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05/06/2019 | FRANCE | N°17/12764

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 05 juin 2019, 17/12764


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 5 JUIN 2019



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12764 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TTT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n°





APPELANT



Monsieur [W] [O]

né le [Date naissance 1] 1955

à [Localité 1] (GRECE)

exerçant sous l'enseigne LE MINOTAURE AUBERGE CRETOISE

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 398 685 107

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Mathieu RE...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 5 JUIN 2019

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12764 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TTT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n°

APPELANT

Monsieur [W] [O]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1] (GRECE)

exerçant sous l'enseigne LE MINOTAURE AUBERGE CRETOISE

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 398 685 107

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Mathieu REBBOAH, avocat au barreau de PARIS, toque : E1740

INTIMÉS

Monsieur [W] [D]

né le [Date naissance 2] 1937 à[Localité 3] (GRECE)

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Assisté de Me Vassiliki PAPAIOANNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0678, avocat plaidant

Madame [O] [D] venant aux droits de Madame [N] [J] épouse [D] décédée le [Date décès 1] 2011

née le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Assistée de Me Vassiliki PAPAIOANNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0678, avocat plaidant

Madame [E] [D] venant aux droits de Madame [N] [J] épouse [D] décédée le [Date décès 1] 2011

née le [Date naissance 4] 1967 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 6] ESPAGNE

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Assistée de Me Vassiliki PAPAIOANNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0678, avocat plaidant

SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES agissant par son représentant légal et 'agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur [W] [O]'

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 533 357 695

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Justine CAUSSAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0203, avocat postulant

Assistée de Me Marie ALDAMA de la SELARL MANGEL Avocats, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 3 octobre 1994, M. [W] [D] et [N] [R] [J] épouse [D], aux droits de laquelle se trouvent son conjoint survivant et ses filles, Mme [O] [D] et Mme [E] [D], ont donné en gérance libre à M. [W] [O] un fonds de commerce de restaurant exploité dans les lots n°28, 33, 38 et 48 d'un immeuble situé [Adresse 5], sous l'enseigne 'LE MINOTAURE' - pour lequel Mme [D] est immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le n°74 A 1312 ' pour une durée d'un an à compter du 1er octobre 1994, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes d'une année, à défaut d'être dénoncé par l'une des parties avec un préavis de deux mois.

Par avenants des 18 août 2006 et 23 juillet 2009, les parties ont augmenté la redevance de location-gérance et le loyer mensuel des locaux.

Mme [N] [R] [D] est décédée le [Date décès 1] 2011.

Par acte extrajudiciaire du 12 juin 2012, M. [W] [D], Mme [O] [D] et Mme [E] [D][D] ont fait délivrer à M. [O] un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à leur payer la somme de 47.530,40 euros en principal.

Par acte extrajudiciaire du 11 juillet 2012, les consorts [D] ont fait signifier à M. [O] leur volonté de ne pas renouveler le contrat de location-gérance et de le résilier pour le 30 septembre 2012.

Par ordonnance du 16 octobre 2012, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a notamment :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 28 juin 2012,

- condamné M. [O] à payer aux consorts [D] la somme provisionnelle de 47.530,40 euros,

- ordonné l'expulsion de M. [O] des locaux

Par actes d'huissier de justice des 26 et 27 juillet 2012, M. [W] [O] a assigné M. [W] [D], Mme [O] [D] et Mme [E] [D] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de requalification du contrat de location-gérance en contrat de bail commercial.

Par jugement du 6 mars 2013, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. [O] et désigné la SELARL [V] [L] en qualité d'administrateur judiciaire avec pour mission d'assister et la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Me [Q] [W] en qualité de mandataire judiciaire.

M. [O] a été expulsé le 10 avril 2013.

Par jugement du 24 avril 2013, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. [O] et nommé la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Me [Q] [W] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par ordonnance du 13 mars 2014, le juge de la mise en état a radié l'affaire du rôle.

Par conclusions reçues au greffe par voie électronique le 1er septembre 2015, la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Me [Q] [W] en qualité de liquidateur judiciaire de M. [O] est intervenue volontairement à la procédure et a demandé le rétablissement au rôle du tribunal.

L'affaire a été rétablie au rôle sous le n°RG 15/11888.

