Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRÊT DU 17 MAI 2019
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04642 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2YZG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Février 2017 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 15/07813
APPELANTE
Association CONFÉDÉRATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALE S CATHOLIQUES
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148
Ayant pour avocat plaidant Me Erwan LE MORHEDEC, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : D1119
INTIMÉE
Société BLACKDIVINE LLC, société de droit américain
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 3] USA
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
Ayant pour avocat plaidant Me Caroline MÉCAREY, avocat plaidant du barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Michèle LIS SCHAAL, Présidente de la chambre
Madame Françoise BEL, Présidente de chambre
Madame Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Saoussen HAKIRI.
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Michèle LIS SCHAAL, Présidente de la chambre et par Madame Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE :
La Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques (CNAFC), association reconnue d'utilité publique, est une confédération nationale d'associations familiales agréée comme association de consommateurs et au titre de la représentation des usagers dans les établissements de santé.
La société Blackdivine, de droit américain est éditrice du site de rencontres en ligne www.Gleeden.com, créé en décembre 2009.
Expliquant qu'être partie du constat que 30% des personnes inscrites sur les sites de rencontres « classiques » ne sont en réalité pas célibataires et mentent sur leur statut marital, Gleeden.com estime répondre à une demande en proposant un site où les membres peuvent assumer sans hypocrisie leur désir de rencontres.
Le site Gleeden compte un million de membres en France.
La CNAFC estime que les contrats conclus entre la société Blackdivine et les utilisateurs du site Gleeden sont fondés sur une cause illicite et qu'il doit lui être ordonné de cesser de faire référence à l'infidélité dans ses publicités et ordonné de diffuser ses conditions commerciales et ses mesures de protection de données personnelles.
Par acte du 22 janvier 2015, la CNAFC à fait donner assignation à la société Blackdivine devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de faire juger nuls les contrats au motif qu'il sont fondés sur une cause illicite, faire interdire sous astreinte les publicités faisant référence à l'infidélité, faire ordonner à la société Blackdivine de diffuser ses conditions commerciales, contrats et condition de protection des données, et de la faire condamner à des dommages et intérêts, article 700 et dépens.
Par jugement du 9 Février 2017, le tribunal de grande instance a déclaré irrecevable la CNAFC pour défaut de qualité et d'intérêt à agir et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Le tribunal a jugé que l'obligation de fidélité relevait d'un ordre public de protection, dont ne peuvent se prévaloir que les seuls époux, et non d'un ordre public de direction. Il a décidé qu'en conséquence la CNAFC n'avait pas qualité à agir en nullité des contrats. Il a de même jugé que les publicités faisant référence à l'infidélité, qui n'est pas un agissement illicite, avaient été validées par le jury de déontologie publicitaire et n'avaient donc pas le caractère illicite qui aurait permis à la CNAFC d'agir sur la base de son agrément d'association de défense des consommateurs. Il a encore jugé que la CNAFC n'avait pas qualité à agir pour exiger la diffusion en français des mentions légales des contrats, l'action relevant soit du ministère public soit d'associations de défense de la langue française. Il a enfin jugé que le site Gleeden établi à l'étranger ne relevait pas des dispositions de la CNIL, et qu'en tout état de cause le respect de la loi informatique et liberté était du ressort de l'action publique.
Il a débouté les deux parties de leurs demandes de dommages et intérêts, la CNAFC faute pour elle d'avoir démontré un comportement fautif et préjudiciable, et la société Blackdivine faute pour elle de rapporter la preuve de son préjudice.
La CNAFC a relevé appel de la décision le 2 mars 2017.
