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05/06/2019 | FRANCE | N°17/01685

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 05 juin 2019, 17/01685


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 05 JUIN 2019



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/01685 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2QYH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/07791



APPELANTE



Madame [N] [H]

[Adresse 1]

[Localité 5]
>née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 6]



Représentée par Me Richard WETZEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2215





INTIMEE



SASU SRMG 'LE SALON DE PASSY'

[Adresse 4]

[Lo...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 05 JUIN 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/01685 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2QYH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/07791

APPELANTE

Madame [N] [H]

[Adresse 1]

[Localité 5]

née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 6]

Représentée par Me Richard WETZEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2215

INTIMEE

SASU SRMG 'LE SALON DE PASSY'

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Françoise FAVARO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0866

Plaidée par MeNatacha FELIX, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Avril 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bruno BLANC, Président

Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère

M. Olivier MANSION, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Soleine HUNTER FALCK dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur Philippe ANDRIANASOLO

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bruno BLANC, Président et par Caroline GAUTIER, greffière de la mise à disposition, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire

Mme [N] [H], née le [Date naissance 2] 1974 en France, a été engagée par contrat à durée indéterminée par la société SRMG le 1er décembre 2014 en qualité de 'chef d'équipe esthéticienne' statut cadre, niveau 3 échelon 1 à temps complet.

La moyenne mensuelle des salaires de Mme [H] s'établit à 2.712,66€.

La société SRMG 'Le Salon de Passy' qui exploite un salon de coiffure et un institut de beauté de luxe est soumise à la convention collective de la coiffure et des professions connexes du 10 juillet 2006 ; elle comprend plus de 11 salariés.

Mme [H] a été convoqué par lettre du 31 mars 2015 à un entretien préalable fixé le 13 avril 2015 avec mise à pied conservatoire, puis licenciée par son employeur le 17 avril 2015 pour faute grave ; dans les termes suivants :

' Le lundi 30 mars 2015

J'ai tenté en vain de joindre téléphoniquement le Salon à 10h du matin qui est l'heure d'ouverture habituelle. Alors que vous deviez vous trouver à votre poste, personne n'a répondu au téléphone. J'ai été obligée de réitérer plusieurs fois mes appels sans succès. La liste des appels en absence figure sur le poste standard du Salon.

M'inquiétant qu'aucun salarié ne réponde alors que les clients arrivaient pour leurs rendez-vous, j'ai alors consulté à distance la bande vidéo du système de vidéo-surveillance du Salon. Il convient de rappeler que ce système a pour unique but la sécurité des personnes (salariés et clients) présentes au Salon.

J'ai ainsi pu constater que vous étiez en salle de repos, dans une pièce isolée du reste du Salon, alors que vous deviez impérativement vous trouver à l'accueil pour veiller à la sécurité des lieux et pour accueillir les clients.

J'ai donc également pu constater que vous aviez volontairement refusé de prendre mes appels en voyant mon numéro s'afficher. Quand vous avez enfin daigné décrocher le téléphone, vous avez prétexté que vous étiez en ligne avec un client.

A n'en pas douter, ce comportement illustre une mauvaise volonté délibérée dans l'exercice de vos fonctions de 'Chef d'équipe d'esthéticiennes' dans la mesure où vous devez assurer la gestion du Salon en l'absence de la Direction et assurer la sécurité et l'accueil.

Dans l'après-midi, j'ai souhaité évoquer l'épisode de la matinée et faire une mise au point générale avec vous. A cette occasion je voulais vous rappeler à l'ordre concernant votre présentation souvent négligée alors que vous êtes en contact permanent avec la clientèle et que l'article 7 de votre contrat de travail exige une tenue correcte et une présentation impeccable compte tenu des prestations et de la clientèle haute gamme du Salon.

Au lieu d'accepter ces remarques justifiées, vous avez refusé cette discussion et vous êtes immédiatement mise en colère. La situation a dégénéré à votre initiative. Vous avez fait preuve d'insubordination et avez proféré des insultes à mon encontre en me criant que j'étais 'une malade mentale'.

M. [Y] [K], un des salariés du Salon, est arrivé à ce moment-là et vous avez alors tenu ensemble des propos de plus en plus agressifs à mon encontre, en remettant en cause mon autorité et mon intégrité et en empêchant toute forme de dialogue. J'ai été obligée de contacter le commissariat de police le plus proche car j'ai craint pour ma sécurité tant votre violence verbale était grande. Cet appel vous a finalement calmée. J'ai néanmoins déposé une main-courante à ce sujet.

Cette attitude irrespectueuse et violente constitue un acte d'insubordination inacceptable tant au titre des obligations professionnelles que civiles.

Ce comportement inapproprié est d'autant plus inacceptable que vous êtes Manager, en charge donc de la formation et de l'encadrement de vos subordonnés.

Outre l'atteinte à ma personne, vos manquements impactent directement le bon fonctionnement du Salon et le comportement des salariés tant à l'égard de la clientèle qu'à l'égard de la hiérarchie, remettant en cause de manière radicale votre capacité à occuper vos fonctions de chef d'équipe.

D'ailleurs, votre niveau de compétences au poste de chef d'équipe est de nature à aggraver, en termes de responsabilités, l'appréciation que nous avons de votre défaillance.

Le mardi 31 mars 2015

Le lendemain, inquiète pour ma sécurité personnelle compte tenu des évènements de la veille, je me suis présentée au Salon accompagnée de mon mari et d'un agent de sécurité. Je vous ai alors remis un courrier vous notifiant votre mise à pied à titre conservatoire et votre convocation à un entretien préalable et vous ai de ce fait invitée à quitter le Salon immédiatement.

Contre toute attente, vous avez refusé de partir et vous vous êtes opposée à l'agent de sécurité qui vous a demandé à son tour, de quitter les lieux sans toutefois vous y contraindre par la force. Face à votre obstination et votre comportement agressif, j'ai de nouveau dû faire appel aux forces de police qui ont réussi à vous faire partir.

La persistance de votre attitude agressive et irrespectueuse, constitutive d'actes d'insubordination et de fautes managériales, s'ajoute à votre défaut d'implication dans vos fonctions.

Ces faits sont incompatibles avec ce que l'entreprise est en droit d'attendre de la part d'un 'Chef d'équipe d'esthéticiennes'.

Au surplus, votre comportement général et voter agressivité ont eu un impact déplorable sur l'image de marque du Salon de Passy, puisque vos cris et vos insultes ont été entendus jusqu'à l'extérieur du Salon.

Ces faits d'une particulière gravité n'ont fait que renforcer la perte de confiance de la Direction à votre égard qui avait déjà eu à déplorer le fait que vous vous faisiez coiffer gratuitement au Salon sans aucune autorisation alors que votre contrat de travail vous l'interdit.

Les explications et les propos que nous avons recueilli auprès de vous lors de votre entretien préalable du 13 avril 2015 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

En effet, vous n'avez pas semblé prendre la mesure de vos manquements et vous vous êtes contentée de reconnaître que vous aviez du mal à supporter une autorité hiérarchique ayant travaillé à votre compte précédemment et amené votre institut à sa perte.

Nous considérons que vous avez manqué gravement à vos obligations professionnelles essentielles, ainsi qu'à votre mission de chef d'équipe.

Ces faits mettent en cause la bonne marche de l'entreprise et vous comprendrez que la poursuite de votre contrat de travail au sein de l'entreprise s'avère impossible (...)'.

Le 24 juin 2015 le conseil des prud'hommes de Paris a été saisi par Mme [H] en contestation de cette décision, indemnisation des préjudices subis et pour diverses demandes liées à l'exécution du contrat de travail.

La cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté le 22 janvier 2017 par Mme [H] du jugement rendu le 11 janvier 2017 par le conseil de prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 5 qui a :

- débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société SRMG de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la salariée aux dépens.

