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20/05/2019 | FRANCE | N°19/08858

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 20 mai 2019, 19/08858


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 20 MAI 2019



(n°239, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08858 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B72GT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS CEDEX 17 - RG n° 19/54111



APPELANTS



Monsieur [J] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

le [Date naissance 1] 1929 à [Localité 1]



Madame [W] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 2]



Monsieur [U] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 20 MAI 2019

(n°239, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08858 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B72GT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS CEDEX 17 - RG n° 19/54111

APPELANTS

Monsieur [J] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1929 à [Localité 1]

Madame [W] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 2]

Monsieur [U] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 2]

Madame [L] [Z] épouse [P]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

née le [Date naissance 4] 1978 à [Localité 2]

Représentés par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistés par Me Jérôme TRIOMPHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0537 et Me Jean PAILLOT, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMES

L'ETAT FRANCAIS pris en la personne de l'Agent Judiciaire de l'Etat

[Adresse 4]

[Adresse 4]

LE MINISTERE DES SOLIDARITES ET DE LA SANTE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

LE MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES

[Adresse 6]

[Adresse 5]

Représentés et assistés par Me Bernard GRELON de l'AARPI LIBRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0445

CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE REIMS établissement public de santé régi par le Code de la santé publique, pris en la personne de son directeur général, domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Monsieur [F] [C]

[Adresse 8]

[Adresse 1]

Représentés et assistés par Me Pierre-Arnaud BOUTHEROÜE-DESMARAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R0215

Association UNAFTC UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE FAMILLES DE TRAUMATISES CRANIEN ET DE CEREBRO-LESES - UNAFTC prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Défaillante - assignée à personne habilitée le 20 mai 2019

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre

Mme Sylvie KERNER-MENAY, Présidente

Mme Sophie GRALL, Conseillère

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre et par Aymeric PINTIAU, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Châlons en Champagne a rejeté la requête en référé liberté déposée par M. [J] [Z], Mme [W] [Z], M. [U] [B] et Mme [L] [P] de voir déclarer manifestement illégale la décision du Dr [C] prise le 9 avril 2018 d'arrêter l'alimentation et l'hydratation de M. [F] [Z] et de lui associer une sédation profonde et continue jusqu'au décès. Ce jugement a été confirmé par arrêt du Conseil d'Etat du 24 avril 2019.

Le 24 avril 2019, M. [J] [Z], Mme [W] [Z], M. [U] [B] et Mme [L] [P] ont saisi la Cour européenne des droits de l'Homme aux fins de mesures provisoires. Par un arrêt du 29 avril 2019, la Cour européenne des droits de l'Homme a rejeté cette demande.

Le 24 avril 2019, les demandeurs ont également saisi le Comité international des droits des personnes handicapées (CIDPH) de l'ONU.

Le 3 mai 2019, le Comité international des droits des personnes handicapées, a demandé à l'Etat français d'une part, de fournir ses observations sur la recevabilité et sur le fond dans un délai de six mois et d'autre part, de prendre les mesure nécessaires pour veiller à ce que l'alimentation et l'hydratation entérales de M. [F] [Z] ne soient pas suspendues pendant le traitement de son dossier.

Dans son mémoire en réponse au CIDPH du 10 mai 2019, le directeur adjoint des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères a indiqué qu'il n'était pas en mesure de mettre en oeuvre la mesure conservatoire qui lui a été adressée.

Suivant courriel du même jour adressé aux membres de la famille de M. [F] [Z], le Docteur [C] a annoncé que l'arrêt des traitements et la sédation profonde et continue devraient être initiés au cours de la semaine du 20 mai 2019.

Le 12 mai 2019, M. [J] [Z], Mme [W] [Z], M. [U] [B] et Mme [L] [P] ont saisi le Défenseur des droits. Le 17 mai 2019, ce dernier a notamment estimé qu'il ne lui appartenait pas de résoudre un éventuel conflit de normes.

Par ordonnance du 15 mai 2019, le juge des référés administratif a rejeté la demande des consorts [Z] tendant à faire constater que le refus du gouvernement français de faire respecter les mesures provisoires constituent une atteinte manifestement illégale au droit à la vie et aux soins et au droit au recours effectif.

