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22/05/2019 | FRANCE | N°17/08589

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 22 mai 2019, 17/08589


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 22 MAI 2019



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08589 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3S56



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mai 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/05682





APPELANTE

SA L'ECOLE DES LOISIRS

[Adresse 1

]

N° SIREN : 300 570 181

Représentée par Me Marc ARTINIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1759





INTIMÉE

Madame [T] [W]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 22 MAI 2019

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08589 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3S56

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mai 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/05682

APPELANTE

SA L'ECOLE DES LOISIRS

[Adresse 1]

N° SIREN : 300 570 181

Représentée par Me Marc ARTINIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1759

INTIMÉE

Madame [T] [W]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

Représentée par Me Jean-Michel GONDINET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0544, substitué à l'audience par Me Aurélia MAROTTE, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Hélène GUILLOU, Présidente de chambre

Mme Anne BERARD, Présidente de chambre

Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Hélène GUILLOU, Présidente dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier : Mme Clémence UEHLI, greffier lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Hélène GUILLOU, présidente et par Madame Pauline MAHEUX, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [T] [W] a été embauchée par la société L'Ecole des loisirs (la société L'EDL) par contrat verbal à compter du 1er novembre 1998 en qualité de correctrice à domicile.

Ces fonctions ayant évolué au cours du contrat, elle a demandé la révision de sa position et a obtenu en 2010 que lui soit reconnu, sur ses fiches de paie, le titre d'assistante d'édition, technicien 2ème échelon, sous le statut travailleur à domicile (TAD).

Estimant avoir occupé de nombreuses fonctions, dont celles de lectrice, rédactrice, de responsable du comité de lecture et de chargée de réécriture et de responsable de collection, puis celles de directrice littéraire adjointe, et n'avoir plus reçu de travail significatif depuis le mois de décembre 2015, après avoir sollicité en vain la société L'EDL, Mme [W] a pris acte le 20 avril 2016 de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusif de son employeur.

Le 23 mai 2016 Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 27 avril 2017, (16 mai 2017) a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire:

- dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Mme [W] aux torts de son employeur s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société L'EDL à lui payer les sommes suivantes:

- 24 609,92 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 14 178,66 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 1 417,86 euros au titre des congés payés afférents,

- 80 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 24 892,13 euros au titre du rappel de salaire pour la période de janvier 2016 à avril 2016,

- 2 489,21 euros au titre des congés payés afférents,

- 4 308,20 euros au titre de la prise en charge des frais d'atelier,

- 10 800 euros au titre de la prise en charge des frais du logement personnel de Mme [W],

- 27 309,13 euros, à titre de rappel de supplément de traitement mensuel (article 3 annexe IV),

- 2 730,91 euros au titre des congés payés afférents,

- 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des visites médicales ;

- dit que les sommes octroyées seront majorées des intérêts au taux légal, à compter du prononcé du présent jugement ;

- condamné la société L'EDL, à payer à Mme [W], la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société L'EDL, de remettre à Mme [W] les documents suivants :

- une attestation d'employeur destinée au pôle emploi,

- un certificat de travail conforme ;

- débouté Mme [W] du surplus de ses demandes,

- débouté la société L'EDL de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société L'EDL aux dépens.

Le 19 juin 2017 la société L'EDL a interjeté appel de cette décision et obtenu l'arrêt de l'exécution provisoire sous réserve de la consignation des sommes allouées.

Le 22 juin Mme [T] [W] a également interjeté appel de cette décision et les affaires ont été jointes sous le n°17/08589.

Dans ses dernières conclusions, auxquelles la cour fait expressément référence, remises au greffe et notifiées par réseau privé virtuel des avocats le 18 septembre 2017, la société L'EDL demande à la cour de :

A titre principal:

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que Mme [W] n'était pas recevable à revendiquer le statut de travailleur sur site, et en ce qu'il a considéré Mme [W] infondée en sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi par la salariée consécutif à son maintien abusif à un statut de travailleur à domicile,

Sur la rupture du contrat de travail qui la liait à la société L'EDL:

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au versement d'une indemnité de licenciement conventionnelle (à hauteur de 24 609,92 euros), d'une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents (14 178,66 euros et 1 417,86 euros), de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (80 000 euros),

de dommages et intérêts pour préjudice moral et d'anxiété (5 000 euros), des rappels de salaires pour les mois de janvier à avril 2016 et les congés payés y afférents (24 892,13 euros et 2 489,21 euros),

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré Mme [W] infondée en ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice économique subi du fait de l'application des dispositions réservées au travailleur à domicile dans le calcul de l'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de congés payés,

- dire qu'elle n'a commis aucun manquement grave justifiant une prise d'acte par Mme [W] de la rupture du contrat de travail qui les liait à ses torts exclusifs,

- dire que la prise d'acte formée par Mme [W], de la rupture du contrat de travail produira les effets d'une démission à compter du 20 avril 2016,

Sur l'exécution du contrat de travail qui la liait à la société la société L'EDL:

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au versement d'une indemnité au titre de la prise en charge des frais d'atelier et d'équipement (4 308,20 euros) et de la prise en charge des frais d'occupation du logement personnel (10 800 euros), des rappels de supplément de traitement mensuel et les congés payés y afférents (27 309,13 euros et 2 730,91 euros), et de dommages et intérêts pour défaut de suivi médical (6 000 euros),

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré Mme [W] infondée en ses demandes de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2013, 2014 et 2015 et les congés payés y afférents et sur la rémunération de la contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent sur 2013 à 2015, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour non-respect des modalités de remise et de paiement des travaux prévus pour les salariés travailleurs à domicile,

A titre subsidiaire:

- dire, si Mme [W] entendait les maintenir, que les demandes formulées par elle devant le conseil de prud'hommes de Paris ne sont pas justifiées et ne sont pas justifiables,

En tout état de cause :

- condamner Mme [T] [W] à verser à la société l'EDL la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, auxquelles la cour fait expressément référence, remises au greffe et notifiées par réseau privé virtuel des avocats le 21 février 2019 Mme [W] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société L'EDL à lui payer les sommes de :

- 5 000 euros à titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 27 309,13 euros bruts à titre de rappel de supplément de traitement mensuel,

- 2 730,91 euros bruts au titre des congés payés y afférent,

- 6 000 euros à titre des dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné à la société L'EDL de lui remettre une attestation POLE EMPLOI et un certificat de travail conformes

- débouté la société L'EDL de sa demande reconventionnelle

- condamné la société L'EDL aux dépens.