M. [O] et le liquidateur judiciaire ont interjeté appel d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 25 juin 2015 fixant la créance des consorts [D] au passif de la liquidation judiciaire et, selon ordonnance du 12 avril 2016, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 15 juin 2017, le tribunal de grande instance de PARIS a :

- Déclaré la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Me [Q] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [O] recevable en son intervention volontaire,

- Dit n'y avoir lieu de donner acte à la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Me [Q] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [O] d'un incident de communication de pièces,

- Déclaré M. [O] irrecevable en sa demande en requalification du contrat de location-gérance en contrat de bail commercial et en sa demande de désignation d'un expert ainsi qu'en ses demandes subséquentes de remboursement d'un prétendu trop-versé au titre des redevances de location-gérance, des loyers commerciaux et des loyers relatifs au studio,

- Déclaré M. [O] recevable en sa demande en dommages-intérêts pour préjudice moral et en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que la demande en requalification du contrat de location-gérance en contrat de bail commercial est prescrite et, en conséquence, déclare la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Me [Q] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [O] irrecevable en sa demande en requalification du contrat de location-gérance en contrat de bail commercial et en sa demande de désignation d'un expert,

- Dit n'y avoir lieu de donner acte à la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Me [Q] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [O] de ce que les consorts [D] n'ont pas déclaré entre ses mains de créance au titre d'éventuels loyers locatifs dus avant le début de la procédure collective,

- Condamné M. [W] [D] à payer à M. [W] [O] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts,

- Condamné la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Me [Q] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [O] à payer aux consorts [D] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- Condamné la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Me [Q] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [O] aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration d'appel du 26 juin 2017, M. [O] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 21 janvier 2019 , M. [O] demande à la cour de :

Vu l'article 12 du Code de procédure civile,

Vu les articles L 145-1 du code de commerce,

Vu la jurisprudence,

Vu les articles 1103, 1104 et 1231-1 du Code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- RECEVOIR Monsieur [O] en ses conclusions et l'y déclarer bien fondé,

- INFIRMER dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le TGI de PARIS le 15

juin 2017

Et statuant à nouveau :

- CONSTATER que la présente procédure a été introduite en 2012 par Monsieur

[O], soit bien avant sa mise en redressement puis en liquidation judiciaire.

- CONSTATER que tant la déclaration d'appel que les conclusions d'appelant de Monsieur [O] comportent tous les éléments de forme légaux prescrits par les articles 960 et 961 du Code de procédure civile

- DIRE que les actions en justice tendant notamment à la réparation d'un préjudice moral peuvent être exercées seules par un débiteur mis en liquidation judiciaire.

- CONSTATER que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de Monsieur [O] ne prévoit ni n'indique que le liquidateur nouvellement nommé doit

reprendre ou continuer la procédure initiée par le débiteur antérieurement à la liquidation.

- DIRE que seul le liquidateur judiciaire en ce qu'il incarne l'intérêt des créanciers peut

invoquer un dessaisissement du débiteur.

- DIRE qu'en l'absence de demande de la part du liquidateur judiciaire, les Consorts [D] ne sont nullement fondés à solliciter le dessaisissement de Monsieur [O] dans la présente procédure

PAR AILLEURS,

- CONSTATER que le contrat en date du 03 octobre 1994 prévoyait le versement par Monsieur [O] d'une somme au titre d'un loyer commercial en sus d'une

redevance

- CONSTATER que Monsieur [O] exploite le fonds de commerce situé [Adresse 6] depuis le 3 octobre 1994, soit depuis près de treize années.

- CONSTATER qu'il existe une identité de parties et une confusion entre le bailleur du local commercial situé [Adresse 6] et le bailleur du fonds de commerce.

- CONSTATER que Monsieur [D] a été radié le 13 février 1984 du

registre du commerce et des sociétés de Paris, pour lequel il a été immatriculé sous le numéro 311 413 413, puis a consenti un contrat de location gérance le 3 octobre 1994.

EN CONSÉQUENCE :

- REJETER l'intégralité des demandes, fins et prétentions de Monsieur [W] [D], Mesdames [O] [D] et [E] [D], venants aux droits de feu [N] [J] épouse [D].

- DIRE que Monsieur [O] a su créer, développer et fidéliser une clientèle personnelle et régulière.

- DIRE que le contrat signé le 3 octobre 1994 entre Monsieur [O] et Madame

et Monsieur [D] est régi par le droit commun des baux commerciaux.