Vu les conclusions transmises par RPVA le 1er mars 2017 par Mme [H] qui demande à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et de condamner son employeur au paiement de :

- A titre principal :

* 22.344,42 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- A titre subsidiaire :

* 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

- En tout état de cause :

* 5.646,25 € à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et 564,60 € de congés payés afférents,

* 22.344,42 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* Indemnité compensatrice de préavis :

A titre principal : 11.172,21 € et 1.117,20 € de congés payés afférents,

A titre subsidiaire : 8.137,98 € et 813,80 € de congés payés afférents,

* Rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée :

A titre principal : 2.234,44 € et 223,44 € de congés payés afférents,

A titre subsidiaire : 1.627,59 € et 162,75 € de congés payés afférents,

* 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure disciplinaire vexatoire,

* 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance au titre de la rémunération variable 'Prestations de services',

* 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance sur l'intéressement mensuel du chiffre d'affaires 'ventes de produits',

* 6.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail,

* 2.500 € au titre de l'article 700 CPC

- Condamner la société à rembourser à Pôle Emploi les prestations servies à la salariée dans la limite de 6 mois en application de l'article L.1235-4 du Code du travail,

- Ordonner à la société de remettre à la salariée les bulletins de salaire, l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte conformes à la décision à venir et procéder à la régularisation auprès des caisses de retraite, de l'organisme de prévoyance et organismes de sécurité sociale sous astreinte de 200 € par jour de retard dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement à venir,

- Se réserver le droit de liquider l'astreinte,

- Condamner la société défenderesse aux entiers dépens.

Vu les conclusions transmises par RPVA le 28 avril 2017 par la Société SRMG qui demande de confirmer le jugement, fixer la moyenne des salaires de Mme [H] à la somme de 2.712,66 €, de débouter l'appelante de toutes ses demandes et de condamner Mme [H] à payer la somme de 5.000 € pour frais irrépétibles.

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 26 mars 2019,

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

A l'issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 5 juin 2019.

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du licenciement :

Sur la date de la mise à pied conservatoire :

Mme [H] soutient qu'elle a été victime d'une agression sur son lieu de travail le 31 mars 2015, constitutive d'un accident de travail. Elle fait valoir que la mise à pied lui a été notifiée après cette agression, soit en date du 31 mars 2015 et non du 30 mars 2015. Elle fait valoir que la CPAM a reconnu le caractère professionnel de l'accident survenu sur le lieu de travail par décision du 26 octobre 2015 et que cette reconnaissance, en plus d'être un élément de preuve permettant aux juges de se prononcer sur le caractère professionnel de l'arrêt de travail, a un caractère définitif, peu important les actions en contestation de l'employeur. La salariée soutient que son licenciement, prononcé par courrier du 14 avril 2015 est nul et sans effet car prononcé pendant la période de protection liée aux accidents de travail.

La société SRMG soutient que cet accident, déclaré par Mme [H] est survenu au moment où elle ne se trouvait plus sous la dépendance de son employeur car sa mise à pied à titre conservatoire en vue de son licenciement éventuel lui a été notifiée le 30 mars 2015, de manière verbale et qu'à partir de cette notification, elle ne devait plus se trouver sur son lieu de travail. Elle fait valoir que le TASS, par jugement du 27 décembre 2016, a jugé que Mme [H] n'était plus sous la subordination de son employeur le 31 mars 2015 car elle faisait l'objet d'une mise à pied conservatoire qui suspendait son contrat de travail. En effet, la société soutient que la mise à pied conservatoire n'est soumise à aucun formalisme, l'employeur pouvant la prononcer oralement avec effet immédiat. De plus, l'employeur oppose que Mme [H] reconnait dans sa plainte pénale du 31 mars 2015 qu'elle était informée de sa mise à pied dès le 30 mars 2015. La mise à pied étant antérieure à son arrêt de travail, le licenciement de Mme [H] est parfaitement fondé et ne peut être frappé de nullité.

Le contrat de travail d'un salarié victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie. Au cours de ces périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie. Le licenciement d'un contrat de travail effectué en méconnaissance de cette disposition ainsi que la rupture d'un commun accord ou la rupture conventionnelle intervenue dans ces circonstances sont nuls.

La protection bénéficie à tout salarié dont le contrat de travail est suspendu du fait d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle, mais encore faut-il que l'employeur ait été informé de la suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle avant l'envoi de la lettre de licenciement.