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société L'EDL au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaires, mais l'infirmer sur le quantum alloué, et,

Statuant à nouveau,

- condamner la société L'EDL à lui payer, à ce titre, la somme de 15 356,21 euros, outre 1 535,62 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,

Subsidiairement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société L'EDL au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis égale à 14 178,66 euros, outre la somme de 1 417,86 euros au titre des congés payés y afférent ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société L'EDL à lui payer un rappel de salaires pour la période de janvier 2016 à avril 2016, mais l'infirmer sur le quantum alloué, et statuant à nouveau,

- condamner la société L'EDL, à ce titre, à lui payer la somme de 27 253,89 euros bruts, outre 2 725,38 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

Subsidiairement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société L'EDL à lui payer un rappel de salaires pour la période de janvier 2016 à avril 2016, d'un montant de 24 892,29 euros outre la somme de 2 489,22 euros bruts au titre des congés payés y afférent,

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour devait infirmer le jugement sur le principe de l'allocation d'un rappel de salaires sur la période du 1er janvier au 20 avril 2016, il sera demandé à la cour, statuant à nouveau,

de :

- condamner la société L'EDL à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la diminution drastique du travail confié à la salariée à compter du 1er janvier 2016 et à la baisse consécutive de sa rémunération,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société L'EDL au paiement d'une indemnité de licenciement, mais l'infirmer sur le quantum alloué, et, statuant à nouveau,

- juger qu 'elle n'occupait pas, dans les faits, au 20 avril 2016 un poste d'assistante d'édition, mais un poste équivalent à directrice littéraire adjointe plus qualifié dont les modalités d'exécution étaient résolument incompatibles avec le statut de travailleur à domicile,

En conséquence,

- condamner, la société L'EDL à lui payer, la somme de 137 891,81 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, ou à titre subsidiaire, 95 330 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement calculée suivant la règle fixée à l'article 13 de la convention collective de l'édition,

Subsidiairement,

- condamner la société L'EDL à payer la somme de 45 850,02 euros, ou à titre très subsidiaire, 41 944,92euros, ou à titre infiniment subsidiaire, 31 697,76 euros, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement calculée selon la règle fixée à l'article 5 de l'Annexe IV à la convention collective, outre la somme de 83 000 euros au titre du préjudice économique subi par Mme [W] du fait de l'application des dispositions réservées au TAD dans le calcul de l'indemnité de licenciement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société L'EDL au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

mais l'infirmer sur le quantum alloué, et, statuant à nouveau,

- condamner la société L'EDL à payer à Mme [W], la somme de 115 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Subsidiairement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société L'EDL à payer à Mme [W] une somme de 80 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société L'EDL au titre de la prise en charge des frais d'atelier, mais l'infirmer sur le quantum alloué, et, statuant à nouveau,

- condamner la société L'EDL à payer à Mme [W] la somme de 6 289,71 euros, subsidiairement, 4 308,20 euros au titre de la prise en charge de ses frais d'ateliers et d'équipement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société L'EDL au titre de d'occupation du logement personnel de Mme [W], mais l'infirmer sur le quantum alloué, et, statuant à nouveau,

- condamner la société L'EDL à payer à Mme [W] la somme de 28 800 euros au titre de la prise en charge des frais d'occupation du logement personnel de la salariée ;

Subsidiairement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société L'EDL à payer à Mme [W] une somme 10 800 euros au titre de la prise en charge de ses frais d'occupation de son logement personnel,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté Mme [W] de ses demandes formées au titre :

- de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (article 8223-1 du code du travail) ;

- de rappels de salaires en lien avec les heures supplémentaires effectuées par Mme [W] et les majorations et repos compensateur y attachés, outre les congés payés calculés sur ces sommes,

- de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- de dommages et intérêts au titre du préjudice subi par la salariée consécutif à son maintien abusif à un statut de TAD ;

- de dommages et intérêts pour non-respect des modalités de remise et de paiement des travaux prévus pour les salariés TAD.

- dit que les sommes octroyées seront majorées des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société L'EDL à payer à Mme [W] les sommes de :

- 61 513,08 euros, ou à titre subsidiaire, 42 526,20 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (article 8223-1 du code du travail),

- 25 805,43 euros bruts, outre les congés payés pour un montant de 2 580,50 euros bruts à titre de rappel de salaires au titre des heures impayées sur les années 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, (prescription applicable aux salariés TAD), ou 18 087 euros bruts, outre les congés payés pour un montant de 1 808,70 euros bruts, au titre des heures impayées effectuées par la salariée sur les années 2013, 2014 et 2015 (prescription applicable pour les salariés non TAD).

- condamner la société L'EDL à payer à Mme [T] [W] les sommes de :

A titre principal,

- euros bruts de rappel de salaires au titre des majorations des heures supplémentaires sur 2013, 2014 et 2015, outre la somme de 1.954,53 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- 34 944,50 euros bruts au titre de rémunération de la contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent sur 2013, 2014 et 2015, outre la somme de 3.494,45 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

Subsidiairement,

- 1 862,92 euros bruts au titre des majorations des heures supplémentaires réalisées calculées suivant la règle fixée pour les TAD à l'article L 7422-9 du code du travail, outre la somme de 186,29 euros bruts au titre des congés y afférents,

- 46 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires et dédommagement de son préjudice économique lié à un mode de calcul des heures supplémentaires inadapté à la situation et au statut réel de la salariée,

- condamner la société L'EDL à payer à Mme [W] les sommes de :

- 32 784,50 euros bruts, subsidiairement, 22 757,10 euros bruts au titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi par la salariée consécutif à son maintien abusif à un statut de TAD,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des modalités de

remise et de paiement des travaux prévus pour les salariés TAD.

- dire que les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal des condamnations à compter de la saisine,

En tout état de cause,

- débouter La société L'EDL de son appel principal et incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions formées à l'appui,

- condamner la société L'EDL à payer à Mme [W] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens ;

MOTIFS :

Sur les fonctions exercées par Mme [W] et leur adéquation avec le statut de travailleur à domicile (TAD)

Mme [W] soutient essentiellement que le statut de travailleur à domicile tel que prévu par l'article IV de la convention collective de l'édition doit être cantonné aux tâches techniques ponctuelles destinées à être exécutées par le salarié à son domicile et ne peut être adopté pour la directrice d'édition adjointe qu'elle était devenue, quand bien même elle-ci aurait exercé ses fonctions à son domicile.

La société L'EDL réplique que le statut de TAD s'applique, indépendamment des fonctions occupées, aux salariés disposant d'une réelle autonomie dans l'exécution de leurs fonctions.

Sur les fonctions occupées par Mme [W]:

Il sera au préalable rappelé que l'annexe II à la convention collective: 'classification et définition des emplois' précise au préalable que la liste de poste ainsi définie n'est pas limitative et est donnée à titre purement indicatif et que ces définitions peuvent varier en fonction de l'organisation ou de la dimension des unités concernées et du profil des personnes occupant ces postes.

Il sera également précisé que Mme [W] est titulaire d'un DEA de lettres modernes, d'un DESS de lettres appliquées aux techniques éditoriales et à la rédaction professionnelle ainsi que d'un master spécialisé management de l'édition de l'ESCP.

