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21/05/2019 | FRANCE | N°17/19850

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 21 mai 2019, 17/19850


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 21 MAI 2019



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/19850 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4LBW



Décision déférée à la Cour : sentence rendue au [Localité 1] le 12 septembre 2009 par le tribunal arbitral composé de MM. [N] et [J], arbitres, et de M. [Z], président,

L'ordonnance d'exequatur de ce

tte sentence rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 19 mai 2010 a été confirmé par arrêt en date du 24 novembre 2011 rendu par la cour...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 21 MAI 2019

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/19850 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4LBW

Décision déférée à la Cour : sentence rendue au [Localité 1] le 12 septembre 2009 par le tribunal arbitral composé de MM. [N] et [J], arbitres, et de M. [Z], président,

L'ordonnance d'exequatur de cette sentence rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 19 mai 2010 a été confirmé par arrêt en date du 24 novembre 2011 rendu par la cour d'appel de Paris

Par arrêt rendu le 26 juin 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles qui a confirmé l'ordonnance rendue le 19 mai 2010.

Par arrêt rendu le 1er juin 2017, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris de céans

DEMANDERESSE AU RECOURS :

Société EGYPTIAN GENERAL PETROLEUM CORPORATION

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

Le [Localité 1] (EGYPTE)

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Florian BOUAZIZ, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : T12

DÉFENDERESSE AU RECOURS :

Société NATIONAL GAS COMPANY (NATGAS)

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

Le [Localité 1] (EGYPTE)

représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018

assistée de Me Jacques PELLERIN et Me Marianne KECSMAR, avocats plaidant du barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Anne BEAUVOIS, présidente

M. Jean LECAROZ, conseiller

Mme Laure ALDEBERT, conseillère, magistrat appelé à compléter la cour conformément aux dispositions de l'ordonnance de roulement portant organisation des services rendue le 7 janvier 2019 par Madame le premier président de la cour d'appel de PARIS

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

Le MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de Madame le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS

élisant domicile en son parquet au [Adresse 3]

représenté à l'audience par Madame BOUCHET, substitut général

Le dossier a été transmis et visé par le parquet le 16 janvier 2018

ARRET :- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne BEAUVOIS, présidente et par Mélanie PATE, greffière.

La société égyptienne National Gas Company (NATGAS) a signé, le 6 janvier 1999, avec un avenant du 24 septembre 2001, un contrat d'adduction de gaz naturel pour l'alimentation de deux régions à l'Est de l'Egypte avec Egyptian General Petroleum Corporation (EGPC), établissement public de droit égyptien gérant les activités relatives au gaz et au pétrole en Egypte.

La parité de la livre égyptienne ayant été modifiée par décret des autorités égyptiennes du 28 janvier 2003, la société NATGAS a tenté d'obtenir fin décembre 2007 la prise en charge de l'accroissement de ses charges financières, en application de l'article 7 du contrat, et face au refus de son co-contractant, a déposé le 2 février 2008, en application de la clause compromissoire stipulée à l'article 20 du contrat, une demande d'arbitrage auprès du Centre régional d'arbitrage commercial du Caire (CRCICA).

Par sentence rendue au [Localité 1] le 12 septembre 2009, le tribunal arbitral composé de MM. [N] et [J], arbitres, et de M. [Z], président, a :

- rejeté l'exception d'irrecevabilité de la demande d'arbitrage tirée de la qualité de personne publique d'EGPC ;

- rejeté l'exception de nullité du contrat tirée de la non-conformité à la Constitution égyptienne de l'article 2 du Règlement d'application de la loi sur le gaz naturel n° 217 de 1980 ;

- condamné EGPC à payer à NATGAS la somme de 253.424.668,31 de livres égyptiennes (environ 30 millions d'euros), majorée des intérêts au taux fixé par la Banque centrale d'Egypte ;

- rejeté l'exception de nullité de la clause compromissoire, les demandes de résiliation du contrat de désignation d'une commission d'experts ;

- prononcé le partage des frais d'arbitrage.

L'ordonnance d'exequatur de cette sentence rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 19 mai 2010 a fait l'objet d'un appel formé par EGPC le 6 août 2010.

Par un arrêt en date du 24 novembre 2011, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance d'exequatur.

Par arrêt rendu le 26 juin 2013 sur le pourvoi formé par EGPC, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, en statuant comme suit sur le premier moyen invoqué tiré de la violation du principe de la contradiction :

« Vu les articles 1520, 4° et 1518 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter le moyen d'annulation tiré de la violation du principe de la contradiction, l'arrêt retient que le tribunal arbitral n'a aucune obligation de soumettre au préalable sa motivation à une discussion contradictoire des parties ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que le tribunal arbitral avait, sans débat contradictoire, fondé sa décision sur les dispositions non invoquées des articles 21 et 27 du règlement d'arbitrage du CRCICA, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Le 29 octobre 2015, la cour d'appel de Versailles a confirmé l'ordonnance rendue le 19 mai 2010, condamné EGPC aux dépens et au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt rendu le 1er juin 2017 sur le pourvoi formé par EGPC, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 29 octobre 2015 et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.

La cassation est intervenue sur le second moyen de cassation, au visa des articles 1520, 1° et 1525 du code de procédure civile, dans les termes suivants :

« Attendu qu'il incombe au juge de contrôler la décision du tribunal arbitral sur sa compétence en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance d'exequatur de la sentence, l'arrêt retient que la circonstance, à la supposer établie, que le contrat ait été transmis, n'affecte pas l'efficacité de la clause d'arbitrage, mais détermine, le cas échéant, la qualité à défendre à la procédure de la société EGPC, ce qu'il appartenait au tribunal arbitral d'apprécier et qui ne peut être contesté devant le juge de l'exequatur sur le fondement de l'article 1520, 1°, du code de procédure civile ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

EGPC a saisi la cour d'appel de renvoi par déclaration de saisine du 25 octobre 2017.

Par dernières conclusions n°3 notifiées le 12 mars 2019, EGPC demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, de dire que la sentence arbitrale du 12 septembre 2009 ne peut être accueillie ou exécutée en France et de condamner NATGAS à lui payer la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance dont distraction.

EGPC fait valoir en premier lieu que le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent sur le fondement des articles 1520, 1° et 1525 du code de procédure civile, pour connaître du litige opposant EGPC et la société NATGAS alors que, d'une part, la clause compromissoire avait été transférée pour l'ensemble des droits et obligations nés du Contrat à la société EGAS et que, d'autre part, cette clause est entachée d'une nullité d'ordre public.

EGPC fait valoir en second lieu que les arbitres ont méconnu le principe de la contradiction, sur le fondement des articles 1520, 4° et 1525 du code de procédure civile, d'une part, en rejetant l'exception d'incompétence soulevée sur le fondement de moyens de droit relevés d'office et, d'autre part, en permettant à NATGAS de produire un nombre considérable de pièces, pour partie illisibles, à l'audience à laquelle elles devaient faire l'objet d'un débat d'experts, et sans en tirer les conséquences qui s'imposaient à lui dans ces circonstances, ce qui constitue en outre une méconnaissance du principe de l'égalité de traitement des parties.

Par dernières conclusions notifiées le 11 mars 2019, NATGAS demande à la cour de confirmer l'ordonnance d'exequatur rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris en date du 19 mai 2010 et de condamner EGPC à lui payer la somme de 200.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la présente procédure.

NATGAS répond que le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral est mal fondé aux motifs d'une part, que celui-ci a statué sur la base d'une convention d'arbitrage existante dès lors que la cession du contrat invoquée entre EGPC et EGAS auquel elle n'a pas donné son consentement ne lui est pas opposable et qu'EGPC a continué à exécuter ses obligations au titre du contrat, d'autre part, que le tribunal arbitral a statué sur la base d'une convention valide.

NATGAS réplique sur le second moyen que le tribunal arbitral a respecté le principe de la contradiction tant en écartant l'exception d'incompétence soulevée tardivement par EGPC qu'en accordant aux parties le temps nécessaire pour étudier et débattre des documents versés par NATGAS lors de l'audience.

SUR QUOI :

Sur le moyen tiré de ce que le tribunal s'est déclaré à tort compétent (article 1502 1° et 5°, devenu 1520, 1° et 1525 du code de procédure civile)

Sur le moyen pris en sa première branche

EGPC soutient que le tribunal arbitral aurait dû se déclarer incompétent faute de clause compromissoire entre EGPC et NATGAS dès lors que le Contrat avait été cédé par EGPC à EGAS, avec transmission à cette dernière de la clause compromissoire, qu'en effet, en vertu d'une règle matérielle de l'arbitrage, la clause compromissoire se transmet accessoirement au contrat qui la contient ou aux droits nés de ceux-ci, qu'en l'espèce, cette cession s'est opérée par le seul effet du décret du Président du Conseil des Ministres n°1009 du 19 juillet 2001 et de l'arrêté du Ministre égyptien du pétrole du 9 août 2001, que c'est à tort que NATGAS prétend que cette cession nécessitait son accord préalable et que NATGAS est défaillante à administrer la preuve des versements contractuels qu'elle invoque.

NATGAS répond en substance que la question de la compétence n'a jamais été soulevée par EGPC devant le tribunal arbitral, que le tribunal arbitral a statué sur la base d'une convention d'arbitrage existante, NATGAS n'ayant jamais donné son consentement tel que requis par le Contrat alors qu'il résulte de l'article 21 dudit Contrat que celui-ci a été conclu intuitu personae, qu'EGAS n'avait en aucun cas la charge d'exécuter les obligations contractuelles d'EGPC, qui demeurait le cocontractant de NATGAS, qu'EGPC qui a continué à exécuter une partie de ses obligations contractuelles, notamment le versement du prix contractuel, ne peut pas prétendre avoir été libérée de l'effet du Contrat, et donc de la clause d'arbitrage y insérée, suivant la cession intervenue entre elle et EGAS.

Il incombe au juge de l'exequatur de contrôler la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage et d'en déduire les conséquences sur le respect de la mission confiée à l'arbitre.

La clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient, de sorte que l'existence et l'efficacité de la clause s'apprécient sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique.

EGPC, établissement public de droit égyptien, et NATGAS, société anonyme de droit égyptien, ont conclu le 6 janvier 1999, un contrat par lequel le premier a confié à la seconde la réalisation, l'exploitation et la maintenance d'un réseau d'adduction de gaz naturel sur le territoire égyptien pour l'alimentation de zones résidentielles, commerciales et industrielles et de centrales électriques.

Cette convention stipule en son article 20 que : « Si les parties ne parviennent pas à trouver une solution, tout litige, différend ou réclamation né entre l'Etablissement public et la Société au sujet soit du Contrat, soit de tout élément s'y rapportant, soit du non respect des conditions qu'il comporte, soit de sa résiliation, soit de son annulation, sera résolu par la voie de l'arbitrage conformément au règlement du Centre régional d'arbitrage commercial du [Localité 1] (ci-après le CIRCICA) ».

Sur le fondement de cette clause, le tribunal arbitral s'est reconnu compétent pour examiner la requête formée par NATGAS pour que soit mis à la charge d'EGPC les frais supplémentaires qu'elle subissait, à la suite de la modification de la parité de la livre égyptienne, sur les emprunts libellés en dollars US et en euros qu'elle avait contractés auprès de tiers pour le financement de son projet.

En premier lieu, à la supposer établie, la circonstance que ce contrat aurait été cédé par EGPC à la société holding EGAS, en vertu d'un décret du Président du Conseil des Ministres n°1009 du 19 juillet 2001 et d'un arrêté du Ministre égyptien du pétrole du 9 août 2001 pris en application de ce décret, n'affectait pas l'efficacité de la clause d'arbitrage stipulée par le contrat du 6 janvier 1999.

Au demeurant, ni le décret du 19 juillet 2001 créant la société holding EGAS ni l'arrêté du Ministre égyptien du pétrole du 9 août 2001 qui précise qu'EGAS devra « superviser, assurer le suivi et proposer des mesures de modernisation de l'activité des travaux entrepris par les sociétés engagées dans les activités de transport, de distribution, d'acheminement et de commercialisation du gaz naturel, à l'intérieur et à l'extérieur de la République », et devra exercer ses missions à l'égard de NATGAS, société figurant dans la liste dont elle devra contrôler, suivre ou développer les activités, ne prévoient la cession du Contrat d'EGPC à EGAS et ne substituent EGAS à EGPC dans l'intégralité de ses droits et obligations résultant du Contrat.

En second lieu, il est établi qu'EGPC a continué à exécuter à l'égard de NATGAS, les obligations contractuelles mises à sa charge par le Contrat du 6 janvier 1999 après le décret du Président du Conseil des Ministres n°1009 du 19 juillet 2001, l'arrêté du Ministre égyptien du pétrole du 9 août 2001 et la création de la société holding EGAS ainsi que postérieurement à la signature de l'Avenant n°2 du 4 avril 2004 auquel EGAS est partie.

Ainsi, si NATGAS a émis des factures au nom du client EGAS, la société a également établi des relevés de « dépense d'investissement réel concernant le réseau de distribution du gaz naturel », visant expressément l'Avenant n°2 du Contrat, au nom d'EGPC et ce pour la période de 2005 à juin 2009 (pièce n°15 produite par NATGAS), dont certains reprenant les montants figurant dans les factures émises au nom d'EGAS. De son côté, EGPC a émis au moins 23 chèques de règlement, entre décembre 2004 et mai 2011, à l'ordre de NATGAS, qui les a encaissés. Il est indifférent que ces chèques émis par EGPC ne coïncident pas exactement avec les montants figurant dans les documents financiers produits par NATGAS dès lors, d'une part, que les relevés correspondent aux coûts d'investissement facturables en vertu du Contrat et, d'autre part, qu'EGPC ne contredit pas sérieusement que ces paiements n'ont pu être effectués qu'au titre du Contrat et de ses avenants.

EGPC et NATGAS ont donc volontairement poursuivi entre elles l'exécution de leurs obligations contractuelles résultant du contrat initial du 6 janvier 1999, y compris après la signature de l'Avenant n°2 du 4 avril 2004. En conséquence, le tribunal arbitral n'a pas statué sans convention d'arbitrage.

Sur le moyen pris en sa seconde branche

EGPC soutient que le Contrat ainsi que l'arbitrage lié à son exécution doivent être reconnus comme purement internes et demeurés soumis au régime d'ordre public qui leur est applicable, que le tribunal arbitral a méconnu une règle impérative égyptienne, valant loi de police, et qu'il a statué sur une convention d'arbitrage nulle, faute d'avoir reçu l'agrément du ministre compétent, motif qui a justifié l'annulation de la sentence arbitrale par la cour d'appel du [Localité 1] le 27 mai 2010.

NATGAS réplique que l'arbitrage qui l'oppose à EGPC est un arbitrage international, que la loi égyptienne ne peut en aucun cas être regardée comme heurtant la conception française de l'ordre public international, que la règle imposée par le droit interne égyptien serait-elle d'ordre public interne, n'est pas sanctionnée par l'ordre public international, l'annulation de la sentence par les juges égyptiens étant indifférente.

En premier lieu, les dispositions des articles 1498 et suivants, devenus 1514 et suivants, sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales sont applicables à la fois aux sentences arbitrales internationales et aux sentences rendues à l'étranger, quel que soit pour ces dernières, leur caractère interne ou international.

La régularité de telles sentences est examinée au regard des règles applicables dans le pays où leur reconnaissance et leur exécution sont demandées, l'objet de l'exequatur étant d'accueillir dans l'ordre juridique français les sentences étrangères aux seules conditions qu'il a posées.

Ainsi, en vertu de l'article VII, 1, de la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, à laquelle renvoie l'article 33 relatif à la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales de la Convention du 15 mars 1982 entre la République française et la République arabe d'Egypte sur la coopération judiciaire en matière civile, l'exequatur en France ne saurait être refusée à la sentence arbitrale rendue le 12 septembre 2009 au motif qu'elle a été annulée par une décision de la Cour d'appel du [Localité 1] le 27 mai 2010 dès lors que le droit français de l'arbitrage international, plus favorable, ne prévoit pas une telle cause de refus de reconnaissance et d'exécution de la sentence rendue à l'étranger.

