RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 28 MAI 2019
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06954 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3KMF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Avril 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F16/00458
APPELANTE
SAR SEIG SOCIETE EUROPEENNE D'INTERVENTION ET DE GARDIENNAGE
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Stéphanie ABELLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0245
INTIME
Monsieur [P] [T]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me Gilles SALETEN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 453
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Denis ARDISSON, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Denis ARDISSON, président
Madame Anne HARTMANN, présidente
Monsieur Didier MALINOSKY, vice-président placé
Greffier, lors des débats : Mme Nadia TRIKI
ARRET :
- Contradictoire
- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Anne HARTMANN, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du conseil des prud'hommes de Bobigny du 3 avril 2017 qui a dit dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [P] [T] pour faute lourde par la société Européenne d'intervention et de gardiennage ('SEIG'), condamné l'employeur à payer au salarié les sommes de 793.31 euros au titre de sa mise à pied conservatoire outre 79,31 euros au titre des congés payés afférents, 3.600 euros au titre du préavis outre 360 euros au titre de congés payés afférents, 1.800 euros au titre de l'|indemnité légale de licenciement, 15.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Vu l'appel interjeté le 5 mai 2017 par la société Européenne d'intervention et de gardiennage ;
* *
Vu les conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 1er août 2017 pour la société Européenne d'intervention et de gardiennage afin de voir :
- constater que le licenciement pour faute lourde de M. [P] [T] est fondé en fait et en droit,
- réformer le jugement
- requalifier subsidiairement le licenciement de M. [P] [T] en licenciement pour faute grave et en tirer les conséquences de droit,
- condamner M. [P] [T] au paiement d'une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [P] [T] aux entiers dépens ;
Vu les conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 22 septembre 2017 pour M. [P] [T] afin de voir,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
- condamner la société SEIG en cause d'appel à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,
- condamner la société SEIG en tous les dépens de l'instance qui comprendront les frais d'exécution éventuels de la décision à intervenir ;
SUR CE,
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
Il sera succinctement rapporté que, employé à durée indéterminée le 29 décembre 2009 par la société Securitas en qualité d'agent de sécurité incendie, M. [P] [T] a vu son contrat de travail transféré au profit de la société SEIG et il était affecté sur le site de bureaux de la société Interxion Part pour un salaire mensuel moyen de 1.856,63 euros brut au niveau 3, échelon 3, coefficient 150 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
Alors que M. [P] [T] avait fait l'objet 4 février 2014 d'un avertissement de l'employeur pour avoir utilisé l'ordinateur personnel et un lecteur de DVD sur son lieu de travail, le responsable de la société Interxion a dénoncé le 30 septembre 2014 à la société SEIG une entrée par effraction dans des locaux de la société Total commise le 22 août précédent ainsi qu'une utilisation frauduleuse d'un photocopieur.
Le badge de M. [P] [T] ayant servi à pénétrer dans ce local, l'employeur a mis à pied conservatoire le salarié le 30 septembre 2014 et convoqué à un entretien préalable au licenciement qui s'est tenu le 8 octobre 2014, puis le 13 octobre suivant il a été licencié pour faute lourde dans les termes suivants :
'Le 22 août 2014 sur le site Interxion 3 sis au [Adresse 3], il vous était reproché les faits suivants, à savoir vous êtes introduit dans le bureau du client « TOTAL », alors que vous étiez planifié sur le site Interxion 5, pour effectuer des photocopies, sans aucune autorisation, ni raison professionnelle, justifiant votre intrusion.
Cet incident à fait apparaître les faits suivants :
- vous n'avez pas respecté votre contrat de travail ;
- vous n'avez pas respecté les A.U.P. du client INTERXION ;
- vous n'appliquez pas certaines notes de service.
Ces faits sont constitutifs d'un manquement grave à vos obligations.
Aussi nous vous notifions par la présente votre licenciement immédiat pour fautes lourdes.
1) Violation de domicile
L'article 226-4 du code pénal prévoit et réprime l'occupation illicite du domicile d'autrui. Ce texte dispose qu'est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de s'introduire ou de se maintenir dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas ou la loi le permet.