Pour établir la réalité de ses fonctions, Mme [W] produit de très nombreux exemples de réalisation de notes de lectures, de courriers de réponse aux auteurs ayant adressé leurs manuscrits, de travaux de corrections, de rédaction de 4ème de couverture, de biographie, de portrait d' auteurs, d'argumentaire de vente transmis aux commerciaux, de travail éditorial, ainsi que de très nombreux courriels de suivi du travail des auteurs, de gestion de calendrier, de relations avec le personnel de la société L'EDL, que ce soit le service communication, le service commercial, le service maquette-correction.

Les nombreuses notes de lecture, dont il n'est pas contesté qu'elles ont été rédigées par Mme [W], les nombreux échanges de mails versés aux débats démontrent que :

- au moins à compter de 2002, Mme [W] s'est vu confier un travail de lecture de manuscrits, sur lesquels elle rédigeait une note, ainsi que des réponses destinées aux auteurs qu'elle adressait à Mme [E] qui les leur transmettait elle-même sous sa propre signature, ces travaux étant réalisés d'abord par courrier, dès 2002 puis par courriels.

Pourtant sur ses fiches de paye, Mme [W] est restée qualifiée de 'correctrice à domicile', alors que ces fonctions ne correspondaient d'évidence pas aux fonctions qu'elle occupait réellement puisque la convention collective nationale de l'édition définit le correcteur comme celui qui 'effectue, à son domicile, la vérification typographique d'épreuves et assure le respect des règles de ponctuation, de syntaxe et d'orthographe' et ajoute qu' 'il bénéficie du statut des travailleurs à domicile dans la mesure où il remplit toutes les conditions requises par les articles L. 721-1 et suivants du code du travail.'

Ce n'est que le 31 décembre 3010, qu'après avoir obtenu du directeur de la société L'EDL un entretien, ses bulletins de salaire ont porté la mention 'assistante d'édition TAD technicien 2ème échelon', avec parmi les sommes à payer une ligne 'travaux de correction /lecture' et une ligne 'travaux de rédaction'.

Les fonctions assistante d'édition sont définies par la convention collective comme celle consistant à 'participer aux opérations visant à la réalisation d'ouvrages et à ce titre à seconder un éditeur et/ou un responsable d'édition pour la mise au point des textes et la préparation des copies, relire les épreuves et prépare les bons à tirer, assurer le suivi administratif des différents intervenants sur l'ouvrage et le respect des plannings'.

Mme [W] établit que, déjà à cette date, cette fonction ne correspondait pas davantage à son travail effectif.

En effet, elle démontre qu'elle établissait des notes à partir desquelles elle était rémunérée, comportant le nombre de note de lecture réalisées, la facturation de 'comité de lecture' et du 'travail éditorial', qu'elle facturait selon l'importance des tâches effectuées. C'est ainsi qu'apparaît pour le mois de mai 2013 du travail éditorial consistant tant dans des 'relations avec les auteurs (facturés 420 euros) que des travaux éditoriaux selon les versions relues, et l'avancé des travaux de l'auteur.

Ces différents travaux n'apparaissent pas sous ces intitulés sur les fiches de paie établies, alors même que la note établie par Mme [W] pour obtenir le paiement de ses travaux détaille les sommes dues au titre des lectures, du comité de lecture et du travail éditorial.

A titre d'exemple en mai 2013 elle présente des notes pour:

- un comité de lecture: 229 euros,

- du travail éditorial (avec le détail des auteurs et de leurs manuscrits): 4 345 euros

- des notes de lectures: 847 euros.

Elle est en effet payée pour ce total de 5 421 euros, mais sous les rubriques habituelles de lecture/ correction et de travaux de rédaction ne correspondant pas au travail effectué.

Elle a réalisé à compter de 2008 un véritable travail éditorial, d'abord sous couvert de l'assistance de Mme [E], directrice littéraire, puis en correspondant directement avec les auteurs dont les messages démontrent que beaucoup la considèrent comme à tout le moins comme leur 'éditrice' au même titre que Mme [E] et s'adressent à elles deux ou même à Mme [W] seulement.

Si entre 2008 et 2010 Mme [W] établit avoir surtout préparé le travail de Mme [E] qui le transmettait elle-même en réponse aux auteurs, en revanche à compter de 2010 de nombreux mails démontrent que Mme [W] est intervenue aux côtés et sous la responsabilité de Mme [E] mais en apparaissant désormais comme l'auteur des réponses.

De nombreux courriels lui sont adressés directement par les auteurs, pour lui demander des avis sur les modifications à apporter, sur la construction de leurs récits ou romans, lui faire part de leurs idées, voire de leurs états d'âme, et la sollicitent pour des pré-lectures. Des manuscrits lui sont confiés directement par les auteurs, qu'elle retransmet à Mme [E].

En outre, Mme [W] leur fait des suggestions, celles-ci ne se limitant pas à des corrections orthographiques, à souligner des répétitions ou à faire des remarques sur la concordance des temps. Elle propose notamment directement aux auteurs des modifications dans l'intrigue, surveille la cohérence de l'histoire, propose d'expliciter davantage telle réaction d'un personnage, d'enrichir certains passages, d'abandonner certaines formes, de prolonger certaines histoires. Il s'en suit des dialogues avec l'auteur jusqu'à la finalisation de l'oeuvre.

Mme [W] démontre également avoir suivi des auteurs de l'envoi du premier projet jusqu'à la signature du contrat et avoir participé aux réunions éditoriales auxquelles elle était conviée.

Toutes ces tâches excèdent celles d'une assistante d'édition.

En établissant que ces tâches sont depuis plusieurs années les siennes, en assistance de Mme [E] mais de façon suffisamment autonome pour que les différents interlocuteurs s'adressent directement à elle, Mme [W] établit avoir réalisé dans un premier temps de 2008 et jusqu'en 2012 un véritable travail d'éditrice, ainsi défini par la convention collective en son annexe II:

Editeur : participe à la réalisation d'un programme éditorial.

A ce titre :

' seconde un responsable d'édition ou agit de manière autonome pour le suivi de la réalisation d'un programme éditorial et de son budget ;

' réalise en relation étroite avec l'auteur la finalisation des textes ;

' propose, si nécessaire, des collaborateurs extérieurs et coordonne leurs travaux;

' a la responsabilité de la préparation des copies ;

' participe aux prises de décisions concernant la réalisation physique des ouvrages et le choix des illustrations ;

' rédige les argumentaires de vente destinés aux représentants ;

' peut être amené à animer un ou plusieurs assistants d'édition et / ou à effectuer tout ou partie de leurs tâches.

Par la suite Mme [W] établit non seulement avoir lu, commenté et fait des réponses aux auteurs proposant des manuscrits mais également avoir reçu directement de nombreux textes qui lui étaient directement adressés par les auteurs, soit après un premier travail avec cette maison d'édition, soit même en vue d'une première publication.

Elle prouve également qu'à compter de 2012 Mme [E] lui régulièrement demandé de traiter directement avec les services maquettes correction, de préparer et participer aux réunions portant sur le programme éditorial, qu'elle a été chargée par Mme [E] d'établir ce programme pour l'automne 2013, le printemps et l'automne 2014, le printemps et l'automne 2015, le printemps 2016, programme qu'elle a réalisé elle-même sous la direction de Mme [E] à qui elle en référait.

A cet égard les courriels que Mme [W] adresse à Mme [D], notamment le 10 janvier 2013 fait clairement apparaître sa participation active au choix éditoriaux, et ce directement avec la société L'EDL et non par l'intermédiaire de Mme [E], même si elle associe celle-ci à tous les envois.

En outre l'envoi des programmes est directement réalisé par ses soins à différents interlocuteurs au nom de la société L'EDL dont Mmes [D], [Z], [C], [M] de l'équipe maquette-correction au sein de la société La Sereg, chargée de la réalisation des livres, avec laquelle sont organisées des réunions auxquelles Mme [W] établit avoir participé.

Elle a également été destinataire notamment au cours de l'année 2015 de courriels conviant les 'éditeurs' (dont Mme [E] et elle-même) à des réunions commerciales ou de présentation des nouveautés, été en relation directe avec bien d'autres services de la société L'EDL tels que le service des salons et déplacements d'auteur, et avoir traité en direct la question du contenu pour les réseaux sociaux avec les community manager.

Les pièces produites démontrent que Mme [W] a également été l'interlocuteur de nombreux auteurs pour l'établissement des contrats.

Cependant ceux-ci étaient négociés et signés par Mme [E], et ce n'est que très ponctuellement que celle-ci lui a confié, dans l'urgence, une négociation, avec l'indication des grandes propositions à faire

Mme [W] ne peut donc se prévaloir de ce qu'elle 'négocie, établit et suit les contrats avec les auteurs' ce qui relève pourtant des fonctions de directeur littéraire qu'elle revendique .

De même n'établit-elle pas avoir 'remplit une mission permanente de relations publiques'.

En effet, s'il est établi que Mme [W] a été choisie à plusieurs reprises, par le service communication pour y témoigner dans un blog de ses fonctions d'éditrice, puis par le directeur général de la société L'EDL pour figurer dans un reportage sur les 50 ans de la société dans lequel elle a été présentée comme éditrice, et pour effectuer des déplacements notamment à [Localité 2] dans le cadre de cet événement, ces manifestations sont directement liées à un événement exceptionnel, celui des 50 ans de la maison d'édition, et elle a finalement été remplacée par un membre du service maquettes-correction.

Mme [W] ne rapporte pas davantage d'élément faisant apparaître qu'elle aurait été associée à la préparation du budget par la directrice littéraire ni avoir participé avec la direction de la société à une politique éditoriale de l'entreprise, seule Mme [E] participant à ces réunions.

Mme [W] établit ainsi avoir exercé des fonctions incluant mais excédant celles d'éditrice, mais ne répondant pas à toutes les missions d'une directrice littéraire, même adjointe (ce poste n'existant d'ailleurs pas dans la classification conventionnelle) quand bien même elle a manifestement secondé de façon très active Mme [E] dont il n'est pas contesté qu'elle exerçait les fonctions de directrice littéraire des collections de romans.

Il ressort de ce qui précède qu'à compter de 2010 Mme [W] a participé aux côtés de Mme [E] dont elle dépendait, à l'établissement du programme éditorial des collections de romans, qu'elle a recherché des auteurs et recommandé certains d'entre eux, qu'elle a participé aux prises de décision concernant la réalisation des ouvrages en lien direct avec le service maquette-corrections, qu'elle a réalisé elle-même le travail d'édition directement avec les auteurs et assisté Mme [E] dans ses fonctions de directrice littéraire.

Ces fonctions recouvrent pour l'essentiel celles qualifiées par la convention collective de 'responsable d'édition' qui doivent donc lui être reconnues et qui sont les plus proches de celles qu'elle a effectivement exercées.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit qu'elle était 'directrice littéraire adjointe',

Sur l'adéquation entre ces fonctions et le statut de travailleur à domicile :

L'article 1er de l'annexe IV à la convention collective de l'édition relative aux TAD dispose que

1. Le correcteur qui effectue, à son domicile, la vérification typographique d'épreuves et assure le respect des règles de ponctuation, de syntaxe et d'orthographe bénéficie du statut des travailleurs à domicile dans la mesure où il remplit toutes les conditions requises par les articles L. 721-1 et suivants du code du travail.

2. Le travailleur à domicile autre que le correcteur est classé employé, technicien ou cadre selon les critères définis aux classifications de la présente convention (annexes I et II).

3. Les travailleurs à domicile sont identifiés par l'ajout de la lettre " D " à l'échelon de leur classification sur les bulletins de salaire, ainsi que sur les déclarations de retraite et de prévoyance

Les cadres ne sont donc pas a priori exclu du statut de TAD.

L'article 2 dispose que 'les travailleurs à domicile, qui acceptent des maisons d'édition des travaux déterminés, organisent librement leur travail à l'intérieur des délais qui leur sont impartis pour la remise des travaux dans les limites fixées par les lois et règlements, ainsi que les dispositions de la présente convention.'

Et l'article 5 que 'Tout contrat d'un travailleur à domicile, quelle qu'en soit la nature, doit donner lieu à l'établissement d'un écrit qui doit préciser les différentes conditions d'exécution qui s'y rattachent'. (...)

En sus du contrat d'engagement, et sans préjudice des dispositions de l'article L. 721-7 du code du travail (devenu l'article L.7412-1 du code du travail), la société d'édition établira, lors de la remise de chaque travail au travailleur à domicile, un bon de commande en 2 exemplaires précisant notamment le nom et l'adresse de la société d'édition, ainsi que la nature du travail demandé, la date de livraison et le temps d'exécution prévisible en fonction du volume de la commande. Le bon de commande doit aussi faire apparaître le montant de la rémunération correspondante, qui ne peut être inférieur à la garantie minimale de la grille des salaires conventionnels pour le niveau de classification du travailleur à domicile. Un exemplaire de ce bon de commande est donné au correcteur ou aux autres travailleurs à domicile lors de la remise du travail à effectuer.

De même, au jour dit, est remis au travailleur à domicile un document attestant de la remise effective du travail exécuté. (...)

D. - Lorsqu'une société d'édition donne du travail à un correcteur ou à un autre travailleur à domicile, elle doit indiquer la quantité ou la durée prévisible de ce travail.

Selon l'article L.7412-1 du code du travail, est travailleur à domicile toute personne qui exécute, moyennant une rémunération forfaitaire, pour le compte d'un ou plusieurs établissements, un travail qui lui est confié, soit directement, soit par un intermédiaire. Constitue une rémunération forfaitaire au sens de ce texte la rémunération calculée d'après un tarif de base, fixé et convenu à l'avance et une rémunération à la tâche ou à l'unité, est jugée forfaitaire même si elle est variable en fonction de la difficulté du travail.