En second lieu, en application du principe de validité de la convention d'arbitrage, la volonté des parties suffit à valider cette convention qui est soustraite à l'emprise des droits nationaux. En conséquence, la circonstance que le droit égyptien soumette à une autorisation ministérielle la conclusion par un établissement public d'un contrat prévoyant le recours à l'arbitrage pour la résolution des litiges relatifs à ce contrat et son exécution est indifférente à l'appréciation de l'efficacité de la clause compromissoire par le juge français, peu important que la sentence rendue en Egypte ait un caractère interne ou international.

Au demeurant, l'arbitrage en cause n'est pas purement interne à l'Egypte dès lors que l'opération ne s'est pas dénouée économiquement dans ce seul pays.

En effet, il est stipulé par l'article 7.15 du Contrat que l'expertise technique étant détenue par la société Nord Italy Gas, S.P.A., société italienne, NATGAS a l'obligation de la conserver comme 'associée et actionnaire de son entreprise', selon la traduction du contrat produite aux débats par EGPC, sans interruption pendant toute la durée d'exécution du contrat et que si elle y manque, l'établissement public sera en droit de résilier le Contrat sans que NATGAS puisse s'y opposer.

En outre, le tribunal arbitral, après avoir retenu que le financement faisait partie des travaux nécessaires à la réalisation du projet qu'EGPC avait confié à NATGAS en vertu du Contrat et qu'ils s'intégraient donc dans l'objet et l'étendue des travaux faisant l'objet du Contrat, contrairement à ce que prétendait EGPC, a mis en évidence en pages 21 à 24 de la sentence arbitrale les composantes étrangères du projet, tenant d'une part aux financements résultant du prêt accordé par la banque italienne Efibanca et des 'facilités fournisseurs' accordées par l'entreprise italienne CTIP Oil & Gas, et d'autre part aux fournisseurs italiens, CTIP Oil & Gas et la société Sicon Oil & Gas, également italienne, rappelant que dans les deux contrats principaux relatifs à la réalisation du projet passés avec ces sociétés, EGPC est désigné comme étant l'Ingénieur chargé de la supervision des travaux contractuels.

Ainsi, l'argumentation développée par EGPC sur la nullité de la clause d'arbitrage en ce qu'elle se fonde sur le caractère interne de l'arbitrage est dépourvue de pertinence.

Le moyen tiré de l'absence ou de la nullité de la clause compromissoire n'étant fondé dans aucune de ses branches, le tribunal arbitral ne s'est donc pas déclaré à tort compétent.

Sur le moyen tiré de la violation du principe de la contradiction (article 1502, 4° devenu 1520, 4°)

Sur le moyen pris en sa première branche

EGPC soutient que les arbitres ont méconnu le principe de la contradiction en rejetant l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée sur le fondement de moyens de droit relevés d'office, que même s'il s'est révélé postérieurement au premier arrêt rendu par la Cour de cassation le 26 juin 2013 que le tribunal avait statué au visa d'une disposition de la loi égyptienne sur l'arbitrage qui avait été invoquée par NATGAS dans son mémoire post-audience, le tribunal arbitral s'est également fondé pour écarter l'exception d'incompétence soulevée par EGPC, sur l'article 21 du Règlement CRCICA alors que ce texte, relevé d'office, n'avait été ni invoqué ni débattu par les parties, que l'article 22 de la loi égyptienne sur l'arbitrage a été invoqué par NATGAS à l'insu d'EGPC qui n'a pas pu en débattre et que la question de l'applicabilité de ces deux textes à une exception d'ordre public n'a jamais été discutée.

