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29/05/2019 | FRANCE | N°15/13015

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 29 mai 2019, 15/13015


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 29 Mai 2019

(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/13015 - N° Portalis 35L7-V-B67-BXVQV



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 12/04348





APPELANTE



SAS ORLY FLIGHT SERVICES

[Adresse 3]

N° SIREN : 428 722 151
>représentée par Me Antonio SARDINHA MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0300





INTIMÉS



Monsieur [G] [R]

[Adresse 4]

représenté par Me Latifa MASKROT EL IDRISSI, avocat ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 29 Mai 2019

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/13015 - N° Portalis 35L7-V-B67-BXVQV

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 12/04348

APPELANTE

SAS ORLY FLIGHT SERVICES

[Adresse 3]

N° SIREN : 428 722 151

représentée par Me Antonio SARDINHA MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0300

INTIMÉS

Monsieur [G] [R]

[Adresse 4]

représenté par Me Latifa MASKROT EL IDRISSI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0025

SAS ALYZIA

[Adresse 2]

N° SIREN : 484 821 236

représentée par Me Cédric JACQUELET, avocat au barreau de PARIS, toque : J043 substitué par Me Paul ROMATET, avocat au barreau de PARIS, toque : J 43

SAS ALYZIA ORLY RAMP (NOM COMMERCIAL DE LA SOCIETE A.O.P)

[Adresse 1]

N° SIREN : 538 778 523

représentée par Me Cédric JACQUELET, avocat au barreau de PARIS, toque : J043 substitué par Me Paul ROMATET, avocat au barreau de PARIS, toque : J 43

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne BERARD, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre

Mme Anne BERARD, Présidente de chambre

Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Greffier : Mme Clémence UEHLI, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente et par Madame Pauline MAHEUX, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE.

M. [R] a été embauché par la société Orly Flight Services (OFS) le 16 avril 2008 par contrat de travail à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2009, en qualité d'assistant de piste, coefficient 175.

Il a ensuite été promu chef d'équipe, coefficient 200, le 1er mars 2012.

La convention collective applicable est celle des personnels au sol des entreprises de transport aérien.

Le 25 avril 2012, la société OFS a été avisée de la perte du marché d'assistance en escale sur la plate-forme aéroportuaire d'[Localité 5] des avions de la société Tunisair au profit de la société Alysia, à compter du 13 mai 2012, délai reporté au 28 mai 2012.

Par courrier du 22 mai 2012, la société OFS a notifié à M. [R] le transfert de son contrat de travail à la société Alyzia à compter du 29 mai 2012.

Par courrier du 26 juillet 2012, la société Alyzia Orly Ramp (AOP), filiale de la société Alyzia, a notifié à M. [R] le transfert de son contrat de travail en son sein à compter du 1er juillet 2012.

Le 17 décembre 2012, M. [R] et six autre salariés dont les contrats de travail avaient fait l'objet des deux mêmes transfert successifs ont saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, notamment en contestation de la validité de ces transferts et paiement d'indemnités subséquentes.

Par lettre du 15 mai 2015, M. [R] a mis fin à son contrat de travail à effet au 1er juin 2015.

M. [R] a également saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny de la requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement de départage du 20 novembre 2015, le conseil de prud'hommes de Bobigny a jugé:

- que le transfert conventionnel du contrat de travail de M. [R] de la société OFS à la société Alyzia s'analysait comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société OFS à payer :

- 3 106,96 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 310,70 € de congés payés y afférents,

- 9 320,88 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 2 002,59 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- que le transfert de ce contrat de la société Alyzia à sa filiale la société AOP s'analysait comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Alyzia à payer :

- 5 006,44 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 500,65 € de congés payés y afférents,

- 15 019,44 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 2 086,03 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- que la rupture par M. [R] le 15 mai 2015 de son contrat de travail avec la société AOP à compter du 1er juin 2015 est une démission.

Il a condamné in solidum les sociétés OFS et Alyzia à payer à M. [R] 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, débouté M. [R] du surplus de ses demandes et débouté les sociétés OFS, Alyzia et AOP de leurs demandes reconventionnelles.

Le 16 décembre 2015, la société OFS a régulièrement interjeté appel.