Un accident n'a un caractère professionnel que s'il est survenu par le fait ou à l'occasion du travail. Si le contrat est en cours d'exécution au moment de l'accident, il y a présomption d'imputabilité de l'accident du travail. Celle-ci ne s'applique pas en revanche si le contrat de travail est suspendu au moment de l'accident, le salarié ayant néanmoins la possibilité d'apporter la preuve que l'accident est dû « par le fait du travail ».

Dans son jugement, le conseil de prud'hommes de Paris a estimé qu'il ressortait des pièces versées aux débats et en particulier des propres déclarations de Mme [H] dans la plainte déposée le 31 mars 2015, que dès le jour précédent, M. [K] et elle-même s'étaient bien vus signifier une mise à pied, qu'ils avaient refusé d'être mis dans cette situation et étaient retournés néanmoins sur leur lieu habituel de travail le lendemain matin. Il a estimé qu'en conséquence, le 31 mars 2015, Mme [H] ne se trouvait plus sous la subordination juridique de son employeur en raison de la mise à pied qui lui avait été notifiée et que tout accident survenu à compter de cette notification ne pouvait recevoir la qualification d'accident de travail sauf à démontrer que cet accident était du « par le fait du travail », ce que la demanderesse n'était pas en mesure d'établir.

Le conseil de prud'hommes de Paris a donc estimé que Mme [H] ne pouvait pas revendiquer la protection particulière accordée à la victime d'un accident du travail dans ses rapports avec la société SMRG et qu'elle n'était donc pas fondée à lui demander de reconnaître la nullité du licenciement.

Mme [N] [H] verse aux débats :

- la mise à pied conservatoire notifiée par courrier en date du 31 mars 2015,

- un courrier de la Présidente, Mme [P], faisant état des évènements du 30 mars 2015 et précisant qu'elle a été contrainte de notifier la mise à pied conservatoire de Mme [H] le lendemain,

- le procès-verbal de la police produit par l'intimée confirmant la mise à pied du 31 mars 2015,

- le reçu pour solde de tout compte faisant état d'une période de mise à pied conservatoire du 1er au 17 avril 2015,

- le bulletin de paie d'avril 2015, sur lequel les journées du 30 et du 31 apparaissant réglées,

- le compte rendu de l'entretien préalable où Mme [P] rappelle qu'elle a notifié les mises à pied le lendemain du 30 mars 2015,

- la lettre de licenciement qui ne fait pas état d'une mise à pied conservatoire le 30 mars 2015 mais le 31 mars 2015,

De son côté, l'employeur verse aux débats :

- la plainte pénale déposée par Mme [H] le 31 mars 2015, dont les propres déclarations font état d'une mise à pied en date du 30 mars 2015,

le jugement du 27 décembre 2016 du TASS qui a jugé que « Mme [H] n'était plus sous la subordination juridique de son employeur le 31 mars 2015, dès lors qu'elle faisait l'objet d'une mise à pied conservatoire qui suspendait son contrat de travail. La matérialité de l'accident n'est donc pas établie puisque l'accident n'est donc pas survenu au temps et au lieu de travail »,

- la notification de prise en charge d'accident du travail par la CPAM en date du 26 octobre 2015, soit plus de cinq mois après le licenciement, l'employeur n'avait donc aucune connaissance du sinistre déclaré par la salariée,

- l'évènement de main courante du 31 mars 2015 qui ne rapporte aucune violence, blessure ou événement ayant porté atteinte à la santé de Mme [H].

Il en résulte que, malgré les déclarations de Mme [H] dans sa plainte, la mise à pied apparaît, sur tous les documents versés aux débats, comme notifiée le 31 mars 2015 et non pas le 30 mars 2015; lors de l'accident, la salariée était donc toujours sous la subordination juridique de l'employeur. De surcroît, l'accident survenu sur le lieu de travail le 31 mars 2015 a été reconnu comme un accident de travail par la CPAM par une décision du 26 octobre 2015. Dès lors, la salariée a été licenciée pendant la période de protection liée aux accidents de travail. Partant, l'employeur doit justifier d'une faute grave de la salariée ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

Sur la faute grave :

La lettre de licenciement fixe les limites du litige. Dès lors que l'employeur et le salarié sont d'accord pour admettre que le contrat de travail a été rompu, chacune des parties imputant à l'autre la responsabilité de cette rupture, il incombe au juge de trancher le litige en décidant quelle est la partie qui a rompu.

