RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 23 Mai 2019
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/14921 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4UB5
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 19 décembre 2013 CPH de CRETEIL
Arrêt du 1er avril 2015- Cour d'appel de PARIS
Cassation du 12 octobre 2017 et renvoi devant la Cour d'appel de PARIS autrement composée
APPELANTE
Madame [R] [T]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355
substituée par Me Clara GANDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355
INTIMÉE
SA MAAF ASSURANCES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Cécile CURT, avocat au barreau de LYON
substitué par Me Charlotte ILTIS, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et Mme Bérengère DOLBEAU, conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre
Mme Bérengère DOLBEAU,conseillère
Mr François MELIN, conseiller
Greffier : Mme Anna TCHADJA-ADJE, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Madame Anna TCHADJA-ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [T] a intégré la société MAAF Assurances le 2 mai 1995 selon contrat à durée déterminée, puis le 16 octobre 1995 par un second contrat à durée déterminée, et enfin le 25 novembre 1996 par contrat à durée indéterminée en qualité de chargée de clientèle professionnelle junior.
Elle a travaillé à temps partiel à hauteur de 80 %.
Mme [T] a saisi le Conseil de prud'hommes le 15 juillet 2011, s'estimant victime de discrimination en raison de son sexe, de sa maternité et de sa situation de famille.
Par un arrêt du 1er avril 2015, la Cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du Conseil de prud'hommes qui avait débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes, sauf en ce que dernier annulait un avertissement, et a statué dans les termes suivants :
- fixe le coefficient de Mme [R] [T] à 1495 au 1er janvier 2011 assorti du salaire de base de 38.890,49 bruts sur la base d'un temps plein à adapter au temps de travail effectif;
- condamne la société MAAF Assurances à verser à Mme [R] [T] le rappel de salaire correspondant ;
- condamne la société MAAF Assurances à verser à Mme [R] [T] les sommes suivantes :
- 41.997,22 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique lié à la discrimination,
- 8.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié à la discrimination subie,
- 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens (première instance et appel).
- déboute Mme [T] de ses autres demandes.
La société MAAF Assurances s'étant pourvue en cassation, Mme [T] a formé un pourvoi incident.
Par arrêt du 12 octobre 2017, la Cour de cassation a censuré l'arrêt, mais uniquement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'accord d'entreprise et en ce qu'il a fixé son salaire de base annuel brut à 38.890,49 €.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises le 1er février 2018, Mme [T] sollicite la fixation au 1er janvier 2011 de son salaire mensuel brut de base à 3.890,49 € (sur la base d'un temps plein), avec les augmentations individuelles générales ou conventionnelles propres à l'entreprise et intervenues depuis cette date, la condamnation de la société MAAF au rappel de salaire correspondant et à la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'article 4.4.17 de l'accord d'entreprise du 7 janvier 1999 applicable à l'unité économique et sociale MAAF assurances, outre la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil, et la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que l'employeur n'a manifestement pas respecté l'obligation qui lui incombait en vertu de l'article 4.4.17 de l'accord d'entreprise, puisque cet article prévoit que, en cas de congé parental d'éducation inférieur à 36 mois, le salarié est réintégré dans son précédent emploi ou un emploi similaire « dans la même ville » ; qu'à son départ en congé parental d'éducation du 5 octobre 2002, Mme [T] exerçait les fonctions de chargée de clientèle professionnelle au sein de l'agence de [Localité 2], et qu'à son retour le 5 octobre 2003, elle a été mutée au sein de l'agence de [Localité 4] en [Localité 3] ; que la société MAAF n'a pas respecté ces dispositions, ce qui a nécessairement causé un préjudice à Mme [T].
Elle indique que la Cour de cassation a confirmé l'arrêt de la Cour d'appel sur l'existence d'une discrimination en raison de la maternité et de la situation de famille, et que l'établissement de la discrimination étant acquis, la présente juridiction est saisie uniquement des conditions du repositionnement salarial ; que la Cour de cassation a en effet censuré la Cour d'appel en ce qu'elle avait en réalité repositionné la salariée à un salaire inférieur à son salaire réel ; que son salaire doit être fixé à la somme de 3 890,49 € par mois sur la base d'un temps plein.
Dans ses dernières conclusions, la société MAAF Assurances sollicite le débouté de l'ensemble des demandes, et la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle indique que lors de son retour de congé parental qui a pris fin le 4 octobre 2003, Mme [T] a été affectée dans le même poste, de même niveau et assorti de la même rémunération, dans le même secteur géographique que le poste précédent ; qu'en effet, son poste à [Localité 2] était occupé par la salariée qui l'avait remplacée ; qu'en outre, sa nouvelle affectation était beaucoup plus proche de son nouveau domicile à savoir à [Localité 1] ; qu'enfin, une prime exceptionnelle de 1 500 € a été versée à la salariée du fait de sa réintégration à [Localité 4] ; qu'il n'existe donc aucun préjudice démontré lié à ce changement de poste, dont Mme [T] ne s'était jamais plainte avant la saisine du conseil de prud'hommes plus de huit années plus tard.
Elle expose qu'elle a effectué les calculs de régularisation sur la base du coefficient hiérarchique que Mme [T] revendiquait, et non sur la base d'un salaire annuel brut ; qu'il n'y a donc pas lieu de la condamner à verser un nouveau rappel de salaires ; qu'en outre, les salariés du panel utilisé ont un niveau d'étude supérieur à celui de Mme [T], et des expériences professionnelles antérieures ; que des primes individuelles liées à l'ancienneté ou à la partie variable sont prises en compte dans les salaires ; que Mme [T] a donc déjà perçu un rappel de salaires correspondant à la discrimination dont elle s'estime victime et sera déboutée de sa demande de repositionnement salarial non chiffrée.