C'est dans ce contexte que par exploit en date du 15 mai 2019, M. [J] [Z], Mme [W] [Z], M. [U] [B] et Mme [L] [P] ont fait assigner, à heure indiquée, l'Etat français pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat, Mme le Ministre des solidarités et de la santé, M. le Ministre des Affaires Étrangères, le Centre Hospitalier Universitaire de Reims, M. le Dr [F] [C], au visa de l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile.

Par 'jugement en état de référé' du 17 mai 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

- reçu l'UNAFTC en son intervention volontaire ;

- s'est déclaré incompétent pour connaître du litige ;

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

- condamné M. [J] [Z], Mme [W] [Z], M. [U] [B] et Mme [L] [P] aux dépens de l'instance ;

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant déclaration du 20 mai 2019, M. [J] [Z], Mme [W] [Z], M. [U] [B] et Mme [L] [P] ont interjeté appel de ce jugement en ce que le tribunal de grande instance de Paris s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et les a condamnés aux dépens de l'instance.

Par requête du 20 mai 2019, les appelants ont saisi le premier président de la cour d'appel de Paris au visa de l'article 84 du code de procédure civile afin d'être autorisés à assigner à jour fixe.

Selon ordonnance rendue à 11h30 le même jour, il a été fait droit à cette demande et les requérants ont été autorisés à assigner les parties défenderesses en première instance à l'audience de 17h.

Par leurs conclusions transmises le 20 mai 2019, les appelants demandent à la cour de :

- constater l'existence d'une voie de fait ;

- infirmer l'ordonnance de référé et se déclarer compétent ;

- constater la force obligatoire des mesures provisoires réclamées par le CIDPH sur la base de la convention internationale des droits des personnes handicapées et son protocole additionnel tous deux ratifiés par la France le 18 février 2010 ;

- constater le trouble manifestement illicite et le dommage imminent ;

- ordonner à l'Etat français pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat, au ministère des solidarités et de la santé de qui dépend le CHU de Reims, au ministère des affaires étrangères signataire du mémoire français devant le CIDPH, de faire sans délai respecter les mesures provisoires réclamées le 3 mai 2019 par le CIDPH ;

- ordonner à l'Etat français pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat de donner instructions immédiates au CHU de Reims par l'intermédiaire de son ministre de tutelle, le ministre des solidarités et de la santé, ou de toute autre émanation de l'Etat, de maintenir l'alimentation et l'hydratation entérales de M. [F] [Z] ;

- ordonner au docteur [C] en sa qualité d'agent de l'Etat de maintenir l'alimentation et l'hydratation entérales de M. [F] [Z] ;

- dire que l'ordonnance à intervenir sera exécutoire sur simple copie y compris sur simple copie du plumitif d'audience rapportant la décision ;

- condamner l'Etat français en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat à verser à titre provisionnel la somme de 10.000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice d'angoisse et d'anxiété, outre 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions transmises le 20 mai 2019, l'Etat français pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat, le ministère des solidarités et de la santé et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères demandent à la cour de :

vu l'article 809 du code de procédure civile,

vu les articles L.1110-5 et suivants du code de la santé publique,

vu le protocole facultatif se rapportant à la convention relative aux droits des personnes handicapées,

vu l'article 34 de la constitution,

- dire qu'aucune voie de fait ne peut être reprochée à l'Etat ;

- dire que seul le juge administratif, peut être compétent pour connaître du litige ;

- constater que le juge des référés de l'ordre administratif ayant été saisi et ayant statué, il appartient aux demandeurs d'exercer les voies de recours qu'ils jugeront, le cas échéant, pertinentes ;

par conséquent,

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

- renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;

- rejeter l'intégralité des demandes formées à l'encontre de l'Etat.