Par conclusions auxquelles la cour fait expressément référence, visées par le greffe et développées oralement à l'audience du 25 mars 2019, la société OFS demande à la cour :

- d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes de Bobigny concernant les chefs de condamnation de la société OFS,

- de confirmer la décision du Conseil de prud'hommes de Bobigny concernant les chefs de demande de M. [R] dont il a été débouté,

- de débouter M. [R] de toutes ses demandes complémentaires,

- de le condamner à lui verser 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions auxquelles la cour fait expressément référence, visées par le greffe et développées oralement à l'audience du 25 mars 2019, M. [R], dans le dispositif de ses écritures, demande de confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions et, par ailleurs, de condamner les sociétés appelantes in solidum à payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il forme par ailleurs dans le corps de ses écritures les demandes suivantes :

- Au titre du licenciement intervenu le 29 Mai 2012, condamnation la société OFS à lui verser:

- 2.503,24€ au titre de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

- 5.006,48€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 500,64€ au titre des congés payés afférents,

- 2.002,59€ au titre d'une indemnité conventionnelle de licenciement,

- 60.077,76€ au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 30.038,88€ de dommages et intérêts pour mauvaise foi et manquements de l'employeur à ses obligations et préjudices distincts,

Au titre du licenciement intervenu le 26 juillet 2012, condamnation solidaire de la société Alyzia à lui verser,

- 2.503,24€ au titre de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

- 5.006,48€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 500,64€ au titre des congés payés afférents,

- 2.086,03€ au titre d'une indemnité conventionnelle de licenciement, ,

- 60.077,76€ au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 30.038,88€ de dommages et intérêts pour mauvaise foi et manquements de l'employeur à ses obligations et préjudices distincts,

Au titre du licenciement intervenu le 5 mai 2015, condamnation de la société AOP à lui verser,

- 2.503,24€ au titre de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

- 5.006,48€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 500,64€ au titre des congés payés afférents,

- 4.422,37€ au titre d'une indemnité conventionnelle de licenciement,

- 60.077,76€ € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 30.038,88€ de dommages et intérêts pour mauvaise foi et manquements de l'employeur à ses obligations et préjudices distincts,

- 30.038,88€ de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- rappel de salaire (mise à pied de 3 jours) de 268,20€, outre 26,82€ de congés payés afférents,

- retrait de l'avertissement sous astreinte définitive de 500€ par jour de retard.

Par conclusions auxquelles la cour fait expressément référence, visées par le greffe et développées oralement à l'audience du 25 mars 2019, les sociétés Alyzia et AOP demandent d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner aux dépens.

MOTIFS

Sur le transfert du contrat de travail de la société OFS à la société Alyzia

L'article L. 1224-1 du code du travail dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

En l'espèce, au terme d'un processus de renégociation des conditions de sous-traitance de leurs prestations d'assistance en escale et suite au lancement d'un appel d'offre, la compagnie Tunisair a retenu la candidature de la société Alyzia, concurrente de la société OFS, qui devenait donc titulaire de ce marché.

La mise en oeuvre de ce mécanisme suppose un accord préalable entre les entreprises entrante et sortante sur les effectifs requis pour les besoins de l'activité, puis sur l'identification des salariés affectés au marché concerné, et ce, en vertu des dispositions de l'annexe VI de la convention collective des entreprises de transport aérien - personnel au sol, du 11 juin 2002.

De part et d'autre de la barre, il n'est pas discuté que le transfert opéré entre les sociétés OFS et Alyzia est un transfert conventionnel.

Lorsque les conditions prévues à l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail d'un salarié d'une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans son accord exprès, lequel ne peut résulter de la seule poursuite du travail.

Il résulte des dispositions de l'annexe VI à la convention collective des entreprises de transport aérien - personnel au sol, du 11 juin 2002, relative au transfert de personnel entre entreprises d'assistance en escale que dès lors qu'une entreprise devient titulaire du marché d'assistance en escale ou d'un contrat commercial d'assistance, elle s'engage à reprendre le personnel affecté à cette activité, peu important la cause de cette mutation.

L'article 3 de l'annexe VI prévoit que : 'le salarié qui accepte son transfert prend les conditions de travail de l'entreprise entrante [...] et les règles de gestion de la nouvelle entreprise s'appliquent à l'ensemble du personnel. [...]

Il est procédé par l'entreprise entrante à un avenant au contrat de travail [...].'

Il est établi que la société OFS a informé les salariés concernés du transfert de leur contrat de travail au sein de la société Alyzia à compter du 29 mai 2012, leur précisant qu'ils cesseront de faire partie des effectifs de la société OFS le 28 mai 2012.

L'acceptation par le salarié du transfert de son contrat de travail ne pouvant résulter de la simple poursuite du travail et aucun avenant n'ayant été régularisé par la société Alyzia, la preuve du consentement exprès de M. [R] au transfert de son contrat de travail au sein de la société Alyzia n'est donc pas rapportée.