En l'espèce, la cour relève que dès l'année 2012 les 'notes' adressées par Mme [W] à son employeur, et sur la base desquelles elle a été payée, ont comporté la mention non seulement des notes de lecture, payées en fonction du tarif forfaitaire de 38,50 euros par lecture, de l'assistance au comité de lecture 8 heures par mois moyennant un forfait de 229 euros, mais également d'autres rubriques qu'elle a nommé 'travail éditorial' et 'relations avec les auteurs', ceux-ci apparaissant clairement sur ses notes et ne relevant pas des tarifs établis pour les travailleurs à domicile, de sorte qu'elle explique, sans être contredite les avoir déterminés elle même pour des montants variables selon l'ampleur et le temps passé à cette fonction.

Il ne s'agit donc pas d'une rémunération forfaitaire qui suppose qu'elle soit calculée d'après un tarif de base, fixé et convenu à l'avance, alors qu'en l'espèce Mme [W] a adressé des notes à la société L'EDL en fonction d'un tarif qu'elle a elle-même déterminé en fonction de la complexité de la tâche et selon le temps qu'elle a estimé avoir consacré à cette fonction.

En outre, en contradiction avec les textes susvisés, aucun contrat de travail écrit n'a été établi, aucun bon de commande ne lui a été remis pour des travaux précis, aucune indication sur la nature du travail demandé, la date de livraison et le temps d'exécution prévisible en fonction du volume de la commande, s'agissant d'un travail qui ne relevait plus des tâches quantifiables initiales mais supposait de plus en plus de présence au sein de l'entreprise pour diverses réunions auxquelles elle était conviée, la mettait en relation constante, plusieurs fois par jour, avec la directrice littéraire dont elle était l'assistante et qui lui demandait de prendre en charge telle ou telle de ses fonctions, d'assister aux réunions d'édition, de répondre pour elle de façon urgente à telle ou telle sollicitation, ainsi qu'avec les auteurs qu'elle suivait, avec les autres salariés de l'entreprise avec lesquels elle collaborait, de sorte qu'il ne peut être considéré qu'elle organisait librement son travail à l'intérieur des délais impartis pour la remise des travaux.

Le statut de travailleur à domicile, s'il n'est pas par principe limité à certaines fonctions, n'en est pas moins en l'espèce incompatible avec les fonctions effectivement occupées par Mme [W], ce que l'employeur relevait d'ailleurs lui-même dans un courriel du 29 décembre 2015 dans lequel il écrivait qu'il lui avait déjà signifié en juillet 2015 'n'avoir pu la considérer comme une éditrice, 'puisque nous ne vous avions jamais nommé à ce poste et qu'un tel poste était incompatible avec le statut de travailleur à domicile'.

La présence de plus en plus importante de Mme [W] au sein de l'entreprise, et sa sollicitation non seulement par Mme [E] mais par d'autres intervenants à la société L'EDL, et ce au su de chacun puisqu'elle apparaissait parmi d'autres noms dans les envois groupés, ainsi que les demandes répétées de cette salariée de voir évoluer son statut dès 2010 mais également en 2013 et juillet 2015, suffisent à établir que la société L'EDL ne pouvait ignorer le rôle joué par Mme [W] aux côtés de Mme [E] et n'a refusé de le reconnaître qu'en raison de son incompatibilité avec le statut de TAD

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu le statut de travailleur à domicile pour Mme [W].

Sur les manquements relatifs au TAD :

Mme [W] soutient que l'employeur, tout en la maintenant indûment dans le statut de TAD n'a rempli aucune des obligations lui incombant de ce fait en vertu de la convention collective et que notamment elle n'a perçu ni le supplément de traitement prévu par la convention collective s'élevant à 8,33% de la rémunération, ni les congés payés, ni les frais d'ateliers prévus à l'article 4 de la convention et s'élevant à 7% lorsque le salarié utilise un ordinateur personnel.

Selon l'article 3 de l'annexe IV de l'accord du 25 septembre 2006, la rémunération du salarié à domicile est ainsi fixée :

A. - Le correcteur à domicile, tel qu'il est défini à l'article 1er, est rémunéré sur la base de 12 000 signes à l'heure pour la lecture avec copie, de 15 000 signes à l'heure pour la lecture sans copie pour les travaux courants et au nombre d'heures déclarées en conscience pour les autres travaux. Sa classification est celle du correcteur à l'annexe I des employés ; le tarif horaire minimal est égal au salaire de la catégorie E9 divisé par 152. Ce tarif suivra les mêmes augmentations en pourcentage que le barème de la convention collective nationale de l'édition, et il ne pourra en aucun cas être inférieur au barème en vigueur dans l'entreprise pour un emploi de même niveau.

B. - Pour les travailleurs à domicile autres que les correcteurs, la rémunération ne peut être inférieure au salaire mensuel garanti aux annexes I et II de la présente convention, au prorata du nombre d'heures effectuées selon le volume de travail confié dans le mois, et sous réserve des barèmes en vigueur dans l'entreprise pour un emploi de même niveau. Compte tenu des différentes natures de textes à traiter (littérature générale, sciences humaines, ouvrages scientifiques et techniques, notices encyclopédiques, etc.), les travaux confiés à des lecteurs-correcteurs sont rémunérés sur la base du nombre d'heures déclarées en conscience.

C. - Tous les travailleurs à domicile perçoivent, en sus de leur rémunération, un supplément de traitement mensuel équivalent à 8,33 % de ladite rémunération.

D. - Congés payés

Le salaire convenu est majoré de 10 % au titre de l'indemnité pour congés payés.

E. - Minima conventionnels et ancienneté

Les travailleurs à domicile reçoivent une majoration du salaire minimum selon leur temps de travail pour une société d'édition. Le taux de cette majoration est celui prévu par les barèmes des employés et cadres de l'édition, étant entendu qu'une année d'ancienneté s'apprécie pour 1 200 heures de travail pour une même société d'édition ou par un travail effectué, même à temps partiel, pendant 11 mois consécutifs ou non.

L'article 4 prévoit en outre :

'Les frais d'atelier sont calculés sur la base du minimum mensuel E9 divisé par 152. Pour tous travaux à domicile, il est attribué par heure de travail 5 % de frais professionnels calculés sur cette base. Ce taux est porté à 7 % lorsque les travaux confiés impliquent l'utilisation d'un micro-ordinateur et lorsque le travailleur à domicile prend à sa charge les frais liés à cet équipement (matériel, logiciels et consommables).

Toutefois, pour les travailleurs à domicile dont le local de travail est situé en dehors de [Localité 1] et des départements limitrophes, ou en dehors d'une ville française dont la population est supérieure à un million d'habitants, et pour tenir compte de charges liées au local, inférieures dans ce cas, les taux sont de 4 % et 6 % respectivement.

