Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 22 MAI 2019
(n° 2019/277, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/22929 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2AQT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Octobre 2016 - Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 16/02018
APPELANTS
- Monsieur [E] [V] [W]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]
Demeurant : [Adresse 1]
[Localité 2]
- Madame [K] [G] [C] ép. [W]
née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 3]
Demeurant : [Adresse 1]
[Localité 2]
Représentés par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Ayant pour avocat plaidant : Me Marjorie VEYGALIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1907
INTIMÉE
SA CRÉDIT LOGEMENT
Ayant son siège social : [Adresse 2]
[Localité 4]
N° SIRET : 302 493 275 (PARIS)
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Fabrice NORET, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Marc BAILLY, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
Madame Pascale LIEGEOIS, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur Marc BAILLY, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Anaïs CRUZ, Greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant offre de prêt immobilier 'relais' acceptée le 27 décembre 2011, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE a consenti à monsieur [E] [W] et madame [K] [C] son épouse un prêt d'un montant de 159 500 euros, remboursable au taux de 2,28% l'an en 23 mensualités de 309,33 euros du 10 février 2012 au 10 décembre 2013 et 1 mensualité correspondant au solde du prêt le 10 janvier 2014. La SA CRÉDIT LOGEMENT a donné son accord pour le cautionnement de ce prêt, le 18 novembre 2011.
En suite de plusieurs échéances impayées, la déchéance du terme a été prononcée le 20 novembre 2014. La banque a obtenu paiement de sa créance auprès de CREDIT LOGEMENT pour un montant de 169 170,05 euros, selon quittance subrogative du 12 mars 2015. En réponse aux mises en demeure adressées par la SA CREDIT LOGEMENT, en date du 3 mars 2015, monsieur et madame [W] ont proposé d'effectuer un premier versement de 29 500 euros, qui serait suivi de versements mensuels de 600 euros sur 10 ans puis de versements complémentaires de 5 800 euros de décembre 2015 à décembre 2023.
Faute de règlements, le 18 avril 2016 il leur a été délivré assignation à comparaître devant le tribunal de grande instance de Meaux. Monsieur et madame [W] n'ont pas constitué avocat.
Par jugement en date du 11 octobre 2016 le tribunal de grande instance de Meaux a :
- condamné solidairement monsieur [E] [W] et madame [K] [C] à payer à la SA CRÉDIT LOGEMENT, au titre du prêt relais immobilier, la somme de 170 778,32 euros portant intérêts au taux légal à compter du ler mars 2016 ;
- condamné solidairement monsieur [E] [W] et madame [K] [C] à payer à la SA CRÉDIT LOGEMENT, au titre du prêt relais immobilier, la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné solidairement monsieur [E] [W] et madame [K] [C] aux dépens de l'instance, en ce inclus les frais d'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire,
et autorisé Maître Fabrice NORET à recouvrer directement les dépens dont il aurait fait l'avance sans recevoir provision suffisante en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 17 novembre 2016 monsieur et madame [W] ont interjeté appel de ce jugement.
Au terme de la procédure d'appel clôturée le 5 février 2019 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.
Par dernières conclusions notifiées par la voie du RPVA le 16 février 2017 monsieur et madame [W], appelants, expliquent qu'afin de financer l'acquisition d'un nouveau bien dans l'attente de la vente de leur logement, ils se sont rapprochés de la banque CRÉDIT AGRICOLE (Agence de [Localité 5]) qui a proposé, après avoir estimé la valeur de leur bien à vendre à la somme de 310 000 euros, de leur consentir trois prêts :
* un prêt immobilier 'PTH SANS ANTICIPATION FACILIMMO' n° 60306729708, d'un montant de 190 754 euros, remboursable en 240 échéances, dont 120 mensualités au taux fixe de 3,9% l'an et 120 mensualités au taux variable en fonction de la moyenne mensuelle de l'EURIBOR 1 an ;
* un prêt relais 'HAB PERSO GPE' n° 60306729717 d'un montant de 159 500 euros d'une durée de 24 mois, avec différé de 23 mois, remboursable en une échéance de 166 862,60 euros à l'issue des 24 mois au taux de 2,28% l'an ;
* un prêt immobilier 'PTH PERSONNEL GROUPE FACILIMMO' n° 60306729729 d'un montant de 130 500 euros, remboursable en 276 échéances, au taux de 3,22% l'an.
L'offre portant sur ces trois prêts consentis par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE, a été acceptée par monsieur et madame [W] le 27 décembre 2011 et a permis le remboursement de leur prêt initial auprès de la société SYGMA BANQUE dont le capital restant dû s'élevait à 239 537,33 euros au 19 janvier 2012, ainsi que l'acquisition du nouveau bien immobilier en l'état futur d'achèvement.
Ainsi, le coût total de l'ensemble de ces opérations hors intérêts et hors frais, notamment d'assurance, s'élevait à la somme de 480 754 euros. Au moment de l'ouverture du dossier, le CRÉDIT AGRICOLE relevait que les revenus mensuels de monsieur et madame [W] s'élevaient à la somme de 5 305 euros et évaluait leurs charges d'emprunt à la somme de 3 797 euros, hors charges courantes du quotidien, soit un endettement bancaire de plus de 72%. En effet, monsieur [W] était employé administratif dans la fonction publique et madame [W] exerçait les fonctions de gestionnaire recouvrement dans une société filiale du CRÉDIT AGRICOLE, étant au surplus précisé que les époux avaient trois enfants à charge âgés respectivement, à l'époque, de 19, 13 et 8 ans. Au titre de ses fonctions dans une société appartenant au même Groupe que le CRÉDIT AGRICOLE, madame [W] avait droit à un taux préférentiel fixe au titre du premier prêt d'un montant de 190 754 euros précité, que le CRÉDIT AGRICOLE a refusé de lui accorder au bénéfice d'un taux fixe de 3,9%, variable sur 120 mois. Pour autant, malgré le taux d'endettement bancaire des époux, la société CREDIT LOGEMENT a consenti sa garantie pour chacune de ces opérations, et ce, à hauteur de 100 % des sommes empruntées. Les échéances afférentes aux prêts immobiliers en cours pouvaient s'élever à plus de 5 000 euros soit près de 100% de leurs revenus. En outre, préalablement, en date du 8 novembre 2011, le CRÉDIT AGRICOLE avait déjà consenti à monsieur et madame [W] une offre de crédit à la consommation renouvelable annuellement d'un montant maximum de 21 500 euros. L'acceptation par le couple de cette offre de crédit à la consommation renouvelable, a été présentée par le CREDIT AGRICOLE comme une condition de l'accord qui leur a été consenti dans le cadre de leur projet immobilier. Au mois d'octobre 2013, soit précisément deux mois avant l'échéance du prêt relais n° 60306729717, alors que ces derniers n'étaient toujours pas parvenus à vendre leur logement et que l'état d'endettement du couple était déjà manifestement excessif au regard de ses revenus, le CRÉDIT AGRICOLE encourageait les monsieur et madame [W] à procéder à des investissements financiers en leur faisant ouvrir deux comptes titres, l'un individuel au seul nom de madame [W], l'autre joint au nom des deux époux. Dès le mois de décembre 2013, avant l'échéance du prêt relais, monsieur et madame [W] se sont rapprochés de leur agence CRÉDIT AGRICOLE afin d'obtenir la renégociation des engagements en cours ainsi que la prorogation de la durée de leur prêt relais dans l'attente de la vente de leur bien, mais le CRÉDIT AGRICOLE après leur avoir demandé de produire de nombreux documents, a finalement laissé passer l'échéance du prêt relais sans leur consentir un délai supplémentaire pour vendre leur bien. Monsieur et madame [W] ont tenté de contester cette position inattendue de la part de leur banque, en vain.
Ainsi, dès le début de l'année 2014, monsieur et madame [W] se retrouvaient débiteurs envers le CRÉDIT AGRICOLE de la somme de 167 313,53 euros au titre du prêt relais outre les échéances mensuelles correspondant aux deux autres prêts immobiliers en cours et outre le crédit à la consommation dont le capital restant à rembourser au 31 décembre 2013 s'élevait à 2 735,81 euros. Au 23 avril 2014, l'endettement de monsieur et madame [W] envers le CRÉDIT AGRICOLE s'élevait en principal à la somme de 481 971,03 euros. Ils se sont rapidement trouvés en difficulté pour honorer également les échéances des autres contrats de prêts consentis par le CRÉDIT AGRICOLE. Dès le mois de juillet 2014, le CRÉDIT AGRICOLE, puis ensuite le CRÉDIT LOGEMENT, leur notifiaient leur inscription au Fichier National des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers (FICP). Ces inscriptions ont causé un important préjudice à monsieur [W] dans l'exercice de sa nouvelle activité indépendante. C'est ainsi que monsieur et madame [W] ont tenté à nouveau de se rapprocher de la société CRÉDIT LOGEMENT en faisant une proposition de remboursement du prêt relais. Pour seule réponse, la société CRÉDIT LOGEMENT a procédé à nouveau à l'inscription de monsieur et madame [W] au FICP au titre de l'incident de paiement relatif à ce prêt relais.
C'est dans ce contexte qu'en date du 18 avril 2016, la société CRÉDIT LOGEMENT a fait assigner monsieur et madame [W] devant le tribunal de grande instance de Meaux, sur le fondement d'une quittance subrogative délivrée par le CRÉDIT AGRICOLE en date du 12 mars 2015, en paiement de la somme de 170 778,32 euros en principal. Parallèlement, la société CRÉDIT LOGEMENT a fait procéder à l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire sur les deux biens immobiliers de monsieur et madame [W] à concurrence de la somme de 180 000 euros. Alors qu'ils pensaient que leur protection juridique avait fait le nécessaire, monsieur et madame [W] n'ont pas été représentés dans le cadre de cette procédure, c'est la raison de leur appel.
La situation du couple s'est encore aggravée puisque monsieur [W] a au surplus rencontré des difficultés dans son activité du fait du dépôt de bilan de certains partenaires commerciaux et retards de paiement ce qui a aggravé la situation financière du couple déjà difficile, et a entraîné des incidents de paiement des échéances de tous les prêts en cours auprès du CRÉDIT AGRICOLE. Monsieur et madame [W] ont tout mis en 'uvre pour essayer d'honorer les différentes échéances mais n'y sont malheureusement pas parvenus. Le CRÉDIT AGRICOLE a finalement rompu tous les accords avec monsieur et madame [W] et a prononcé la déchéance du terme pour la totalité des sommes prêtées. A ce jour, la société CRÉDIT LOGEMENT réclame donc aux époux [W], dans les droits de laquelle elle indique être intégralement subrogée, la somme totale de 170 778,32 + 116 731,03 + 185 359,56 euros, soit au total 472 868,91 euros. Au regard de l'exposé des faits qui précède, monsieur et madame [W] ont fait assigner, en date du 23 décembre 2016, en présence de la société CRÉDIT LOGEMENT, le CRÉDIT AGRICOLE aux fins d'engager la responsabilité de leur banque dans l'octroi des nombreux prêts consentis en l'absence de tout devoir de mise en garde ainsi qu'aux fins de constater la nullité de la clause d'intérêts au titre du défaut de conformité du contrat de prêt. Ainsi, la Cour ne pourra qu'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Liminairement, il est rappelé que compte tenu de cette procédure en cours actuellement pendante devant le tribunal de grande instance de Paris monsieur et madame [W] ont saisi d'incident le Conseiller de la mise en état aux fins de sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive qui sera rendue dans l'affaire qui les oppose au CRÉDIT AGRICOLE. Pour les besoins de la procédure et afin de respecter les délais impératifs imposés par l'article 908 du code de procédure civile, les présentes conclusions au fond ont été régularisées.
A titre subsidiaire les appelants considèrent que le CRÉDIT LOGEMENT a commis une faute dans l'octroi de sa garantie et dans le paiement de la dette de monsieur et madame [W].
Avant d'accorder sa garantie, la société CRÉDIT LOGEMENT doit procéder à l'analyse de l'ensemble des éléments constitutifs de la demande de prêt présentée par la banque. Spécialiste du financement ainsi que de la garantie du prêt immobilier au service des banques et de leurs clients, elle dispose donc d'une véritable expertise dans l'analyse du risque immobilier sur les particuliers et de la viabilité des projets d'investissement qui lui sont soumis. En l'espèce, en acceptant de donner sa garantie au moment de l'établissement de l'offre de prêt, puis de payer le montant réclamé par la banque, elle a accepté, par deux fois et en toute connaissance de cause, de prendre un risque dont il convient de lui faire supporter la charge. En effet, ainsi qu'il vient d'être amplement démontré, la société CRÉDIT LOGEMENT a commis une faute en consentant sa garantie au profit du CRÉDIT AGRICOLE alors qu'elle ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnelle en la matière, que monsieur et madame [W] ne disposaient pas des capacités financières suffisantes pour honorer de tels engagements, de telle sorte que sa responsabilité doit être engagée. Au moment où la société CRÉDIT LOGEMENT a consenti sa garantie, il était évident que les sommes empruntées par monsieur et madame [W] étaient disproportionnées par rapport à leurs revenus et qu'ils parviendraient difficilement à honorer les échéances de leurs prêts avec un taux d'endettement bancaire ressortant à plus de 72%.
De la même manière, il appartenait à la société CRÉDIT LOGEMENT de s'assurer, à tout le moins, de la conformité du contrat aux dispositions légales. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce notamment de la clause d'intérêts. En conséquence, à la lumière de ce qui précède, si par impossible, la Cour de céans venait à considérer que la société CRÉDIT LOGEMENT agit sur le fondement de son recours personnel, à titre subsidiaire, elle ne pourrait que constater que la société CRÉDIT LOGEMENT a commis une faute en octroyant sa garantie ainsi qu'en payant la dette de monsieur et madame [W] en parfaite connaissance de la situation financière des débiteurs, et en conséquence, la cour ne pourrait qu'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux en date du 11 octobre 2016, et statuant à nouveau, condamner la société CRÉDIT LOGEMENT à payer à ces derniers des dommages et intérêts, à compenser avec les sommes restant dues au titre de l'ensemble des prêts qui leur ont été consentis, soit la somme de 472 868,91 euros, outre frais et accessoires éventuellement mis à leur charge, ainsi qu'à rembourser les intérêts versés indûment par monsieur et madame [W] au titre du prêt relais, soit au moins la somme de 7 362,60 euros.
En tout état de cause : l'article 2308 alinéa 2 du code civil dispose : ' Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte, sauf son action en répétition contre le créancier.' A cet égard, la jurisprudence considère qu'il appartient à la caution de faire toute diligence à l'effet d'avertir le débiteur principal de la mise en 'uvre du cautionnement. A défaut, le débiteur se trouve empêché de faire valoir le moyen tiré de l'extinction de la créance et la caution doit être déclarée déchue de son recours contre le débiteur principal.
En l'espèce en dépit des dispositions légales, la société CRÉDIT LOGEMENT a payé le CRÉDIT AGRICOLE avant même que monsieur et madame [W] ne soient dûment avisés. En effet, par deux courriers recommandés avec accusé de réception datés du 23 février 2015 adressés respectivement à monsieur ainsi qu'à madame [W], la société CRÉDIT LOGEMENT les avertissait de ce qu'elle était amenée à rembourser en leurs lieu et place l'intégralité du solde de la créance du CRÉDIT AGRICOLE d'un montant de 169 170,05 euros au titre du remboursement du prêt relais 'HAB PERSO GPE' n°60306729717 d'un montant en principal de 159 500 euros. Le premier passage du facteur au domicile des époux [W] est en date du 4 mars 2015. Alors qu'ils disposaient d'un délai de 15 jours à partir de ce premier passage pour retirer leurs plis au bureau de poste, dès le 12 mars 2015, soit à peine 8 jours plus tard, la société CRÉDIT LOGEMENT, appelée en garantie et non poursuivie, a procédé au paiement entre les mains de la société CRÉDIT AGRICOLE de l'intégralité de la somme réclamée par cette dernière, soit la somme de 169 170,05 euros, et ce, avant même l'expiration du délai permettant à monsieur et madame [W] de récupérer les correspondances qui leur étaient destinées et de faire valoir les moyens de défense dont ils disposaient. Il en résulte que la société CRÉDIT LOGEMENT a commis une faute en payant le CRÉDIT AGRICOLE tout en sachant notamment que les intérêts versés par monsieur et madame [W] pouvaient être contestés et que la responsabilité du CRÉDIT AGRICOLE pouvait être engagée, et alors que ces derniers n'ont pas été mis en mesure de faire valoir les moyens dont ils disposaient.
Par conséquent, sur le fondement des dispositions de l'article 2308 du code civil, la société CRÉDIT LOGEMENT ne pourra qu'être déclarée déchue de son recours à l'encontre de monsieur et madame [W] au titre du prêt relais 'HAB PERSO GPE' n° 60306729717, objet de la présente procédure.
A titre infiniment subsidiaire : demande de délais de paiement
Selon le nouvel article 1343-5 du code civil, ' Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.'
En l'espèce, la situation financière de monsieur et madame [W] est des plus difficiles compte tenu de leur taux d'endettement et ne leur permet pas d'honorer les sommes réclamées par la société CRÉDIT LOGEMENT. Ils ont trois enfants à charge, âgés respectivement de 24, 18 et 13 ans. Par ailleurs, la bonne foi de monsieur et madame [W], tant à l'égard de la banque que de la société CRÉDIT LOGEMENT, auprès desquelles ils ont légitimement tenté de faire valoir leurs arguments, doit être prise en considération. Enfin, il est aisément démontré le défaut de 'besoins' de la société CRÉDIT LOGEMENT, société au capital de 1 259 850 270 euros.
Ainsi si la Cour venait à condamner monsieur et madame [W] au paiement d'une quelconque somme à la société CRÉDIT LOGEMENT, ces derniers sollicitent les plus larges délais de grâce ou un différé de paiement de 2 ans en application des dispositions de l'article précité.
En tout état de cause et à la lumière de ce qui précède, notamment des erreurs commises tant par le CRÉDIT AGRICOLE que par la société CRÉDIT LOGEMENT à l'égard de monsieur et madame [W], il est sollicité la mainlevée de l'inscription de ces derniers au FICP.
Ainsi il est demandé à la Cour de bien vouloir :
- déclarer monsieur et madame [W] recevables et bien fondés en leur appel ;
- prendre acte de la demande de sursis à statuer formulée in limine litis par monsieur et madame [W] dans leurs conclusions d'incident dont ils ont d'ores et déjà saisi le Conseiller de la mise en état,
et statuant a nouveau, infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux en date du 11 octobre 2016 ;
A titre subsidiaire :
- constater que la société CRÉDIT LOGEMENT a commis une faute en octroyant sa garantie au CRÉDIT AGRICOLE ainsi qu'en payant la dette de monsieur et madame [W] en connaissance de la situation financière de ces derniers et du caractère disproportionné de leurs engagements par rapport à leurs revenus ;
- condamner la société CRÉDIT LOGEMENT au paiement, au bénéfice de monsieur et madame [W], de dommages et intérêts à compenser avec les sommes restant dues au titre de l'ensemble des contrats de prêts conclus par ces derniers, soit à la somme de 472 868,91 euros outre frais et accessoires éventuellement mis à leur charge ;
- condamner la société CRÉDIT LOGEMENT à rembourser les intérêts versés indûment par monsieur et madame [W] au titre du prêt relais, soit au moins la somme de 7 362,60 euros ;
A titre infiniment subsidiaire :
accorder à monsieur et madame [W] les plus larges délais de paiement ou un différé de paiement, en application du nouvel article 1343-5 du code civil ;
En tout état de cause :
- déclarer la société CRÉDIT LOGEMENT déchue de son recours à l'encontre de monsieur et madame [W] au titre du prêt relais 'HAB PERSO GPE' n° 60306729717 ;
- ordonner la mainlevée de l'inscription de monsieur et madame [W] au FICP ;
- condamner la société CRÉDIT LOGEMENT à payer à monsieur et madame [W] la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société CRÉDIT LOGEMENT aux entiers dépens de la procédure.
Par dernières conclusions notifiées par la voie du RPVA le 8 mars 2017 la société CRÉDIT LOGEMENT, intimé, demande à la cour de bien vouloir
- dire monsieur [E] [W] et madame [K] [C] son épouse mal fondés en leur appel et en conséquence, les en débouter ;
- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 11 octobre 2016,
et y ajoutant :
condamner solidairement monsieur [E] [W] et madame [K] [C] son épouse, à payer à CRÉDIT LOGEMENT une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700
du code de procédure civile, pour frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
et les condamner pareillement aux dépens d'appel, en reconnaissant à Maître NORET avocat le droit de recouvrement direct de l'article 699 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions l'intimé développe les moyens suivants.
Pour tenter de parvenir a leurs fins, les appelants invoquent l'article 2306 du code civil. Or, CRÉDIT LOGEMENT agit sur le fondement exprès de l'article 2305 du code civil, et non sur celui de l'article 2306. Le fondement juridique de l'action d'un créancier est à sa seule discrétion, le débiteur ne peut prétendre le modifier. Monsieur et madame [W] sont donc irrecevables et mal fondés a faire valoir que l'article 2306 du code civil s'appliquerait a la présente instance. Aussi, sous le bénéfice de l'article 2305 du code civil, l'action de CRÉDIT LOGEMENT n'a pas à souffrir des moyens que les emprunteurs opposent au prêteur devant le tribunal de grande instance de Paris.
Il y a lieu de rappeler que le prêt cautionné puis remboursé par CRÉDIT LOGEMENT au CRÉDIT AGRICOLE D'lLE DE FRANCE n'est pas un prêt amortissable par échéances régulières, mais un prêt relais, qui avait été consenti dans l'attente de la vente d'un bien immobilier, remboursable en totalité par une échéance unique fixée en l'espèce au 10 janvier 2014. Aucun remboursement n'a été effectué au CRÉDIT AGRICOLE avant ou après cette échéance, ce qui a conduit à la mise en jeu du cautionnement de CRÉDIT LOGEMENT, qui n'a reçu aucun règlement postérieurement à son paiement. Or monsieur et madame [W] ont vendu le bien dont s'agit par acte notarié du 30 mars 2015 et manifestement profité du fait que la garantie du prêteur était un cautionnement sous seing privé et non une garantie hypothécaire pour ne pas affecter le prix de vente au remboursement du prêt relais. A la différence d'un prêt amortissable mensuellement en considération des ressources des emprunteurs, un prêt relais est avant tout assis sur la valeur du bien dont la vente est programmée, afin de permettre au vendeur de disposer par anticipation du produit de cette vente pour acquérir un autre bien. La garantie apportée par CRÉDIT LOGEMENT à ce prêt relais n'est en conséquence nullement fautive, pas plus que le paiement effectué par CRÉDIT LOGEMENT au CRÉDIT AGRICOLE à la suite du non remboursement par monsieur et madame [W] à l'échéance contractuelle. Ce sont monsieur et madame [W] qui sont fautifs en n'ayant pas consacré le produit de la vente du bien situé à [Localité 6] Essonnes faisant l'objet du prêt relais, à son remboursement ;
Monsieur et madame [W] prétendent encore que CRÉDIT LOGEMENT aurait remboursé trop tôt le CRÉDIT AGRICOLE D'ILE DE FRANCE, le 12 mars 2015, après les avoir avisés du règlement effectué en leurs lieu et place au CRÉDIT AGRICOLE par courrier du 23 février 2015 qui n'aurait fait l'objet d'une première présentation postale que le 4 mars 2015, ouvrant un délai de 15 jours de mise à disposition du courrier au bureau de poste. Or il est de droit qu'une notification postale par lettre recommandée avec accusé de réception produit effet à partir de la première présentation, et non