Il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur. En principe, la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du motif n'incombe pas spécialement à l'une ou à l'autre des parties. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; les fait invoqués doivent être matériellement vérifiables ; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. Le doute sur la réalité des faits invoqués doit profiter au salarié.

La faute grave est entendue comme la faute imputable au salarié constituant une violation de des obligations découlant de son contrat de travail ou de ses fonctions, qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis et impose son départ immédiat ; les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l'entreprise. Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre des parties, il revient en revanche à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié ; en cas de doute il profite au salarié.

Lorsque qu'une faute grave n'est pas caractérisée, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l'employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le contrat de travail d'un salarié victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie. Au cours de ces périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie. Le licenciement d'un contrat de travail effectué en méconnaissance de cette disposition ainsi que la rupture d'un commun accord ou la rupture conventionnelle intervenue dans ces circonstances sont nuls.

Dans son jugement, le conseil de prud'hommes de Paris a estimé que le comportement de Mme [H] le 30 mars 2015 est fautif et revêt un caractère de gravité dans la mesure où elle a tenu des propos extrêmement violents à l'endroit de la Présidente de la société et a fait de manière répétée preuve d'insubordination et s'est employée à entraîner M. [K] dans un affrontement avec cette dernière au point de précipiter le licenciement de ce dernier qui doit, compte tenu des circonstances, être considéré sans cause réelle et sérieuse alors que celui de Mme [H] est parfaitement justifié.

Mme [H] soutient que son licenciement est nul car prononcé durant la période de protection liée aux accidents de travail et que son comportement n'est pas constitutif d'une faute grave. Elle fait valoir qu'elle n'a pas refusé de prendre les appels téléphoniques de son employeur de manière volontaire mais qu'elle n'a pas pu y répondre car elle était déjà en ligne avec une cliente et qu'elle devait s'occuper des clients qui allaient arriver pour leurs rendez-vous.

La salariée conteste avoir tenu des propos insultants le 30 mars 2015 et soutient que les allégations sont mensongères. Elle fait valoir que la société ne verse aucun élément de nature à démontrer la réalité des insultes prétendument proférées.

Concernant les faits reprochés en date du 31 mars 2015, Mme [H] soutient qu'elle s'est vue refuser l'entrée du salon sans aucune explication et elle conteste avoir tenu des propos agressifs et irrespectueux. De plus, elle fait valoir qu'elle n'a commis aucun acte d'insubordination car les évènements se sont déroulés sans que le personnel du salon ne soit présent. Elle oppose que c'est Mme [P] qui a eu un comportement particulièrement violent et déloyal à son égard car elle est venue avec son mari et un « homme de main » afin de l'empêcher de rentrer dans le salon. Elle soutient que ce dernier l'a violenté. Elle soutient que l'attestation de Mme [F] n'a pas été fait sous sa contrainte mais qu'en revanche, celle rédigée en faveur de Mme [P] a été rédigée sous la contrainte de cette dernière. En tout état de cause, Mme [H] fait valoir que l'employeur ne démontre pas la réalité des griefs et ne verse aucun élément de nature à vérifier la matérialité des faits.

La salariée fait valoir que le « manquement à ses obligations personnelles » ne figure pas dans la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige et qu'il ne s'agit pas de « circonstances de fait » concernant le motif du licenciement circonscrit dans la lettre de licenciement, l'employeur ne peut donc pas les invoquer.

La société SRMG oppose que, lors de la mise au point du 30 mars 2015, Mme [H] s'est énervée et a refusé tout dialogue avec son employeur, que M. [K] est arrivé à ce moment-là et qu'ils se sont livrés à des invectives et des menaces à son encontre.