NATGAS répond que les dispositions sur lesquelles s'est fondé le tribunal pour écarter l'exception d'incompétence soulevée tardivement par EGPC ont été invoquées par les parties dans leurs mémoires post-audience, que la référence à l'article 21 du Règlement CRCICA qui édicte la même règle que celle de l'article 22 de la loi n°27 de 1994 ne peut servir de base au grief, que le tribunal arbitral a répondu au prétendu caractère d'ordre public de cette exception au seul vu des textes soumis aux débats, en répondant à titre subsidiaire, qu'elle était mal fondée, que l'exception d'incompétence soulevée après la clôture des débats a été tardive et devait être écartée pour respecter le principe du contradictoire.

Le principe de la contradiction exige seulement que les parties aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de telle sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision des arbitres n'ait échappé à leur débat contradictoire. Le tribunal arbitral n'a pas l'obligation de soumettre au préalable l'argumentation juridique qui étaye sa motivation à la discussion des parties.

L'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause - y compris les preuves - dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation substantiellement désavantageuse par rapport à son adversaire.

Il convient de rappeler la chronologie suivante :

- à l'issue de l'audience de plaidoiries qui a eu lieu les 12 et 13 avril 2009, le tribunal arbitral a décidé la clôture des plaidoiries, en laissant à chacune des parties la possibilité de présenter un mémoire final pour traiter des points nouveaux soulevés lors de la plaidoirie ; un calendrier a été fixé avec l'accord des parties, les nouvelles pièces que les parties entendaient produire à l'appui de leur mémoire post-audience devant être soumises au plus tard le 14 mai 2009, le mémoire post-audience devant être déposé le 28 mai 2009;

- le 2 mai 2009, le nouveau conseil désigné par EGPC a adressé un courrier au tribunal arbitral sollicitant notamment de pouvoir compléter sa défense et une nouvelle audience, invoquant une nullité absolue de la clause compromissoire ;

- le 14 mai suivant, EGPC a déposé un rapport financier en réponse au rapport de la société demanderesse établi par son comptable agréé ;

- le 20 mai, le tribunal arbitral a indiqué par courrier en réponse au nouveau conseil d'EGPC qu'il ne trouvait aucun motif de modifier les décisions procédurales prises à la clôture de l'audience de plaidoiries concernant le dépôt des pièces et des mémoires finaux;

- les parties ont soumis leurs mémoires finaux le 28 mai conformément au calendrier fixé ;

- dans son mémoire final, EGPC a invoqué le moyen d'incompétence du tribunal arbitral à connaître du litige du fait de la nullité absolue d'ordre public de la clause compromissoire, dans la mesure où le ministre compétent ne l'a pas signée, précisant que ce moyen invoqué pour la première fois, pouvait l'être en tout état de cause et à tout moment ;

- dans son mémoire final, NATGAS a soutenu l'irrecevabilité de cette exception présentée tardivement en invoquant l'article 22 de la loi sur l'arbitrage.

Le tribunal arbitral a statué sur le moyen de la nullité de la clause compromissoire en estimant pertinent de se référer à l'article 22 de la loi n°27 de 1994 mais également à l'article 21 du Règlement d'arbitrage du CRCICA et a rejeté l'exception d'incompétence soulevée à son encontre « au motif qu'elle n'a pas été soutenue ni n'a été l'objet de réserve de la défenderesse à l'arbitrage EGPC dans les limites du délai défini au §2 de l'article 22 de la loi et au §3 de l'article 21 du Règlement d'arbitrage ».

En premier lieu, il n'est plus discuté que NATGAS a invoqué, dans son mémoire post-audience du 28 mai 2019, l'article 22 de la loi égyptienne n°27 de 1994 dont il résulte que les exceptions d'incompétence, y compris celles relatives à l'inexistence, la déchéance ou la nullité de la convention d'arbitrage doivent être soutenues au plus tard à la date de présentation des conclusions en défense mentionnée au § 2 de l'article 30 de ladite loi. La société a soutenu qu'il était, en tout état de cause, interdit à la défenderesse à l'arbitrage de se prévaloir maintenant d'une quelconque cause de nullité, que le délai pour la présentation du mémoire avait expiré le 7 octobre 2008 et que « des audiences de plaidoiries ont eu lieu et durant lesquelles la défenderesse ne s'est (pas) prévalu(e) d'une quelconque exception de nullité de la convention d'arbitrage ou de l'incompétence du tribunal arbitral mais qu'au contraire la défenderesse a confirmé au début de l'ensemble des audiences qu'elle n'avait aucune objection sur la façon dont s'est déroulée la procédure (...) Par conséquent, le droit de la défenderesse de se prévaloir de l'exception de nullité de la convention d'arbitrage est tombé. Au surplus, il n'existe aucune excuse valable qui justifierait d'invoquer une telle exception tardivement. Nous insistons donc sur l'irrecevabilité d'une telle exception ».

Ainsi, en se référant, pour étayer sa décision portant sur la tardiveté du moyen de nullité invoqué par EGPC non seulement à l'article 22 de la loi mais également, de manière surabondante, à l'article 21 du Règlement d'arbitrage du CRCICA portant sur 'l'exception d'incompétence du tribunal arbitral' qui énonce les mêmes règles procédurales que celles contenues dans l'article 22 de la loi quant à la compétence du tribunal arbitral pour statuer sur sa propre compétence et au délai dans lequel l'exception d'incompétence doit être présentée devant le tribunal arbitral, soit « au plus tard à la date de présentation des conclusions de la défense ou à une date n'excédant pas les demandes reconventionnelles s'il en existe », le tribunal arbitral n'a relevé d'office aucun moyen de droit.

En deuxième lieu, il résulte des termes du mémoire post-audience du 28 mai 2009 qu'EGPC a elle-même mis dans le débat la question de la recevabilité de l'exception d'ordre public, invoquée pour la première fois, au regard de son éventuelle tardiveté, en faisant valoir que cette exception pouvait être soulevée « en tout état de cause et à tout moment, tant que la procédure est à l'étape de la plaidoirie et ce, même par le biais des mémoires ». EGPC soutient donc à tort que le tribunal aurait statué sur cette question et soulevé d'office un moyen sans que les parties aient pu s'en expliquer.

En dernier lieu, le tribunal arbitral, pour rejeter l'exception d'incompétence à raison de la nullité de la clause compromissoire pour défaut d'agrément par le ministre, ne s'est pas fondé uniquement sur la tardiveté de l'exception soulevée mais a examiné l'argumentation juridique d'EGPC sur ce point, en répondant également que « Il est établi en doctrine et en jurisprudence que l'administration, partie à un contrat, est seule responsable de l'obtention de l'agrément du ministre compétent au sujet de la clause compromissoire lorsqu'elle est stipulée dans un contrat administratif. Par conséquent, la nullité ne saurait sanctionner une telle clause au cas où l'administration concernée manquerait à l'obtention d'un agrément ».

Aucune violation du principe de la contradiction et de l'égalité des armes n'est donc établie de ce chef.

Sur le moyen pris en sa seconde branche

EGPC fait valoir que le tribunal a violé de façon flagrante les principes d'ordre public de la contradiction et de l'égalité des armes en se fondant sur des documents comptables illisibles, qui ne lui ont pas été communiqués en temps utile, sans que son conseil et son expert présents à l'audience aient été en mesure de les analyser, sans que le tribunal statue sur sa demande d'expertise, en fondant son évaluation des préjudices sur les seules informations tirées des pièces comptables produites par NATGAS.

NATGAS réplique que le tribunal arbitral a accordé aux parties le temps nécessaire pour étudier et débattre sur les documents versés lors de l'audience, qu'EGPC invoque des allégations factuelles injustifiées et que le tribunal arbitral était libre de refuser la demande de nomination d'un expert présentée, au surplus, de manière tardive par EGPC.