Dès lors, le transfert est irrégulier, sans qu'il ne soit besoin d'examiner la régularité de l'information et consultation des instances représentatives du personnel.

La société OFS ayant dès lors mis fin au contrat de travail de manière irrégulière, cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient donc de confirmer le jugement de ce chef.

Sur le transfert du contrat de travail de la société Alyzia à la société Alyzia Orly Ramp

L'article L. 1224-1 du code du travail dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Cette disposition s'applique à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise même en l'absence d'un lien de droit entre les employeurs successifs.

Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuite un objectif propre.

Dès lors que les conditions de l'article L. 1224-1, qui est d'ordre public et s'impose aux parties, sont remplies, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit avec le nouvel employeur.

Il est constant que la société Alyzia a restructuré ses activités et transféré l'activité de ses établissements, notamment celui d'[Localité 5], à différentes filiales, chacune spécialisée dans une des branches de l'assistance en escale (piste, passage, trafic) et dédiée à un site, [Localité 5] ou [Localité 6].

Cette restructuration est cependant intervenue antérieurement au transfert du contrat de travail.

Il résulte en effet des extraits k-bis produits au débat que ces filiales ont été créées en décembre 2011.

Il est par ailleurs établi que dès le 9 janvier 2012, la société Alyzia a informé le comité central d'entreprise du projet de réorganisation de ses activités et du transfert des salariés au sein des différentes filiales.

La société Alyzia ne produit aucune pièce pour justifier que le transfert d'activité aux filiales ne serait intervenu que postérieurement au 29 mai 2012, date du transfert du contrat de travail de M. [R] à la société Alyzia.

Dès lors, le transfert du contrat de travail de M. [R] de la société Alyzia à sa filiale AOP ne relève pas de l'article L. 1224-1 du code du travail et l'accord du salarié était nécessaire.

Or, l'acceptation par le salarié du transfert de son contrat de travail ne saurait résulter de la simple poursuite du travail et aucun élément ne démontre que le salarié y a expressément consenti.

Le transfert est donc irrégulier.

La société Alyzia ayant mis fin au contrat de travail de manière irrégulière, cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient donc de confirmer le jugement de ce chef.

Sur les demandes liées à l'irrégularité des transferts

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur l'indemnité due par la société OFS

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail en sa version applicable à l'espèce, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. La convention collective des entreprises de transport aérien - personnel au sol ne prévoit aucune disposition particulière à ce titre.

Au moment du transfert de son contrat à la société Alyzia, M. [R] justifie de plus deux ans d'ancienneté. Il est constant qu'il avait un salaire mensuel moyen de 1 553,48 euros au 29 mai 2012, au moment de sa rupture avec la société OFS et ne justifie pas d'élément caractérisant un préjudice supérieur à 6 mois de salaire.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société OFS à verser la somme de 9 320,88 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur l'indemnité due par la société Alyzia

Il n'est pas débattu qu'une relation de travail s'est nouée entre la société Alyzia et M. [R] à compter du 29 mai 2012, caractérisée par le paiement d'une rémunération, l'existence d'un lien de subordination juridique et la fourniture d'une prestation de travail .

Cette relation de travail s'est cependant nouée en l'absence de transfert du contrat de travail existant avec le précédent employeur. Dès lors, le salarié ne peut prétendre à la reprise d'ancienneté qui aurait été attachée au transfert.

Aux termes de l'article L. 1235-5 du code du travail en sa version applicable à l'espèce, si le salarié a moins de deux ans d'ancienneté, il a droit à une indemnisation à hauteur de son préjudice.

La convention collective des entreprises de transport aérien - personnel au sol ne prévoit aucune disposition particulière à ce titre.

Le salarié percevait un salaire mensuel de 2 503,24 euros au 1er juillet 2012, lors de sa rupture avec la société Alyzia

La relation de travail entre le salarié et la société Alyzia a duré à peine plus d'un mois, période à l'issue de laquelle une relation de travail s'est immédiatement nouée avec un troisième employeur.

Dans ce contexte, il sera alloué à M. [R] une indemnité de 500€ en réparation de son préjudice, avec intérêt au taux légal à compter du jugement entrepris, en application de l'article 1231-7 du code civil.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

L'article 20 de la convention collective des entreprises de transport aérien - personnel au sol prévoit qu'en cas de licenciement hors faute grave et faute lourde, les salariés disposant d'une ancienneté de 1 an à 5 ans bénéficient d'une indemnité égale à 1/5 de mois par année de présence à compter de la date d'entrée dans l'entreprise.