Si les travaux confiés par l'éditeur au travailleur à domicile nécessitent l'utilisation de logiciels spécialisés (hors bureautique standard) dont le travailleur à domicile doit faire l'acquisition, ou si les travaux confiés nécessitent l'achat de matériels graphiques, et dans la mesure où l'éditeur ne fournit pas ces éléments pour l'exécution du travail demandé, le coût supporté à ce titre par le travailleur à domicile donne lieu à une majoration des frais d'atelier au titre des frais informatiques. Le pourcentage effectif de frais professionnels doit dans ce cas figurer au contrat après évaluation des frais ramenés à l'heure en tenant compte d'un amortissement sur 3 ans.

Sur les congés payés :

Conformément à ce que soutient Mme [W], les fiches de paie qu'elle verse aux débats permettent de constater que les sommes dont elle a demandé le paiement ont été scindées par la société L'EDL en une somme au titre de la rémunération des travaux et une somme, représentant 10% de la précédente, au titre des congés payés.

C'est ainsi par exemple qu'en janvier 2015, le travail éditorial dont elle a demandé le paiement à hauteur de 6 050 euros apparaît sur son bulletin de salaire pour 5 500 euros outre 550 euros de congés payés.

La société L'EDL soutient que les tarifs pratiqués par Mme [W], supérieurs aux minima conventionnels, s'entendaient tous frais compris et qu'il convenait donc de les ventiler pour faire apparaître qu'ils incluaient les congés payés.

Cependant, s'il est possible d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d'une convention expresse entre les parties. En l'espèce, le contrat de Mme [W] est un contrat oral et les tarifs qu'elle applique ont été déterminés sans qu'il soit précisé qu'ils s'entendaient frais inclus.

En outre le fait que Mme [W] n'ait formé aucune réclamation à ce titre pendant toute la durée de son contrat ne peut laisser présumer une renonciation à ses droits et elle est bien fondée à en demander le paiement dans la limite de la prescription.

En l'espèce Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes le 23 mai 2016.

La loi du 17 juin 2013 n° 2013-504 a réduit le délai de prescription des actions en paiement du salaire de 5 ans à 3 ans.

L'article 21 de cette loi dispose que les dispositions nouvelles s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, le délai de prescription étant rallongé de trois ans sans que la prescription totale puisse excéder cinq ans.

La demande en paiement des salaires du mois de mai 2011 aurait été prescrite en mai 2016, mais le délai de prescription a été interrompu par l'action intentée le 23 mai 2016. La demande en paiement d'heures supplémentaires à partir du 23 mai 2011 est donc recevable.

Mme [W] peut donc demander le paiement d'une indemnité de congés payés égale à 10% des sommes perçues, les bulletins de salaire ne faisant apparaître que des rémunérations et aucun remboursement de frais sur lesquels les congés payés ne seraient pas dus.

Des sommes réclamées devront en revanche être déduits les congés payés dus pour la période du 1er janvier 2011 au 23 mai 2012, soit 2 178,73 euros.

Il sera donc fait droit à la demande à hauteur de 30 605, euros ( 2 363,26 + 5 485,40+ 6 666 + 7 585,90 + 8 505,20).

Sur la demande de rappel de supplément de salaire:

L'article 3 de l'annexe IV de la convention collective ci-dessus rappelé octroie en outre aux TAD un supplément de salaire fixé à 8,33% de la rémunération.

En application de cette disposition et dans les limites de la prescription telle que rappelées pour les congés payés, il sera fait droit à cette demande à hauteur de 25 494,26 euros outre les congés payés afférents soit 2 549,43 euros.

Sur les frais d'atelier et d'équipement.

Ainsi que le soutient justement Mme [W], l'article L 7423-1 du code du travail dispose que les réclamations des travailleurs à domicile relatives au tarif du travail exécuté, aux frais d'atelier, aux frais accessoires et aux congés payés se prescrivent par cinq ans à compter du paiement de leur salaire.

Elle est donc bien fondé à en réclamer le paiement depuis le 23 mai 2011 sur la base du pourcentage retenu par l'article 4 de l'annexe IV ci-dessus rappelé , soit 0,6392 euros par heure de travail et du nombre d'heures travaillées à domicile, telles que déclarées par Mme [W].

Celles-ci ne peuvent faire l'objet d'une évaluation mais seront déterminées à partir des notes et des tarifs appliqués.

A cet égard les heures telles que dénombrées par Mme [W] n'apparaissent pas exactes si l'on se réfère aux tarifs qu'elle indique, soit :

- 1h par lecture payée 38,50 euros, Mme [W] expliquant avoir limité volontairement ses lectures à une heure,

- 1h de travail éditorial facturé 38,50 euros

- 1h de 'relation avec les auteurs' facturée 15 euros.

- 8 heures de comité de lecture facturés 229 euros.

En effet à titre d'exemple, en février 2015, elle a réalisé 27 lectures soit 27 heures de travail outre deux comités de lecture soit 8 heures de travail, 600 euros de 'relations avec les auteurs éditorial correspondant à 40 heures de travail, ainsi que 5 500 euros de travail éditorial à 142,85 heures de travail, soit un total de 217 heures et non de 212 heures.

Sur cette base, les heures déclarées par la salariée s'élèvent à:

- pour l'année 2011 à compter du 23 mai 2011 : 727 heures

- pour l'année 2012 : 1 526,5 heures

- pour l'année 2013 :1 972,02 heures

- pour l'année 2014 : 2 252 heures

- pour l'année 2015 : 2 497 heures

soit un total de 8 974,52 heures

Il sera donc fait droit à la demande de frais d'atelier à hauteur de 5 736,51 euros.

Sur l'indemnisation de l'occupation du logement :

La convention collective ne prévoit aucune indemnisation supplémentaire à ce titre, pas plus que les articles 7421-1 à 7422-11 dont il ressort au contraire que les frais d'ateliers qui comportent notamment une référence au loyer, incluent cette sujétion.

Mme [W] sera donc déboutée de ses demandes à ce titre, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires :

Mme [W] précise qu'elle ne demande pas de rappel de salaire sur les heures figurant sur ses notes qu'elle a elle-même sous évaluées, mais pour les multiples réunions et manifestations auxquelles elle s'est rendue sans pour autant facturer ces heures.

Les très nombreux e-mails échangés avec Mme [E], dans lesquels apparaissent souvent la mention 'à tout à l'heure' ou 'à demain' ou faisant mention de réunions à préparer ou à tenir, notamment les réunions éditoriales auxquelles Mme [W] a participé à compter de l'année 2012 au moins une fois par mois, ou de conversations à avoir en tête à tête au sein de la société, établissent suffisamment que le travail de Mme [W] ne se limitait pas aux heures facturées et qu'elle devait se rendre plusieurs fois par semaine dans les locaux de la société L'EDL à cet effet.

Il en est de même de courriels échangés avec des auteurs qui lui donnent rendez-vous dans les locaux de la société.

Enfin il a été rappelé que Mme [W] participait également à des réunions avec les représentants et avec les commerciaux.

Compte tenu des pièces produites l'évaluation des heures par Mme [W] est cohérente.

Il sera fait droit aux demandes à ce titre, sauf à tenir compte pour l'année 2011 des règles d'application dans le temps des dispositions de la loi du 17 juin 2013 déjà rappelées, de sorte que pour 2011 il ne sera fait droit à la demande que dans la limite de 1 557,76 euros.

Il sera donc allouée à Mme [W] une somme de 24 247,66 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 2 424,76 euros au titre des congés payés afférents.

Quant aux majorations à 25% et 50% sur ces heures selon le tableau récapitulatif dressé par Mme [W], le décompte de cette dernière sera retenu, les heures réclamées à ce titre n'excédant pas celles retenues par la cour et sur la base d'un taux horaire adéquat compte tenu du taux horaire inférieur à celui appliqué par Mme [W] et payé par l'employeur.

Il sera donc fait droit à la demande à hauteur de 19 545,32 euros outre 1 954,53 euros au titre des congés payés.

Enfin le contingent d'heures supplémentaires annuel de 220 heures ayant été largement dépassé, il sera octroyé à Mme [W] dans les limites de la demande, les sommes de 34 944,50 euros et 3 494,45 euros au titre des congés payés.

Sur les demandes de dommages-intérêts liés au maintien de la salarié à un poste et un statut non conforme, pour non respect des modalités de remise et de paiement des travaux, absence de suivi médical et pour mise en danger de la santé de la salariée

L'article 5 de l'annexe IV susvisée dispose 'qu'en sus du contrat d'engagement, et sans préjudice des dispositions de l'article L. 721-7 du code du travail, la société d'édition établira, lors de la remise de chaque travail au travailleur à domicile, un bon de commande en 2 exemplaires précisant notamment le nom et l'adresse de la société d'édition, ainsi que la nature du travail demandé, la date de livraison et le temps d'exécution prévisible en fonction du volume de la commande. Le bon de commande doit aussi faire apparaître le montant de la rémunération correspondante, qui ne peut être inférieur à la garantie minimale de la grille des salaires conventionnels pour le niveau de classification du travailleur à domicile. Un exemplaire de ce bon de commande est donné au correcteur ou aux autres travailleurs à domicile lors de la remise du travail à effectuer.

De même, au jour dit, est remis au travailleur à domicile un document attestant de la remise effective du travail exécuté'.

Quant aux articles L 7421-1 et suivants du code du travail, ils obligent à la remise au TAD d'un carnet devant être conservé 5 ans, portant mention des travaux remis et des travaux exécutés et éventuellement communiqué à l'inspection du travail,

Ces dispositions ont notamment pour fonction d'évaluer le temps de travail du TAD.

Il n'est pas contesté que ces dispositions n'ont jamais été respectées, de sorte que la charge de travail de Mme [W] n'a pas été évaluée préalablement à la remise des travaux ou à la fourniture du travail. L'employeur ne s'est d'ailleurs pas soucié du fait que Mme [W] présentait des notes quasiment aussi importantes pour les mois de juillet ou août, les bulletins de salaire démontrant qu'elle ne s'octroyait quasiment pas de congés, ce qui serait nécessairement apparu aux yeux de l'employeur s'il avait appliqué les dispositions du TAD ou conféré à Mma [W] le statut adéquat.

Ainsi que le soutient Mme [W], son maintien dans un statut ne correspondant pas à ses fonctions, la privant de droits notamment quant à son déroulement de carrière, à sa formation, au suivi de son activité, et de sa santé par le médecin du travail et la maintenant dans une précarité quant à son avenir, lui a causé un préjudice distinct de celui réparé par les indemnités de rupture.

Les courriels qu'elle a échangés avec Mme [E] alors qu'elle s'inquiétait de son peu de visibilité dans la société, de ce que son évolution au sein de la société s'en trouvait défavorisé par rapport à d'autres salariés, de son inquiétude déjà latente le 19 janvier 2007 lorsque Mme [E] répondant à un mail lui exprimant ce souci lui écrivait : 'ta place est devenue évidente à l'école des loisirs. Je ne peux pas te dire QUAND ils t'embaucheront. Je n'y peux pas grand chose je fais mon maximum, mais j'y pense tout le temps, mais je peux te dire qu'ils t'embaucheront c'est sûr!!!'.

Cette inquiétude qui durait encore neuf ans plus tard et les incidences sur son état de santé dont Mme [W] rapporte la preuve justifient l'indemnisation demandée. Il y sera fait droit à hauteur de la somme de 10 000 euros pour l'ensemble de ces préjudices, soit le maintien dans le statut irrégulier de TAD, les manquements de l'employeur à son obligation de formation, au suivi de la charge de travail et de la santé de la salariée et les incidences de ces manquements sur son état de santé.

Sur la rupture du contrat de travail :

Mme [W] a pris acte de la rupture de son contrat le 20 avril 2016 en reprochant à l'employeur:

- de n'avoir pas fait évoluer son statut alors même qu'elle l'avait alerté sur l'évolution de ses fonctions dès l'année 2010 et lui avait à plusieurs reprise exposé qu'elle était devenue le bras droit de Mme [E] qui signait les travaux qu'elle lui remettait,

- de lui avoir fait supporter, sans s'en préoccuper depuis plusieurs années et notamment en 2015 une charge de travail colossale ayant eu des répercussions directes sur son état de santé,

- de l'avoir privée depuis décembre 2015 de la quasi totalité de ses tâches et de sa rémunération.

Il a été suffisamment établi par ce qui précède que la société L'EDL a maintenu sciemment Mme [W] dans un statut ne correspondant pas à ses fonctions réelles, et ce malgré plusieurs réclamations qui ont été formulées dès 2010.

En outre, Mme [W] établit la surcharge de travail à laquelle elle a dû faire face, qui ressort suffisamment des heures supplémentaires retenues et du décompte des heures effectuées, charge sur laquelle elle pouvait difficilement attirer l'attention de son employeur dès lors que son statut était relativement précaire.

Enfin, alors que Mme [W] avait reçu en 2015 une rémunération moyenne de 7 087 euros, sa rémunération s'est trouvé subitement réduite à 227 euros en janvier 2016, 1 671,50 euros en février 2016, 829 euros en mars 2016 et 729,01 euros en avril 2016.

En outre alors que ses notes établissent que chaque mois elle lisait entre 18 et 30 manuscrits, elle n'a reçu aucune lecture à compter de janvier 2016 et n'a réalisé de travail éditorial que sur les quelques romans sur lesquels elle avait déjà travaillé.

Le statut de TAD n'est pas applicable à Mme [W], mais ne permettait en tout état de cause pas à l'employeur de modifier unilatéralement et sans justification la quantité de travail fourni et la rémunération, étant observé qu'il n'est ni allégué ni établi que plus aucun manuscrit ne serait arrivé au sein de la rédaction à compter de janvier 2016 et que les collections romans n'avaient pas été supprimées, ce qui démontre suffisamment que le travail n'a pas été confié à Mme [W], alors même qu'il existait.