En premier lieu, il ressort des échanges procéduraux entre le tribunal arbitral et les parties, de la retranscription des débats tenus à l'audience de plaidoirie des 12 et 13 avril 2009 et de la sentence arbitrale que :

- par lettre du 21 janvier 2009, le tribunal arbitral a invité chacune des parties à désigner ses experts ou à demander au tribunal arbitral de désigner lui-même un expert, en leur fixant un délai pour répondre, que NATGAS a désigné un expert-comptable qui a déposé son rapport communiqué le 10 mars 2009 à EGPC et qu'EGPC a désigné de son côté deux experts-comptables en définissant largement leur mission, lesquels ont établi un rapport déposé le 23 mars 2009 commentant celui déposé par NATGAS ;

- la société a remis le premier jour d'audience de nombreuses pièces comptables lesquelles étaient en fait des billets à ordres dont elle a confirmé au cours de l'audience qu'ils étaient ceux présentés à l'expert au vu desquels celui-ci avait établi son rapport, pièce par pièce, expliquant chaque pièce, son montant et l'ensemble de ses conditions et modifications ;

- le deuxième jour d'audience, les parties ont déclaré n'avoir aucune objection ou réserve à formuler sur la procédure suivie jusqu'alors, déclaration qui a été notée au procès-verbal de séance et EGPC a sollicité un délai afin de consulter les pièces remises la veille et les comparer aux pièces jointes précédemment au rapport de l'expert-comptable de NATGAS;

- au cours de l'audience, les parties ont interrogé leurs experts respectifs et débattu des expertises produites ;

- les arbitres ont, en fin d'audience, autorisé les parties à produire de nouvelles pièces et présenter un mémoire final pour répondre, le cas échéant, sur les points soulevés pendant les plaidoiries et EGPC a alors déposé le 14 mai 2009 un second rapport financier en réponse à celui établi par l'expert désigné par NATGAS.

Ainsi, il apparaît que les parties ont été mises en mesure de discuter contradictoirement l'ensemble des moyens, arguments et pièces produites et qu'EGPC a disposé de la possibilité de présenter ses moyens et ses preuves dans des conditions qui ne la plaçaient pas dans une situation substantiellement désavantageuse par rapport à NATGAS, que contrairement à ce que prétend EGPC, elle a pu parfaitement interroger l'expert désigné par NATGAS lors de l'audience de plaidoiries au vu du rapport dont elle disposait déjà et auquel ses experts avaient eux-même répondu, qu'elle n'a émis aucune réserve sur le caractère illisible des pièces remises, allégation que rien ne prouve, ni lors du dépôt de son rapport le 14 mai ni dans son rapport final, qu'il a été fait droit à sa seule demande formulée à l'audience de disposer d'un délai supplémentaire pour examiner les nouvelles pièces remises et qu'elle a pu déposer un rapport complémentaire sur ce point, qu'ainsi, son conseil et son expert ont pu examiner, analyser et répondre en temps utile à l'ensemble des documents comptables qui lui ont été communiqués.

En second lieu, il ne peut être reproché aux arbitres d'avoir violé le principe de la contradiction en estimant que la demande d'expertise présentée à la fin de l'audience des plaidoiries du 13 avril 2009 par EGPC dont l'expert comptable s'était longuement expliqué sur les pièces produites, était tardive et dilatoire et que les débats rendaient inutile le recours à une mesure d'expertise confiée à un collège d'experts telle qu'elle était sollicitée par EGPC, le tribunal arbitral ayant examiné chacune des missions proposées pour l'expertise additionnelle par EGPC et exposé les motifs pour lesquels il n'y avait pas lieu d'y recourir.

En dernier lieu, le reproche fait au tribunal arbitral d'avoir fondé son évaluation du préjudice de NATGAS sur les seules informations tirées des pièces comptables produites par cette dernière et du rapport [F], sous couvert de violation du principe de la contradiction et de l'égalité des armes, ne tend en réalité qu'à une révision au fond de la sentence.

Le second moyen doit donc être écarté.

Il résulte de tout ce qui précède que l'ordonnance d'exequatur doit être confirmée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

EGPC qui succombe supportera les dépens et ne peut bénéficier de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera condamné à payer à NATGAS une indemnité de 150 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Confirme l'ordonnance d'exequatur rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris en date du 19 mai 2010.

Condamne l'établissement public Egyptian General Petroleum Corporation (EGPC) à payer à la société NATGAS une indemnité de 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne l'établissement public Egyptian General Petroleum Corporation (EGPC) aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/19850
Date de la décision : 21/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°17/19850 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-21;17.19850 ?
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