Sur l'indemnité due par la société OFS

M. [R] bénéficie d'une ancienneté de 4 ans et 1 mois au moment de la rupture de son contrat de travail avec la société OFS.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce point et de condamner la société OFS à verser la somme de 1 268,68 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2013, date de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Sur l'indemnité due par la société Alyzia

M. [R] ne justifie pas d'une ancienneté lui ouvrant droit à indemnité au moment de la rupture de son contrat de travail avec la société Alyzia.

Il sera débouté de sa demande à l'encontre de la société Alyzia.

Le jugement entrepris sera infirmé de ces chefs.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

L'article 15 de l'annexe III de la convention collective applicable disposant que sauf cas de force majeure ou de faute grave, la durée du préavis est fixée à 1 mois en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur si le salarié justifie d'une ancienneté de moins de 2 ans et à 2 mois si le salarié justifie d'une ancienneté d'au moins 2 ans.'

Sur l'indemnité due par la société OFS

Le transfert irrégulier du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au paiement de son préavis correspondant à 2 mois de salaire.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société OFS à verser la somme de 3 106,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 310,70 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité due par la société Alyzia

Le transfert irrégulier du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au paiement de son préavis correspondant à 1 mois de salaire.

La société Alyzia sera condamnée à verser la somme de 2.503,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 250,32 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2013.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour non-respect de la procédure

A l'égard de la société OFS

Si lorsque le licenciement a été notifié, sans que la procédure requise n'ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le salarié peut obtenir une indemnité en application de l'article L. 1235-2 du code du travail, tel n'est pas le cas en l'espèce. L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumulant pas avec l'indemnité pour irrégularité de la procédure M. [R] sera débouté de sa demande à ce titre.

A l'égard de la société Alyzia

L'article L. 1235-5 du code du travail énonce, notamment, que ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2.

Par ailleurs, le salarié ne caractérise ni ne justifie d'aucun préjudice.

Le salarié sera donc débouté de sa demande d'indemnisation pour non-respect de la procédure de licenciement.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour manquements de l'employeur à ses obligations et préjudice distinct

S'agissant des demandes indemnitaires dirigées à ce titre contre les sociétés OFS et Alyzia, M. [R] soutient que son contrat de travail a été modifié sans son accord à la suite du transfert entre la société OFS et la société Alyzia, au motif qu'il a été cantonné à des tâches de simple manutention. Il ne produit aucun élément au soutien de ses allégations et ne caractérise ni ne justifie d'aucun autre préjudice.

Il sera débouté de ses demandes.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la nullité de l'avertissement du 4 septembre 2012

Par lettre du 4 septembre 2012, la société AOP a notifié à M. [R] un avertissement pour des faits commis le 10 août 2012 au motif que celui-ci a quitté son poste de travail à 22h25 sans autorisation préalable et sans avoir signé la feuille d'émergement, alors que sa vacation finissait à 23h.

M. [R] a contesté cette sanction disciplinaire suite à la réception du courrier de son employeur.

Il ne nie pas les faits mais précise que son supérieur hiérarchique lui avait demandé d'assurer la gestion d'un vol arrivant à 22h27 pour un départ à 23h27 ce qui reviendrait à lui imposer une heure supplémentaire de travail. Le salarié ajoute que, lui notifiant son désaccord, il a préféré quitter son poste pour ne pas envenimer la situation.

Les heures supplémentaires relèvent du pouvoir de direction de l'employeur et le salarié ne peut refuser de les exécuter sans motif légitime. A défaut, M. [R] ne pouvait refuser d'exécuter une tâche et quitter son poste de travail sans autorisation.

Par conséquent, l'avertissement est justifié.

P1 sera débouté de sa demande de retrait de la sanction sous astreinte.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la nullité de la mise à pied disciplinaire notifiée le 17 mars 2015

Par lettre du 17 mars 2015, la société AOP a notifié à M. [R] une mise à pied disciplinaire de 3 jours pour des faits commis le 9 février 2015 au motif que le salarié est monté en porte d'embarquement sans titre d'accès et a tenu des propos insultants vis-à-vis du chef d'escale de la société cliente Tunisair qui lui demandait de quitter cette zone.

M. [R] a contesté cette sanction disciplinaire suite à la réception du courrier de son employeur.

Si le salarié nie avoir tenu des propos insultants, il est établi que celui-ci se trouvait sans titre d'accès en porte d'embarquement et qu'une altercation a eu lieu avec le chef d'escale.