Par conclusions transmises le 20 mai 2019, le CHU de Reims, en présence notamment du Docteur [C] demande à la cour de :

à titre principal,

- dire que les faits évoqués à l'appui de l'assignation en référé ont d'ores et déjà donné lieu à une décision du juge des référés libertés du tribunal administratif de Paris, le 15 mai 2019 ;

en conséquence,

- confirmer l'ordonnance du 17 mai 2019 ;

- se déclarer incompétent et renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;

en tout état de cause,

- dire que le Docteur [C], en tant qu'agent public, bénéficie du principe de protection fonctionnelle ;

en conséquence,

- mettre hors de cause le Docteur [C] ;

à titre subsidiaire,

- dire que les consorts [Z] n'ont pas intérêt à agir au nom et pour le compte de leur fils, M. [F] [Z] ;

- dire que la présente affaire présente une identité de cause, d'objet et de parties par rapport à l'ordonnance rendue par le Conseil d'Etat, le 24 avril 2019, et à celle du juge des référés du tribunal administratif de Paris en date du 15 mai 2019 ;

en conséquence,

- déclarer la demande irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ;

- déclarer la demande irrecevable du fait de l'autorité de la chose jugée dont est revêtue l'ordonnance du Conseil d'Etat du 24 avril 2019 et celle du Conseil d'Etat du 15 mai 2019 ;

à titre infiniment subsidiaire,

- dire que le CHU de REIMS n'est pas intervenu dans le cadre de la réponse du gouvernement français au comité international des droits des personnes handicapées, de sorte qu'il n'a pas intérêt à défendre dans la présente instance ;

en conséquence,

- déclarer irrecevable l'ensemble des demandes présentées par les appelants à l'encontre du CHU de Reims ;

- mettre hors de cause le CHU de Reims ;

à titre exceptionnellement subsidiaire,

- dire que les appelants abusent de leur droit de recours ;

- dire que les allégations des appelants ne reposent sur aucun fait précis ;

- dire que le principe d'indépendance médicale s'oppose à ce que soit adressé une quelconque injonction au Docteur [C] ;

en conséquence,

- rejeter l'intégralité des demandes présentées par les consorts [Z], M. [B] et Madame [L] [P] ;

en tout état de cause,

- condamner les consorts [Z], M. [B] et Madame [L] [P] au paiement de la somme de 5.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Bien que régulièrement assignée, l'UNAFTC n'a pas constitué avocat.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens respectifs.

MOTIFS DE LA DECISION

Les consorts [Z] qui ont saisi le Comité international des droits des personnes handicapées ont un intérêt à agir devant le juge des référés en constatation d'une voie de fait constituée, selon eux, par le non respect des mesures provisoires recommandées par le Comité.

Les consorts [Z] n'agissant pas en qualité de représentants de M. [F] [Z] mais en vertu d'un droit propre, ils ont qualité à agir.

Les fins de non recevoir sont limitativement énumérées par l'article 122 du code de procédure civile qui ne visent pas le défaut du droit à défendre. Il est dès lors sans objet de répondre à ce moyen d'irrecevabilité et de statuer sur les demandes de mises hors de cause.

Le juge administratif, dans sa décision de référé du 15 mai 2019, ayant statué sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, sa décision n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée à l'égard du juge judiciaire qui conserve compétence exclusive pour connaître de la voie de fait.

En vertu de la décision du Tribunal des conflits du 17 juin 2013 :

'Il n'y a de voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration, soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative'.

La France a ratifié la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées - CIDPH - et son protocole facultatif, lequel dispose en son article 4 :

' Après réception d'une communication et avant de prendre une décision sur le fond, le Comité peut à tout moment soumettre à l'urgente attention de l'Etat Partie intéressé une demande tendant à ce qu'il prenne les mesures conservatoires nécessaires pour éviter qu'un dommage irréparable ne soit causé aux victimes de la violation présumée.

Le comité ne préjuge pas de sa décision sur la recevabilité ou le fond de la communication du simple fait qu'il exerce la faculté que lui donne le paragraphe 1 du présent article'.