- CONSTATER que Monsieur [O] a conclu avec les Consorts [D] un contrat régi par le droit commun des baux commerciaux, et ce dès le jour de sa signature le 03 octobre 1994

- REQUALIFIER le contrat signé le 3 octobre 1994 entre Monsieur [O] et Madame et Monsieur [D] et les avenants des 18 août 2006 et 23 juillet 2009 en contrat de bail de locaux commerciaux soumis aux articles L 145-1 et suivants du Code de commerce.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- DESIGNER tel expert qu'il lui plaira avec la mission suivante :

- de se rendre sur les lieux où le fonds de commerce est exploité

- de réunir les parties

- d'entendre les parties et leurs explications et se faire communiquer toutes pièces utiles à sa mission

- d'évaluer le montant du loyer qui aurait dû être versé par Monsieur [O] aux Consorts [D] dans le cadre d'un bail commercial

- soumettre aux parties un pré-rapport et recueillir leurs commentaires

- dire que l'expert devra déposer son rapport dans un délai de cinq mois à compter du paiement de la provision fixée par l'ordonnance,

- DIRE que les frais de cette expertise seront partagés par moitié par Monsieur [O] et Monsieur [D], Monsieur [W] [D], Mesdames [O] [D] et [E] [D], venants aux droits de feu [N] [J] épouse [D].

A TITRE RECONVENTIONNEL

- CONSTATER que Monsieur [O] a versé indûment depuis 2008 à Monsieur

[D], Monsieur [W] [D], Mesdames [O] [D] et [E] [D], venants aux droits de feu [N] [J] épouse [D] la somme totale de 425.246, 60 € au titre des 'redevances de location-gérance'.

- CONSTATER que Monsieur [O] est actuellement redevable à l'encontre de Monsieur [D], Monsieur [W] [D], Mesdames [O] [D] et [E] [D], venants aux droits de feu [N] [J] épouse [D] d'une somme de 37.076 € correspondant aux loyers commerciaux et aux loyers au titre du studio situé au-dessus de son fonds de commerce des mois de mars, juillet, août, septembre et octobre 2012,

En conséquence

- DIRE que par la compensation entre les sommes dues par Monsieur [O] et les sommes qu'il a indûment versées à Monsieur [D], Monsieur [W] [D], Mesdames [O] [D] et [E] [D], venants aux droits de feu [N] [J] épouse [D] depuis 2008, ces derniers lui sont redevables d'une somme totale de 388.170, 60 €.

- CONDAMNER Monsieur [W] [D], Mesdames [O] [D] et [E] [D], venants aux droits de feu [N] [J] épouse [D] à lui payer la somme de 388.170, 60 € (425.246, 60 € - 37076 €) au titre des sommes qu'il leur a indûment versé depuis 2008.

A TITRE SUBSIDIAIRE : Si la Cour devait considérer le contrat en date du 03 octobre

1994 comme un contrat de location-gérance :

- CONSTATER que Monsieur [W] [D] n'était pas propriétaire du

fonds lors de la conclusion du contrat de location-gérance en date du 03 octobre 1994

- CONSTATER que feue Madame [D] n'exerçait pas la profession de commerçant depuis au moins 07 ans

- CONSTATER que feue Madame [D] n'exploitait pas personnellement le fonds loué depuis au moins deux années

En conséquence,

- DIRE que le contrat de location-gérance en date du 03 octobre 1994 est nul et de nul effet

En conséquence,

- CONDAMNER Monsieur [W] [D], Mesdames [O] [D] et [E] [D], venants aux droits de feu [N] [J] épouse [D] à rembourser solidairement Monsieur [O] une somme de 2.171.945,01 € correspondant aux sommes que ce dernier avait versées depuis 194 au titre des redevances, loyers commerciaux, loyers du studio et du dépôt de garantie versé.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- CONDAMNER Monsieur [W] [D], Mesdames [O] [D] et [E] [D], venants aux droits de feu [N] [J] épouse [D] à verser solidairement la somme de 35.000 euros à Monsieur [O] au titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi.

- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

- CONDAMNER Monsieur [W] [D], Mesdames [O] [D] et [E] [D], venants aux droits de feu [N] [J] épouse [D] au paiement solidaire de la somme de 5.000 euros à Monsieur [O] au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens à recouvrer par Maître Mathieu REBBOAH conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 24 novembre 2017, la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES, agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [W] [O] demande de :

- Donner acte à la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise ès qualités, de ce qu'elle s'en remet à justice sur la recevabilité de l'appel formé par Monsieur [O].