Par dernières conclusions signifiées par le RPVA le 22 Septembre 2017, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leur argumentation et de leurs moyens, la CNAFC sollicite de la cour:
Vu l'article 212 du Code civil,
Vu les articles 1 et 4 du Code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale,
Vu l'article 5 du décret n°92-280 du 27 mars 1992,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- réformer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté la CNAFC de ses demandes relatives à la communication commerciale de BlackDivine,
Et, statuant de nouveau,
- ordonner à BlackDivine de cesser de faire référence, de quelque manière que ce soit, directe ou indirecte, à l'infidélité ou au caractère extra-conjugal de son activité dans le cadre de ses publicités, sur quelque support que ce soit, sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée dans un délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- condamner BlackDivine à verser à la CNAFC la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- condamner BlackDivine au paiement de la somme de 15.000 euros par application des dispositions del'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- condamner BlackDivine aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SELARL RECAMIER, représentée par Maître Christophe PACHALI.
L'appelante, la CNAFC soutient qu'elle est recevable à agir pour faire cesser une publicité illicite même si le courtage adultérin, qu'elle juge fautif, n'était pas une faute civile. Elle soutient néanmoins le caractère fautif de l'adultère et des publicités en faisant la promotion. Elle souligne que les publicités de Gleeden violent plusieurs textes et lui causent un préjudice.
Sur ses qualités et intérêt à agir en cessation de publicité illicite :
Elle fait valoir qu'elle est à la fois association de consommateur et association familiale et qu'elle est donc recevable à agir pour un intérêt collectif entrant dans le cadre de son objet social.
Sur l'illicéité du courtage adultérin :
Elle fait valoir au visa de l'article 212 du code civil et de décisions de la cour d'appel de Paris que l'adultère est une faute civile et qu'il en est de même de la simple inscription à un club de rencontres de la part d'une personne mariée. Elle souligne que le tribunal de grande instance a érigé en cas général l'adultère consenti qui n'était qu'une exception. Elle fait valoir que la société Blackdivine se contredit en parlant d'adultère consenti alors qu'elle développe en détails des moyens pour que ces adultères restent clandestins.
Sur l'illicéité de la publicité sur le sujet :
Elle fait valoir que le code ICC consolidé établit comme principe élémentaire que les communications soient faites avec un 'juste sens de la responsabilité sociale', et que la publicité ne doit pas 'sembler cautionner (..) des comportements (..) illicites ou antisociaux'. Elle fait valoir que le jury de déontologie publicitaire, qui n'est pas une juridiction, est chargé d'appliquer le code ICC et ne peut se contenter de juger la forme de la publicité et non son objet.
Elle fait valoir que les publicités violent les dispositions du décret du 27 mars 1992 qui interdit aux publicités télévisées de choquer les convictions religieuses des téléspectateurs.
Elle réplique à l'intimée que la demande n'est pas nouvelle en cause d'appel, cette demande étant déjà contenue dans la demande d'interdiction de toute publicité.
Elle réplique à l'intimée que la liberté de communication n'est pas la liberté de se livrer à des actions illicites.
Sur les dommages et intérêts :
Elle estime que ces publicités lui ont causé un préjudice à hauteur de 30.000 euros.
Par conclusions signifiées le 24 Juillet 2017, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, la société Blackdivine LLC sollicite de la cour:
Vu l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les articles 212, 1128 et 1133 du Code civil ;
Vu l'article 4 du Code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale ;
Vu l'article L. 410-2 du Code du commerce ;
Vu l'article 2 de la Loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française ;
Vu l'article 19 de la Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ;
Vu les articles 2, 5 et 11 de la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu les articles 31, 32-1 et 700 du Code de procédure civile ;
Vu les pièces versées aux débats,
- déclarer la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques mal fondée en son appel et l'en débouter ;
- déclarer la société BLACKDIVINE LLC recevable et bien fondée en ses demandes ;
En conséquence,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques pour défaut de qualité à solliciter l'annulation des conventions conclues entre la société Blackdivine LLC et les utilisateurs du site Gleeden.com ,
- déclaré irrecevable la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques pour défaut de qualité et d'intérêt à demander la diffusion par la société Blackdivine LLC des conditions d'utilisation, des conditions générales de vente et des conditions de protection des données personnelles, les mentions légales en français,
- déclaré irrecevable la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques pour défaut de qualité à agir du chef du respect des dispositions relatives à la déclaration de fichier à la CNIL,
- débouté la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques du surplus de ses demandes,
- condamné à verser 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure,
Statuant à nouveau,
- condamner la CNAFC à verser à la société BLACKDIVINE LLC la somme de 1 euro en réparation du préjudice subi ;
- condamner la CNAFC au paiement d'une amende civile ;
- condamner la CNAFC à verser pour la procédure d'appel à la société BLACKDIVINE LLC une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la CNAFC aux entiers dépens de la procédure, qui pourront être recouvrés par Me Belgin JUMEL, avocate au barreau de Paris, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Intimée, la société Blackdivine soutient le défaut de qualité à agir de la CNAFC et subsidiairement la licéité des conventions qu'elle souscrit avec ses clients. Elle soutient ensuite le défaut d'intérêt à agir pour soulever un manquement à la législation commerciale, l'absence de caractère illicite ou antisocial de ses publicités, et l'irrecevabilité en cause d'appel d'une demande violant par ailleurs la liberté d'expression et la liberté du commerce. Elle soutient encore le défaut d'intérêt à agir pour la présentation de documents en français, son respect des mentions légales des sites internet. Elle soutient enfin l'irrecevabilité de la demande concernant une prétendue absence de déclaration à la CNIL.
Elle réfute toute demande de dommages et intérêt mais demande reconventionnellement des dommages et intérêts pour son préjudice d'image et une amende civile.
Sur les conventions entre l'intimée et ses clients :
Elle soutient que la prohibition de l'adultère relève de l'ordre public de protection, depuis sa dépénalisation en 1975, et que l'invocation d'une telle faute est une action attitrée dans une procédure en divorce. Elle fait valoir l'irrecevabilité de la CNAFC à se prévaloir d'une violation du devoir de fidélité entre époux.
Subsidiairement, elle fait valoir que proposer un service de rencontres extraconjugales n'est pas illicite, que tous les utilisateurs de Gleeden ne sont pas mariés et que le site n'incite pas à l'infidélité en ce qu'il répond à une demande mais ne la crée pas. Elle fait valoir que les conventions ne violent aucun principe d'ordre public de direction, et ne sont pas contraires aux bonnes moeurs telles qu'elles ont évolué depuis la dépénalisation de l'adultère.
Sur les publicités :
Elle soutient qu'en absence d'infraction pénale, une association de consommateurs ne peut agir que pour faire cesser ou interdire des agissements illicites au regard des dispositions transposées de l'article 1 de la directive 2009/22/CE du 23 Avril 2009 et que la CNAFC n'entre pas dans les prévisions de ce texte. Elle rappelle que les actions dont elle fait la publicité ne sont ni illicites comme soutenu préalablement, ni antisociales compte tenu de l'évolution des moeurs. Elle soutient que la validation par le JDP de la campagne publicitaire valide le respect par cette dernière des textes en vigueur, notamment le code ICC.
Elle souligne le caractère nouveau en cause d'appel de la demande visant une violation du décret du 27 Mars 1992 sur la publicité télévisuelle, et l'absence da qualité à agir de la CNAFC qui n'est pas un éditeur de télévision et l'absence de preuves d'une telle diffusion.
Elle souligne qu'une telle interdiction violerait la liberté d'expression, le seul fait qu'un message puisse choquer n'étant pas un fondement pour l'interdire.
Elle souligne encore qu'une telle interdiction violerait la liberté d'entreprendre et celle de lancer les campagnes publicitaires de son choix.
Sur la présentation de documents en français :
Elle fait valoir que l'appelante n'a pas qualité à agir sur le fondement de la loi 94-665, l'action relevant du ministère public ou d'associations dont les statuts mentionnent comme objet la défense de la langue française.
Sur la présence des mentions légale sur le site gleeden :
Elle soutient que les mentions présentes indiquent toutes coordonnées de la société éditrice, du directeur de publication, de la rubrique contact et support.
Sur la déclaration à la CNIL :
Elle fait valoir que l'obligation relève d'un intérêt général mais qu'il appartient au ministère public de la faire appliquer. Elle soulève subsidiairement qu'elle n'est pas soumise aux dispositions de la loi informatique et liberté et qu'elle adhère aux principes 'safe harbour' qui lui sont applicables.
Sur les demandes de dommages et intérêts :
Elle expose qu'aucun comportement fautif et préjudiciable n'a été démontré de sa part.
Reconventionnellement, elle indique avoir été l'objet d'un battage médiatique préjudiciable à son image, pour lequel elle demande 1 euro de dommages et intérêts.
Sur l'amende civile :
Elle fait valoir que l'action de la CNAFC était à la fois abusive et animée d'une intention de nuire et que ce comportement doit être sanctionné au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la recevabilité des demandes de la CNAFC
Considérant qu'au visa de l'article 212 du code civil , des articles 1 et 4 du code ICC et de l'article 5 du décret du 27 mars 1992 fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat, et prenant acte de la décision du TGI de Paris qu'elle ne conteste plus en appel, en ce qu'il a l'a jugée irrecevable « - pour défaut de qualité à solliciter l'annulation des conventions conclues entre la société BlackDivine LLC et les utilisateurs du site Gleeden.com ,
- pour défaut de qualité et d'intérêt à demander la diffusion par la société BlackDivine LLC des conditions d'utilisation, des conditions générales de vente et des conditions de protection des données personnelles, les mentions légales en français,
- pour défaut de qualité à agir du chef du respect des dispositions relatives à la déclaration de fichier à la CNIL. », la Confédération nationale des associations familiales catholiques ( CNAFC) soutient que son action est recevable dans ses demandes relatives à la communication de la société BlackDivine, et pour faire cesser une publicité illicite, cette action entrant dans le cadre de son objet social qui prévoit notamment la possibilité d'en assurer la défense par la voie judiciaire en sa qualité d'association familiale et association de consommateurs ;
Considérant que la Confédération nationale des associations familiales catholiques, association reconnue d'utilité publique est à la fois une association familiale et une association de défense des consommateurs dont l'objet social prévoit notamment la possibilité d'en assurer la défense par la voie judiciaire, que ses statuts précise « la défense des intérêts spirituels, moraux et matériels des familles, notamment dans les domaines du respect des consciences, de la protection de la vie de la conception à la mort naturelle et de la dignité de la personne humaine, de l'éducation, de l'enseignement, de la moralité publique et de la consommation, notamment par la voie des actions en justice en conformité avec l'agrément en date du 11 mars 1987 renouvelé régulièrement depuis lors. », qu'en sa qualité d'association agréée de consommateurs, elle peut agir conformément aux dispositions de l'article L 421-6 du code de la consommation pour la protection des intérêts « des consommateurs devant la juridiction civile pour faire cesser ou interdire tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'article 1er de la directive mentionnée », qu'elle a donc qualité à agir en application de l'article 122 du code de procédure civile pour contester la communication commerciale de la société BlackDivine et faire cesser une publicité illicite;
Sur le fond
Considérant que la CNAFC soutient en premier lieu que le recours au courtage adultérin est illicite en application de l'article 212 du code civil qui dispose « les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance », au motif que l'adultère est une faute civile comme l'ont jugé de nombreuses décisions de Cour d'appel, le seul fait pour un homme marié ou une femme mariée de s'inscrire sur un site de rencontres constituant un manquement grave et renouvelé aux obligations du mariage justifiant l'allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil, que l'objet même de l'activité de BlackDivine par son site Gleeden.com et la cause des contrats passés avec les utilisateurs est d'inciter à la violation d'une obligation légale ( excluant les adultères consentis) en proposant même des astuces pour dissimuler les adultères et en donnant des moyens de « tromper » son conjoint ( le figaro 8 septembre 2014) ;
