procédé à aucune analyse de la nature objective des marchandises en cause et de s'être fondée sur une citation partielle et erronée de l'audition du représentant de la société, reprise dans le procès-verbal du 19 juillet 2012, pour conclure que ces marchandises relevaient de la position tarifaire 9406. Elle fait valoir, à ce titre, qu'en utilisant le terme de « mécano », la personne interrogée a entendu expliquer que l'édification de la charpente métallique se fait grâce à des plans d'exécution précis, élaborés par le bureau d'études, et que l'intervention d'autres corps de métiers est nécessaire à l'accomplissement des projets de construction auxquels elle participe.

48.Enfin, elle verse aux débats des documents se rapportant à l'un des projets de construction qui a fait l'objet du contrôle des services douaniers, dénommé « Imprimguad », dont les éléments nécessaires à la réalisation ont été livrés en Guadeloupe en sept expéditions distinctes de containers, au cours d'une période de trois mois. Selon elle, l'examen de la chronologie de ce chantier ainsi que du contenu et des dates de livraison des containers établirait que les colis et éléments importés à chaque expédition ne présentaient pas les caractéristiques essentielles de constructions préfabriquées utilisées pour tout ou partie d'une charpente métallique, au sens de la position 9406, et qu'ils devaient être classés sous la position 7308 comme parties de structure métallique préparée à des fins d'utilisation dans la charpente métallique de ce chantier.

49.La société Castel & Fromager estime, en conséquence, que c'est à juste titre qu'elle a déclaré les marchandises en cause, lors de leur introduction en Guadeloupe en provenance de métropole, sous la position tarifaire 7308. Elle demande donc à la cour d'annuler l'avis de mise en recouvrement émis à son encontre le 21 février 2014, pour la somme de 492 646 euros, à la suite de la notification d'infration du 6 février 2014.

50.L'administration des douanes soutient que la société Castel & Fromaget Caraïbes a importé en Guadeloupe des « constructions industrialisées non montées », relevant de la position spécifique 9406.

51.Elle rappelle, d'abord, que la position 9406 couvre les constructions préfabriquées qui, aux termes des « notes explicatives du système harmonisé », sont également dénommées « constructions industrialisées » et correspondent à des constructions, complètes ou non, assemblées ou non, qui présentent les caractéristiques essentielles de constructions préfabriquées. Elle indique que les éléments nécessaires aux constructions préfabriquées ou industrialisées peuvent ainsi être présentés à l'état non monté, débités aux dimensions définitives ou de longueur indéterminée avec ajustement au moment du montage, et que ce type de construction n'est pas nécessairement standardisé.

52.Elle fait valoir, ensuite, que les investigations des enquêteurs ont permis d'établir qu'au cas d'espèce, la requérante a introduit en Guadeloupe des constructions métalliques industrialisées non montées, en vue de la réalisation sur place de bâtiments industriels, comme des magasins ou des entrepôts, destinées à être assemblées sur les chantiers d'après des plans précis. Elle en conclut qu'il ne s'agit donc pas de « parties de structure » destinées à la construction en général, classées à la position 7308, mais bien de composants démontés, destinés à être montés en vue de la réalisation d'une prestation déterminée, répondant au projet d'un maître d'ouvrage. Selon l'administration des douanes, ces marchandises s'analysent, dès lors, comme des constructions préfabriquées ou industrialisées, qui se présentent sous la forme de constructions incomplètes et non-assemblées, en ensembles destinés à servir un plan.

53.Elle soutient, enfin, que ce constat est corroboré par le procès-verbal d'audition du 19 juillet 2012 du représentant de la société Castel & Fromaget Caraïbes, qui, concernant l'activité de l'entreprise, a expliqué que « le matériel que l'on reçoit est en fait une sorte de mécano prêt à être monté, et qui est assemblé sur place à partir de plans », que « ce sont des structures complètes prêtes à monter » et que « notre activité se limite à la charpente, ossature, bardage ». Elle ajoute que celui-ci a également précisé que l'entreprise ne disposait pas d'atelier, ce qui implique que les éléments industrialisés importés soient nécessairement déjà configurés pour s'insérer dans un plan prévu, bien que des adaptations puissent être directement réalisées sur les chantiers.