Il est par ailleurs établi que M. [R] avait fait l'objet de deux autres sanctions disciplinaires, celles-ci non-contestées par le salarié :

- un avertissement du 21 décembre 2012 pour des retards, absence injustifiée et départ anticipé du poste ;

- mise à pied disciplinaire d'une journée notifiée le 13 août 2013, pour un départ anticipé alors que le salarié se trouvait en intervention, laissant ainsi ses collègues sans les outils de travail appropriés et sans justification donnée à son supérieur hiérarchique, en adoptant une attitude d'extrême désinvolture.

Ainsi, au regard des sanctions précédemment infligées au salarié et de la persistance de son comportement, il apparaît que la mise à pied disciplinaire qui lui a été notifiée est justifiée et proportionnée aux faits établis.

M. [R] sera débouté de sa demande de nullité de cette sanction et de ses demandes de rappels de salaire et de dommages et intérêt subséquentes.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le salarié considère que l'ensemble des faits évoqués précédemment (transferts irréguliers, rétrogradation et sanctions disciplinaires injustifiées) participe d'un processus de harcèlement moral.

Cependant, seule l'irrégularité des transferts étant établie, les éléments produits pris dans leur ensemble ne permettent pas de présumer une situation de harcèlement moral.

M. [R] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts subséquente.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail avec la société AOP

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. La démission peut être verbale et se déduire des circonstances entourant cette décision.

La démission ne se présume pas et c'est à celui qui l'invoque de l'établir. La démission ne peut résulter du seul comportement du salarié, si ce comportement ne révèle pas une volonté claire et non équivoque de démissionner.

Lorsqu'un salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient au juge d'apprécier l'existence des manquements invoqués.

En l'espèce, M. [R] a notifié à son employeur par lettre du 15 mai 2015 sa volonté de démissionner, sans réserves.

Il soutient que cette décision est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, après deux transferts irréguliers qu'il a contestés par lettre du 7 septembre 2012 puis par requête devant le conseil de prud'hommes du 17 décembre 2012, ainsi qu'une rétrogradation et des sanctions disciplinaire injustifiées qu'il a également contestées.

Le conseil de prud'hommes était déjà saisi d'une contestation relative aux transferts du contrat de travail du salarié au moment de la rupture du contrat de travail. La saisine de la juridiction prud'homale par M. [R] caractérise l'existence d'un différend antérieur avec son employeur rendant la démission équivoque.

Au surplus, l'allégation d'une rétrogradation et la contestation des sanctions disciplinaires infligées antérieurement à la rupture du contrat caractérisent également l'existence d'un différend antérieur rendant la démission équivoque.

Le caractère équivoque de la décision de M. [R] étant établi, la démission du salarié constitue une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.

Cependant, M. [R] n'apporte pas la preuve de manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, le harcèlement n'étant pas établi, les sanctions disciplinaires prononcées à son encontre étant fondées et les transferts irréguliers, anciens et n'ayant pas empêché la conclusion et l'exécution d'un nouveau contrat de travail avec la société AOP.

Ainsi, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission.

Par conséquent, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié la rupture du contrat de travail en une démission et a débouté M. [R] de ses demandes subséquentes.

Au demeurant, dans le dispositif de ses écritures, M. [R] demandait la confirmation du jugement entrepris, y compris en ce qu'il avait jugé que la prise d'acte a les effets d'une démission et l'avait débouté de ses demandes.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

INFIRME le jugement entrepris en ce qui concerne le montant des condamnations mises à la charge de la société OFS au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, mises à la charge de la société Alyzia au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qui concerne la condamnation de la société Alyzia à verser une indemnité conventionnelle de licenciement;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société OFS à verser à M. [R] la somme de 1 268,68 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2013 ;

CONDAMNE la société Alyzia à verser à M. [R] les sommes de :

- 2.503,24€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 250,32€ au titre des congés payés afférents,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2013 ;

CONDAMNE la société Alyzia à verser à M. [R] la somme de :

- 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif, avec intérêt au taux légal à compter du jugement entrepris,

DÉBOUTE M. [R] de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement dirigée contre la société Alyzia ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum les sociétés OFS et Alyzia à payer à M. [R] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum les sociétés OFS et Alyzia aux entiers dépens de première instance et d'appel.

DÉBOUTE la société OFS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/13015
Date de la décision : 29/05/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-29;15.13015 ?
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