Mais considérant que si l'adultère constitue une faute civile au visa de l'article 212 du code civil, il n'en demeure pas moins que cette faute ne peut être invoquée que par un des époux contre l'autre dans le cadre d'une procédure de divorce, que l'obligation de fidélité qui est une obligation du mariage n'est pas une obligation relevant de l'ordre public de direction qui ne supporte aucune dérogation car il peut souffrir certaines exceptions ( consentement mutuel des époux, excusée par l'infidélité de l'autre époux etc...), que c'est à juste titre que les premiers juges ont jugé qu'elle relevait d'un ordre public de protection dont ne peuvent se prévaloir que les époux,que la CNAFC ne peut donc se prévaloir de la violation du devoir de fidélité qui serait promue par le site Gleeden pour faire cesser toute communication commerciale par le biais de ce site de la société BlackDivine, que le jugement entrepris sera confirmé de chef ;
Considérant qu'en deuxième lieu , la CNAFC soutient que la publicité effectuée par BlackDivine de son activité sur son site et sur son blog est illicite car elle viole les règles inhérentes à la publicité elle-même, le site web étant un support publicitaire, telles que celles édictées par les articles 1 et 4 du code ICC ( code consolidé de la chambre de commerce internationale sur les pratiques de publicité et de communication commerciales) qui disposent: « Toute communication de marketing doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique. Toute communication de marketing doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle et doit être conforme aux principes de la concurrence loyale telle qu'ils sont généralement admis dans les relations commerciales. Aucune communication ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter au marketing.» et «la communication commerciale ne doit pas sembler cautionner ou encourager des comportements violents, illicites ou antisociaux» en faisant la promotion ou en semblant le faire, d'un comportement illicite et antisocial, la liberté d'expression et la liberté du commerce et de l'industrie ne pouvant faire obstacle aux dispositions spéciales invoquées, la décision rendue par le jury de déontologie publicitaire le 6 décembre 2013 qui n'est pas une juridiction n'étant pas pertinente et la Convention européenne des droits de l'homme prévoyant la possibilité de dérogation dans son article 10 alinéa 2, mais considérant la CNAFC ne démontre pas en quoi l'infidélité, qui n'est pas un agissement illicite , comme il a été dit auparavant, dont la publicité de Gleeden ferait la promotion, constituerait un comportement violent, illicite ou antisocial,que cette publicité a été validée par le jury de déontologie publicitaire dans sa décision du 6 décembre 2013 qui a considéré: « ces publicités ne proposent aucune photo qui pourrait être considérée comme indécente, ni d'incitation au mensonge ou à la du^licité contrairement à ce que soutiennent les plaignants mais utilisent des évocations, des jeux de mots ou des phrases à double sens qui suggère et la possibilité d'utiliser le service offert par le site Gleeden, tout un chacun étant libre de se sentir concerné ou pas par cette proposition commerciale. Par ailleurs les slogans ainsi libellés avec ambiguïté ne peuvent être compris avant un certain âge de maturité enfantine. Ils n'utilisent aucun vocabulaire qui pourrait, par lui-même, choquer les enfants.», que si cette décision n'émane pas d'une autorité judiciaire mais administrative, il n'en demeure pas moins que cet avis peut donner lieu à des sanctions,
qu'il convient donc de rejeter ce chef de demande ;
Considérant qu'en troisième lieu, le CNAFC soutient que la communication de BlackDivine viole les dispositions du décret du 27 mars 1992 dont l'article 5 qui dispose:« La publicité ne doit contenir aucun élément de nature à choquer les convictions religieuses, philosophiques ou politiques des téléspectateurs» car elle est de nature à choquer à la fois les convictions religieuses, philosophiques ou politiques des téléspectateurs en mettant en cause un pilier fondateur de l'union et en faisant la promotion de l'adultère, du non-respect de la parole donnée, de la tromperie, de la duplicité et du mépris de l'autre et en faisant référence explicite aux liens du mariage « Gleeden, le site de rencontre extra-conjugale pensé par des femmes.»,
