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23/05/2019 | FRANCE | N°17/22558

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 23 mai 2019, 17/22558


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 23 MAI 2019



(n°285, 21 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/22558 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4TXJ



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Novembre 2017 -Président du TGI de PARIS - RG n° 17/13248



APPELANT



Monsieur [K] [Y] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date

anniversaire 1] 1967 à [Localité 1] (TURQUIE)



Représenté par Me Naïri DJIDJIRIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1022

Assisté par Me Naïri DJIDJIRIAN, avocat au barreau de PAR...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 23 MAI 2019

(n°285, 21 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/22558 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4TXJ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Novembre 2017 -Président du TGI de PARIS - RG n° 17/13248

APPELANT

Monsieur [K] [Y] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date anniversaire 1] 1967 à [Localité 1] (TURQUIE)

Représenté par Me Naïri DJIDJIRIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1022

Assisté par Me Naïri DJIDJIRIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1022 et Me Elise GOGET de l'AARPI TALON MEILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0428

INTIMEE

[R]MUFLIS. T. IMAR BANKASI TAS IFLAS IDARESI[V] BANKASI [A] IFLAS IDARESI, agissant en qualité de liquidateur de la banque IMAR BANKASI TAS, représenté par TASARRUF MEVDUATI SIGORTA FONU, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice MM. [U] [L] et [X] [Z][Z] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 3])

Représenté par Me Jacques-Alexandre GENET de la SELAS ARCHIPEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0122

Assisté par Me Jacques-Alexandre GENET et Me Michaël SCHLESINGER de la SELAS ARCHIPEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0122

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Avril 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bernard CHEVALIER, Président

M. François ANCEL, Président de chambre

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. François ANCEL, Président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bernard CHEVALIER, Président et par Aymeric PINTIAU, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 8 juin 2005 la deuxième chambre commerciale du tribunal d'Istanbul a prononcé la faillite de la banque T. Imar Bankasi T.A.S.

Par jugement en date du 19 juin 2013, la deuxième chambre commerciale du tribunal de première instance d'Istanbul a condamné notamment M. [K] [C] à verser diverses sommes pour un montant global en principal de 5 234 239 euros à Muflis T. Imar Bankasi TAS Iflass Idaresi[A] Iflass Idaresi agissant en qualité de liquidateur de la Banque T. Imar Bankasi T.A.S (ci après désigné le liquidateur de la Banque Imar Bankasi).

Par acte d'huissier en date du 22 août 2017, le liquidateur de la Banque Imar Bankasi représenté par TASARRUF MEVDUATI SIGORTA FONU (ci-après désigné 'TMSF') a fait citer M. [K] [C] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir prononcer l'exequatur du jugement du 19 juin 2013.

Le liquidateur de la Banque Imar Bankasi représenté par TMSF a également fait pratiquer, le 25 août 2017, une saisie conservatoire de meubles corporels au domicile de M. [K] [C] situé [Adresse 1]. Ont notamment été saisis à titre conservatoire, rendus indisponibles et placés sous la garde de M. [K] [C], deux ordinateurs et une tablette de marque Apple ainsi que douze téléphones portables de marque 'Vertu'.

Saisi à cette fin par le liquidateur de la Banque Imar Bankasi représenté par TMSF, le juge des requête du tribunal de grande instance de Paris a, par ordonnance en date du 1erseptembre 2017 rendue au visa des articles 809 et 812 du code de procédure civile, commis un huissier de justice, à l'effet de se rendre au domicile précité de M. [K] [C] et se connecter sur les ordinateurs et la tablette de marque Apple ainsi que sur les douze téléphones portables de marque 'Vertu' précités afin notamment de rechercher sur tous fichiers informatiques, documents ou boites de courriers électroniques les fichiers/documents correspondants à divers mots clés listés dans l'ordonnance et permettant d'établir l'existence de biens, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, en [M] ou à l'étranger, susceptibles de faire l'objet de saisies conservatoires de la part du requérant.

Le juge des requêtes a également ordonné le séquestre de l'ensemble des pièces.

Les opérations de constat au domicile de M. [K] [C] ont débuté le 4 septembre 2017 9H30.

Par ordonnance du 4 septembre 2017, au visa de la précédente ordonnance, le juge des requêtes a étendu la mission de l'huissier de justice à tout support électronique de type ordinateur, terminal mobile, tablette, disque dur externe, clef USB sans se limiter à ceux saisis lors de la saisie conservatoire du 25 août 2017 se trouvant au domicile de M. [K] [C].

Les opérations de constat au domicile de M. [C] se sont achevées le 5 septembre 2017 à 00h25.

Statuant sur la demande de M. [K] [C] aux fins de voir rétracter les ordonnances des 1er et 4 septembre 2017, déclarer nulles et non avenues ces ordonnances et d'obtenir la restitution des documents, le juge des requêtes du tribunal de grande instance de Paris, saisi par assignation du 20 septembre 2017 a, par ordonnance du 24 novembre 2017, notamment :

- débouté [K] [C] de sa demande en rétractation des ordonnances en date du 1er et 4 septembre 2017 ;

- modifié lesdites ordonnances et supprimé le mot clef AKP de la recherche ;

- étendu de deux mois la mission initiale de l'huissier de justice ;

- dit que l'ensemble des éléments recueillis par l'huissier sera conservé par lui en séquestre sans qu'il puisse en donner connaissance ou remettre copie à quiconque avant d'y être autorisé par la juridiction de céans ;

- condamné [K] [C] à payer à Muflis T. Imar Bankasi T.A.S Iflas Idaresi représenté par son liquidateur Tasarruf Mevduati Sigorta Fonu 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration en date du 8 décembre 2017, M. [K] [Y] [C] a fait appel de cette ordonnance. L'affaire a été enregistrée sous le numéro RG 17/22558.

Par arrêt du 31 mai 2018, la cour d'appel, statuant sur l'appel interjeté par M. [K] [C] à l'encontre d'un jugement rendu le 1er décembre 2017 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris l'ayant notamment débouté de sa demande en nullité de la saisie conservatoire de meubles corporels pratiquée le 25 août 2017 à son domicile, a annulé cette saisie conservatoire de meubles.

Par ordonnance du 12 juin 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné la mainlevée partielle du séquestre et la remise au liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF de plusieurs documents visés dans le dispositif de l'ordonnance et dit que l'huissier devait détruire les autres pièces demeurées sous séquestre et en dresser procès-verbal.

M. [K] [C] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 5 juillet 2018 enregistrée sous le numéro RG 18/16586.

Au terme de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 3 avril 2019, M. [K] [Y] [C] dans le dossier enregistré sous le numéro RG 17/22558, demande à la cour, au visa notamment des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'ordonnance de Villers-Cotteret , des articles 122, 145, 809, 812, 496 et 497 du code de procédure civile et les articles L. 511-1 et R. 521-1 du code des procédures civiles d'exécution :

A titre principal et in limine litis,

- se déclarer incompétent au profit de la Chambre en charge des procédures d'exequatur ;

- constater et à défaut prononcer la nullité des requêtes des 1er et 4 septembre 2017, de l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris du 1er septembre 2017 et celle en extension du 4 septembre 2017;

A titre principal et en tout état de cause,

- dire Monsieur [C] recevable et bien fondé en son action ;

- réformer intégralement l'ordonnance du 24 novembre 2017 ;

- constater le défaut d'intérêt et de qualité à agir de [R] T. Imar Bankasi TAS Iflas Idaresi représentée par Tasarruf Mevduatis Sigorta Fonu ;

- constater le défaut de pouvoir juridictionnel du président du tribunal de grande instance de Paris en application de l'alinéa 3 de l'article 812 du code de procédure civile ;

- déclarer [R] T. [V] Bankasi [A] Iflas Idaresi représentée par Tasarruf Mevduatis Sigorta Fonu irrecevable en son action ;