54.Dans ces conditions, l'administration des douanes estime être fondée à considérer que les constructions métalliques introduites en Guadeloupe par la requérante pour un projet précis déterminé par le maître d''uvre constituent des constructions industrialisées non montées, soumises à la position tarifaire 9406.

***

55.Pour le classement tarifaire qu'elle a retenu lors de la notification d'infraction établie à l'encontre de la société Castel & Fromaget Caraïbes, la DNRED s'est fondée sur les définitions contenues dans les « Notes Explicatives de la Nomenclature douanière Combinée » relatives aux marchandises relevant de la position 9406 et à celles relevant de la position 7308 (pièce Castel & Fromaget n° 5).

56.Selon ces notes, dont la société Castel & Fromaget ne conteste pas l'applicabilité au cas d'espèce, la position 9406 « couvre les constructions préfabriquées, également dénommées constructions industrialisées, en toutes matières », qui « se présentent généralement sous forme : de constructions complètes, entièrement assemblées, prêtes à être utilisées ; de constructions complètes, non assemblées ; de constructions incomplètes, assemblées ou non, mais présentant en l'état les caractéristiques essentielles de constructions préfabriquées » (pièce administration des douanes n° 9). Selon ces mêmes notes, la position 7308 « couvre essentiellement ce qu'il est convenu d'appeler les constructions métalliques, mêmes incomplètes, et les parties de construction. Les constructions au sens de la présente position sont caractérisées par le fait qu'une fois amenées à pied d''uvre, elles restent en principe fixes. » (pièce Castel & Fromaget n° 16).

57.Au cas d'espèce, il ressort des éléments de preuve produits par l'administration des douanes que les marchandises en cause constituaient des équipements préfabriqués non montés destinés à être assemblés sur les chantiers selon des plans précis et détaillés, relevant, par conséquent, de la position 9406.

58.L'administration a produit en ce sens des documents relatifs à la réalisation du lot n° 3 (« Charpente métallique ' Couverture ' Bardage ' Serrurerie Pose ») de la « Construction d'un bâtiment à usage de bureaux et de dépôts », comprenant un ordre de service, un devis et des plans (pièce administration des douanes n° 20). Il en ressort que les éléments livrés, loin d'être destinés à des travaux de construction non identifiés, s'intégraient dans des plans précis d'ouvrages prédéfinis, lesquels étaient construits par assemblage des éléments importés.

59.Pour contester ce constat, la société Castel & Fromaget fait valoir qu'il ressort de plusieurs des documents douaniers d'introduction des marchandises figurant en annexe du procès-verbal de notification d'infraction, que la valeur déclarée des éléments importés ne correspondrait pas au prix d'une construction entière préfabriquée. Cette circonstance, qui procède de simples allégations dépourvues d'offre de preuves, n'est, en tout état de cause, pas de nature à établir que les marchandises ne relevaient pas de la position 9406 dès lors que, comme il a été dit au paragraphe 56 du présent arrêt, cette position couvre également les « constructions incomplètes, assemblées ou non, mais présentant en l'état les caractéristiques essentielles de constructions préfabriquées », tel étant le cas des éléments livrés pour les besoins des constructions qui sont l'objet des marchés produits par l'appelante en pièce n° 17, puisque l'assemblage de ces éléments, assuré par la société Castel & Fromaget Caraïbes en exécution du lot « Ossature métal / Couverture / Bardage / Serrurerie / Fourniture », aboutissait à un bâtiment dont le clos et le couvert étaient assurés.

60.De la même façon, c'est en vain que la société Castel & Fromaget soutient que la comparaison entre, d'une part, certains documents douaniers d'introduction ayant fait l'objet du contrôle et, d'autre part, les factures et documents de transport correspondants établirait que les marchandises introduites ne constituaient pas des constructions, complètes ou incomplètes, en pièces détachées, relevant de la position 9406. En effet, cette position, qui procède par voie d'affirmation, n'est étayée par aucune argumentation précise de nature à remettre en cause les éléments produits par l'administration, décrits au paragraphe 58 du présent arrêt, dont il ressort que les marchandises étaient destinées à être assemblées sur les chantiers selon des plans précis et détaillés, relevant ainsi d'équipements préfabriqués.