SI L'APPEL EST DECLARE RECEVABLE EN TOUT OU PARTIE,

- Dire la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise ès qualités recevable et bien fondée en son appel incident.

- Donner acte à la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise ès qualités de ce qu'elle s'en remet à justice sur la prescription biennale revendiquée.

SI LA COUR INFIRME LE JUGEMENT ENTREPRIS EN CE QU'IL DIT CETTE PRESCRIPTION ACQUISE, infirmer ledit jugement en ce qu'il :

- déclare la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de Monsieur [O] irrecevable en sa demande de requalification du contrat de location-gérance en contrat de bail commercial et en sa demande de désignation d'un expert,

- Dit n'y avoir lieu de donner acte à la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de Monsieur [O] de ce que les consorts [D] n'ont pas déclaré entre ses mains de créance au titre d'éventuels loyers locatifs dus avant le début de la procédure collective,

- Condamne la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de Monsieur [O] a payer aux consorts [D] la somme de 4 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure et aux dépens.

STATUANT A NOUVEAU,

Vu les dispositions de l'article L 145-1 du Code de Commerce et 1134 et 1147 du Code Civil,

- Constater que Monsieur [O] exploite le fonds de commerce sis [Adresse 6] depuis le 3 octobre 1994,

- Constater que depuis 1994, Monsieur [O] a développé, créé et fidéliser une nouvelle clientèle personnelle et régulière du fait de sa seule activité,

En conséquence de quoi,

- Requalifier le contrat de location gérance en date du 3 octobre 1994 en bail commercial avec toutes les conséquences de droit,

- Statuer ce que de droit sur la demande de désignation d'un expert avec pour mission d'évaluer le montant des loyers locatifs,

- Donner acte a la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICLAIRES prise ès qualités de ce qu'elle s'en remet à justice sur les dommages et intérêts pour préjudice moral demandes par Monsieur [O].

En tout les cas,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamne la SELARL ACTIS MANDATAIRES

JUDICIAIRES prise ès qualités à payer la somme de 4 000 euros aux consorts [D] an titre de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau dire n'y avoir lieu a l'application de l'article 700 du code de procédure civile à l'endroit de la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise ès qualités

- Condamner les consorts [D] aux entiers dépens tant de l'instance que

d'appel.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 22 janvier 2019, M. [W] [D], Mme [O] [D] et Mme [E] [D] demandent à la cour de:

- CONFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions concernant Monsieur [W] [O] et ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES, sauf en ce qu'il a déclaré Monsieur [W] [O] recevable en sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et qu'il a condamné Monsieur [W] [D] à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Vu l'article L. 641-9 du Code de Commerce,

Vu la liquidation judiciaire de Monsieur [O],

- DIRE ET JUGER que Monsieur [W] [O] n'a pas qualité à agir et que tous les droits et actions concernant son patrimoine sont irrecevables et ne peuvent être exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire que par le liquidateur et que par conséquent, l'appel incident d'ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRESS est également irrecevable.

Vu l'article L. 144-1 et suivants du Code de Commerce,

Vu l'article L. 145-60 du Code de commerce,

Vu la jurisprudence de la Cour de cassation,

- DIRE ET JUGER que les parties n'ont pas conclu un bail commercial mais un contrat de location-gérance.

- DIRE ET JUGER que l'action de Monsieur [W] [O] en requalification du contrat de location-gérance en bail commercial est prescrite, et donc irrecevable et que par conséquent, l'appel incident d'ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES est également irrecevable.

- DIRE ET JUGER que les demandes des appelants de requalification du contrat de location gérance en bail commercial, de désignation d'un expert, ainsi que les demandes subséquentes de remboursement d'un prétendu trop-versé au titre des redevances de location-gérance, des loyers commerciaux et des loyers relatifs au studio sont irrecevables.

Vu l'article 2224 du Code civil

- DIRE ET JUGER que la demande de M. [O] tendant à la répétition de l'indu représentant la somme de 388.170, 60€ est prescrite et irrecevable en tant que telle.