de la réception. En l'espèce, le moyen soulevé par monsieur et madame [W] est totalement inopérant, dans la mesure où il ne leur cause aucun grief, ni monsieur [W], ni madame [W] ne sont allés réceptionner les lettres recommandées avec accusé de réception destinées à chacun d'eux qui sont toutes revenues à CRÉDIT LOGEMENT avec la mention 'avisée et non réclamée'. Monsieur et madame [W] n'ont par conséquence subi aucun préjudice en suite de la prétendue faute qu'ils imputent à CRÉDIT LOGEMENT d'avoir, selon eux, payé trop tôt le CRÉDIT AGRICOLE D'ILE DE FRANCE.
Les conditions de l'article 2308 alinéa 2 du code civil ne sont au surplus même pas
remplies, car monsieur et madame [W] ne démontrent pas qu'au moment du paiement par CRÉDIT LOGEMENT au CRÉDIT AGRICOLE D'lLE DE FRANCE, ils auraient eu les moyens pour faire déclarer la dette éteinte. Monsieur et madame [W] seront en conséquence déclarés mal fondés et seront déboutés de leur demande de déchéance de CRÉDIT LOGEMENT sur le fondement de l'article 2308 du code civil.
Enfin, sur la demande de délais de paiement, monsieur et madame [W] n'apportent aux débats aucune justification crédible de leur possibilité de remboursement et en outre ils n'ont pas consacré le produit la vente du bien faisant l'objet du prêt relais, à laquelle ils ont procédé par acte notarié du 30 mars 2015, la condition de bonne foi qui doit présider à I'octroi de délais de paiement n'est donc manifestement pas remplie en l'espèce.
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.
SUR CE
Considérant que comme il a été jugé suivant ordonnance du conseiller de la mise en état du 30 mars 2017 confirmée sur déféré par arrêt du 13 octobre 2017, la procédure en responsabilité intentée par monsieur et madame [W] à l'encontre de la banque prêteur de fonds est sans incidence sur la décision à intervenir dans la présente procédure d'appel, le CRÉDIT LOGEMENT agissant sur le fondement de l'article 2305 du code civil pour l'exercice de son droit propre au recouvrement de sa créance ;
Considérant que la caution a libre option entre le recours personnel de l'article 2305 du code civil ou le recours subrogatoire de l'article 2306 ; que la société CRÉDIT LOGEMENT, qui vise expressément les dispositions de l'article 2305 du code civil dans ses conclusions, a nécessairement entendu exercer son recours personnel, la production, à seule fin d'établir la réalité de son paiement, de la quittance subrogative en date du 12 mars 2015 étant sans rapport ni incidence quant au choix du recours qu'elle a souhaité exercer ;
Considérant qu'en conséquence, monsieur et madame [W] ne sauraient opposer à la société CRÉDIT LOGEMENT exerçant son recours personnel, les exceptions et moyens dont ils auraient pu disposer contre leur créancier originaire ;
Considérant qu'en vertu de l'article 2308 du code civil, lorsque la caution a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'a pas de recours contre lui dans le cas où au moment du paiement le débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ;
Qu'en l'espèce monsieur et madame [W] ne justifient aucunement d'un quelconque début d'accord de la banque quant à la prorogation de l'échéance du prêt relais ; qu'ils dénoncent sans le démontrer la malice de la banque laissant arriver la date de l'échéance sans véritablement traiter leur demande alors qu'il s'agissait, selon ce qu'il avaient compris, d'une simple formalité acquise de plein droit ; qu'au contraire il ressort des échanges de courriers entre les parties que monsieur et madame [W] étaient peu coopératifs quant à la production des justificatifs légitimement réclamés par la banque ; qu'en tout hypothèse l'application d'une prorogation du prêt relais n'aurait bien évidemment pas eu pour effet l'extinction de la dette, et au surplus si la banque n'a pas jugé opportun de faire droit à cette demande de prorogation, pour autant le caractère possiblement fautif de ce positionnement n'est pas opposable à la caution agissant sur le fondement de l'article 2305 du code civil, puisque les débiteurs peuvent alors se prévaloir par voie d'exception de la non exigibilité de la créance mais aucunement des manquements du prêteur ;
Considérant surtout que monsieur et madame [W] n'ont jamais formulé aucune proposition de règlement à bref délai de la dette en sa totalité ;
Considérant que loin d'être éteinte la créance de la banque est devenue exigible avec la déchéance du terme, prononcée, régulièrement, le 20 novembre 2014 ;
Considérant que monsieur et madame [W] ne justifient donc pas avoir eu les moyens de faire déclarer la dette éteinte au moment où la caution s'est acquittée du paiement auprès la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE, le 12 mars 2015 ;
Considérant qu'il n'y a eu aucune précipitation fautive dans l'action du CRÉDIT LOGEMENT qui n'a fait qu'exercer légalement ses droits résultant de la subrogation en respectant les formes et délais prévus par la loi ;
Considérant que dans le cadre du recours de la caution sur le fondement de 2305 du code civil, la créance subrogative a pour finalité de lui permettre de justifier du quantum de la créance pour laquelle il y a subrogation ; que le CRÉDIT LOGEMENT en l'espèce produit quittance subrogative pour les sommes qu'il a versées à la banque préteur de fonds au titre des sommes restant dues, le 12 mars 2015, non contestées dans leur montant ;
Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer en intégralité le jugement déféré, dans le principe de la condamnation comme dans son quantum, et en toutes ses autres dispositions, y compris celles concernant le point de départ de l'intérêt légal, non discutées à hauteur d'appel ;
Considérant que l'incident de paiement étant avéré, et en l'absence de toute faute soit de la banque soit de la société CRÉDIT LOGEMENT dans le traitement du recouvrement de la créance, et plus précisément dans l'inscription de monsieur et madame [W] au FICP, légitime et régulière, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de mainlevée qu'ils formulent quant à cette inscription ;
Considérant que leur demande de délai de paiement ou de report de la dette elle aussi ne peut qu'être rejetée, en l'absence de toute bonne foi de monsieur et madame [W] qui dans leurs écritures prétendent avoir fait de leur mieux pour s'acquitter de leur dette, mais en définitive se sont bien gardés d'y affecter le prix de vente de leur bien immobilier lorsque celle-ci a pu se réaliser (le 30 mars 2015) ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Considérant que monsieur et madame [W], qui échouent dans leurs demandes, doivent supporter la charge de leurs dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant qu'en revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de CRÉDIT LOGEMENT formulée sur ce même fondement dans la limite de la somme de 1 200 euros ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant,
Déboute monsieur [E] [W] et madame [K] [C] épouse [W] de l'ensemble de leurs demandes ;
Condamne solidairement monsieur [E] [W] et madame [K] [C] épouse [W] à payer à la société CRÉDIT LOGEMENT la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
Condamne solidairement monsieur [E] [W] et madame [K] [C] épouse [W] aux entiers dépens d'appel et admet Maître Fabrice NORET, avocat au Barreau de Meaux, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT
FONCTION DE PRÉSIDENT