61.Enfin, la société Castel & Fromaget fait valoir que l'examen des contrats qu'elle a signés avec les maîtres d'ouvrage révèle que les travaux en cause étaient divisés en dix lots et qu'elle n'était chargée que d'un seul d'entre eux, celui portant sur la structure métallique, ce qui n'est pas le cas des constructions préfabriquées dont tous les lots sont fabriqués ensemble.

62.Mais le fait que la société Castel & Fromaget Caraïbes n'ait pas été chargée de l'ensemble des lots nécessaires à la construction d'un ouvrage ne permet pas, à lui seul, d'écarter la qualification retenue par l'administration des douanes, dès lors que les éléments métalliques en cause, loin d'être importés pour être ensuite utilisés dans des constructions non encore définies au moment de leur fabrication, étaient destinés à s'inscrire dans un assemblage défini à l'avance, relevant, par conséquent de la position 9406.

63.Au demeurant, ce constat est confirmé par les déclarations du chef de l'agence de la société Castel & Fromaget Caraïbes pour la Martinique et la Guadeloupe, recueillies par procès-verbal du 19 juillet 2012, qui s'est ainsi exprimé : « Nous n'avons pas d'ateliers locaux (') Le matériel qu'on reçoit est en fait une sorte de mécano prêt à être monter [sic], et qui est assemblé sur place à partir de plans » (pièce administration des douanes n° 10). L'appelante soutient que ces déclarations, faites en « langage commun et non pas juridique et douanier », ne confortent nullement la qualification retenue par l'administration, puisque l'intéressé à ajouté que « [l]e terme de préfabriqué me gêne dans la mesure où on ne vend pas sur plans pré-établis. On définit et on modifie les plans avec l'architecte. Chaque fois, il s'agit d'un prototype ». Cependant, il importe peu de savoir si la construction a été définie en considération des besoins spécifiques du client ou si elle correspond à l'exécution de plans standardisés, la seule question, au plan douanier, étant de savoir si la marchandise en cause correspond à une construction soit terminée en usine, soit livrée sous forme d'éléments à assembler sur place, présentés ensemble, ou encore à une construction incomplète, assemblée ou non, mais présentant en l'état les caractéristiques essentielles de constructions préfabriquées. Force est de relever que, dans ces mêmes déclarations, le chef d'agence, interrogé clairement sur le point de savoir si les structures importées étaient « des parties de structures présentées isolément, ou bien des structures complètes à l'état démonté et déjà prêts à monter », cette distinction correspondant très exactement à celle des positions tarifaires 7308 et 9406, a répondu non moins clairement : « Comme dit précédemment, ce sont des structures complètes prêtes à monter », confirmant ainsi qu'elles relevaient de la position 9406.

64.La société Castel & Fromaget, par ailleurs, ne conteste pas que les marchandises qui étaient importées en Martinique et déclarées sous la position 9406 étaient identiques à celles qui étaient importées en Guadeloupe sous la position 7308. Cet élément confirme encore que la société Castel & Fromaget Caraïbes a eu la même analyse que l'administration concernant la pertinence du classement de ces marchandises sous la position 9406.

65.Enfin s'il n'est pas contesté que les éléments nécessaires à la réalisation du chantier « Imprimguad », qu'invoque la société Castel & Fromaget, ont fait l'objet de plusieurs livraisons distinctes, cette circonstance ne suffit pas à écarter les conclusions que la DNRED a tirées de l'examen des déclarations en douanes, des devis et des plans et à considérer que les éléments livrés ne présentaient pas les caractères de constructions préfabriquées destinées à la charpente métallique du bâtiment et relevant de la position 9406. En effet, il ressort des documents produits par la société Castel & Fromaget que ces éléments étaient destinés à être assemblées, pour la réalisation de la charpente métallique d'un unique ouvrage, selon des plans préétablis (pièces Castel & Fromaget n° 27 et 28).