Concernant les faits reprochés à la salariée en date du 31 mars 2015, la société SRMG société soutient que Mme [H] a bien commis un acte d'insubordination, en refusant de s'exécuter et de quitter les lieux. Elle oppose que Mme [H] n'a pas été agressée par l'agent de sécurité présent, faisant état du rapport d'intervention de police qui ne rapporte aucune violence, aucune blessure ni aucun évènement ayant porté atteinte à la santé de Mme [H]. Elle oppose que Mme [H] a bien commis un acte d'insubordination, en refusant de s'exécuter et de quitter les lieux, caractérisant une faute grave, le personnel étant bien présent puisque M. [K] et Mme [F] ont attesté des évènements.

De plus, la société SRMG soutient que Mme [H] ne remplissait pas correctement ses obligations contractuelles, préférant appliquer ses propres préceptes pour obtenir des sommes complémentaires sur son salaire chaque mois, manquait de rigueur et de sérieux, avait souvent une présentation négligée et s'octroyait de nombreux soins gratuits.

L'employeur pour justifier des griefs invoqués dans la lettre de licenciement produit aux débats, outre les documents contractuels :

- les relevés d'appels téléphoniques du 30 mars 2015 faisant état d'un certain nombre d'appels manqués entre 10h19 et 10h40

- la déclaration de main courante de Mme [P] du 11 avril 2015, rapportant les faits du 30 mars 2015,

- l'évènement de main courante du 31 mars 2015 à 10h25 faisant état d'une intervention de la police sur les lieux : les deux employés ont acceptés de quitter les lieux sans difficulté et pas de faits de violence rapportés,

- un courrier de Mme [S] [F], employée du salon en date du 15 juin 2015, informant Mme [P] que Mme [H] lui a demandé de produire une attestation contre elle,

- une attestation de Mme [S] [F] en date du 22 février 2016 faisant état de pressions subies par Mme [H], qui lui a préparé un texte afin qu'elle le recopie. Elle dit regretter avoir écrit des choses fausses et est restée à l'accueil le matin du 31 mars 2015, elle n'a pas entendu de cri ou de bruit,

- une attestation de Mme [U], affirmant que Mme [H] lui a demandé de rédiger une attestation contre Mme [P], ce qu'elle a refusé.

De son côté, Mme [H] verse aux débats :

- un courrier de M. [K] en date du 23 avril 2015, contestant son licenciement, concordant avec les faits allégués par Mme [H],

- le compte rendu de l'entretien préalable en date du 13 avril 2015, ne rapportant pas de comportement agressif de la part de Mme [H],

- une attestation de Mme [F], employée au Salon Passy en date du 27 mai 2015 affirmant que Mme [P] faisant régner une ambiance de peur et de soumission au sein du Salon et que le lundi 31 mars 2015, elle a constaté la présence d'un homme étranger et du mari de Mme [P] qui a dit : « nous continuerons d'employer la force pour vous faire sortir »,

Les attestations de Mme [F] versées aux débats ont été rédigées pour les deux parties et se contredisent, dès lors, elles doivent être écartées des débats. De surcroît, l'attestation rédigée par Mme [F] pour l'employeur ne fait pas état d'un quelconque comportement fautif de Mme [H] et ne permet pas d'établir la matérialité des griefs invoqués par l'employeur.

Par suite, le licenciement de Mme [H] doit être déclaré comme abusif et le jugement en cause infirmé,

Si les éléments de fait démontrent une tension au moment de la notification de la mise à pied conservatoire, ils ne permettent pas de déduire que la procédure s'est faite dans des circonstances vexatoires ouvrant droit à indemnisation. De surcroit, l'existence d'un préjudice n'est pas démontré.

Mme [H] n'apporte pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés permettant d'étayer sa demande de rappel de salaires au titre d'heures supplémentaires, par suite, celle-ci sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 11 janvier 2017 en ce qu'il a débouté Mme [N] [H] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et en ce qu'il a débouté la SAS SRMG de sa demande relative à l'article 700 du Code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement de Mme [N] [H] nul,

Condamne la SAS SRMG à payer à Mme [N] [H] les sommes suivantes :

- 22.344,42 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 8.137,98 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 813,80 € à titre de congés payés y afférents,

- 1.627,59 € à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

- 162,75 € à titre de congés payés y afférents.

Rejette les autres demandes ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Société SRMG à payer à Mme [H] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Société SRMG aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 17/01685
Date de la décision : 05/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°17/01685 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-05;17.01685 ?
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