- annuler l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris du 1er septembre 2017 et celle en extension du 4 septembre 2017 ;

- annuler l'ensemble des opérations réalisées par Maître [Q], huissier de justice à Montrouge, sur la base de l'ordonnance rendue par le Président du tribunal de grande instance de Paris du 1er septembre 2017 et celle en extension du 4 septembre 2017, en ce compris le procès-verbal de constat des 4 et 5 septembre 2017 ;

- prononcer la caducité de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris du 1er septembre 2017 et celle en extension du 4 septembre 2017 ;

- rétracter l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris du 1er septembre 2017 et celle en extension du 4 septembre 2017 ;

- débouter [R] T. [V] Bankasi [A] Iflas Idaresi représentée par Tasarruf Mevduatis Sigorta Fonu de l'ensemble de ses demandes, fins, et prétentions ;

- condamner [R] T. [V] Bankasi [A] Iflas Idaresi représentée par Tasarruf Mevduatis Sigorta Fonu à verser 1 000 000 euros à Monsieur [Y] [C] à titre d'indemnisation;

- condamner [R] T. [V] Bankasi [A] Iflas Idaresi représentée par Tasarruf Mevduatis Sigorta Fonu à payer à M. [K] [Y] [C] la somme de 50 000 euros en application de l'arti cle 700 du code de procédure civile ;

- condamner [R] T. [V] Bankasi [A] Iflas Idaresi représentée par Tasarruf Mevduatis Sigorta Fonu au paiement des enti ers dépens de la procédure dont distraction au profit de Maître INGOLD, avocat aux offres de droit qui le requiert conformément aux dispositions de l'arti cle 699 du code de procédure civile.

Le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF, par conclusions transmises par voie électronique le 27 mars 2019 dans l'affaire enregistrée sous le numéro RG 17/22558, demande à la cour, sur le fondement des articles 809 et 812 du code de procédure civile, de :

- ordonner la jonction des affaires enregistrées sous les RG n°17/22558 et n°18/16586 ;

- déclarer le Liquidateur de la Banque Imar recevable en ses demandes ;

- déclarer M. [Y] [C] irrecevable en ses demandes nouvelles formées en cause d'appel ;

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le Président du tribunal de grande instance de Paris le 24 novembre 2017 à l'encontre de M. [Y] [C] ;

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le Président du tribunal de grande instance de Paris le 12 juin 2018 à l'encontre de M. [Y] [C] ;

- débouter M. [Y] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [Y] [C] aux entiers dépens, en ce compris notamment les frais de constat, dont distraction au profit de la SELAS ARCHIPEL conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner M. [Y] [C] au paiement de la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de la SELAS ARCHIPEL conformément à l'article 699 du même code.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties à la décision critiquée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Sur la demande de jonction des dossiers RG 17/22558 et RG 18/16586

Il n'y a pas lieu d'ordonner la jonction des affaires enregistrées sous les numéros RG 17/22558 et RG 18/16586.

Quand bien même ces affaires opposent les mêmes parties et sont afférentes à des mesures qui ont été ordonnées sur requêtes les 1er et 4 septembre 2017, celles-là portent sur l'appel de deux ordonnances distinctes - l'une du 24 novembre 2017 et l'autre du 12 juin 2018 - rendues par deux juges différents - le juge de la rétractation et le juge des référés - ayant des pouvoirs juridictionnels distincts.

Ainsi, la pertinence des moyens invoqués au soutien de l'appel par chacune des parties doit s'apprécier distinctement selon que le moyen est soulevé dans le prolongement de l'instance en rétractation ou dans le prolongement de l'instance en mainlevée et la jonction des procédures, même si elle n'emporte pas fusion des instances, est susceptible de rendre peu lisible la décision qui sera rendue compte tenu du nombre importants de moyens soulevés par les parties dans les deux affaires, tantôt similaires, tantôt différents.

Sur le moyen tiré du défaut d'intérêt à agir des liquidateurs de la banque Imar Bankasi

M. [K] [C] fait en substance valoir que le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF n'a pas d'intérêt à agir dès lors que la créance alléguée à son encontre est selon le jugement du 19 juin 2013 de 5.234.239 euros et que l'éventuel recouvrement à venir de cette somme n'est aucunement en danger puisque les liquidateurs de la Banque Imar Bankasi ont fait saisir, à titre conservatoire, le 22 août 2017, les actions de la société par actions simplifiée Vertu AK France, dont la valeur nominale est de 31.966.102 euros, soit six fois supérieure à la créance invoquée.

En réponse, le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF soutient que la société Vertu, tiers saisi, n'a jamais confirmé que M. [Y] [C] était son actionnaire, ni qu'elle était débitrice envers celui-ci d'une quelconque somme de sorte que la preuve d'un désintéressement du fait de ces saisies conservatoires n'est pas rapportées.

Sur ce,

En application de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Cependant, l'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès.

En l'espèce, le fait de soutenir que des saisies conservatoires d'ores et déjà pratiquées par les intimés suffisent à garantir le recouvrement de la créance alléguée à l'encontre de M. [K] [C] ne constitue pas une fin de non recevoir mais une défense au fond qui tend à remettre en cause l'utilité et la légitimité de la mesure sollicitée.

Ce moyen, recevable en cause d'appel, ne caractérise pas une fin-de non recevoir de sorte que M. [K] [C] sera débouté de ce chef.

Sur le moyen tiré du défaut de qualité à agir du liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF

Au soutien de ce moyen, M. [K] [C] expose que la Banque Imar Bankasi agit par l'intermédiaire de la TMSF qui se prévaut d'un mandat de recouvrement pour justifier de sa qualité à agir dans le cadre des requêtes des 1er et 4 septembre 2017 et considère qu'à aucun moment TMSF ne peut être considéré comme le représentant de la banque Imar Bankasi. Il ajoute ainsi que 'l'assignation est nulle et MUFLIS T Imar BANKASI TAS IFLAS IDARESI est irrecevable dans son action en justice'.

En réponse, le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF, qui estime que cette demande est irrecevable comme nouvelle, fait valoir que les condamnations sont prononcées à l'encontre de M. [K] [C] au bénéfice du « Liquidateur de la Banque Imar SA en faillite » et précise que TMSF est intervenue volontairement dans le cadre de la procédure pendante devant les juridictions turques et s'est vue confier postérieurement au jugement fixant la créance du Liquidateur de la Banque Imar un mandat en vue du recouvrement des condamnations prononcées au profit du Liquidateur de la Banque Imar, à hauteur de la somme de 5 234 239 euros en principal.

Sur ce,

Sur la recevabilité de cette demande

Il résulte de l'article 565 du code de procédure civile qu'une prétention n'est pas nouvelle dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Devant le premier juge, M. [K] [C] a demandé la rétractation, la nullité des ordonnances sur requête et la restitution des pièces en se fondant, ainsi qu'il ressort de son assignation, sur l'absence d'intérêt à agir, l'absence de dommage imminent et de trouble manifestement illicite, l'absence de circonstances justifiant une atteinte au principe du contradictoire et l'absence de proportion de la mesure.

Devant la cour, la principale prétention de M. [K] [C] demeure la rétractation et l'annulation des ordonnances sur requête de sorte que cette demande qui tend à voir annuler les ordonnances critiquées en ce qu'elles auraient été sollicitées par un requérant n'ayant pas de qualité à agir, n'est pas nouvelle au sens de l'article 565 précité.

Sur le bien fondé du moyen tiré du défaut de qualité à agir

Il convient d'observer que les ordonnances critiquées ont été sollicitées par MUFLIS. T. [V] BANKASI T.A.S IFLAS IDARESI 'agissant en qualité de liquidateur de la banque T. Imar bankasi TAS', représenté par TASARRUF MEVDUATI SIGORTA FONU 'titulaire d'un mandat de recouvrement selon décision n°2837 du 3 août 2015".

En outre, le jugement rendu le 19 juin 2013 par le tribunal de première instance d'Istanbul sur lequel s'appuie les intimés pour solliciter la mesure de constat mentionne précisément comme demandeur 'MUFLIS. T. [V] BANKASI T.A.S IFLAS IDARESI'.

Si ce même jugement mentionne TMSF comme 'tiers intervenant', ce dernier justifie d'une 'cession du droit de poursuivre le recouvrement des créances de la banque en faillite à l'encontre des membres de la famille [C] au profit du Fonds de garantie des dépôts (TMSF) intervenue le 3 août 2015".

Outre que l'argumentation de M. [K] [C] au soutien de ce moyen est peu clair en ce qu'elle ne permet pas de savoir avec précision si la fin de non recevoir qu'il entend soulever vise [R]MUFLIS. T. Imar BANKASI T.A.S IFLAS IDARESI[V] BANKASI T.A.S IFLAS IDARESI ou bien TMSF et qu'il entend au surplus demander l'annulation d'une 'assignation', il ressort des éléments précités que tant MUFLIS. T. Imar BANKASI T.A.S IFLAS IDARESI[V] BANKASI T.A.S IFLAS IDARESI que TMSF justifient d'une qualité à agir respectivement comme liquidateur de la banque Imar Bankasi et titulaire d'un droit de recouvrement des créances.

La fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir sera en conséquence rejetée.

Sur le moyen tiré de l'incompétence du juge des requêtes pour ordonner les mesures de constat

M. [K] [C], qui soutient que cette demande n'est pas irrecevable dès lors qu'elle peut être soulevée d'office par la cour, fait valoir que le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF ayant assigné en exequatur le 22 août 2017 afin de donner un caractère exécutoire à la décision du 19 juin 2013, les requêtes devaient être présentées au juge de l'exequatur en application de l'article 812 al. 3 du code de procédure civile.

En réponse, le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF expose que cette demande est irrecevable en ce qu'elle est nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile faute d'avoir été portée devant le premier juge. Il ajoute que la requête aux fins de constat informatique et documentaire n'est pas afférente à l'instance en exequatur, mais porte sur des mesures conservatoires ou d'exécution et a pour objet d'identifier des actifs en vue de mesures d'exécution futures de sorte que le juge de l'exequatur serait bien incompétent pour accorder sur requête une telle mesure qui, en dépit du lien avec la demande, n'en demeure pas moins distincte au sens de l'article 812 du code de procédure civile.

Sur ce,

Sur la recevabilité de la demande tirée de l'incompétence du juge des requêtes

Il résulte de l'article 565 du code de procédure civile qu'une prétention n'est pas nouvelle dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Devant le premier juge, M. [K] [C] a demandé la rétractation, la nullité des ordonnances sur requête et la restitution des pièces en se fondant, ainsi qu'il ressort de son assignation et de l'ordonnance du 24 novembre 2017, sur l'absence d'intérêt à agir, l'absence de dommage imminent et de trouble manifestement illicite, l'absence de circonstances justifiant une atteinte au principe du contradictoire et l'absence de proportion de la mesure.

Devant la cour, la principale prétention de M. [K] [C] demeure la rétractation des ordonnances sur requête, de sorte que même si elle se fonde sur un nouveau moyen tiré de l'incompétence du juge des requêtes, cette demande qui tend plus exactement à exciper de l'absence de pouvoir juridictionnel du juge des requêtes, n'est pas nouvelle.

Sur le bien fondé de cette demande

En application de l'article 812 du code de procédure civile, le président du tribunal est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi. Il peut également ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement. Les requêtes afférentes à une instance en cours sont présentées au président de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée ou au juge déjà saisi.

En l'espèce, il est constant que le 22 août 2017, soit avant le dépôt des requêtes afin de constat, le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF a fait citer M. [K] [C], devant le tribunal de grande instance de Paris en exequatur du jugement rendu le 19 juin 2013 par le tribunal de première instance d'Istanbul.

Cependant, si l'instance en exequatur n'est pas dépourvue de tout lien avec la mesure de constat non contradictoire sollicitée par le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF auprès du juge des requêtes dès lors que celle-ci s'appuie sur la décision du 19 juin 2013 rendue par le tribunal de première instance d'Istanbul ayant condamné M. [K] [C] au paiement de diverses sommes, cette mesure n'est pas, au sens de l'article 812 al. 3, afférente à la procédure d'exequatur en ce qu'elle en est distincte par son objet, et que, n'étant pas de nature à influer sur son issue, elle n'est ni utile ni nécessaire à l'examen du bien fondé de la demande d'exequatur dont l'objet est d'apprécier l'aptitude d'une décision étrangère à être reconnue et mise à exécution dans l'ordre juridique français.

En conséquence, nonobstant l'instance en exequatur introduite le 22 août 2017, le juge des requêtes avait le pouvoir d'apprécier le bien fondé des mesures de constat dont il était saisi.

Le moyen soulevé par M. [K] [C] sera en conséquence rejeté.

Sur la nullité des ordonnances en l'absence de traduction des mots rédigés en langue étrangère

M. [K] [C] expose que l'ordonnance du 1er septembre 2017, complétée par celle du 4 septembre, comprend des mots-clés étrangers (anglais, turcs et grecs), qui n'ont pas été traduits par traducteur assermenté dans le cadre de la requête de sorte que ni la requête, ni les ordonnances ne respectent l'article 111 de l'ordonnance du 25 août 1539 (dite ordonnance de Villers-Cotterêts) selon laquelle les actes de procédure et décisions de justice doivent être rédigés en français.

Le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF conclut au rejet de cette demande aux motifs que la référence à des mots étrangers dans une décision de justice est possible dès lors que celle-ci demeure rédigée et motivée en langue française, comme c'est le cas en l'espèce de l'ordonnance du 1er septembre 2017 qui est intégralement rédigée en français. Il ajoute que prohiber la recherche de mots rédigés dans une autre langue reviendrait à empêcher purement et simplement la mise en 'uvre d'une grande partie des mesures de constat ordonnées sur le territoire français.

Sur ce,

En application de l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 que «'La langue de la République est le français'».

L'article 1er de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française dispose en outre que la langue française «'est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics'» et l'article 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts d'août 1539 précise, s'agissant des seuls actes de procédure, que « Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l'intelligence des mots latins contenus dans lesdits arrêts, nous voulons dorénavant que tous arrêts, ensemble toutes autres procédures, soit de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques actes et exploits de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties, en langage maternel et non autrement'».

Si ces textes imposent au juge de rédiger ses décisions en langue française, ils n'ont pas vocation à interdire la production de documents en langue étrangère, ni de mettre en oeuvre des mesures de communication forcée de documents rédigés en langue étrangère ou encore d'ordonner des mesures de constat portant sur de tels documents.

En outre, ces textes ne font pas obstacle à la mention de mots en langue étrangère dans une décision sous réserve que ceux-ci, lorsque leur emploi est nécessaire à la compréhension du litige et/ou à la motivation de la décision, soient traduits en français.

En l'espèce, il convient de constater que les ordonnances du 1er et 4 septembre 2017 sont bien rédigées et motivées en langue française.

Si pour encadrer la mission de l'huissier de justice, figurent parmi la liste des mots-clés des mots mentionnés en langue étrangère et non traduits, il convient d'observer d'une part, que certains de ces mots font référence à des noms propres (prêtes-noms) ou à des noms de sociétés ou d'actifs qui n'ont pas lieu d'être traduits et dont la traduction n'est pas utile à la compréhension du litige.

D'autre part, si d'autres mots utilisés sont effectivement des termes génériques tels que 'purchase', 'sale', 'payment', ils ne constituent pas des éléments ayant servi au raisonnement et à la motivation de l'ordonnance critiquée dont ils sont dissociables en ce sens qu'ils ont pour seule finalité de déterminer le périmètre de la mission de constat de l'huissier de justice dans la mise en oeuvre de sa mission afin de cantonner l'extraction des documents susceptibles d'être utiles et nécessaires aux seuls documents rédigés en langue étrangère qui contiennent lesdits mots clés.