Sur le contrôle effectué en 2013 par la direction régionale des douanes de la Martinique

66.La société Castel & Fromaget se réfère à un précédent contrôle physique de marchandises effectué le 4 juin 2013 par la direction régionale des douanes et droits indirects de Martinique. Elle fait valoir que les marchandises contrôlées étaient identiques à celles en cause dans la présente affaire et que les services douaniers ont considéré qu'elles avaient été déclarées à tort sous la position 9406 et qu'elles relevaient de la position 7308. Elle conclut que c'est donc à bon droit qu'elle a déclaré sous cette dernière position les marchandises qu'elles avaient introduites en Guadeloupe.

67.L'administration des douanes relève d'abord que le contrôle qu'invoque la société Castel & Fromaget a été effectué postérieurement à la période du contrôle de la DNRED, qui s'est étendue du 19 juillet 2009 au 19 juillet 2012. Elle souligne ensuite que les agents de la direction régionale ne disposaient pas d'un plan de construction et ont procédé à un examen visuel des marchandises contrôlées, qu'ils ont décrites comme « des tiges de métal, des montants et des poutres, des équerres et des pièces pour la construction métallique ». Elle fait valoir qu'en revanche, les agents de la DNRED ont examiné l'ensemble des déclarations en douane effectuées en Guadeloupe et en Martinique pendant la période de contrôle et que, s'étant appuyés sur les plans de construction, ils ont considéré que les marchandises contrôlées étaient des constructions industrialisées, destinées à être assemblées et ajustées conformément au plan d'ensemble, et qu'elles devaient donc être classées sous la position 9406, de sorte qu'on ne saurait voir aucune contradiction entre les conclusions de ce contrôle et celles de la direction régionale.

68.Elle ajoute qu'en invoquant ce précédent contrôle, la société Castel & Fromaget reconnaît par là même que les constructions métalliques qu'elle importe en Martinique et en Guadeloupe sont identiques, alors qu'elle les déclare, dans le premier cas, sous la position 7308 et, dans le second cas, sous la position 9406. L'administration des douanes explique que cette pratique est opportuniste dans la mesure où le taux d'octroi de mer, voté par les conseils régionaux, peut varier d'un département à l'autre d'outre-mer pour une même position tarifaire et qu'il est plus avantageux au 9406 pour la Guadeloupe et plus avantageux au 7308 pour la Martinique.

***

69.La cour relève que le contrôle auquel se réfère la société Castel & Fromaget ne concerne pas la période visée par la présente procédure et n'a pas mis en oeuvre les mêmes mesures d'investigation. Il n'est pas contesté que ce contrôle, intervenu en 2013, a consisté en un simple examen visuel des marchandises contrôlées, à l'inverse du contrôle en cause auquel ont procédé les agents de la DNRED, qui se sont appuyés sur des plans de construction et des devis. Dès lors, les conclusions qui ont été tirées de cet examen visuel, en juin 2013, ne permettent pas de remettre en cause le classement tarifaire retenu sur la base des éléments recueillis par la DNRED au cours de l'enquête engagée le 19 juillet 2012.

70.Il convient d'ajouter, au surplus, que rien ne démontre que les marchandises examinées en 2013 étaient identiques à celles qui ont fait l'objet d'un contrôle par la DNRED et qu'elles relevaient, par voie de conséquence, de la même position tarifaire.

71.Le moyen par lequel la société Castel & Fromaget conteste le classement tarifaire retenu par l'administration douanière est donc rejeté.

Sur les dépens et la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

72.L'équité ne commande pas de faire droit à la demande de condamnation présentée par l'administration des douanes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

73. La société Castel & Fromaget, qui succombe, est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

REJETTE les demandes de la société Castel & Fromaget tendant à l'annulation de la procédure douanière et de l'avis de mise en recouvrement émis le 21 février 2014 à l'encontre de la société Castel & Fromaget Caraïbes ;

CONFIRME le jugement déféré ;

REJETTE les demandes de condamnation fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société Castel & Fromaget aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Véronique COUVET Philippe MOLLARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/08548
Date de la décision : 06/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°18/08548 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-06;18.08548 ?
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