A titre subsidiaire, si la Cour ne retenait pas l'irrecevabilité des demandes des appelants,

Vu l'article L. 144-1 et suivants du Code de commerce,

Vu la jurisprudence,

- DIRE ET JUGER que les conditions exigées en droit pour la requalification du contrat de location-gérance en bail commercial ne sont pas réunies.

- CONSTATER que les concluants établissent la propriété du fonds de commerce lors de la conclusion du contrat de location-gérance, l'existence d'une clientèle propre et préexistante à la location et une exploitation personnelle du fonds pendant plus de 7 ans à l'époque de la location.

- DIRE ET JUGER que les sommes versées au cours du contrat par le locataire-gérant correspondent au sommes prévues contractuellement, et qu'il n'y a pas lieu à une restitution quelconque.

- DEBOUTER les appelants de leurs demandes de requalification du contrat de location gérance en bail commercial, de désignation d'un expert, ainsi que les demandes subséquentes de remboursement d'un prétendu trop-versé au titre des redevances de location-gérance, des loyers commerciaux et des loyers relatifs au studio.

A titre plus subsidiaire, si par impossible la Cour considérait qu'un bail commercial a pu être conclu le 3 octobre 1994, ou si elle requalifiait le contrat de location-gérance en bail commercial

Vu la location d'un fonds de commerce en parfait fonctionnement,

Vu l'article L. 144-1 du Code de commerce,

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

1- DIRE ET JUGER que les redevances de location-gérance n'ont pas été réglées indûment par Monsieur [O].

- LE DEBOUTER par conséquent, ainsi qu'ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES des demandes de désignation d'un expert, ainsi que des demandes subséquentes de remboursement d'un prétendu trop-versé au titre des redevances de location-gérance, des loyers commerciaux et des loyers relatifs au studio et de compensation avec les loyers restant dus.

2 ' DIRE ET JUGER que le contrat conclu le 3 octobre 1994, qualifié éventuellement de bail commercial, a été résilié par ordonnance du Tribunal de Commerce de Paris du 16 octobre 2012 pour manquement de Monsieur [O] à ses obligations contractuelles, et ne pourrait en aucun cas

revivre.

- A titre encore plus subsidiaire, si la Cour considérait que ce contrat, qualifié éventuellement de bail commercial, n'avait pas été résilié par l'ordonnance de référé du Tribunal de Commerce de Paris du 16 octobre 2012,

Vu l'absence de tout règlement par Monsieur [O] de loyers et redevances à compter du commandement d'huissier du 12 juin 2012,

- PRONONCER la résiliation du contrat conclu le 3 octobre 1994, même si il était qualifié de bail commercial, sur le fondement de l'article 1184 (ancien) du Code civil, aux termes duquel 'la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.'.

Vu l' article 564 du code de procédure civile

Vu l'article L.641-9 du code de procédure civile

Vu l'article 2224 du Code civil

- DIRE ET JUGER que la nouvelle demande de M. [O] tendant à la nullité du contrat conclu, pour un prétendu défaut des époux [D] d'en conclure un, est irrecevable.

A titre subsidiaire, l'en débouter.

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à Monsieur [O] 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- DIRE ET JUGER que la demande d'indemnité de Monsieur [O] pour préjudice moral est prescrite eu égard aux dispositions de l'article 2224 du Code civil,

- A titre subsidiaire, DIRE ET JUGER que Monsieur [D] n'a commis aucune faute en adressant à Monsieur [O] des courriers de non-renouvellement du contrat et qu'il avait parfaitement le droit de le faire.

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES à payer aux concluants la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- DEBOUTER Monsieur [O] et ACTIS MANDATAIRES JUDICIARES de leur demande de requalification du contrat de location- gérance en contrat de bail commercial, et plus généralement de l'intégralité de leurs demandes.

- CONDAMNER in solidum les appelants à régler aux concluants la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant la Cour.

- CONDAMNER les appelants aux entiers dépens et dire qu'ils seront recouvrés directement par la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions précitées des parties pour ce qui concerne l'exposé détaillé de leurs moyens et prétentions.

La clôture est intervenue le 22 janvier 2019.