Le fait de s'introduire dans le local « TOTAL » en utilisant votre badge pour faire accroire à votre accréditation constitue une manoeuvre au sens de l'article 226-4 du Code Pénal.
Cette faute est constitutive d'une faute lourde et la société SEIG se réserve le droit de déposer plainte à votre encontre.
2) Vol de Photocopie
Le fait d'utiliser un photocopieur sans aucune raison professionnelle et sans autorisation du propriétaire du site constitue un vol au sens de l'article L 311-1 du Code Pénal.
Cette faute est constitutive d'une faute lourde et la société SEIG se réserve le droit de déposer plainte à votre encontre.
3) Vol d'énergie
Le fait de faire fonctionner un photocopieur sans aucune raison professionnelle et sans autorisation du propriétaire du site constitue un vol d'énergie au sens de l'article L311-2 du Code Pénal.
Cette faute est constitutive d'une faute lourde et la société SEIG se réserve le droit de déposer plainte à votre encontre.
4) Insubordination
Le fait de refuser sciemment les ordres écrit et notamment les règles propres à ce site est constitutif d'une faute grave.
5) Insubordination
Le fait de refuser sciemment de s'entretenir avec votre Directeur des Ressources Humaines spécialement délégué à cet effet et de contraindre Monsieur [G] [T] à annuler son planning clientèle est constitutif d'une faute grave.
La rupture de votre contrat, sans indemnité de préavis ni de licenciement, prend effet à compter de la date de notification de cette lettre.'
1. Sur le bien fondé de la rupture du contrat de travail
Pour conclure à la confirmation du jugement qui a dit mal fondé son licenciement pour faute lourde ou pour faute gave, M. [P] [T] conteste s'être introduit dans le local et avoir procédé à des photocopies, alors qu'il n'était pas en service le jour des faits, et soutient que c'est M. [A], autre salarié affecté sur le même site le jour des faits reprochés, qui a pénétré dans le local de la société Total ainsi que cela résulte de l'attestation de ce dernier aux termes de laquelle il déclare 'être entré au bureau de la société TOTAL situé sur le site Interxion par 3 le 22 août 2014. Je suis allé photocopier des documents. J'y suis allé avec le badge de Mr [T] car je pensais être en possession de mon propre badge. J'en ai informé la société SEIG le 6 octobre 2014 pour leur signifier que Mr [T] n'avait rien à voir avec ce qui lui était reproché à savoir s'être introduit dans le bureau de TOTAL le jour précité. Je précise d'ailleurs que je me suis introduit dans le 1° bureau sans savoir de quelle société il s'agissait'.
Cependant, ainsi que l'oppose l'employeur, cette attestation ne permet ni d'établir dans quelles circonstances ce salarié a pu être en possession de la carte de M. [P] [T], ni celles dans lesquelles il a pu avoir le mot de passe personnel de celui-ci, l'employeur mettant aux débats le planning de ses agents du mois d'août 2014 desquels il ressort que M. [A] n'était pas affecté sur le site.
Il s'en déduit la preuve que M. [P] [T] est à l'origine de l'effraction d'une particulière gravité, alors d'une part, qu'elle constitue une violation du 'code de bonne conduite utilisateur tiers' que le salarié a signé le 19 juillet 2014, d'autre part, que le site Interxion abrite des établissements dont l'activité est sensible, et alors au surplus que M. [P] [T] avait déjà été averti, la société SEIG ayant à la suite de cette effraction perdu le marché de gardiennage du site Interxion.
Le jugement sera en conséquence infirmé et le salarié débouté de l'ensemble de ses demandes.
2. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le salarié succombant à l'action, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens et statuant à nouveau, il convient de le condamner aux dépens et de laisser à chacune des parties la charge des frais qu'elle a exposé sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit bien fondé le licenciement pour faute lourde de M. [P] [T] par la société Européenne d'intervention et de gardiennage ;
Déboute M. [P] [T] de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne M. [P] [T] aux dépens de première instance et d'appel ;
Laisse à chacune des parties les charge des frais qu'elle a exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT