Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 22 MAI 2019
(n° 2019/278, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général :17/03838 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2WPY
Décision déférée à la cour : jugement du 23 janvier 2017 - tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 15/17741
APPELANTE
SA BRED BANQUE POPULAIRE
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 552 091 795
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Fanny DESCLOZEAUX de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298
INTIMÉS
Monsieur [K] [U]
Né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 2] (94)
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]
Madame [H] [O]
Née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 4] (78)
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]
Représentés par Me Ganaelle SOUSSENS de la SELEURL GANAËLLE SOUSSENS AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2021
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 mars 2019, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Marc BAILLY, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
Madame Pascale LIEGEOIS, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marc BAILLY, Conseiller faisant fonction de Président, et par Anaïs CRUZ, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
*****
Suivant offre préalable du 17 juillet 2013 acceptée le 29 juillet 2013, la société Bred banque populaire a consenti à M. [K] [U] et Mme [H] [O] un prêt immobilier d'un montant de 198 851,81 euros, d'une durée de 240 mois, au taux nominal fixe de 3,35% l'an, remboursable par mensualités d'un montant de 1 137,99 euros, hors assurance, destiné à financer le rachat d'un précédent prêt, présentant un taux effectif global (TEG) de 4,07% l'an.
Les parties ont convenu d'un avenant, aux termes d'une offre modificative du 1er juillet 2014 acceptée le 16 juillet 2014, ramenant le taux d'intérêt nominal à 3,15% l'an et le TEG à 3,68% l'an.
Par acte d'huissier de justice en date du 3 novembre 2015, M. [K] [U] et Mme [H] [O] ont assigné la société Bred banque populaire devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel en raison de l'absence de mention du taux de période tant dans l'offre de prêt initiale que dans son avenant.
Par jugement en date du 23 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :
condamné la société Bred banque populaire à payer à M. [K] [U] et Mme [H] [O] une somme correspondant au douzième du taux de 0,72% appliqué au capital restant dû à chaque mensualité du contrat de prêt du 29 juillet 2013, échue au 16 juillet 2014,
condamné la société Bred banque populaire à payer à M. [K] [U] et Mme [H] [O] une somme correspondant au douzième du taux de 0,53% appliqué au capital restant dû à chaque mensualité de l'avenant du contrat de prêt du 16 juillet 2014, échue au jour de la présente décision,
dit que s'agissant des mensualités à échoir de l'avenant au contrat de prêt du 16 juilet 2014, à compter de la présente décision, leur montant sera diminué de la somme correspondant au douzième du taux de 0,5 % appliqué au capital restant dû à la date de leur exigibilité,
ordonné à à la société Bred banque populaire de communiquer à M. [K] [U] et Mme [H] [O] un échéancier conforme à ces dispositions,
rappelé que la compensation s'opère de plein droit entre les créances que se doivent réciproquement les parties au titre de ces contrats à concurrence de la moindre de ces sommes,
débouté la société Bred banque populaire de ses demandes reconventionnelles,
condamné la société Bred banque populaire aux dépens dont distraction au profit de l'avocat des demandeurs,
condamné la société Bred banque populaire à payer à M. [K] [U] et Mme [H] [O] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration remise au greffe de la cour le 20 février 2017, la société Bred banque populaire a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 28 janvier 2019, la société Bred banque populaire demande à la cour de :
infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
débouter M. [K] [U] et Mme [H] [O] de leur appel incident et de l'ensemble de leurs demandes,
condamner solidairement M. [K] [U] et Mme [H] [O] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
en faisant valoir que :
M. [K] [U] et Mme [H] [O] ont bénéficié d'un délai légal de réflexion de 10 jours prévu par l'article L.312-10 du code de la consomamtion durant lequel ils ont pu examiner et faire examiner l'offre de prêt initiale comme l'offre modificative,
l'absence de mention du taux de période dans l'offre de prêt comme dans l'avenant ne constitue pas une erreur déterminante pour le consentement des emprunteurs au sens de l'article 1110 du code civil,
les dispositions de l'article L.312-14-1 du code de la consommation n'imposent pas la mention du taux de période dans l'avenant mais seulement celle du TEG et le coût du crédit calculé sur la base des seuls échéances et frais à venir,
les dispositions des articles R.313-1 et L.312-14-1 du code de la consommation ne sont pas prévue à peine de sanction,
l'obligation de mentionner un taux de période n'est pas prévue à peine de sanction que ce soit dans l'offre de prêt ou dans l'avenant et son absence n'est pas sanctionnée par la nullité de la clause d'intérêts contractuels
la seule sanction que pourrait encourir l'offre et l'avenant est la déchéance totale ou partielle du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels dans la proportion fixée par le juge et non la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel si l'absence de mention du taux de période devait être assimilée, comme le soutiennent les emprunteurs, à un TEG absent ou erroné dans une offre de prêt relevant du code de la consommation pour lequel cette sanction spéciale est prévue,
la régularité des TEG mentionnés dans l'offre initiale comme dans l'avenant n'est pas contestée et aucun préjudice ne résulte de cette absence de mention du taux de période, M. [K] [U] et Mme [H] [O] exécutent le contrat de mauvaise foi.
Dans leurs dernières écritures notifiées le 17 juillet 2017 d'intimés et d'appel incident, M. [K] [U] et Mme [H] [O] demandent à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que l'absence de mention du taux de période doit entraîner les mêmes conséquences que l'absence d'indication du taux effectif global qu'il s'agisse du prêt initial comme de son avenant,
le réformer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
prononcer la nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels,
dire et juger que le taux de l'intérêt légal en vigueur au jour de l'acceptation de l'offre de prêt s'appliquera, aux lieu et place du taux conventionnel, depuis l'origine du prêt et jusqu'à son avenant du 1er juillet 2014,
dire et juger que le taux de l'intérêt légal en vigueur au jour de la signature de l'avenant le 1er juillet 2014 s'appliquera, aux lieu et place du taux conventionnel, jusqu'au terme du prêt,
condamner la banque, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 1er jour du mois suivant la signification à partie du jugement, à produire un tableau d'amortissement rectificatif établi sur la base du taux de l'intérêt légal et faisant apparaître le montant des intérêts trop perçus,
ordonner la restitution des intérêts trop perçus,
condamner la banque appelante à leur verser la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la banque appelante aux entiers dépens dont distraction au profit de leur avocat,
en faisant valoir que :
ni l'offre de prêt ni son avenant ne mentionnent le taux de période du prêt lors qu'il s'agit d'une règle d'ordre public et que cette information est substantielle en ce qu'elle permet la vérification du TEG,
le respect du délai de réflexion de 10 jours prévu par la loi est sans effet sur le défaut de mention du taux de période reproché à la banque, cette omission faisant obstacle à ce qu'ils aient pu consentir au coût global du prêt,
ils ne fondent pas leur action en nullité sur une erreur ayant vicié leur consentement au sens de l'article 1110 du code civil,
dès lors qu'en application de l'article L.312-14-1 du code de la consommation l'avenant doit mentionner un TEG celui-ci doit répondre tant aux exigences légales de l'article L.313-1 du même code qu'à celles de l'article R.313-1 qui précisent les modalités d'application de ce texte et en particulier le mode de calcul du TEG en matière de prêts immobiliers,
l'absence de mention du taux de période équivaut à la mention d'un TEG erroné de sorte que ce manquement doit être sanctionné par la substitution du taux légal au taux conventionnel, une telle omission n'étant pas visée par l'article L.312-33 du code de la consommation prévoyant la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels dans une proportion fixée par le juge pour les seules irrégularités qu'il vise affectant l'offre de prêt et non le contrat de prêt,
aux termes de l'article R.313-1 du code de la consommation et au visa de l'article 1907, l'absence de mention du taux de période doit être sanctionnée par la substitution du taux légal au taux conventionnel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'article R.313-1 II du code de la consommation dans sa version en vigueur jusqu'au 1er juillet 2016 applicable au litige : « Pour les opérations de crédit destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle ou destinées à des personnes morales de droit public ainsi que pour celles mentionnées à l'article L.312-2, le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.
Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.
Lorsque la périodicité des versements est irrégulière, la période unitaire est celle qui correspond au plus petit intervalle séparant deux versements. Le plus petit intervalle de calcul ne peut cependant être inférieur à un mois.
Lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu'annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale.
Si le crédit prend la forme d'une ouverture de droits de tirage destinée à financer les besoins d'une activité professionnelle, le taux effectif global est calculé sur la totalité des droits mis à la disposition du client. »
En l'espèce, le taux de période mensuel afférent au TEG mentionné à 4,07% l'an dans l'offre de prêt acceptée le 29 juillet 2013 comme celui afférent au TEG mentionné à 3,68% l'an dans l'avenant accepté le 16 juillet 2014, ne figurent pas dans ces actes étant précisé que M. [K] [U] et Mme [H] [O] ne contestent pas la régularité desdits TEG.
La société Bred banque populaire ne justifie pas avoir communiqués les taux de période aux emprunteurs sur un autre support.
Néanmoins, l'article R.313-1 du code de la consommation n'assortit d'aucune sanction l'obligation qu'il édicte concernant la communication du taux de période du TEG à l'emprunteur.
De plus, ni l'article L.312-8 ancien du code de la consommation relatif au formalisme de l'offre de prêt immobilier ni l'article L.312-14-1 du même code relatif à celui de l'avenant à une telle offre n'imposent que le taux de période y soit mentionné, seul le TEG devant y figurer.
Ainsi, d'une part, le défaut d'indication du taux de période dans l'offre de prêt ne fait pas encourir la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels dès lors que, si l'article L.312-33 du code de la consommation sanctionne de la sorte le non respect de l'article L.312-8 qui impose l'indication dans l'offre de prêt du « taux défini conformément à l'article L.313-1 », ce dernier ne comporte aucune mention sur le taux de période mais porte sur la détermination du TEG et qu'il ne peut être déduit du renvoi opéré pour son calcul à l'article R.313-1, qui traite quant à lui du taux de période, que la sanction de la déchéance s'étendrait à l'absence d'indication du taux de période.
Concernant, le défaut d'indication du taux de période dans l'avenant, l'article L.312-33 ne vise pas les manquements aux dispositions de l'article L.312-14-1 du code de la consommation de sorte qu'il n'a pas vocation, en toute état de cause, à sanctionner une telle omission.
D'autre part, le défaut d'indication du taux de période dans le contrat de prêt comme dans son avenant ne saurait équivaloir à celui de l'indication écrite du taux d'intérêt conventionnel au sens de l'article 1907 du code civil ou au défaut de mention du TEG dans un écrit constatant un prêt au sens de l'article L.313-2 ancien du code de la consommation, de sorte que la nullité n'est pas plus encourue.
Par conséquent le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a condamné la banque à restituer un excédent d'intérêts qu'elle aurait perçu en retenant qu'à défaut de taux de période, ce qui équivalait à une absence de TEG, les emprunteurs n'avaient pu consentir qu'à l'intérêt nominal et les demandes de nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel de l'offre de prêt acceptée comme de son avenant formées par M. [K] [U] et Mme [H] [O] sont rejetées.
Par ailleurs, le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
M. [K] [U] et Mme [H] [O], qui succombent en appel, supporteront les dépens de première instance et d'appel ainsi que leurs frais irrépétibles.
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il est inéquitable de laisser à la charge de la société Bred banque populaire les frais non compris dans les dépens exposés et il convient de condamner in solidum M. [K] [U] et Mme [H] [O] à lui payer la somme de 2 000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Rejette les demandes de nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel de l'offre de prêt acceptée le 29 juillet 2013 et de l'avenant accepté le 16 juillet 2014 formées par M. [K] [U] et Mme [H] [O],
Condamne in solidum M. [K] [U] et Mme [H] [O] aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne in solidum M. [K] [U] et Mme [H] [O] à payer à la société Bred banque populaire la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT
FONCTION DE PRÉSIDENT