Au regard de ces éléments, le moyen tiré du non respect de l'ordonnance de Villers-Cotterêts sera rejeté et en conséquence également celui tiré de la nullité des ordonnances critiquées.

Sur la caducité des ordonnances des 1er et 4 septembre 2017 et la nullité de la mesure réalisée dans le domicile d'un tiers

M. [K] [C], qui soutient que cette demande n'est pas nouvelle en ce qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, rappelle que l'ordonnance du 1er septembre 2017 prévoyait expressément que la provision fixée serait versée « avant toute mise à exécution de sa mission» et que « l'huissier commis procédera à sa mission dans le délai de deux mois à compter du versement de la provision » et précise que la Banque Imar Bankasi n'a jamais justifié de la date à laquelle la provision a été versée ne lui permettant pas de vérifier si ce versement à l'huissier a bien eu lieu avant que celui-ci ne débute ses opérations. Il considère qu'il revient à la Banque Imar Bankasi de justifier de la régularité de la mesure mise en 'uvre et qu'à défaut, la Cour ne peut que considérer que l'huissier n'a pas agi dans les termes de l'ordonnance du 1er septembre 2017 complétée par celle du 4 septembre 2017 de sorte que la mesure doit être considérée comme nulle et les ordonnances des 1er et 4 septembre 2017 sont devenues caduques.

M. [K] [C] ajoute que l'existence d'un tiers au domicile devait donner lieu à une nouvelle requête pour permettre à l'huissier de pénétrer dans le domicile de Monsieur [D] [R] et que faute de l'avoir sollicitée les ordonnances des 1er et 4 septembre 2017 doivent être rétractées puisqu'elles ont permis à l'huissier de pénétrer illégalement dans le domicile de Monsieur [D] [R] sans autorisation.

En réponse, le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF, qui soutient que cette demande relative à la caducité est nouvelle, fait valoir que l'huissier instrumentaire a régulièrement procédé à l'exécution de sa mission entre le 4 septembre et le 4 novembre 2017, et qu'aucun acte n'a été réalisé postérieurement à cette date jusqu'à ce que le Président du TGI de Paris ne prolonge la mission pour une durée de deux mois supplémentaires par l'ordonnance du 24 novembre 2017 dont appel.

Le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF soutient en outre que M. [K] [C] ne justifie pas que M. [R] réside effectivement avec lui au [Adresse 1], et que l'huissier n'a procédé à l'examen que des seuls documents et supports informatiques appartenant à M. [C].

Sur ce,

Sur la caducité

Il est constant que les opérations de constat ne peuvent être réalisées après l'expiration du délai imparti par le juge, sous peine de caducité.

Cependant, d'une part, ce moyen qui porte sur l'exécution de la mesure de constat ordonnée ne relève pas du contrôle du juge de la rétractation et de ce fait n'est pas recevable devant la cour d'appel dans le cadre de la présente instance alors que celle-ci est investie des attributions du juge de la rétractation.

D'autre part, en tout état de cause et à titre surabondant, la réalité ou les conditions de versement de la provision par le requérant à l'huissier de justice, qui ne concerne que les rapports entre ces derniers, laisse l'huissier de justice libre d'apprécier l'opportunité de commencer ses opérations avant même d'avoir reçu la provision, sans que le défendeur ne puisse s'en saisir pour invoquer l'irrégularité de la mesure de constat et ce dès lors que les opérations de constat ne sont pas réalisées après l'expiration du délai fixé par le juge.

Enfin, il convient de constater qu'en l'espèce, le juge des requêtes a donné un délai de deux mois à l'huissier pour procéder à sa mission à compter du versement de la provision, que les opérations de constat ont débuté le 4 septembre 2017 et que M. [K] [C] ne justifie nullement que la mission de l'huissier se soit prolongée au delà du délai de 2 mois précité, si ce n'est avant que le juge saisi de la demande de rétractation ait accordé une prolongation de la durée 'de la mission initiale' de deux mois par ordonnance du 24 novembre 2017.

Ce moyen sera en conséquence rejeté.

Sur la présence d'un tiers au domicile

Ce moyen qui porte sur l'exécution de la mesure de constat ordonnée ne relève pas du contrôle du juge de la rétractation et de ce fait n'est pas recevable devant la cour d'appel alors qu'elle statue sur une telle demande de rétractation.

En tout état de cause, et à titre surabondant M. [K] [C] ne justifie pas de ce que le domicile dans lequel se sont déroulées les opérations de constat ait été celui de M. [D] [R], dont au demeurant il ne peut se prévaloir au lieu et place d'une quelconque illégalité, étant par ailleurs pas contesté qu'aucun document ayant fait l'objet de constat n'a porté sur des documents appartenant à un tiers. A cet égard, il ressort du procès verbal de constat dressé les 4 et 5 septembre 2017 que l'huissier de justice a précisément écarté deux terminaux mobiles de son constat après avoir constaté leur présence et que M. [K] [C] lui a confirmé que ceux-ci appartenaient à M. [D].

En l'état de ces éléments, le moyen sera rejeté.

Sur la rétractation fondée sur le moyen tiré du détournement de procédure et de l'absence des conditions posées par l'article 812 du code de procédure civile

En substance, M. [K] [C] soutient que la mesure sollicitée n'est pas une mesure conservatoire ni une mesure de remise en état mais une véritable mesure d'investigation ('une perquisition civile') et que la Banque Imar Bankasi ne justifie ni d'un dommage imminent, ni d'un trouble manifestement illicite. Il considère que la mesure ordonnée est un détournement de la mesure probatoire qui ne peut être ordonnée que dans le cadre de l'article 145 du code de procédure civile et qui suppose un motif légitime et l'absence de procédure au fond. M. [K] [C] fait valoir en outre que l'urgence n'est nullement justifiée en l'espèce alors que la Banque Imar Bankasi a attendu plus de 4 ans avant d'engager une procédure en exequatur s'agissant d'un jugement datant du 19 juin 2013 et qu'elle n'a jamais répondu aux conseils de Monsieur [C] auprès de qui un accord aurait pu être trouvé quant aux modalités d'exécution de la décision ou afin de mettre définitivement fin au litige malgré les relances de ce dernier. Il ajoute que la Banque Imar Bankasi était tenue de justifier à peine d'irrecevabilité de la requête des circonstances qui rendent nécessaires qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, ce qui n'a pas été le cas, ni par le juge saisi de la requête ni de la demande de rétraction, l'affirmation de la seule nécessité d'un effet de surprise ou un risque de modification/disparition des éléments recherchés étant insuffisante. Il considère que les intimés pouvaient attendre que la procédure d'exequatur s'achève pour disposer d'un titre qui permettra à un huissier de réaliser les plus vastes recherches pour identifier son patrimoine et considère que la précipitation dont fait preuve aujourd'hui la Banque Imar Bankasi, plus de 4 ans après que le jugement du 19 juin 2013 a été rendu, et alors que la procédure d'exequatur a été engagée, laisse à penser que les intimés ne sont pas sereins quant à la validation, par l'ordre public français, du jugement du 19 juin 2013 obtenu dans des circonstances contestables et en violation du principe du procès équitable.

En réponse, le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF fait valoir que les conditions prévues par l'article 809 du code de procédure civile sont inopérantes en l'espèce dès lors que les ordonnances sur requêtes ont été rendues au visa de l'article 812 du code de procédure civile. Il ajoute à titre subsidiaire que ces conditions sont en tout état de cause réunies dès lors que la mesure a pour objet d'éviter la disparition des informations et la dissipation des actifs et qu'il s'agit donc bien d'une mesure visant à maintenir une situation de fait et de droit consistant à préserver des informations. Le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF expose que la cause de cette mesure est de prévenir un dommage imminent et l'existence d'un trouble manifestement illicite étant rappelé que M. [K] [C] a fait l'objet de plusieurs condamnations pécuniaires pour des montants extrêmement élevés, en particulier par le jugement dont l'exequatur est aujourd'hui sollicité du tribunal et qu'il est notoirement connu pour dissimuler ses actifs au travers une myriade de société off-shore et prête-noms. Le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF considère enfin que ce n'est pas parce que la mesure est fondée sur les articles 809 et 812 du code de procédure civile qu'elle caractérise un détournement de l'article 145 du code de procédure civile. Le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF expose en outre que l'urgence à identifier des actifs de M. [C] en France ne s'apprécie pas tant au regard de la date à laquelle le jugement turc a été rendu, qu'au regard de la date à laquelle ce jugement est devenu exécutoire en Turquie, à savoir le 18 mai 2017, soit trois mois avant l'ordonnance querellée, de la date à laquelle le liquidateur de la Banque Imar a entrepris ses toutes premières démarches en France, soit huit jours avant l'ordonnance querellée et de la date à laquelle il a eu connaissance de l'existence d'ordinateurs susceptibles de contenir des informations relatives au patrimoine de M. [Y] [C] (trois jours avant l'ordonnance querellée). Il ajoute que la dérogation au principe du contradictoire est justifiée dès lors que la famille [C] en général, et M. [K] [C] en particulier, a été convaincu à de multiples reprises, de dissimulation de ses actifs afin de se soustraire à l'exécution des condamnations prononcées à leur encontre, tant au profit du liquidateur de la Banque Imar que des sociétés Nokia, Motorola ou Franklin Templeton Investment. Le liquidateur de la Banque Imar s'estime donc fondé à prévenir ce risque en sollicitant la mesure contestée sur requête.

Sur ce,

Sur le moyen tiré du détournement de procédure

En l'espèce, il est constant que la requête initiale déposée par le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF le 1er septembre est une requête 'aux fins de constat informatique et documentaire' et vise expressément les articles 809 et 812 du code de procédure civile et que l'ordonnance du même jour est également rendue au visa de ces deux articles.

Bien qu'ayant explicitement visé ce texte dans ses requêtes, le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF soutient aujourd'hui, à juste titre, que les conditions de l'article 809 du code de procédure civile (dommage imminent et trouble manifestement illicite) n'ont pas lieu d'être satisfaites en l'espèce dès lors que ce texte n'a pas en tout état de cause vocation à régir des mesures susceptibles d'être ordonnées par le juge des requêtes, dont les pouvoirs ne sont pas ceux du juge des référés, auxquels se rattache exclusivement l'article 809.

Il convient dès lors d'apprécier préalablement, sans préjudice de la satisfaction des conditions d'urgence et de nécessité de déroger au principe du contradictoire propres à l'article 812 al. 2 du code de procédure civile qui seront examinées ci-après, si l'objet même de la demande du liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF pouvait entrer dans les prévisions de l'article 812, autre texte sur le fondement duquel ce dernier a présenté ses requêtes.

A cet égard, il peut être observé que l'article 812 al. 2 du code de procédure civile a un champ d'application très large puisqu'il permet au juge d'ordonner sur requête 'toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement'.

En l'espèce, l'objet de la requête présentée le 1er septembre 2017, et de l'ordonnance rendue à son visa, est de dresser un constat 'informatique et documentaire' afin de rechercher sur tous fichiers ou documents, correspondants à certains mots-clés, 'l'existence de biens, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, en France ou à l'étranger, susceptibles de faire l'objet de saisies conservatoires de la part du requérant'.

Ainsi, ayant pour objet le recueil d'information susceptibles de localiser des actifs mobiliers ou immobiliers, cette mesure n'est pas conservatoire au sens du code des procédures civiles d'exécution en ce sens qu'elle n'a pas pour objet d'immobiliser des biens corporels ou incorporels du saisi.

De même, ne visant pas précisément à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder des droits puisque par hypothèse elle porte sur le seul recueil d'informations qui ne deviennent pas indisponibles du fait même de la mesure, elle ne peut non plus être assimilée à une mesure conservatoire au sens du code de procédure civile.

En revanche, la mission confiée à l'huissier de justice peut s'analyser en une mesure d'instruction probatoire destinées à obtenir des éléments d'information dans le but de préparer de futures mesures de recouvrement d'une condamnation prononcée par une juridiction étrangère.

Cette mesure de constat informatique et documentaire n'entre cependant pas dans le champ de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF dispose d'ores et déjà d'un titre et qu'il n'entend pas engager une nouvelle instance au fond pour voir constater sa créance déjà fixée par ce titre de sorte que les conditions imposées par ce texte ne sont pas pertinentes en la cause.

Il en ressort que, sans pour autant emporter un détournement de procédure, le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF pouvait saisir sur le fondement de l'article 812 du code de procédure civile le juge d'une requête aux fins de constat, sauf à satisfaire les conditions propres à ce texte à savoir l'urgence et la dérogation au principe du contradictoire.

Le moyen tiré du détournement de procédure sera en conséquence rejeté.

Sur la satisfaction des conditions liées à l'urgence et la dérogation au caractère contradictoire de l'article 812 du code de procédure civile

En vertu de l'article 812 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.

Sur le respect de la condition liée à l'urgence

Il est constant en l'espèce que ni l'ordonnance du 1er septembre 2017, ni celle du 4 septembre 2017 ne vise l'urgence.

L'ordonnance du 1er septembre 2017 est uniquement rendue au visa de 'la requête et les pièces annexées', ainsi que des articles '809 et 812 du code de procédure civile'.

L'ordonnance du 4 septembre 2017 est quant à elle rendue au visa de 'la requête qui précède' (qui elle-même n'évoque pas l'urgence) et au visa de 'l'ordonnance rendue le 1er septembre 2017".

Il convient dès lors de s'assurer que l'urgence est bien visée dans la requête préalable à l'ordonnance du 1er septembre 2017.

A cet égard, il ressort de cette requête que pour justifier de l'urgence le requérant a exposé au juge qu'il 'cherche à obtenir le paiement de sa créance depuis plusieurs années en vain' et qu'il est 'de jurisprudence constante que l'urgence peut être caractérisée par le défaut de paiement par un créancier'. Il est par ailleurs indiqué dans la requête que 'dès lors que M. [Y] [C] a connaissance de la saisie conservatoire de biens meubles corporels pratiquée à son domicile le 25 août 2017, celui-ci sera tenté de faire disparaître tout élément susceptible de permettre l'identification et la localisation de ses actifs' et qu'ainsi 'la mesure visant à établir un constat informatique et documentaire se trouve justifiée puisqu'elle permet d'assurer la pérennité des preuves'.

Il ressort en effet des circonstances de l'espèce que la mesure de constat a été sollicitée à la suite d'une saisie conservatoire de meubles corporels pratiquée au domicile de M. [K] [C] le 25 août 2017 au cours de laquelle l'huissier de justice, agissant sur le fondement d'un jugement rendu le 19 juin 2013 par le tribunal de première instance d'Istanbul, a saisi à titre conservatoire notamment deux ordinateurs et une tablette de marque Apple ainsi que douze téléphones de marque Vertu, M. [K] [C] ayant été désigné en qualité de gardien.

Dès lors que ces meubles étaient susceptibles de fournir des éléments d'information sur les avoirs de M. [K] [C], dont le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF entend poursuivre le recouvrement en vertu de la décision rendue le 19 juin 2013, celui-ci pouvait se prévaloir une fois la saisie conservatoire de meubles corporels réalisée le 25 août 2017, de l'urgence à solliciter dans un délai très bref après cette saisie une mesure de constat pour lui permettre d'accéder aux informations susceptibles d'être conservées dans ces ordinateurs et/ou téléphones étant observé que tout retard dans la mise en oeuvre de la mesure sollicitée était de nature à rendre inopérantes toutes recherches sollicitées alors que depuis le 25 août 2017 et l'assignation en exequatur de la décision précitée délivrée le 22 août 2017, M. [K] [C] connaissait l'intention de l'intimé de poursuivre le recouvrement de sa créance en France.