MOTIFS
Sur les dommages intérêts pour violation de l'accord d'entreprise :
L'article 4.4.17 relatif au congé parental d'éducation de la convention d'entreprise de l'UES MAAF Assurances prévoit dans son septième paragraphe : 'A l'expiration de la suspension du contrat de travail pour congé parental, le salarié retrouve son empli ou un emploi similaire en conservant les droits acquis au début dudit congé. Si le congé expire dans les 36 mois, il retrouve son emploi ou un emploi similaire dans la même ville'.
En l'espèce, Mme [T] a été placée en congé parental d'éducation à compter du 5 octobre 2002, alors qu'elle exerçait au sein de l'entité de [Localité 2], et a été réintégrée à compter du 5 octobre 2003 au sein de l'entité de [Localité 4].
Il n'est pas contestable que le congé parental d'éducation dont a bénéficié Mme [T] a expiré dans un délai inférieur à 36 mois, en l'espèce 12 mois, et que la commune dans laquelle elle travaillait avant son congé parental, soit [Localité 2], n'est pas la même commune que celle dans laquelle elle a été affectée à son retour de congé parental, soit [Localité 4].
Ainsi, Mme [T] remplissait bien les conditions d'application de l'article 4.4.17 de la convention d'entreprise de la société MAAF Assurances, qui n'a donc pas respecté son obligation de la ré-affecter à son retour dans la même ville.
En outre, contrairement à ce qu'affirme la société MAAF Assurances, Mme [T] s'est plainte de cette affectation par courrier du 3 octobre 2003, et n'a donc pas attendu la saisine du conseil de prud'hommes pour faire état de son opposition.
Toutefois, Mme [T] doit justifier du préjudice subi ; or, elle se contente d'affirmer qu'elle a rencontré d'importantes difficultés pour se rendre sur son nouveau lieu de travail compte-tenu de son récent déménagement à [Localité 1], alors que le trajet entre [Localité 1] et [Localité 4] est d'une durée et d'un kilométrage inférieurs au trajet entre [Localité 1] et [Localité 2] (16 km et 27 min pour le premier trajet, contre 36 km et 58 minutes pour le second trajet, au vu des évaluations du site Mappy versées aux débats). Il résulte d'ailleurs du courrier du 7 novembre 2003 adressé par la société MAAF Assurances à Mme [T] que son manager lui avait proposé ce lieu d'affectation sur [Localité 4] en raison de son nouveau lieu de domicile sur [Localité 1], afin de la rapprocher de son lieu d'habitation et d'adapter sa situation professionnelle à sa situation familiale.
Aussi, Mme [T] ne justifie pas du préjudice invoqué.
Il y aura donc lieu de la débouter de sa demande de dommages intérêts, en l'absence de tout préjudice démontré.
Sur le repositionnement salarial :
Mme [T] sollicite la fixation de son salaire mensuel de base à la somme de 3 890,49 € au 1er janvier 2011, sur la base d'un temps plein, avec les augmentations individuelles, générales ou conventionnelles intervenues depuis cette date.
La Cour de cassation a en effet cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris en ce qu'il a fixé le salaire de base annuel brut de la salariée à la somme de 38 890,49 €.
Toutefois, la décision de la cour d'appel de Paris ayant reconnu l'existence d'une discrimination, et fixé le coefficient de Mme [T] à 1495 au 1er janvier 2011 est quant à elle définitive, n'ayant fait l'objet d'aucune cassation.
Le coefficient de Mme [T] en janvier 2011 était de 1206, soit une différence de 289 points par rapport au coefficient fixé de façon définitive par la cour d'appel de Paris.
La valeur du point en mai 2015 s'élevant à la somme de 1,52448, ces 289 points représentent un rappel de salaires à hauteur de 440,57 € par mois sur la période de janvier 2011 à avril 2015, ce qui représente un salaire mensuel de base de 2 241,03 € pour un temps plein hors primes (le salaire de base de Mme [T] s'élève à 1500,38 € au mois de janvier 2011 + 20% (pour tenir compte de son temps de travail à 80%) + 440,57 €).
Aussi, il y a donc lieu de fixer au 1er janvier 2011 le salaire mensuel brut de base de Mme [T] à la somme de 2 241,03 € par mois sur la base d'un temps plein, et de condamner la société MAAF au rappel de salaire correspondant pour la période de janvier 2011 à avril 2015.
La demande relative aux augmentations générales ou conventionnelles intervenues depuis le 1er janvier 2011 est irrecevable, cette question ayant déjà été rejetée par la cour d'appel de Paris, confirmée en cela par la cour de cassation.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société MAAF Assurances, qui succombe partiellement, sera condamnée aux entiers dépens.
Au vu de la nature de la décision, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, chaque partie conservant à sa charge les frais qu'elle a supportés au cours de la présente instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de dommages intérêts pour violation de l'article 4.4.17 de l'accord d'entreprise ;
Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [T] de repositionnement salarial ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Fixe au 1er janvier 2011 le salaire mensuel brut de base de Mme [T] à la somme de 2 241,03 € sur la base d'un temps plein;
Condamne la société MAAF Assurances au rappel de salaire correspondant pour la période de janvier 2011 à avril 2015, déduction faite des salaires perçus par Mme [T] durant cette période ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, en application de l'article 1343-2 du code civil ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société MAAF Assurances aux entiers dépens de la présente instance.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE