La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/05/2019 | FRANCE | N°16/05906

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 22 mai 2019, 16/05906


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 22 MAI 2019



(n° 2019/275, 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/05906

N° Portalis 35L7-V-B7A-BYJUG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/10632





APPELANTE



Madame [O] [X] [C] [Y]

née

le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 15] (75)

Demeurant : [Adresse 4]

[Localité 6]



Représentée par Me Hélène FERON-POLONI de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 22 MAI 2019

(n° 2019/275, 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/05906

N° Portalis 35L7-V-B7A-BYJUG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/10632

APPELANTE

Madame [O] [X] [C] [Y]

née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 15] (75)

Demeurant : [Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Hélène FERON-POLONI de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

INTIMÉES

- SA SOCIETE GENERALE

Ayant son siège social : [Adresse 3]

[Localité 5]

N° SIRET : 552 120 222 (PARIS)

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Denis-Clotaire LAURENT de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R010

- SA SOGECAP

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 7]

N° SIRET : 086 380 730 (NANTERRE)

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

- SA ORADEA-VIE

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 7]

N° SIRET : 430 4 5 669 (NANTERRE)

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentées par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant : Me Corinne CUTARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1693

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marc BAILLY, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Madame Pascale LIEGEOIS, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur, Marc BAILLY, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Anaïs CRUZ, Greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Suivant offre émise le 25 novembre 2011 et acceptée le 7 décembre 2002, la Société générale a consenti à Mme [O] [Y] un prêt immobilier Optis d'un montant de 190 841 euros, d'une durée de 180 mois, dont seuls les intérêts au taux annuel fixe de 4,90% étaient remboursables mensuellement et le capital en une seule fois au terme du prêt fixé au 7 janvier 2018, destiné à financer l'acquisition de plusieurs lots dans un ensemble immobilier dénommé [13] à [Localité 16] pour un montant de 36 688 euros et des travaux, à des fins de location, cette opération immobilière, proposée par la société Audit & Solutions s'inscrivant dans un dispositif de défiscalisation dit « Monuments historiques ».

Le remboursement du prêt a été garanti par l'inscription d'une hypothèque conventionnelle pour un montant de 146 673 euros, par l'incription d'un privilège de prêteur de deniers de premier rang à hauteur de 36 668 euros et par le nantissement par acte sous seing privé du 6 décembre 2002 d'un contrat collectif d'assurance vie dénommé Oradea Multisupport à hauteur de 80 000 euros, investis sur le support FCP EQUILIBRE, auquel Mme [O] [Y] a adhéré selon bulletin du 26 novembre 2002, le contrat étant souscrit par l'association Apogée auprès de la société d'assurances Oradea vie.

Le biens immobiliers ont été acquis par acte authentique du 31 décembre 2002 et les travaux ont pris du retard de sorte que les biens n'ont pu être loués dans les délais prévus et qu'une action judiciaire a été engagée à l'encontre des différents intervenants de ce programme immobilier.

Par courrier du 16 décembre 2009, la société Sogecap a transmis à Mme [O] [Y], à sa nouvelle adresse, des informations sur la situation de son contrat d'assurance vie Oradea pour les années 2004 à 2008, celle-ci l'ayant informé ne plus les recevoir depuis l'année 2003.

En 2011, après plusieurs échanges de courriers avec Mme [O] [Y] qui déplorait la perte de valeur de son contrat d'assurance vie en deça du montant initialement investi et souhaitait qu'une fois la situation rétablie ses placements soient basculés sur des fonds en euros, la société Oradea a indiqué à Mme [O] [Y], qu'ayant placé ses fonds sur un support composé en partie d'actions elle avait accepté l'aléa boursier.

Par actes d'huissier de justice en date des 18 et 20 juin 2013, Mme [O] [Y] a fait assigner en indemnisation la Société générale, la société Oradea vie et la société Sogecap devant le tribunal de grande instance de Paris en sollicitant l'indemnisation des préjudices qu'elle aurait subi du fait de la souscription, dans le cadre d'une opération de financement qu'elle qualifie de complexe, d'un contrat de prêt remboursable in fine adossé à un contrat d'assurance vie.

Par jugement en date du 26 février 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :

déclarées irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes formées par Mme [O] [Y] à l'encontre de de la Société générale et des sociétés Sogecap et Oradea vie aux motifs que l'action en indemnisation de Mme [O] [Y], tant à l'égard de la banque que des sociétés d'assurances est soumise au délai de prescription décennal puis quinquennal prévu par l'article L.110-4 du code de commerce modifié par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, qui a commencé à courir à compter de la réalisation du dommage, lequel consiste, dès lors qu'il résulte d'un manquement aux obligations précontractuelles visées par Mme [O] [Y], en une perte de chance de ne pas contracter qui s'est manifestée dès la conclusion des contrats, à savoir le 26 novembre 2002 pour le contrat d'assurance vie et le 7 décembre 2002 pour le contrat de prêt in fine, Mme [O] [Y] échouant à établir qu'elle a pu légitimement ignorer, comme elle le soutenait, les pertes subies par son investissement avant la date du 16 décembre 2009 à laquelle la Sogecap lui a adressé ses relevés de situation des années 2003 à 2008 dans la mesure où il lui appartenait, dans une telle hypothèse, de s'enquérir de l'évolution de ses avoirs,

condamné Mme [O] [Y] aux dépens dont distraction au profit des avocats des défenderesses,

condamné Mme [O] [Y] à payer à la Société générale et aux sociétés Orades vie et Sogecap la somme de 1 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration remise au greffe de la cour le 8 mars 2016, Mme [O] [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 février 2019, Mme [O] [Y] demande à la cour de :

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Madame [O] [Y].

- Infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions défavorables à Madame [O] [Y]

Statuant à nouveau,

- Dire et Juger que la Société Générale, la société ORADEA et la société SOGECAP ont engagé leur responsabilité à l'égard de Madame [O] [Y],

- Débouter la Société SOGECAP, la société ORADEA Vie et la SOCIETE GENERALE de toutes leurs demandes, fins et conclusions et exceptions,

En conséquence,

- Condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à payer à Madame [O] [Y] une indemnité de 159 000 euros correspondant au montant du prêt acquitté par Madame [O] [Y] au titre du crédit in fine souscrit auprès de laSociété générale

- Condamner in solidum la SOCIETE GENERALE, la société SOGECAP et la société ORADEA VIE à payer à Madame [O] [Y] une somme de 27 514 euros en réparation de son préjudice résultant de la perte de valeur du contrat d'assurance vie du fait de son caractère inadapté,

- Condamner in solidum la SOCIETE GENERALE, la société SOGECAP et la société ORADEA VIE à payer à Madame [O] [Y] une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral,

Si la Cour de céans devait condamner Madame [Y] au paiement des intérêts de retard :

- Exonérer Madame [Y] du paiement de la clause pénale de 11 787,35 euros faute de préjudice subi par la SOCIETE GENERALE.

- Subsidiairement, Réduire cette somme à hauteur du préjudice réellement subi par la SOCIETE GENERALE.

En tout état de cause,

- Condamner in solidum la SOCIETE GENERALE, la société SOGECAP et la société ORADEA VIE à payer à Madame [O] [Y] une somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner in solidum la SOCIETE GENERALE, la société SOGECAP et la société ORADEA VIE aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP LECOQ-VALLON et FERON-POLONI.

Au soutien de ses prétentions Mme [O] [Y] fait valoir que :

son action à l'encontre de la Société générale est recevable et non prescrite, l'article L. 110-4 du code de commerce n'étant pas applicable, le contrat de prêt litigieux n'étant pas intervenu à l'occasion d'un commerce entre l'appelante et la banque mais constituant un acte isolé de sorte que c'est la prescription de droit commun qui s'applique laquelle expirait le 19 juin 2013 et l'assignation ayant été délivrée le 18 juin 2013 et qu'en tout état de cause, Mme [O] [Y] n'a pu avoir connaissance de l'échec du financement proposé qu'au dénouement de l'opération, à savoir le 7 janvier 2018, date de l'échéance finale où le dommage lui a été révélé ou au plus tôt au 16 décembre 2009, date de la réception, pour la première fois de l'avis de situation de son contrat d'assurance vie, la prescription n'étant pas acquise avant le 16 décembre 2014,

concernant l'obligation d'information en cours de contrat imposée aux sociétés Oradéa vie et Sogecap celles-ci ne peuvent opposer à Mme [O] [Y] la prescription biennale de l'article L.114-1 du code des assurances dès lors que la notice d'information ne rappelle pas à l'assurée les causes d'interruption de ce délai de prescription, prévues par l'article L.114-2 du même code, comme l'exige l'article R.112-1,

les sociétés Oradea vie et Sogecap ne peuvent se prévaloir du délai de prescription prévu par l'article L.110-4 du code de commerce en leur qualité d'assureur, seul le régime de prescription de droit commun étant applicable lorsque les règles spécifiques au droit des assurances sont écartées, le contrat d'assurance n'étant pas un acte de commerce n'étant pas intervenu à l'occasion du commerce de Mme [Y], celle n'ayant pu en tout état de cause avoir connaissance du dommage qu'au moment du dénouement de l'opération, soit le 7 janvier 2018 et au plus tôt le 16 décembre 2009 alors que les sociétés d'assurances ne justifient pas avoir rempli leur obligation d'information annuelle sur la situation de son contrat prévue par l'article L.132-22 du code des assurances entre 2003 et 2009, les intimées soutenant à tort que Mme [O] [Y] aurait eu connaissance du risque de perte en capital dès son adhésion au contrat d'assurance vie et que le dommage se serait réalisé dès la remise de la notice, sauf à confondre fait générateur du dommage et manifestation de celui-ci,

le montage proposé par la Société générale consistant en un crédit in fine Optis adossé à un contrat d'assurance vie commercialisé par l'une de ses filiales Oradea vie, donné en nantissement à hauteur de 80 000 euros, est un financement inadapté à sa situation et à l'investissement projeté, puisque remboursement de l'échéance finale repose sur la valorisation du contrat d'assurance vie qui, en l'espèce, était soumis aux aléas boursiers et s'est déprécié, situation à laquelle s'est ajoutée dès 2003 son licenciement et une perte de revenus conséquente ceux-ci étant passés de 220 070 euros en 2003 à 35 110 euros en 2004 sans qu'elle ne parvienne par la suite à retrouver un tel niveau de revenus, ceux-ci étant de 56 676 euros en 2011 et le contrat Oradea Multisupport ne permettant pas de régler l'échéance finale du 7 janvier 2018,

la Société générale reconnait ne pas avoir rempli une obligation de conseil et d'information aux motifs qu'un courtier serait intervenue alors qu'elle a agi en qualité d'intermédiaire ce qui ne lui permet pas de se décharger de telles obligations alors même que Mme [O] [Y] ne peut être considérée comme avertie au seul motif qu'elle est avocate en droit de la musique et a exercé à New York comme juriste négociatrice de contrats de disques pendant 4 ans d'autant qu'elle n'avait jamais souscrit auparavant de crédit in fine adossé à un contrat d'assurance vie,

le contrat d'assurance vie Oradea Multisupport n'est pas une simple garantie du prêt accordé, le site de la Société générale consacré au prêt Optis précisant que ce crédit est associé à « un contrat d'assurance vie d'une durée équivalente qui vous permet de rembourser le capital en une seule fois au terme du contrat. » et la société Capfi n'est intervenue que pour trouver un financement,

le montage proposé est complexe et la banque a manqué à son devoir d'information en ne mentionnant pas les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux options pouvant être le corollaire des avantages proposés comme en ne mettant pas en mesure Mme [O] [Y] de comparer le financement proposé avec les avantages et les inconvénients d'un prêt amortissable classique,

le prêt in fine octroyé avait pour but de procéder à un effet de levier en étant adossé au contrat d'assurance vie dont la valorisation devait permettre le remboursement à terme du premier, ce montage, conditionné par des produits financiers justifie que les professionnels qui l'ont mis en place soient soumis aux obligations de conseil et d'information prévues par l'article L.533-4 du code monétaire et financier, lesquels n'ont pas proposé un produit adapté à la situation de Mme [O] [Y] puisque le FCP Equilibre s'est avéré ne pas être sécurisé, étant composé d'unités de compte très volatiles qui ont subi les aléas boursiers avec des pertes de valeurs importantes entre 2002 et 2012 ayant conduit Mme [O] [Y] à finalement transférer ses placements sur un support en euros,

la Société générale n'a pas respecté son obligation de mise en garde envers Mme [O] [Y] dont elle ne démontre pas qu'elle est un emprunteur averti, celle-ci n'ayant aucune connaissance ou compétence en matière bancaire et boursière et le montage financier proposé étant complexe dès lors que la somme empruntée est largement supérieure au prix d'acquisition du bien immobilier en ce qu'elle porte sur des frais de notaire et des travaux et qu'au bout de 15 ans l'échéance finale est absolument insoutenable pour être d'un montant de 190 000 euros, avec un coût d'intérêts plus élevé que dans un prêt amortissable, le contrat d'assurance étant conclu dans le seul but d'assurer le remboursement de la dernière échéance,

le fait que l'emprunteur soit assisté d'une tierce personne n'exonère pas la banque de son obligation de mise en garde d'autant que la société Cafpi n'a donné aucun conseil et s'est contentée de négocier le taux du crédit et qu'il n'existe aucune preuve de la remise de la notice d'information et de l'annexe du contrat d'assurance vie à Mme [O] [Y],

la situation financière de Mme [O] [Y] s'est fortement dégradée du fait de son adhésion au montage litigieux et elle a dû souscrire un prêt à la consommation pour subvenir aux besoins de la vie courante comme louer son appartement meublé certains mois pour obtenir des revenus complémentaires,

la Société générale n'est pas fondée à lui réclamer des intérêts de retard alors que l'échéance finale est intervenue le 7 janvier 2018 et que la banque a mis plus de 9 mois pour réaliser le contrat d'assurance sur la vie ni ne justifie d'un préjudice de sorte que la clause pénale tenant à l'application d'un taux d'intérêt conventionnel majoré de trois points, doit être réduite à 1 euros en lieu et place de la somme de 11 787,35 euros réclamée à ce titre en application de l'article 1152 du code civil devenu 1231-5,

la société Sogecap est intervenue en qualité de courtier dès lors qu'elle lui a adressé la valorisation de son contrat en 2009 et qu'elle a répondu à son courrier du 11 mai 2011, la société Sogecap étant en outre la société du groupe chargée de concevoir les contrats d'assurance vie distribués par la Société générale,

la société Sogecap et la société Oradea vie ont manqué à leurs obligations de mise en garde, de cohérence et de conseil à l'égard de Mme [O] [Y], la notice d'information datée de 2003 pour un investissement réalisé en 2002 ne faisant pas état d'un quelconque risque de perte en capital, la dénomination FCP Equilibre impliquant en outre une gestion sans risques et un contrat non soumis aux aléas boursiers et les caractéristiques des unités de compte figurent dans une annexe et non dans la notice elle-même dont la preuve de la remise de l'une comme de l'autre à l'adhérente n'est pas rapportée,

l'intervention d'un courtier n'est pas de nature à décharger l'assureur de son obligation de dispenser une information détaillée sur le produit d'assurance fourni et notamment sur son caractère hautement spéculatif de sorte que l'article L.533-4 du code monétaire et financier est applicable et Mme [O] [Y] n'a pris connaissance du caractère boursier de son placement que 11 années après son adhésion faute d'avoir reçu ses relevés de situation durant de nombreuses années en raison d'un changement d'adresse survenu en 2003 qu'elle a pourtant signalé à la Société générale qui était intervenue pour la conclusion du contrat d'assurance auprès d'une société d'assurance faisant partie du même groupe,

elle n'a bénéficié que partiellement des avantages fiscaux escomptés en raison de la baisse de ses revenus et a subi un préjudice financier tenant à la perte de valeur de son contrat d'assurance vie pouvant être évaluée à 27 514 euros, correspondant à la plus value qu'elle aurait pu réaliser sur la somme de 80 000 euros entre 2002 et 2012 si elle avait été placée sur un support avec un taux annuel de 3% et au coût du prêt in fine ,soit la somme de 159 000 euros, outre un préjudice moral en raison de l'angoisse générée par ce montage désastreux qui ne lui permet pas de rembourser l'échéance finale du prêt alors même que la valeur du bien immobilier financé a baissé entre 2011 et 2018 pour passer de 145 000 euros à 85 000 ou 90 00 euros, de sorte qu'elle est en dépression depuis 2014 et en arrêt depuis octobre de la même année, la Société générale n'hésitant pas à lui adresser pas moins de 5 courriers en moins de trois semaines au sujet du remboursement du prêt.

Dans ses dernières écritures notifiées le 11 mars 2019, la Société générale demande à la cour de :

A titre principal,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes de Madame [O] [Y] à l'égard de Société générale

A titre subsidiaire,

- Débouter Madame [O] [Y] de ses demandes de condamnation au paiement de dommages et intérêts à l'égard de Société générale

En tout état de cause,

- Débouter Madame [O] [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins, et conclusions,

- Condamner Madame [O] [Y] à payer à Société générale la somme de 123 503,04 euros (cent vingt-trois mille cinq cent trois euros et quatre centimes) à majorer des intérêts au taux de 7,90% l'an sur le principal de 123 209,70 € à compter du 22 octobre 2018 et jusqu'à parfait paiement,

- Ordonner la capitalisation annuelle des intérêts,

- Condamner Madame [O] [Y] au paiement d'une somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au bénéfice de Maître Denis LAURENT Avocat au Barreau de PARIS sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile.

La Société générale fait valoir que :

les demandes de Mme [O] [Y] sont prescrites pour avoir été introduites plus de dix ans après la conclusion du contrat de prêt, son action contre la banque relevant des dispositions de l'article L.110-4 du code de commerce et le dommage résultant des fautes invoquées consistant dans une perte de chance de ne pas contracter le contrat de prêt litigieux laquelle s'est manifestée dès la conclusion de celui-ci le 7 décembre 2002, à défaut pour Mme [O] [Y] de démontrer qu'elle a pu légitiment ignorer ce dommage dans la mesure où elle est un emprunteur averti pour être avocate depuis 10 ans lorsqu'elle emprunte, qu'elle a déjà déjà effectué des investissements aux fins de défiscalisation et qu'elle n'a pu ignorer dès l'origine du montage du financement ni que le capital du prêt était remboursable en une seule fois avec la dernière échéance ni que les fonds propres placés sur le contrat d'assurance vie nanti au profit du prêteur l'étaient sur un support ne garantissant pas le capital investi comme cela résulte de la notice d'information et de l'annexe dont elle a pris connaissance,

elle n'a commis aucune faute, le prêt in fine proposé étant adapté à la situation de Mme [O] [Y] qui investissait dans une opération immobilière bénéficiant du régime fiscal dit des monuments historique permettant au contribuable de déduire les charges foncières, dont les intérêts de l'emprunt afférentes à l'immeuble de son revenu global de sorte qu'elle a bénéficié d'un avantage fiscal, le prêt in fine permettant une charge mensuelle de remboursement moindre qu'un prêt classique puisque le capital n'est pas remboursé pendant toute la durée du prêt et ne pouvant imputer à la banque les difficultés qu'elle a rencontrées tenant à la durée d'exécution des travaux comme à leur coût résultant d'un abandon du chantier et d'un détournement des fonds, pour lesquelles des procédures ont été intentées et dont Mme [O] [Y] ne précise pas l'issue,

le contrat de prêt in fine et le contrat collectif d'assurance vie ne sont pas interdépendants et ne forment pas un ensemble indivisible, le second ne constituant qu'une des trois garanties du remboursement du prêt donnée par Mme [O] [Y] au prêteur et aucun document contractuel n'établissant qu'il était convenu que le contrat d'assurance vie devait permettre le remboursement total de la dernière échéance du prêt in fine,

la banque n'est tenue d'aucun devoir de mise en garde, Mme [O] [Y] étant un emprunteur averti lors de l'emprunt pour être avocate en droit des affaires depuis 10 ans et parfaitement à même de mesurer les risques et l'opportunité du crédit, lequel ne faisait pas naître pour elle un risque d'endettement excessif au regard de ses capacités financières alors qu'elle disposait en 2002 d'une rémunération, hors bonus de 192 000 euros annuels, sans tenir compte des revenus locatifs escomptés, des économies fiscales à réaliser et de l'épargne dont elle disposait à hauteur de 80 000 euros qu'elle a pu placer sur le contrat Oradea Multiupport, outre un appartement à [Localité 14] acquis précédemment à des fins de défiscalisation,

le montage consistant à souscrire un prêt in fine garanti par un contrat d'assurance vie est classique et ne présente aucune complexité d'autant que le financement accordé à Mme [O] [Y] ne portait que sur une somme de 190 814 euros,

la Société générale n'est pas tenue à un devoir de conseil et n'a pas à apprécier l'opportunité de l'opération financée en raison de son obligation de non immixtion dans les affaires de ses clients alors que Mme [O] [Y] était assistée de deux courtiers, la société Audit & Solutions et la société Cafpi conseil défiscalisation, et la banque n'est pas intervenue dans l'adhésion de Mme [O] [Y] au contrat Oradea Multisupport,

les dispositions de l'article L.533-33 u code monétaire et financier visées par Mme [O] [Y] ne lui sont pas applicables alors qu'ils visent les prestataires de services d'investissement et que la Société générale est seulement intervenue en qualité de prêteur de deniers,

l'inadéquation du financement accordée à sa situation personnelle n'aurait pas été invoquée par Mme [O] [Y] si elle n'avait pas connu postérieurement un changement de situation professionnelle en raison d'un licenciement avec une baisse importante des revenus ainsi que des difficultés considérables dans l'opération de rénovation, outre une crise financière ayant conduit à une diminution de la valeur du contrat d'assurance vie nanti,

le préjudice résultant d'un manquement de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde s'analyse en une perte de chance qui doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, de sorte que Mme [O] [Y] ne peut réclamer une indemnisation à hauteur du coût total du prêt, soit 159 000 euros, correspondant au montant des intérêts, de l'assurance DIT, de frais de dossier et aux honoraires du courtier pas plus que la somme de 27 514 euros correspondant à la plus-value dont elle ne justifie nullement au regard de options proposées par le contrat Oradea Multisupport pas plus que du préjudice moral invoqué qui ne saurait résulter des courriers de mise en demeure qui lui ont été adressés à la suite de sa défaillance dans le paiement de l'échéance finale,

à titre reconventionnel, l'échéance finale du prêt, intervenue le 7 janvier 2018 en cours d'instance d'appel, n'a pas été honorée et si, sur indication du conseil de Mme [O] [Y], la Société générale a fait réaliser le contrat d'assurance vie nanti et a ainsi obtenu ainsi le versement le 11 octobre 2018 d'une somme de 80 000 euros, le solde restant dû s'élève à 123 503,04 euros dont elle est recevable à solliciter la condamnation de Mme [O] [Y] au paiement en application de l'article 564 du code de procédure civile, cette demande résultant de l'évolution du litige,

Mme [O] [Y] n'est pas fondée à contester les intérêts courus entre le 7 janvier 2018 et le 11 octobre 2018 aux motifs que la banque aurait tardé à réaliser le nantissement alors que dès le 9 janvier 2018 elle a demandé à Mme [O] [Y] de prendre ses dispositions pour régler la dernière échéance,

le solde réclamé n'intègre aucune clause pénale comme le soutient à tort Mme [O] [Y] mais seulement des intérêts et le capital restant dû.

Dans leurs dernières écritures notifiées le 11 mars 2019, les sociétés Sogecap et Oradea vie demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas retenu la mise hors de cause de la société SOGECAP,

Et statuant à nouveau,

- Mettre hors de cause la société SOGECAP ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes formées par Madame [O] [Y] à l'encontre de la société ORADEA VIE et de la société SOGECAP dans l'hypothèse où celle-ci ne serait pas mise hors de cause ;

- Dire et juger irrecevable l'action de Madame [Y] à l'encontre de la société ORADEA VIE en ce qu'elle est atteinte par la prescription décennale et biennale et à l'encontre de la société SOGECAP dans l'hypothèse où celle-ci ne serait pas mise hors de cause ;

A titre subsidiaire,

- Dire et juger mal fondées les demandes de Madame [Y] formées à l'encontre de la société ORADEA VIE et de la société SOGECAP dans l'hypothèse où celle-ci ne serait pas mise hors de cause ;

- Débouter Madame [O] [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- Dire et juger Madame [O] [Y] mal fondée en son appel ;

- En conséquence, la Débouter de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions ; - Condamner Madame [O] [Y] à payer à la société SOGECAP et à la société ORADEA VIE chacune la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers dépens d'appel dont le recouvrement sera poursuivi directement par la SELARL BDL AVOCATS conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Au soutien de leur positions, les sociétés Sogecap et Oradea vie font valoir que :

la société Sogecap doit être mise hors de cause n'étant ni partie au contrat de prêt conclu entre Mme [O] [Y] et la Société générale ni partie au contrat d'assurance vie Oradea Multisupport donné en garanti conclu entre l'emprunteuse et une autre société d'assurances, la société Oradea vie et elle n'est pas intervenue en qualité d'intermédiaire ou de courtier dans le financement proposé à Mme [O] [Y] comme dans le choix du contrat d'assurance vie, les pièces produites démontrant que c'est la société Cafpi qui a tenu ce rôle,

les demandes d'indemnisation de Mme [O] [Y] pour manquement de la société Oradea Vie à ses obligations précontractuelles sont prescrites sur le fondement de l'article L.110-4 du code de commerce pour avoir été introduites le 20 juin 2013, plus de dix ans après son adhésion au contrat collectif d'assurance vie Oradea Multisupport, le 26 novembre 2002, la note d'information du contrat que dont Mme [O] [Y] atteste avoir pris connaissance exposant clairement les caractéristiques des différents supports en unité de comptes, le FCP Equilibre choisi par Mme [O] [Y] étant pour partie investi sur des actions soumises aux aléas du marché boursier et l'assureur ayant spécifié qu'il ne garantissait que le nombre d'unités de compte et non leur valeur de rachat de sorte que le remboursement de l'épargne initialement investi n'est pas garanti pour ce type de support,

le fait que Mme [O] [Y] n'aurait pas reçu entre 2004 et 2009 les relevés de situation de sont contrat est sans incidence sur l'information qui lui a été donnée dès l'origine du caractère aléatoire du placement sur le FCP Equilibre et d'un risque de perte en capital,

la société Oradea Vie n'est pas tenue d'un devoir de conseil et de mise en garde à l'encontre de Mme [O] [Y] alors qu'elle a adhéré au contrat collectif d'assurance vie Oradea Multisupport par l'intermédiaire de son propre courtier, la société Capfi, comme cela ressort du bulletin d'adhésion, qui a postérieurement créé une nouvelle entité dénommée Vitae assurances, la société d'assurance Oradea vie n'ayant eu aucun contrat direct avec elle avant la formation du contrat et ayant par ailleurs parfaitement rempli son obligation d'information à son encontre par la remise de la notice d'information et de l'annexe de présentation des supports datant de juillet 2001, comme en a attesté Mme [O] [Y],

les dispositions de l'article L.533-33 du code monétaire et financier visées par Mme [O] [Y] ne sont pas applicables à la société Sogecap alors qu'il vise les prestataires de services d'investissement et que l'assurance n'entre pas dans la liste des services d'investissement,

Mme [O] [Y] a choisi en connaissance de cause un placement de son épargne sur un support ne garantissant pas le remboursement du capital initialement investi alors même que le contrat proposait un placement sans risque dénommé FCP Sécurité et elle doit assumer les conséquences de ce choix sauf à se retourner contre son courtier, le fait que le support choisi n'ait pas produit la rentabilité escomptée ne suffisant pas à caractériser un défaut d'information imputable à l'assureur, d'autant que Mme [O] [Y] a été informée de sa possibilité de procéder à des arbitrages sur son contrat pour modifier ses placements,

l'action de Mme [O] [Y] tirée d'un défaut d'information tenant à une absence de réception de ses relevés de situation entre 2003 et 2010 dérivant du contrat d'assurance est soumise au délai de prescription biennal des dispositions de l'article L.114-1 du code des assurances qui a été rappelé à Mme [O] [Y] dans la notice d'information et elle est prescrite, l'assignation ayant été délivrée le 20 juin 2013,

Mme [O] [Y] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice matériel d'un montant de 27 514,05 euros alors qu'il n'a jamais été contractuellement prévu que le contrat d'assurance vie permette le remboursement de la totalité du capital restant dû à l'échéance du prêt in fine, que le manque de rendement du support choisi est imputable à la seule chute des marchés financer et non à un quelconque manquement imputable à la société Oradea vie et que Mme [O] [Y] a délibérément choisi en 2002 un support ne garantissant pas le capital sans modifier son choix en 2009 alors même qu'elle n'aurait compris qu'à cette date le caractère risqué de son placement de sorte qu'elle ne rapporte pas la preuve d'avoir perdu une chance de ne pas contracter,

Mme [O] [Y] ne justifie pas de son préjudice moral et en particulier que sa dépression de 2014 résulte d'un placement effectué en 2002 non encore dénoué et n'ayant pas subi de moins value,

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription des demandes

En application de l'article L.110-4 I code de commerce dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 19 juin 2008, applicable au litige, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Le délai de prescription de ce texte a été réduit à 5 ans par la loi n° 2008-561du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'article 2222 alinéa 2 du code civil, précisant qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin 2008, lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur, sans que la durée totale du délai de prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Contrairement à ce que soutient Mme [O] [Y], son action en responsabilité intentée à l'encontre de la Société générale comme à l'encontre des deux sociétés d'assurances, lesquelles sont des commerçantes, pour manquement à leur obligations précontractuelles de conseil, de mise en garde et d'information à l'occasion de la souscription d'un prêt immobilier comme d'un contrat d'assurance vie et partant, à l'occasion de leur commerce quand bien même leur cocontractante n'est pas commerçante et n'agit pas dans ce même cadre, est soumise à la prescription prévue à l'article L.110-4 I du code de commerce.

De même, Mme [O] [Y] invoque à tort l'application de la prescription biennale prévue par l'article L.114-1 du code des assurances à ses demandes en ce qu'elles sont dirigées contre les deux sociétés d'assurances pour des manquements à des obligations d'information, de mise en garde et de conseil qui ne dérivent pas du contrat d'assurance litigieux mais précèdent sa conclusion.

En revanche, le manquement des société Sogecap et Oradea vie à leur obligation de lui délivrer une information annuelle sur la situation de son contrat d'assurance vie relèvent bien de ce texte.

Néanmoins, force est de constater, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, que Mme [O] [Y] ne se prévaut d'aucun dommage à ce titre, de sorte que ce défaut de communication n'a lieu d'être examiné qu'au regard d'un éventuel report du point de départ du délai de prescription de son action principale en responsabilité pour des manquements des sociétés d'assurances à leurs obligations précontractuelles au 16 décembre 2009, date à laquelle la Sogecap lui a fait parvenir sous la forme d'un tableau la valorisation de son contrat Oradea multisupport pour les années 2004 à 2008.

Concernant le point de départ du délai de prescription, celui-ci court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce, le dommage invoqué par Mme [O] [Y], adhérente à un contrat d'assurance vie nanti, consiste en la perte de chance d'éviter la réalisation du risque que, du fait de la contre performance de son contrat Oradea Multisupport, son rachat ne permette pas de rembourser le prêt in fine Optis, et ce risque n'a pu se réaliser qu'au terme de celui-ci, le 7 janvier 2018 de sorte que son action en responsabilité tant à l'égard de la Société générale que des sociétés Sogecap et Oradea vie n'est pas prescrite pour avoir été introduite les 18 et 20 juin 2013.

Le jugement entrepris est par conséquent infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables car prescrites les demandes d'indemnisation de Mme [O] [Y] tant à l'encontre de la Société générale que des sociétés Oradea vie et Sogecap, la demande de mise hors de cause de cette dernière supposant un examen au fond et ne pouvant donc être tranchée avant qu'il ne soit statué sur la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée.

Sur les fautes reprochées la société Sogecap

Mme [O] [Y] ne justifie pas que la société Sogecap, société d'assurances du groupe Société générale, soit intervenue auprès d'elle et pour la première fois à un autre moment qu'en décembre 2009 pour lui communiquer, à sa demande, un tableau exposant la valorisation du contrat collectif d'assurance vie Oradea Multisupport au cours des années 2004 à 2008.

De plus, il ressort du bulletin d'adhésion signé par Mme [O] [Y] le 26 novembre 2002 produit aux débats, qu'il est mentionné expressément comme apporteur d'affaire la société Cafpi en la personne de M. [E] [N].

De même, il ressort des pièces versées aux débats que c'est la société Cafpi qui a transmis à la Société générale le 21 novembre 2002 le justificatif de rémunération de Mme [O] [Y] au soutien d'une demande de prêt.

Dans ces conditions, il n'est pas démontré la société Sogecap soit intervenue à quel titre que ce soit tant à l'occasion de l'adhésion de Mme [O] [Y] au contrat collectif Oradea Multisupport qu'à l'occasion de la souscription du contrat de prêt Optis par celle-ci suivant offre émise le 25 novembre 2002 acceptée le 7 décembre 2002.

Par conséquent, aucune faute n'est établie à l'encontre de la société Sogecap, sa responsabilité civile n'est pas engagée et les demandes en paiement de dommages-intérêts formées à son encontre pas Mme [O] [Y] sont rejetées.

Sur les fautes reprochées à la Société générale

Le montage consistant en la souscription d'un prêt in fine pour financer une acquisition immobilière, adossé à un contrat d'assurance vie destiné à couvrir tout ou partie de l'amortissement du capital grâce au rendement procuré par le placement, est une opération classique, le fait que les fonds du contrat d'assurance vie soient placés sur un support composé en partie d'actions soumises aux aléas des marchés financiers ne lui conférant ni un caractère complexe ni un caractère spéculatif.

En outre, il ne peut être tiré de ce que le remboursement du prêt in fine Optis d'un montant de 190 814 euros est garanti à hauteur de 80 000 euros par le nantissement du contrat collectif d'assurance vie Oradea Multisupport que la Société générale est intervenue autrement qu'en qualité de prêteur de deniers alors qu'il résulte des pièces produites tenant au bulletin d'adhésion du 26 novembre 2002 comme à la télécopie du 21 novembre 2002 que tant la souscription du prêt que l'adhésion au contrat d'assurance vie ont été proposés à Mme [O] [Y] par la société Cafpi.

Les dispositions de l'article L.533-4 du code monétaire et financier ne sont pas applicables à la Société générale qui, en consentant un prêt, n'a pas agi comme un prestataire de services d'investissement tel que défini à l'article L.321-1 du même code.

Or, en raison de son devoir de non immixtion, le banquier dispensateur de crédit n'est pas tenu d'une obligation de conseil sauf s'il a contracté une obligation spécifique à cet égard.

En l'espèce, Mme [O] [Y] ne justifie pas que la Société générale s'est engagée à lui fournir un conseil sur l'opportunité et la viabilité de l'opération immobilière financée, ni même sur le type de prêt le plus adapté à l'investissement projeté comme sur le choix du support du contrat d'assurance vie nanti sur lequel placer son épargne.

Elle ne peut donc reprocher à la Société générale de lui avoir consenti un prêt in fine plutôt qu'un prêt amortissable tout au long de sa durée comme de ne pas lui avoir déconseillé le support FCP Equilibre au profit du support FCP Sécurité proposé par le contrat Oradea vie, seul support à garantir le montant du capital initialement investi.

Par ailleurs, Mme [O] [Y] ne démontre pas que la Société générale a manqué à l'obligation d'information dans le cadre du prêt consenti.

En effet, Mme [O] [Y] a signé les conditions particulières mentionnant les caractéristiques essentielles de l'emprunt, sa durée, son taux, son coût total de 158 357,20 euros, le montant des échéances mensuelles de 874,69 euros dont 95,42 euros d'assurance DIT, l'exigence de nantissement d'un contrat d'assurance mentionné par erreur comme étant du contrat SEQUOIA, à concurrence de la somme de 80 000 euros, en sus de l'inscription d'un privilège de prêteur de deniers à hauteur de 36 668 euros et d'une hypothèque de premier rang à hauteur de 146 673 euros sur le bien immobilier financé, et elle ne conteste pas avoir reçu le tableau d'amortissement.

En outre, si Mme [O] [Y] produit un copie d'écran du site de la Société générale relative au prêt Optis présenté comme permettant de financer son investissement locatif en optimisant sa fiscalité et précisant « Votre crédit est associé à un contrat d'assurance vie de durée équivalente qui vous permet de rembourser le capital en une seule fois au terme du contrat », il ne résulte d'aucun document contractuel produit aux débats que la Société générale a présenté à Mme [O] [Y] le contrat de prêt Optis d'un montant de 190 841 euros proposé selon offre émise du 25 novembre 2002 comme étant remboursé à terme, pour la totalité de l'échéance finale intégrant le capital emprunté, par les fonds placés sur le contrat d'assurance vie nanti, pour un montant de 80 000 euros ce qui aurait ainsi impliqué un rendement de cet investissement sur 15 ans de plus de 100% , soit plus de 6% par an, rendement sur lequel ni la banque ni l'assureur ne se sont engagés.

Les fonds propres investis par Mme [O] [Y] sur le contrat Oradea Multisupport sont seulement présentés dans le contrat de prêt comme l'une des trois garanties exigées par le prêteur et non, comme le soutient Mme [O] [Y], comme la modalité convenue entre les parties du remboursement in fine du crédit, quant bien même il est évident que le but recherché par l'emprunteur est de tirer de ce placement une plus value susceptible, au même titre que d'autres éléments de son patrimoine, de lui permettre d'honorer son obligation de remboursement finale.

L'établissement prêteur n'avait donc pas à s'assurer que le placement effectué sur le contrat d'assurance vie nanti était de nature à le désintéresser et partant, à informer Mme [O] [Y] des risques tenant à un placement sur un support susceptible de subir une perte en capital.

Enfin, la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenue à son égard, lors de la conclusion du contrat, d'un devoir de mise en garde en considération de ses capacités financières et des risques d'endettement excessif né de l'octroi du prêt. Elle ne peut être dispensée de ce devoir par la présence au côté de l'emprunteur d'une personne avertie, peu important qu'elle soit tiers ou partie.

En l'espèce, il résulte des renseignements fournis par la société Cafpi à la Société générale le 21 novembre 2002 que lors de la demande de prêt Mme [O] [Y] disposait de revenus tirés de son activité d'avocat au sein du cabinet Denton Salès Vincent & Thomas une rémunération annuelle, hors bonus, de 192 000 euros, qu'elle ne justifie d'aucune charge et dispose d'une épargne personnelle de 80 000 euros, investie le 26 novembre 2002 dans le contrat d'assurance vie Oradea Multisupport.

Les échéances d'emprunt d'un montant de 874,69 euros par mois ont été régulièrement honorées et l'échéance finale en partie réglée par le rachat partiel du contrat réalisée le 11 octobre 2018 pour un montant de 80 000 euros, correspondant au montant de la garantie, la valeur du placement sur le FCP Equilibre ayant remontée après une forte chute au moment de la crise financière.

Mme [O] [Y] justifie par ailleurs d'une estimation entre 85 000 euros et 90 000 euros en mars 2018 du bien situé à [Localité 16] financé par l'emprunt, donné en location malgré le retard et les difficultés liées aux travaux et ayant permis une défiscalisation, lequel était estimé en mars 2011 par le même agent immobilier à une valeur de 140 000 à 145 000 euros.

Au vu de ces éléments, il n'est pas établi que le prêt in fine Optis emportait un risque d'endettement excessif pour Mme [O] [Y] au moment où il a été souscrit le 7 décembre 2002.

La Société générale n'était donc pas débitrice à l'égard de Mme [O] [Y] d'un devoir de mise en garde.

Aucune faute n'étant retenue à l'encontre de la Société générale, les demandes d'indemnisation présentées à son encontre par Mme [O] [Y] sont rejetées.

Sur les fautes reprochées à la société Oradea vie

Mme [O] [Y] qui ne justifie pas avoir eu avec la société Oradea vie le moindre contact avant la formation du contrat d'assurance vie ne rapporte pas la preuve que celle-ci a pu lui conseiller le montage financier litigieux alors qu'il est établi que c'est la société Cafpi qui a proposé à Mme [O] [Y] tant le prêt in fine Optis que le contrat Oradea Multisupport, son nom figurant sur le bulletin d'adhésion du 26 novembre 2002 par lequel Mme [O] [Y] a également opté pour le placement de la totalité des fonds investis sur le support FCP Equilibre n'offrant aucune garantie en capital.

Aucun manquement de la société Oradea vie à une obligation de conseil précontractuelle n'est donc démontrée.

Par ailleurs, Mme [O] [Y] a attesté sur le bulletin d'adhésion par une mention dactylographiée intitulée « Information de l'adhérent » suivie de sa signature avoir reçu avec ce bulletin « la note d'information (ainsi que l'annexe de présentation des supports) relatifs au contrat Oradea Multisupport » et elle a certifié « avoir pris connaissance des dispositions contenues dans ces documents qui précisent notamment les conditions d'exercice du droit de renonciation. » de sorte qu'elle ne démontre pas n'avoir que ces documents et les informations qu'ils contiennent ne lui ont pas été délivrés par l'assureur. Or, la note d'information qui date bien de juillet 2001 précise en première page que le contrat propose plusieurs possibilités d'investissement tenant à un support dont les garanties sont exprimées en euros et à des supports dont les garanties sont exprimées en unités de compte, en précisant pour le seul support en euros qu'il répond à un souci de « sécurité absolue pour le capital investi ».

De plus, en page trois de la note, il est stipulé en caractère gras dans le paragraphe consacré au remboursement de l'épargne investie que « Oradea vie ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte mais pas sur leur valeur, celle-ci est sujette à des fluctuations à la hausse ou à la baisse en fonction des évolutions des marchés financiers » alors que pour le support en euros il est indiqué que la valeur de rachat est égale à l'épargne constituée à la date de réception de la demande et qu'elle ne pourra être inférieure à la somme des versements effectués sur ce support minorés des frais et des éventuels rachats partiels.