De même s'agissant de l'ordonnance rendue le 4 septembre 2017, il ressort des circonstances de l'espèce et des pièces versées que celle-ci a été sollicitée alors même que les opérations de constat diligentées en vertu de la première ordonnance étaient en cours au domicile de M. [K] [C] le 4 septembre 2017 et lors desquelles l'huissier de justice avait pu constater que plusieurs disques durs externes étaient connectés à l'ordinateur de marque Apple visé dans l'ordonnance du 1er septembre 2017, de sorte que l'urgence de pouvoir rechercher les informations sollicitées également sur ces disques durs était caractérisée, alors que les opérations précédemment autorisées étaient encore en cours.

Enfin, les quelques lettres adressées à TMSF en juin et juillet 2014 pour tenter une solution amiable, alors même que M. [K] [C] n'a pas depuis cette date réglé même en partie la créance alléguée à son encontre, ne sont pas de nature à priver la requête de l'urgence requise.

Il convient dès lors de considérer que la condition de l'urgence au sens de l'article 812 du code de procédure civile est satisfaite.

Sur la dérogation au principe du contradictoire

L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Le juge doit ainsi rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire et les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit.

En l'espèce, si l'ordonnance rendue le 1er septembre 2017 ne comporte aucun motif pour justifier la dérogation au principe du contradictoire, elle renvoie expressément à la requête et aux pièces annexées dont il ressort que la mesure a été sollicitée sur le fondement d'un jugement du 19 juin 2013 rendue par le tribunal de première instance d'Istanbul ayant condamné M. [K] [C], parmi d'autres personnes de sa famille, à payer au liquidateur de la Banque Imar Bankasi la somme globale en principal de 5 234 239 euros.

Il n'est pas contesté que cette somme n'a pas à ce jour été acquittée par M. [K] [C] et que le recouvrement en Turquie est compromis dès lors que ce dernier a précisément fui la Turquie et fait une demande en France aux fins d'obtenir le statut de réfugié politique, qui à ce jour ne lui a pas été accordé.

En outre, quand bien même ces procédures ne concernent pas le requérant mais des sociétés tierces, il est justifié de ce que plusieurs décisions ont d'ores et déjà été rendues à l'encontre de M. [C] au profit de sociétés étrangères qui poursuivent aussi le recouvrement de sommes importantes envers ce dernier et notamment une décision du tribunal de district des Etats-Unis Sud de New York le 8 août 2003 dans un litige opposant les sociétés Motorola et Nokia à plusieurs membres de la famille [C], dont M. [K] [C], et aux termes duquel le tribunal a considéré que 'aucun maquis juridique ne peut occulter le fait que toutes les preuves crédibles qui ont été soumises au tribunal démontrent que les défendeurs, et en particulier les membre de la famille [C], ont commis une fraude massive', le tribunal précisant en outre que 'Sous couvert d'obtenir des financements pour une société de télécommunication turque, les [C] ont siphoné à leur profit personnel plus d'un milliard de dollars accordé par les demandeurs au terme d'une infinie série de mensonges, menaces et chicanes comme à titre d'exemple le dépôt de fausses plaintes pénales (...)'.

Il ressort également de ce jugement que le tribunal a pu s'appuyer sur des 'preuves accablantes de cette mauvaise conduite et les conséquences juridiques qui en découlent, y compris inter alia, des dommages causés excédant 4 milliards de dollars, un ordre d'arrestation et emprisonnement contre chacun des défendeurs'. Le tribunal a ainsi considéré que la fraude dont a été victime la société Motorola est fondée et que celle-ci était fondée à obtenir des dommages et intérêts à hauteur de plus de 1 milliard de dollars outre les intérêts.

De même, par une autre décision du 27 septembre 2010, ce même tribunal appelé à statuer sur une procédure de recouvrement diligenté par la société Motorola et la société Nokia à l'encontre d'une société chypriote Libananco, considérée comme 'l'alter ego' de M. [K] [C], a fait droit à cette demande en considérant notamment avoir 'déjà eu l'occasion de constater que les [C] déplacent leurs fonds entre différentes sociétés qui sont sous leur contrôle et leur direction afin d'échapper aux créanciers' et 'les efforts passés des [C] pour éviter toute exécution de jugements à leur encontre, en transférant des fonds d'une société à une autre'.

Enfin, il est produit un article de la revue Law360 faisant état d'une décision de gel des avoirs (freezing order) de M. [K] [C] rendue par un juge de la cour commerciale de Londres (High Court of justice) le 30 août 2017 dans le cadre du litige l'opposant à la société Motorola.

Au regard de ces éléments, qui ont été soumis au juge des requêtes et qui permettent de constater d'une part, que M. [K] [C] est poursuivi par plusieurs créanciers depuis de nombreuses années pour des dettes d'un montant très important dont il ne s'est pas acquitté et d'autre part, qu'il a été reconnu à plusieurs reprises comme ayant mis en oeuvre des montages pour dissimuler ses actifs, le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF, qui souhaite aussi recouvrer sa créance, était fondé, compte tenu de l'attitude passée de M. [K] [C], de solliciter la mise en oeuvre d'une procédure non contradictoire aux fins de recueillir des éléments susceptibles de permettre la localisation de ses actifs en vue de garantir ou permettre le recouvrement de sa créance.

Il convient en conséquence de considérer que la dérogation au contradictoire est satisfaite.

Sur la rétractation fondée sur le moyen tiré du manque de loyauté

M. [K] [C] considère que la Banque Imar Bankasi a fait preuve de déloyauté envers le juge des requêtes en lui dissimulant à dessein des informations importantes et son statut de demandeur d'asile et celui dont bénéficie son frère, [B] [C], le non respect des règles du procès équitable ayant donné lieu au jugement du 19 juin 2013 qui en outre fait l'objet d'un appel ou encore l'existence d'une saisie conservatoire fructueuse qui avait déjà été réalisée à hauteur de 31.966.102 euros (soit d'un montant six fois supérieur au montant de la créance alléguée) et que l'adresse visée par la mesure était également le domicile d'un tiers.

En réponse, le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF fait valoir que le statut de demandeur d'asile dont elle ne pouvait avoir connaissance n'a pas d'incidence sur les procédures civiles engagées, que la régularité du procès ayant donné lieu au jugement du 19 juin 2013 est établie et que rien n'indiquait au jour du dépôt de la requête aux fins de constat, que la saisie conservatoire de créances avait été fructueuse.

Sur ce,

Il convient de constater que le premier juge, lui même saisi d'un moyen tiré du défaut de loyauté envers lui par M. [K] [C], n'a pas considéré ce moyen pertinent dans son ordonnance rendue le 24 novembre 2017.

De même, il n'est pas établi que le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF ait été au courant du statut de demandeur d'asile de M. [K] [C] et du bénéfice de la protection subsidiaire au profit de son frère, [B] [C], et quand bien même l'eût-il été que cet état devait être porté à la connaissance du juge des requêtes alors que, particulièrement pour le statut de demandeur d'asile, il n'a aucune incidence sur le déroulement d'une procédure civile en France.

En outre, il ressort de la requête présentée le 1er septembre 2017 que le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF a bien informé le juge de l'existence de 'procédures de recouvrement entreprises en France' et notamment de 'différentes saisies conservatoires de créances entre les mains de plusieurs sociétés et établissements bancaires français' qui se sont révélées 'pour l'essentiel infructueuses' de sorte que le juge des requêtes était parfaitement informé de l'état des procédures de recouvrement au jour où il a statué étant ajouté que M. [K] [C] ne justifie nullement de ce que la saisie pratiquée entre les mains de la société Vertu a permis de saisir à titre conservatoire des valeurs mobilières d'une valeur de 31 966 102 euros et que cette information, à supposer réelle, a été à la disposition du liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF au jour de la requête. A cet égard, la pièce n°4 produite par M. [K] [C] est un article de presse daté du 20 mars 2017 sur la société Vertu qui précise, au contraire, que si celle-ci commercialise des smartphones de luxe, les performances desdits téléphones ne sont pas exceptionnels et que 'beaucoup pensaient l'entreprise prête à mettre la clé sous la porte'.