MOTIFS

Sur le défaut de qualité à agir de M. [O]

L'appelant fait valoir que la règle du dessaisissement du débiteur placé en liquidation judiciaire souffre de tempéraments au rang desquels se trouvent les actions relatives aux droits attachés à la personne du débiteur et notamment les actions qui tendent à la réparation d'un préjudice moral ; qu'il a introduit la présente instance avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'il peut par application de l'article L641-9 alinéa 3 du code de commerce exercer les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur judiciaire ; qu'il n'entre pas dans la mission du liquidateur judiciaire de solliciter la requalification d'un contrat de location gérance, mission qui n'a pas été expressément prévue par le jugement d'ouverture. Il ajoute que seul le liquidateur judiciaire peut se prévaloir du non-respect de la règle du dessaisissement, ce qu'il ne fait pas en l'espèce. Il estime donc avoir le droit d'être partie, à titre personnel, à la présente procédure.

Les consorts [D] soutiennent que seul le liquidateur judiciaire peut exercer les droits et actions relatifs au patrimoine du débiteur ; que ne sont exclus du dessaisissement que les droits attachés à la personne du débiteur c'est à dire les droits d'ordre moral et familial ; que la demande de requalification du contrat de location gérance en bail commercial concerne le patrimoine du débiteur ; que cette demande d'essence patrimoniale ne peut être formée que par le liquidateur judiciaire qui a d'ailleurs repris l'action en requalification dans ses conclusions ; que M. [O] n'a donc pas qualité pour former cette demande.

La SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES ès qualités de liquidateur judiciaire s'en rapporte sur la recevabilité des demandes de M. [O].

La cour rappelle qu'en dépit de son dessaisissement en raison de l'ouverture de la liquidation, la personne placée en liquidation conserve la qualité pour faire valoir ses droits propres et donc participer à la procédure. A ce titre elle peut demander réparation de son préjudice personnel, et le liquidateur intervenant à ses côtés poursuivre la procédure tendant à la requalification de son contrat.

Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable les demandes de M. [O] tendant à la requalification de son contrat et le confirmer en ce qu'il a déclaré recevable ses demandes de réparation de son préjudice personnel et d'indemnités en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour relève que M. [O] demande en cause d'appel, à titre subsidiaire, si la cour devait considérer le contrat en date du 3 octobre 1994 comme un contrat de location-gérance, de voir dire que le contrat de location-gérance est nul par application des dispositions des articles L121-1 et L144-10 du code de commerce, aux motifs que lors de sa conclusion, M. [D] n'était pas propriétaire du fonds de commerce qui appartenait à son épouse et que celle-ci bien qu'inscrite au registre du commerce, n'accomplissait pas des actes de commerce à titre habituel.

Les consorts [D] exposent que cette demande est irrecevable puisqu'elle concerne le patrimoine du débiteur et qu'elle est nouvelle comme étant formée en cause d'appel.

La demande subsidiaire de M. [O] de nullité du contrat de location gérance ainsi les demandes subséquentes de remboursement des sommes versées depuis 1994 au titre des redevances, loyers commerciaux, loyers du studio et du dépôt de garantie, constitue une demande nouvelle en cause d'appel, puisqu'elles ne tendent pas au même but que l'instance initiale. Elles seront donc déclarées irrecevables.

Sur la prescription de la demande de requalification du contrat de location gérance

La SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES en qualité de liquidateur judiciaire s'en remet à la justice sur la prescription biennale invoquée par les consorts [D].

Les consorts [D] sollicitent la confirmation du jugement qui a accueilli leur fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale instituée par l'article L145-60 du code de commerce. Ils exposent que le délai de prescription court à compter de la signature du contrat de location-gérance, peu important les renouvellements successifs ; qu'en conséquence l'action en requalification est prescrite depuis le 3 octobre 1996.

La cour rappelle que la demande qui tend à la reconnaissance du statut des baux commerciaux est soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce. Le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d'une convention en bail commercial court à compter de la date de la conclusion du contrat, peu important que celui-ci ait été renouvelé par avenants successifs.

Le contrat de location-gérance dont la requalification en bail commercial est demandée est le contrat passé le 3 octobre 1994 entre M. et Mme [D] d'une part et M. [O] d'autre part.

Toutefois, la cour relève que M. [O] soutient dans ses écritures que la requalification en bail commercial qu'il sollicite n'est pas soumise à prescription biennale au motif que le juge n'est pas tenu par la qualification donnée par les parties et qu'il doit restituer son exacte qualification au contrat conclu entre les parties en application de l'article 12 du code de procédure civile; que ce contrat est depuis l'origine un contrat de bail commercial et qu'il doit donc être qualifié de bail commercial.