Ainsi, il résulte suffisamment de ces mentions que la société Oradea vie a informé ses adhérents d'une manière claire et complète de ce que les supports en unités de compte, dont le FCP Equilibre, soumis aux aléas des marchés pouvaient enregistrer une perte du capital initialement investi, seul le support en euros, dénommé FCP Sécurité comme cela résulte de l'annexe, offrant l'assurance de se voir rembourser, en cas de rachat, le montant des fonds initialement investis, ce que Mme [O] [Y] âgée de 36 ans lors de son adhésion et exerçant depuis 10 ans la profession d'avocate dans un cabinet international ne peut qu'avoir compris à la lecture de cette note.

En optant pour le FCP Equilibre décrit dans l'annexe comme portant sur des placements effectués dans une optique de recherche de plus-value en capital avec un actif du fonds composé au minimum de 80% de parts ou actions d'OPCVM français et/ou coordonnés, principalement du groupe Société générale, avec un portefeuille investi de manière équilibrée sur les marchés de taux et d'actions, Mme [O] [Y] n'a pu se méprendre sur le fait qu'elle exposait son épargne aux aléas boursiers et partant à une perte en capital corollaire de perspectives de rendement plus importantes que celles offertes par un placement sur un support en euros sécurisant le capital investi initialement.

Par conséquent, la société Oradea vie justifie avoir rempli son obligation d'information envers Mme [O] [Y] et aucune faute n'étant établie à son encontre, la demande en paiement de dommages-intérêts de celle-ci est rejetée.

Sur la demande reconventionnelle en paiement du solde du prêt de la Société générale

Il résulte du décompte arrêté au 22 octobre 2018 de sa créance produit par la Société générale qu'elle réclame à Mme [O] [Y] le montant de l'échéance finale du prêt in fine du 7 janvier 2018 augmentée des intérêts contractuels au taux de 4,90% l'an majoré de trois points, soit 7,90% l'an depuis cette date, déduction faite au 11 octobre 2018 de la somme de 80 000 euros payée suite à la réalisation du contrat d'assurance vie Oradea Multisupport donné en garantie.

Néanmoins, outre que la clause des conditions générales du prêt Optis souscrit par Mme [O] [Y] permettant d'appliquer un taux d'intérêt majoré de trois points prévue en cas de défaillance de l'emprunteur s'analyse en une clause pénale susceptible de modération par le juge en application de l'article 1152 ancien du code civil devenu 1231-5, il résulte de cette stipulation que le prêteur ne peut en exiger l'application que dans le seul cas où il n'a pas exigé le remboursement immédiat du prêt et ce, jusqu'à ce que l'emprunteur ait repris le cours normal des échéances contractuelles.

Or, en l'espèce, si sa défaillance dans le paiement de la dernière échéance n'est pas contesté mais n'a pas donné lieu à une exigibilité anticipée du prêt prononcée par le prêteur, le contrat de prêt étant arrivé naturellement à son terme, il n'en reste pas moins que le contrat est bien rompu et non susceptible de se poursuivre de sorte que la clause relative à la majoration du taux contractuel de trois point n'a pas lieu de s'appliquer depuis que le contrat de prêt est arrivé à son échéance le 7 janvier 2018.

Par ailleurs, si la Société générale a réclamé le paiement de la dernière échéance à Mme [O] [Y] par courrier du 9 janvier 2018 et celle-ci lui a répondu, le 20 avril 2018 par l'intermédiaire de son avocat, qu'il lui appartenait d'exercer ses droits sur le contrat d'assurance vie nanti, Mme [O] [Y] ne justifie pas pour autant que le paiement d'intérêts de retard entre le 7 janvier et le 11 octobre 2018 est imputable à la Société générale, alors qu'en sa qualité de débitrice de cette somme il lui appartenait d'en honorer le paiement dès sa date d'exigibilité selon les modalités qui lui convenait.

Elle n'est donc pas fondée à reprocher un quelconque retard de paiement au créancier au motif qu'il n'aurait pas actionné ses garanties avec suffisamment de diligence, le rachat du contrat d'assurance vie nanti étant intervenu cinq mois après l'instruction donnée en ce sens par Mme [O] [Y].

Dès lors, la Société générale justifie de sa créance à hauteur de la somme de 118 844,88 euros correspondant à la mensualité restée impayée, outre les intérêts au taux contractuel de 4,90% courus entre le 7 janvier 2018 et le 11 octobre 2018, soit 277 jours et déduction faite de la somme de 80 000 euros (191 715,69 x 4,90 % x 277/365 ' 80 000).

Mme [O] [Y] est par conséquent condamnée à payer à la Société générale la somme de 118 844,88 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,90% l'an à compter du 12 octobre 2018.

Par ailleurs, l'article L.312-23 ancien du code de la consommation devenu L.313-52, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux mentionnés à l'article L.313-51 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ce texte fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par l'article 1154 du code civil.

La demande de la Société générale de capitalisation des intérêts est donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

Par ailleurs, le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [O] [Y] qui succombe en appel, supportera les dépens d'appel et ses frais irrépétibles.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il est inéquitable de laisser à la charge de la Société générale, de la société Sogecap et de la société Oradea vie les frais non compris dans les dépens exposés en appel et il convient de condamner Mme [O] [Y] à payer à chacune d'elle la somme de 2 000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription des demandes de Mme [O] [Y] soulevée par les sociétés Sogecap, Société générale et Oradea vie,

Rejette les demandes en paiement de dommages-intérêts formées par Mme [O] [Y] à l'encontre de la société Sogecap,

Rejette les demandes en paiement de dommages-intérêts formées par Mme [O] [Y] à l'encontre de la Société générale,

Rejette les demandes en paiement de dommages-intérêts formées par Mme [O] [Y] à l'encontre de la société Oradea vie,

Condamne Mme [O] [Y] à payer à la Société générale la somme de 118 844,88 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,90% l'an à compter du 12 octobre 2018,

Condamne Mme [O] [Y] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne Mme [O] [Y] à payer à la Société générale, à la société Sogecap et à la société Oradea vie la somme de 2 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes.

LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 16/05906
Date de la décision : 22/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°16/05906 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-22;16.05906 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award