Le 24 avril 2019, M. [J] [Z], Mme [W] [Z], M. [U] [B] et Mme [L] [Z] épouse [P] ont saisi le CIDPH afin de, dénonçant les manquements de l'Etat français à l'obligation de soins pesant sur lui au regard des obligations prévues à la Convention, obtenir qu'il se munisse d'un dispositif de nature à empêcher de faire mourir une personne handicapée et incapable de faire part de sa volonté par elle-même, lorsque la seule justification médicale tient à son handicap cérébral sans comorbidités.

Le 3 mai 2019, le CIDPH a, faisant application de l'article 4 du Protocole facultatif et 64 de son règlement intérieur, demandé à l'Etat partie de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que l'alimentation et l'hydratation entérales de M. [F] [Z] ne soient pas suspendues pendant le traitement de son dossier par le Comité.

L'Etat français a, le 7 mai 2019, répondu, qu'il était seulement tenu d'examiner avec diligence et célérité cette demande, mais que, cependant, ces mesures sont dépourvues de caractère contraignant. Rappelant l'ensemble des décisions des juridictions précédemment saisies, il a conclu que la remise en cause de la décision d'arrêt des traitements par une nouvelle suspension, priverait d'effectivité le droit du patient à ne pas subir d'obstination déraisonnable, et n'est pas envisageable.

Le 17 mai 2019, le CIDPH a rappelé à l'Etat partie de prendre les mesures nécessaires à ce que l'alimentation et l'hydratation entérales de M. [Z] ne soient pas suspendues pendant le traitement de son dossier, en l'état de l'article 64 du règlement intérieur du Comité, lequel prévoit notamment :

'L'Etat partie peut avancer des arguments pour expliquer que la demande de mesures provisoires devrait être retirée'.

La cour relève que l'Etat français n'a pas usé de cette faculté au terme de son mémoire adressé le 7 mai, estimant ne pas être en mesure de mettre en oeuvre les mesures conservatoires requises par le Comité.

En ratifiant le protocole facultatif, l'Etat français a reconnu que le Comité des droits des personnes handicapées a compétence pour recevoir et examiner les communications présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de la juridiction, qui prétendent être victimes d'une violation par cet Etat Partie des dispositions de la Convention.

L'Etat français est donc partie à la communication dont les consorts [Z] ont saisi le CIDPH susceptible de donner lieu à une décision sur le fond, et pour laquelle le comité a demandé à l'Etat français de suspendre sa décision de mettre un terme à l'alimentation et à l'hydratation entérales de [F] [Z].

Indépendamment du caractère obligatoire ou contraignant de la mesure de suspension demandée par le Comité, l'Etat français s'est engagé à respecter ce pacte international.

Il en résulte qu'en l'espèce, en se dispensant d'exécuter les mesures provisoires demandées par le Comité, l'Etat français a pris une décision insusceptible de se rattacher à ses prérogatives puisqu'elle porte atteinte à l'exercice d'un droit dont la privation a des conséquences irréversibles en ce qu'elle attrait au droit à la vie, consacré par l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui constitue un attribut inaliénable de la personne humaine et forme la valeur suprême dans l'échelle des droits de l'homme, et donc dans celle des libertés individuelles.

En l'état de cette violation d'une liberté individuelle, le juge des référés a le pouvoir de contraindre l'Etat français à exécuter les mesures provisoires préconisées par le Comité le 3 mai 2019. La décision entreprise sera dès lors infirmée.

Le préjudice résultant nécessairement de l'existence d'une voie de fait sera réparé par l'allocation d'un euro symbolique.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette les fins de non recevoir, et les demandes de mises hors de cause,

Infirme la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

Ordonne à l'Etat français pris en la personne de l'agent judiciaire de l'état de prendre toutes mesures aux fins de faire respecter les mesures provisoires demandées par le Comité international des droits des personnes handicapées le 3 mai 2019 tendant au maintien de l'alimentation et l'hydratation entérales de M. [F] [Z], jusqu'à la décision à intervenir,

Condamne l'Etat français pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat de verser à titre provisionnel à M. [J] [Z], Mme [W] [Z], M. [U] [B] et Mme [L] [P] , un euro symbolique,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution sur minute de la présente décision,

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 19/08858
Date de la décision : 20/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°19/08858 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-20;19.08858 ?
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