La SELALR ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES en qualité de liquidateur judiciaire rappelle dans ses écritures que 'Monsieur [O] en ses écritures d'appel, estime que ce délai de prescription de deux années ne saurait s'appliquer au cas d'espèce, motif pris de ce que le contrat intitulé contrat-gérance libre du 3 octobre 1994 n'aurait pas été un contrat de location gérance, mais bien un contrat de bail commercial et ce dès son origine'.

Il incombe donc à la cour d'examiner préalablement à la demande de prescription biennale les clauses de l'acte conclu entre les parties pour apprécier sa qualification par application de l'article 12 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

La cour relève que l'acte juridique conclu entre les parties le 3 octobre 1996 intitulé 'contrat de gérance libre d'un fonds de commerce connu sous l'enseigne 'LE MINOTAURE' mentionne expressément que le locataire gérant ne peut prétendre au bénéfice et avantage des lois et décrets sur la propriété commerciale ou réglant les baux commercial. Il comprend des clauses qui relèvent des clauses usuelles en matière de location gérance, telle que la durée du contrat qui est d'un an renouvelable par tacite reconduction ; que l'objet du contrat porte sur le fonds de commerce comprenant l'enseigne, le nom commercial, la clientèle et l'achalandage, les différents objets mobiliers, le matériel, l'installation électrique, l'agencement servant à son exploitation et le droit à l'occupation des lieux dans lesquels il s'exploite ; que le locataire gérant a pleine et entière liberté pour la direction et l'exploitation de l'établissement ; qu'il pourra conserver ou s'adjoindre sous sa seule responsabilité tout le personnel nécessaire à sa convenance.

Il s'ensuit que le fait que le contrat stipule que M. [O] règle une redevance et un loyer à M. et Mme [D], lesquels lui louent le fonds de commerce mais sont également propriétaires des murs, n'est pas suffisant pour qualifier le contrat de bail commercial.

La cour relève que la question de l'existence objective d'une clientèle attachée au fonds de commerce n'est pas un élément relevant du pouvoir de qualification de l'acte que tire le juge des dispositions de l'article 12 du code de procédure civile mais est un élément d'appréciation au fond de la reconnaissance ou non du statut des baux commerciaux au bénéfice de M. [O].

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'y a pas lieu de qualifier l'acte de location gérance en bail commercial par application de l'article 12 du code de procédure civile.

Il s'ensuit que la demande de requalification du contrat de location gérance en bail commercial par application du statut des baux commerciaux est bien soumise à la prescription biennale.

Comme l'a retenu le jugement entrepris, le délai de deux ans a commencé à courir à compter du 3 octobre 1994 de sorte que la prescription était acquise le 3 octobre 1996.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a dit que la demande en requalification du contrat de location-gérance en contrat de bail commercial est prescrite et qui a déclaré en conséquence la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES en qualité de liquidateur judiciaire de M. [O] irrecevable en ses demandes en requalification du contrat de location-gérance en contrat de bail commercial et de désignation d'un expert.

Sur les dommages-intérêts réclamés par M. [O] en réparation d'un préjudice moral

M. [O] soutient que M. [D] a fait preuve d'une volonté manifeste de lui nuire, en faisant peser une menace constante sur le maintien de la location-gérance en essayant à plusieurs reprises de dénoncer le contrat de location gérance sans obtenir l'accord de son épouse qui s'y est s'est toujours opposée. Il précise que toujours animé par cette intention de lui nuire, il a, profitant du décès de son épouse survenu en novembre 2011 tenter une nouvelle fois de résilier le contrat de location gérance en lui envoyant une lettre le 15 juin 2012 à cette fin et en lui faisant délivrer, avec ses filles venant aux droits de leur mère, un commandement de payer le 12 juin 2012 visant la clause résolutoire.

Les consorts [D] soutiennent que le dernier courrier de dénonciation du contrat de location gérance envoyé à l'initiative de M. [D] est du 12 juillet 1999 ; que les actions personnelles se prescrivant par cinq ans, l'appelant est prescrit en sa demande. Sur le fond, ils exposent que M. [D] n'a pas été animé d'une volonté de nuire ou d'une jalousie à l'égard du locataire gérant lorsqu'il a pris l'initiative d'envoyer ou de faire envoyer des courriers de résiliation mais il avait été alerté par la mauvaise qualité de la nourriture proposée dans le restaurant et de son manque d'entretien ; qu'il était co-signataire du contrat de location gérance avec son épouse et propriétaire avec elle des murs et pouvait donc agir ainsi.