La société L'EDL ne peut opposer à sa salariée la désorganisation de la société en raison de l'absence de Mme [E], ni la nécessité d'une période de transition pour permettre à M. [L] de décider des suites à donner, alors que Mme [W] a écrit à plusieurs reprises à ce dernier pour solliciter du travail ou à tout le moins des explications sur son avenir dans la société et que, fin avril, lorsque la salariée a pris acte de la rupture de son contrat, cette 'période de transition' était toujours en cours, sans autre précision, la privant de la quasi totalité de ses revenus pour une période indéterminée.

Tant le maintien dans un statut ne correspondant pas à ses fonctions, que la surcharge évidente de travail notamment en 215 suivie d'une baisse considérable, brutale et durable de ses ressources, constituent donc des manquements de l'employeur justifiant la prise d'acte de la rupture par la salariée, celle-ci produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

En outre il sera accordé à Mme [W] la somme de 27 253,89 euros à titre de rappel de salaire sur les mois de janvier à avril 2016, déduction faite des sommes déjà perçues, soit 229 euros en janvier, 1 671,50 euros en février, 829 euros en mars et 729,01 euros en avril 2016.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture :

Au cours des 12 derniers mois, Mme [W] a perçu la somme de 85 052 euros soit une moyenne de 7 087 euros, à laquelle il convient, comme elle le soutient, d'ajouter le supplément de salaire qui lui était dû, soit une moyenne de 7 678,10 euros.

Sur la base de ce salaire moyen, Mme [W] dont l'ancienneté au sein de la société est de 17 années est fondée à obtenir le paiement des sommes suivantes :

- 15 356,21 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 535,62 euros au titre des congés payés afférents,

- 95 330 euros à titre d'indemnité de licenciement, calculée selon les modalités prévues à l'article 13 de la convention collective, dès lors qu'il a été jugé que le statut de TAD a été attribué à tort à Mme [W] et sur la même base que celle prise en compte pour le calcul du préavis.

En outre, aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, dans les entreprises comptant plus de 10 salariés, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

A la date du licenciement, Mme [T] [W] était âgée de 44 ans et bénéficiait de 17 ans et six mois d'ancienneté. Elle justifie de ses difficultés pour retrouver un emploi dans le secteur de l'édition, peu étendu, et d'une baisse très importante de ses revenus.

Compte tenu de ces éléments, il sera fait droit à sa demande d' indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 95 000 euros, cette indemnité tenant compte des circonstances du licenciement, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande en paiement d'une somme supplémentaire au titre d'un préjudice moral et d'anxiété.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

L'article L. 8221-5 énonce qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° soit de ne pas accomplir auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales les déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci.

Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5, en cas de rupture de la relation de travail, peut prétendre au paiement d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Le seul fait d'avoir soumis à tort un salarié à une convention de forfait nulle ou privée d'effet ne suffit pas, en soi, à caractériser l'intention d'une dissimulation d'emploi salarié.

En l'espèce, alors que l'employeur mentionnait jusqu'en mars 2015 les heures travaillées telles que déclarées par Mme [W], il a cessé de le faire apparaître explicitement à compter avril 2015 à la rubrique heures payées pour ne plus mentionner que l'horaire de 151,67 heures alors que par ailleurs il rémunérait un nombre bien supérieur d'heures de travail, toujours (à une exception près, le mois d'août où Mme [W] a travaillé 174 heures), supérieur à 200 heures.

Le fait d'indiquer 151h67 quand le décompte des heures payées et la note de la salarié permettent de constater que ce nombre d'heures ne correspond à aucune réalité et de le faire précisément quand il atteint une durée excessive, caractérise l'intention de l'employeur de dissimuler des horaires beaucoup trop importants, alors même que toutes les dispositions de l'annexe IV à le convention collective démontrent que l'employeur doit se soucier des heures effectuées y compris par les TAD, puisque dès l'article 2 il est prévu que 'dans le cas où ils (les travailleurs à domicile) travaillent pour plusieurs sociétés d'édition, ils sont tenus de faire connaître à chacune de celles-ci, au plus tard le 10 du mois suivant, le total des heures de travail correspondant aux salaires qu'ils ont perçus dans le mois écoulé' et que l'article 5 dispose que 'le calcul de la durée du travail est effectué sur la base convenue avec le salarié au moment où les travaux lui sont confiés, en respectant les dispositions conventionnelles et éventuels accords d'entreprise concernant les temps d'exécution. Cette procédure de quantification au préalable permet de remplir les exigences de l'article L. 212-1-1 du code du travail et les décrets D. 212-17 à D. 212-24 relatifs à la mesure et au contrôle du temps de travail.'

La société L'EDL sera donc condamnée à payer à Mme [W] une indemnité de six mois sur le fondement de l'article L 8223-1 du code du travail, calculée sur le salaire moyen qu'aurait dû percevoir Mme [W] pour les heures qu'elle a déclarées soit 46 068,60 euros.

Sur le cours des intérêts :

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 9 juin 2016, et les dommages et intérêts alloués à compter du jugement pour les sommes allouées en première instance et de la présente décision pour le surplus,

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Paris, sauf en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [T] [W] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a ordonné la remise de documents conformes à la décision, en ce qu'il a condamné la société Ecole des Loisirs à payer à Mme [T] [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance,

Et, statuant à nouveau, des chefs infirmés,

DIT que Mme [T] [W] a occupé en dernier lieu les fonctions de responsable d'édition,

CONDAMNE la société Ecole des Loisirs à payer à Mme [T] [W] les sommes de :

- 30 605, euros au titre des congés payés éludés,

- 25 494,26 euros à titre de supplément de salaire,

- 2 549,43 euros au titre des congés payés afférents,

- 5 736,51 euros au titre des frais d'atelier,

- 43 792 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires majorées,

- 4 379,29 euros au titre des congés payés afférent,

- 34 944,50 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- 3 494,45 euros au titre des congés payés afférents,

- 27 253,89 euros à titre de rappel de salaire sur les mois de janvier à avril 2016,

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2016,

- 46 068,60 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour maintien de la salarié à un poste et un statut non conforme, pour non respect des modalités de remise et de paiement des travaux, absence de suivi médical et pour mise en danger de la santé de la salariée,

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

DÉBOUTE Mme [W] de sa demande d'indemnisation au titre de l'occupation du logement,

CONDAMNE la société Ecole des Loisirs à payer à Mme [T] [W] les sommes de:

- 15 356,21 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 535,62 euros au titre des congés payés afférents,

- 95 330 euros à titre d'indemnité de licenciement,

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2016,

- 95 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement pour la somme de 80 000 euros et à compter de la présente décision pour le surplus,

CONDAMNE la société Ecole des Loisirs à payer à Mme [T] [W] la somme supplémentaire de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Ecole des Loisirs aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/08589
Date de la décision : 22/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°17/08589 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-22;17.08589 ?
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