De même, se prévalant d'une décision rendue le 19 juin 2013, il n'appartenait pas au liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF d'en souligner la fragilité au regard du procès équitable alors qu'il conteste précisément cette allégation et que comme le souligne le premier juge, rien ne permet prima facie de remettre en cause la validité de cette décision dont il appartiendra au juge de l'exequatur d'en apprécier la régularité internationale étant observé que ce jugement fait bien état de ce que M. [K] [C] y était représenté par un conseil.

Enfin, les difficultés de communication des pièces qui ont été soumises au juge de requêtes, qui sont postérieures à son ordonnance ne sont pas de nature à remettre en cause la loyauté du liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF alors que la communication de ces mêmes pièces au juge des requêtes n'est pas contestée, ni que M. [K] [C] a pu en avoir connaissance dans des délais suffisants pour saisir le juge en rétractation. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le défaut de loyauté envers le juge n'est pas caractérisé et ne peut être en conséquence invoqué au soutien d'une demande en rétractation.

Sur le caractère disproportionné de la mesure et le dépassement par l'huissier de ses prérogatives

M. [K] [C] expose que la mesure confiée à l'huissier suppose une véritable analyse et ne consiste aucunement en des « constations purement matérielles » au sens de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Il ajoute qu'elle n'est pas limitée dans son objet et n'est pas proportionnée dès lors qu'elle porte sur une recherche par mots-clés très extensive, les mots-clés étant très nombreux (174 mots-clés) dont 75 sont des termes génériques qui ne sont évidemment pas de nature à circonscrire réellement l'objet de la saisie réalisée d'autant que chacun de ces mots peuvent faire l'objet de « combinaisons entre eux et leurs équivalents » « en français » ou « en turc », « ou en grec » et leurs synonymes. Il ajoute que la mesure porte atteinte à la vie privée du défendeur et des 59 personnes visées dans la requête, et au secret de leurs éventuelles correspondances. M. [K] [C] fait valoir en outre que l'huissier n'a pas réalisé lui-même les opérations et a demandé à l'informaticien de réaliser seul la mesure en copiant l'entier contenu des ordinateurs à charge pour lui de faire le tri ultérieurement ce qui contrevient directement à l'article 233 du code de procédure civile et la jurisprudence qui sanctionne la mesure de saisie dans laquelle l'huissier s'est abstenu de prendre connaissance personnellement des fichiers saisis en laissant le technicien l'accompagnant réaliser la mission qui lui revient d'effectuer personnellement en sa qualité d'officier ministériel nommément désigné aux termes de l'ordonnance fondant la mesure.

En réponse le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF fait valoir que la mission confiée à l'huissier instrumentaire est strictement limitée à des contestations purement matérielles, à savoir, se rendre au domicile de M. [K] [C], procéder à la copie des documents à l'aide d'un expert informatique, les placer sous séquestre, et le cas échéant, au regard de la quantité exceptionnelle d'informations recueillies, exclure dans l'intérêt de M. [C], ceux qui ne permettent pas d'établir l'existence de biens susceptibles de faire l'objet de mesures conservatoires. Il ajoute que l'ordonnance du 1er septembre 2017 prévoit expressément que l'huissier pourra se faire assister d'un technicien et qu' « en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés, notamment au regard de leur volume (') l'huissier t/ou le Technicien est/sont autorisé/s à procéder à une copie des fichiers, disques durs et autres supports de données qui lui/leur paraîtront nécessaires ».

Le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF soutient en outre que la mesure est proportionnée dès lors que l'ordonnance entreprise a pris soin de prévoir que la recherche sera effectuée par un huissier instrumentaire (officier ministériel) et que celui-ci conserverait, par devers lui, l'ensemble des pièces réunies, en séquestre ; que la mesure est circonscrite dans le temps et dans l'espace, l'huissier ayant été commis pour se rendre « au domicile de M. [Y] [C] sis [Adresse 1] », dans un délai de deux mois ; que la mission confiée à l'huissier est strictement limitée dans son objet et que cette mission est circonscrite à un certain nombre de mots-clés identifiés et ce, dans l'unique but de déterminer les documents qui pourraient lui permettre d'identifier des actifs étant ajouté que la liste des mots-clés est proportionnelle à l'ampleur de son réseau d'affaires et des détournements qui lui sont reprochés à hauteur de plusieurs milliards d'euros. Il ajoute que tous les mots-clés cités dans l'ordonnance relatifs à des noms propres présentent effectivement un lien avec M. [K] [C] au regard des différentes pièces versées aux débats.

Sur ce,

Il convient de rappeler préalablement que le juge de la rétractation, dont la décision est soumise à la cour d'appel, n'est pas juge de la régularité des opérations de saisie de sorte que les moyens qui tendent à critiquer le déroulement des opérations de saisie ne sont pas recevables devant la cour d'appel, investie en la présente cause, des seuls pouvoirs du juge des requêtes.

En revanche, il appartient au juge des requêtes, comme à la cour, d'apprécier l'étendue de la mesure de constat au regard des faits de l'espèce et de déterminer et modifier le cas échéant en conséquence la mission de l'huissier.

A cet égard, si l'usage de mots-clés est de nature à encadrer les mesures de constat et qu'il ne peut être exclu la possibilité de recourir à une liste élargie de mots-clés, notamment lorsque celui qui est visé par ces mesures exerce une activité professionnelle internationale à travers de multiples sociétés de droit étranger susceptibles de générer des actifs dans le monde entier, encore faut-il que cette liste puisse être justifiée par les circonstances de la cause et que soit précisé en quoi chaque mot-clé visé dans la requête est pertinent au regard de la nature et de l'objet des informations recherchées.

Ainsi, l'utilisation de termes génériques et vagues susceptibles de renvoyer à un nombre illimité de documents sans rapport direct avec l'objet de la recherche ou même l'utilisation à titre de mots clés du nom de sociétés ou de personnes physiques pouvant conduire à toucher un nombre indéfini de personnes sans nécessaire lien établi avec l'objet de la requête, doit conduire à considérer que la mission de l'huissier de justice n'est pas proportionnée à l'objectif poursuivi, surtout lorsque le constat, comme c'est le cas en l'espèce, n'est pas cantonné quant à son objet à une période circonscrite dans le temps.

Ainsi, les mots-clés suivants, qui correspondent à des termes génériques dont certains acronymes ne sont pas mêmes explicités par le requérant, ne répondent pas aux critères précités : keys, LC, JD, Signatory, Group, EGA, Articles, Project.

Tel est également le cas des noms de société ou d'actifs suivants dont le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF ne justifie par aucune pièce précise versée aux débats le lien avec M. [K] [C] : Elba, Abdali, [P], [O], [V], [A], [K], Sarraya, et [Y].

Enfin, s'agissant des noms de personnes, il convient de relever que le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF ne s'est pas contenté de viser comme mots-clés les noms complets de personnes susceptibles de détenir des biens pour le compte de M. [K] [C] mais a préféré séparer les prénoms et noms de ces mêmes personnes pour augmenter l'amplitude du constat. Une telle pratique, qui a pour effet de donner accès à des documents comportant des prénoms communs sans l'associer à un nom de famille précis et sans nécessaire lien avec les faits de l'espèce, est manifestement excessif et ne répond pas à l'exigence de proportionnalité requise pour une mesure autorisée de manière non contradictoire.