Considérant que la société BlackDivine soutient que le moyen fondé sur l'article 5 du décret du 27 mars 1992 qui vise la publicité télévisuelle est une demande nouvelle qui doit être déclarée irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile, mais considérant que l'invocation dudit article constitue un moyen nouveau et non une demande nouvelle non prohibée à hauteur d'appel, alors que la CNAFC sollicitait déjà devant les premiers juges d'ordonner à BlackDivine de faire référence de quelque manière que ce soit, directe ou indirecte, à l'infidélité dans le cadre de ses publicités, sur quelque support que ce soit et, notamment, sur toute campagne d'affichage, que cette demande est donc recevable ;
Considérant qu'il ne peut être contesté par la société BlackDivine qu'elle a communiqué à partir d'avril 2017 par le biais de la télévision ( pièce n°27 de la CNAFC), mais considérant que l'article 2 du décret du 27 mars 1992 visé par l'appelante précise que ce texte ne s'applique qu'aux éditeurs de services de télévision, ce que la société BlackDivine n'est pas, que la CNAFC ne peut donc l'évoquer, que sa demande doit donc être déboutée, qu'en outre, sur le fond, si cette publicité vante « l'amanturière» « la femme mariée s'accordant le droit de vivre sa vie avec passion », ou se termine par le message « Gleeden, la rencontre extra-conjugale pensée par des femmes », en application de l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme qui dispose: « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. », et même si ce message publicitaire ( communication commerciale) qui fait partie du champ d'application de la protection accordée par l'article 10 paragraphe paragraphe 1 de la ladite convention , s'adresse aux femmes mariées et promeut des rencontres extra-conjugales et pourrait choquer les convictions religieuses de certains spectateurs en faisant la promotion de l'adultère au sein de couples mariés, il n'en demeure pas moins que l'interdire serait une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression qui occupe une place éminente dans une société démocratique, qu'en conséquence, il convient de rejeter la demande de la CNAFC;
Considérant que le débouté de la CNAFC de ses demandes entraîne le débouté de sa demande de dommages et intérêts qui n'est pas justifiée, que le préjudice d'image n'est pas établi par la société Blackdivine, que le jugement entrepris sera confirmé ;
Considérant que la société BlackDivine sollicite la condamnation de la CNAFC à une condamnation une amende civile, qu'en application de l'article 32-1 du code de procédure civile « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile « d'un maximum de 10 000 euros » sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés. », que sollicité par une partie, cette demande est procéduralement irrecevable, qu'en outre, aucun abus n'a été établi par la société BlackDivine, qu'il convient donc de rejeter la demande ;
Considérant que l'équité impose de condamner la CNAFC à payer à la société BlackDivine la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
DECLARE les demandes de la CNAFC recevables ;
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la demande de la CNAFC recevable sur la communication de BlackDivine et qui a débouté la CNAFC de sa demande sur la communication de la société BlackDivine fondée sur l'infidélité et a débouté les parties de leur demandes de dommages et intérêts,
Y ajoutant,
DEBOUTE la CNAFC de ses demandes de mettre fin à la publicité de la société BlackDivine sur le fondement des articles 1 et 4 du code ICC et de mettre fin à ses publicités télévisuelles sur le fondement de l'article 5 du décret du 27 mars 1992;
DEBOUTE la société BlackDivine de sa demande de condamnation de la CNAFC à une amende civile;
CONDAMNE la CNAFC à payer à la société BlackDivine la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
La CONDAMNE aux entiers dépens avec distraction au profit de la SELARL RECAMIER, représentée par Me Christophe PACHALI.
La Greffière La Présidente
Hortense VITELA Michèle LIS SCHAAL