Par application de l'article 2224 du code civil, 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'.

Le dernier comportement des intimés sur lequel se fonde M. [O] à l'appui de sa demande de dommages et intérêts est constitué par le commandement de payer délivré le 12 juin 2012 ainsi que par la lettre du 15 juin 2012 qui, selon lui, démontrent la volonté persistante des consorts [D] de lui nuire en faisant peser une menace constante sur son maintien dans les lieux.

Il résulte du jugement entrepris que M. [O] a sollicité dans ses conclusions de première instance notifiée le 27 août 2016 la condamnation des consorts [D] à lui payer la somme de 35.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi.

La demande n'est donc pas prescrite.

Mme [O] [D] et Mme [E] [D] en ce qu'elles viennent aux droits de leur mère ne peuvent se voir imputer une faute du fait de cette dernière qui est toujours intervenue en faveur de M. [O] et du maintien de la location-gérance. La délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire en application du contrat de location gérance délivré le 12 juin 2012, postérieurement au décès de leur mère, et la lettre concomitante du 15 juin 2012 dont elles sont signataires avec leur père mettant fin au contrat de location gérance au 30 septembre 2012 ne peuvent être considérés comme témoignant de leur volonté de nuire à l'encontre de M. [O] alors qu'elles avaient qualité à les délivrer en tant qu'ayant droit de leur mère et que tous les autres faits dont se plaint M.[O] se sont produits entre 1996 et 1999 et ne leur sont pas imputables.

Dans ces conditions, seul M. [D] peut voir sa responsabilité personnelle

engagée pour des faits qui lui sont imputables.

Comme l'a relevé le jugement entrepris, il ressort de l'examen des pièces versées aux débats par M. [O] qu'en 1995, 1996 et 1999, M. [D] a pris l'initiative, personnellement ou par l'intermédiaire de son avocat, à plusieurs reprises de notifier à M. [O] la fin du contrat de location-gérance en dépit de l'opposition réitérée à chaque fois par Mme [N] [R] [D], son épouse, qui faisait valoir qu'elle était la seule à pouvoir refuser le renouvellement du contrat de location-gérance. En prenant ces initiatives intempestives, M. [D] a commis une faute qui a fait peser, de manière réitérée, sur M. [O] une incertitude sur le sort du contrat.

En revanche, la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire le 12 juin 2012 et la lettre précitée du 15 juin 2012 ne sont pas constitutifs d'une faute dès lors qu'il ne s'agit pas d'une initiative personnelle et unilatérale de M. [O] comme ont pu l'être les courriers antérieurs et dès lors que ces actes ont été accomplis plus de 10 ans après les autres actes susvisés.

Eu égard à la réitération des actes entre 1995 et 1999, le préjudice moral en résultant pour M. [O] sera donc réparé à hauteur de la somme de 3 500 euros.

Par conséquent le jugement entrepris sera infirmé sur le quantum de la condamnation.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de confirmer la condamnation prononcée par le jugement entrepris au titre de l'article 700 et des dépens de la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES ès qualités de liquidateur judiciaire.

Il ne sera pas fait application en cause d'appel de l'article 700 du code de procédure civile.

La SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES ès qualités de liquidateur judiciaire qui succombe en ses demandes sera condamnée aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement,

Déclare recevable l'appel de M. [O] et l'appel incident de la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [W] [O],

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande formée par M. [O] en requalification du contrat de location gérance, ainsi que les demandes subséquentes et sur le quantum de la condamnation prononcée au titre des dommages et intérêts,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à requalifier le contrat de location gérance en bail commercial en application de l'article 12 du code de procédure civile ;

Dit que la demande de M. [W] [O] de voir dire que le contrat de location gérance est nul et de nul effet ainsi que les demandes subséquentes de remboursement des sommes versées depuis 1994 au titre des redevances, loyers commerciaux, loyers du studio et du dépôt de garantie sont irrecevables,

Dit que la demande de dommages et intérêts formée par M. [W] [O] n'est pas prescrite,

Condamne M. [W] [D] à payer à M. [W] [O] la somme de 3 500 euros à titre de dommages-intérêts,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [W] [O] aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/12764
Date de la décision : 05/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°17/12764 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-05;17.12764 ?
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