Ce faisant doivent être supprimés de la liste des mots-clés les prénoms suivants, sauf s'ils sont pour certains rattachés au nom de famille associé qui les suit dans le document litigieux :

[L] (sauf rattaché à [B])

[U] (sauf rattaché à [G])

[P]

[M] (sauf rattacché à Dheere)

[G] (sauf rattaché à [N])

[O] (sauf rattaché à [H])

[F] (sauf rattaché à [X] )

[S] (sauf rattaché à [J])

[W] (sauf rattaché à [T])

[F]

[J]

[Q]

[S]

[H] (les documents produits visant un dénommé '[N]')

[D] (sauf rattaché à [R])

[O]

[Z] (sauf rattaché à [Adresse 4])

[C]

[I]

[S] (sauf rattaché à [N])

[E]

[E]

[T] (sauf rattaché à [D])

[Y]

[Z]

[Adresse 5]

[Z] (sauf rattaché à Haddadin)

[I]

[A]

[L]

[Z] (sauf rattaché à [Adresse 6])

[X]

[L] (sauf rattaché à [O])

[Q] (sauf rattaché à [H])

[O] (sauf rattaché à [H])

[H] (sauf rattaché à [W])

[C]

[I]

[E]

[E]

De même l'ordonnance ne pouvait, sans méconnaître le principe de proportionnalité et de précision nécessaire à l'appréciation de l'étendue de la mission de l'expert, mentionner que chacun des mots-clés de la liste pouvait également concerner 'leurs équivalents en français ou synonymes, et leurs équivalents en turc ou synonymes' et même leurs 'équivalents en grec ou synonymes'.

Le caractère disproportionné de la mesure est au demeurant corroboré par les propres constatations de l'huissier qui, au terme de son procès-verbal du 15 décembre 2017 relatant les mesures de constat réalisées en son étude pour extraire les documents selon la liste des mots-clés visée dans l'ordonnance du 1er septembre 2017, constate que 'plusieurs mots-clés recherchés dans les équipements susvisés par le logiciel d'investigation engendrent le maximum d'occurrences autorisées par ledit logiciel à savoir plus de 16 millions' et précise que le technicien qu'il s'est adjoint lui a également indiqué qu'une 'large partie des mots-clés visés par le dispositif de l'ordonnance a généré des millions d'occurrences'.

Si ces éléments ne sont pas de nature à emporter la rétractation des ordonnances alors que le juge des requêtes a pris soin, eu égard au nombre important des documents susceptibles d'être saisis, d'ordonner leur séquestre entre les mains de l'huissier de justice, ils justifient en revanche que l'étendue de la mission de l'huissier en soit modifiée par le retrait de la liste desdits mots-clés.

Il y a lieu en conséquence d'ordonner, non la rétractation, mais la seule modification de la mission de l'huissier en supprimant de la liste visée par l'ordonnance du 1er septembre 2017, les mots-clés visés dans le dispositif de la présente décision.

Sur le moyen tiré de ce que M. [K] [C] a été privé d'un degré de juridiction du fait de la mainlevée du séquestre autorisée par le juge

S'il ressort des pièces versées que par ordonnance du 12 juin 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné la mainlevée partielle du séquestre, la remise au liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF de plusieurs documents visés dans le dispositif de l'ordonnance et dit que l'huissier devait détruire les autres pièces demeurées sous séquestre et en dresser procès-verbal, ce moyen qui tend à contester la décision de mainlevée n'est pas recevable devant le juge des requêtes et ne l'est pas davantage devant la cour d'appel appelée à statuer sur la demande de rétractation.

Ce moyen est en conséquence irrecevable dans la présence instance.

Sur la demande d'indemnisation de Monsieur [K] [C]

M. [K] [C] soutient que 'la saisie' contestée a été réalisée, en violation du principe du contradictoire et par détournement des règles de procédure et que la banque Imar Bankasi a porté une atteinte manifeste à sa vie privée et a violé son droit de bénéficier d'un procès équitable, en plus de porter atteinte au secret des affaires, au secret bancaire et des correspondances. Il rappelle que du 12 juin 2018 au 31 janvier 2019, ces documents sont restés sans aucune justification chez l'huissier instrumentaire lui provoquant un préjudice important car il avait besoin des documents appréhendés pour préparer sa défense. Il s'estime fondé à solliciter la condamnation de la banque à lui verser la somme de 1.000.000 euros à titre de dommages et intérêts.

En réponse, le liquidateur de la banque Imar Bankasi représenté par TMSF soutient que cette demande est nouvelle et donc irrecevable. Il ajoute que l'ensemble des éléments recueillis par l'huissier instrumentaire dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par les ordonnances querellées ont d'une part été copiés, de sorte que M. [C] en a conservé l'usage, et ont d'autre part été séquestrés entre ses mains de sorte que le liquidateur de la Banque Imar n'en a jamais eu connaissance jusqu'à l'ordonnance ayant ordonné la mainlevée partielle du séquestre.

Sur ce,

La demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ne tend qu'au rétablissement du principe de la contradiction, le juge de la rétractation ne disposant que des pouvoirs que lui confèrent les articles 496 et 497 du code de procédure civile.

La demande en condamnation de l'intimé à lui verser des dommages et intérêts en réparation de son préjudice allégué, outre qu'elle n'avait pas été formée devant le premier juge, est en tout état de cause irrecevable.

Sur les frais et dépens

Chacune des parties succombant partiellement dans la présente cause, il y a lieu de laisser à leur charge les dépens qu'elles auront exposés.

En outre, elles seront pour les mêmes motifs déboutées de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance rendue le 24 novembre 2017 par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris à l'encontre de Monsieur [K] [C] en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation et supprimé de la liste des mots-clés le mot AKP ;

L'infirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à ordonner une jonction avec le dossier enregistré sous le numéro RG 18/16586 ;

Rejette la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir de [R] T. [V] Bankasi [A] Iflas Idaresi représenté par Tasarruf Mevduatis Sigorta Fonu ;

Rejette le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel du président du tribunal de grande instance de Paris en application de l'alinéa 3 de l'article 812 du code de procédure civile ;

Rejette la demande d'annulation de l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris du 1er septembre 2017 et celle en extension du 4 septembre 2017 ;

Rejette la demande de caducité de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris du 1er septembre 2017 et celle en extension du 4 septembre 2017 ;

Modifie la mission de l'huissier de justice en ce sens qu'il ne peut utiliser les mots-clés suivants pour l'exécuter :

- keys, LC, JD, Signatory, Group, EGA, Articles, Project.

- Elba, [S], [P], [O], [V], [A], [K], Sarraya, et [Y].

- [L] (sauf rattaché à [B]) ; [U] (sauf rattaché à [G]) ; [P] ; [M] (sauf rattaché à Dheere) ; [G] (sauf rattaché à [N]) ; [O] (sauf rattaché à [H]); [F] (sauf rattaché à [X] ); [S] (sauf rattaché à [J]) ; [W] (sauf rattaché à [T]) ; [F] ; [J] ; [Q] ; [S] ; [H] ; [D] (sauf rattaché à [R]) ; [O], [Z] (sauf rattachés à [Adresse 4]) ; [T] ; [I] ; [S] (sauf rattaché à [N]) ; [E] ; [E]; [T] (sauf rattaché à [D]) ; [Y] ; [Z] ; Bitar ; [Z] (sauf rattaché à Haddadin) ; [K]; [A] ; [L] ; [Z] (sauf rattaché à [V] [E]) ; [X] ; [L] (sauf rattaché à [O]) ; [Q] (sauf rattaché à [H]) ; [O] (sauf rattaché à [H]) ; [H] (sauf rattaché à [W]) ; [T] ; [I] ; [E] ; [E] ;

Supprime les mots suivants de la mission : 'leurs équivalents en français ou synonymes, et leurs équivalents en turc ou synonymes' et 'équivalents en grec ou synonymes' ;

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par M. [K] [C] ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties les dépens qu'elles ont exposés.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/22558
Date de la décision : 23/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°17/22558 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-23;17.22558 ?
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