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16/05/2019 | FRANCE | N°15/22299

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9, 16 mai 2019, 15/22299


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9



ARRÊT DU 16 MAI 2019



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/22299 - N° Portalis 35L7-V-B67-BXO76



Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 octobre 2015 - Tribunal d'Instance de PARIS (2ème) - RG n° 11-14-355





APPELANTE



BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme prise en la p

ersonne de son représentant légal, venant aux droits de SA BANQUE SOLFEA en vertu de la cession de créance du 28 février 2017

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9

ARRÊT DU 16 MAI 2019

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/22299 - N° Portalis 35L7-V-B67-BXO76

Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 octobre 2015 - Tribunal d'Instance de PARIS (2ème) - RG n° 11-14-355

APPELANTE

BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme prise en la personne de son représentant légal, venant aux droits de SA BANQUE SOLFEA en vertu de la cession de créance du 28 février 2017

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée de Me Edgard VINCENSINI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0496

Substitué à l'audience par Me Laurent BONIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0496

INTIMÉS

Monsieur [R] [P]

né le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 9] (51)

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

Madame [N] [P] née [O]

née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 10] (51)

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

SCP ANGEL HAZANE ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Société CER

N° SIRET : 500 966 999 00012

[Adresse 5]

[Localité 7]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 mars 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Agnès BISCH, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe DAVID, Président

Mme Fabienne TROUILLER, Conseiller

Mme Agnès BISCH, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Philippe DAVID, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 5 octobre 2012, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. et Mme [P] signaient auprès de la société GROUPE CER un bon de commande portant sur l'acquisition d'un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque, pour un montant de 15 500 euros. Un crédit du même montant leur était consenti le même jour par la société BANQUE SOLFEA, afin de financer cette installation.

Le 12 octobre 2012, la société BANQUE SOLFEA adressait à M. et Mme [P] un courrier d'accord de financement, les informant de ce qu'une attestation de fin de travaux, conditionnant le déblocage des fonds, allait être émise.

À réception de cette attestation, la société BANQUE SOLFEA procédait au règlement des fonds entre les mains de la société GROUPE CER le 7 novembre 2012.

M. et Mme [P] reconnaissent avoir accepté la livraison des matériaux.

Selon jugement du 16 décembre 2013, la société Groupe CER faisait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et la SCP ANGEL et HAZANE était désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société.

Les 16 et 31 décembre 2014, M. et Mme [P] assignaient la société BANQUE SOLFEA et la SCP ANGEL et HAZANE en qualité de liquidateur judiciaire de la société GROUPE CER devant le tribunal d'instance du 2ème arrondissement de PARIS, en vue d'obtenir la résolution du contrat pour inexécution, l'annulation du contrat de louage, en conséquence l'annulation du contrat de prêt affecté, et la condamnation de la société BANQUE SOLFEA à leur verser des dommages et intérêts équivalents au capital restant dû, de sorte qu'ils ne soient plus débiteurs envers elle. Ils demandaient également la condamnation de la société BANQUE SOLFEA à leur verser la somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice moral et financier, la condamnation solidaire de la société BANQUE SOLFEA et de la société GROUPE CER à procéder à la remise en état antérieur par la dépose des modules, des coffrets photovoltaïques, câbles et onduleur, remise en état d'origine de la toiture et réparation des dégâts causés par les installations.

La société BANQUE SOLFEA demandait au tribunal de débouter M. et Mme [P] de l'intégralité de leurs demandes, au motif que la preuve d'un motif de résolution du contrat n'était pas rapportée, qu'une telle sanction n'était pas proportionnée et que la violation des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation ainsi que le dol, sanctionnés par une nullité relative, était couverte par des actes postérieurs, de juger en tout état de cause qu'elle n'avait commis aucune faute et que M. et Mme [P] devaient lui rembourser l'intégralité du capital restant dû, soit 15 500 euros, sous déduction des échéances déjà payées.

Régulièrement assignée, la SCP Maître ANGEL et HAZANE, liquidateur judiciaire de la société CER n'avait pas comparu.

Par jugement réputé contradictoire en date du 6 octobre 2015, le tribunal d'instance du 2ème arrondissement de PARIS :

- Prononçait l'annulation du contrat d'achat conclu entre M. et Mme [P] et la société GROUPE CER et l'annulation du contrat de crédit.

- Disait que M. et Mme [P] n'étaient pas tenus à rembourser le crédit à la société BANQUE SOLFEA, celle-ci devant leur restituer les sommes déjà versées sous déduction de deux factures de 190,90 euros et 159,86 euros.

- Condamnait in solidum la société BANQUE SOLFEA et la société GROUPE CER à procéder à la dépose de l'ensemble de l'installation photovoltaïque avec remise en état d'origine de la toiture et éventuelle réparation des dégâts occasionnés par les matériels.

- Condamnait la société BANQUE SOLFEA à payer à M. et Mme [P] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Le tribunal retenait la recevabilité de la demande postérieure à la liquidation judiciaire de la société GROUPE CER, il considérait que le bon de commande de la société GROUPE CER ne contenait pas toutes les mentions légales obligatoires et que celle-ci avait méconnu son obligation de renseignement en n'apportant pas toutes informations pertinentes aux acquéreurs, lesquels avaient ainsi été induits en erreur sur la rentabilité de l'installation et mis dans l'impossibilité d'avoir un consentement éclairé sur les biens vendus. Le tribunal constatait qu'en sa qualité de spécialiste de la distribution du crédit, le prêteur avait eu connaissance des anomalies majeures affectant le bon de commande et avait ainsi, en débloquant tout de même les fonds, gravement manqué à ses obligations et commis une faute caractérisée le privant du droit de ses réclamations.

Par déclaration en date du 3 novembre 2015, la société BANQUE SOLFEA a interjeté appel de cette décision sur la totalité du jugement.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 mai 2018, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits et obligations la société BANQUE SOLFEA, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- lui donner acte qu'elle vient aux droits de la société BANQUE SOLFEA, en vertu d'une cession de créance intervenue le 28 février 2017,

- déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme [P],

subsidiairement, au fond,

- dire que la mise en demeure adressée par le conseil de M. et Mme [P] à la société GROUPE CER caractérise la connaissance des causes de nullité entachant le bon de commande, et dire que le fait que M. et Mme [P] ont adressé des factures de production d'électricité leur permettant de toucher des revenus de l'électricité produite, caractérise des actes postérieurs couvrant la nullité encourue,

- dire en conséquence que l'exécution des contrats doit être poursuivie,

à titre subsidiaire,

- dire que la société BANQUE SOLFEA n'a commis aucune faute,

- en conséquence, condamner solidairement M. et Mme [P] à restituer à la société BANQUE SOLFEA la somme de 15 500 euros, sous déduction des échéances éventuellement déjà remboursées, avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2012, date de la remise des fonds,

à titre très subsidiaire, si une faute de la société BANQUE SOLFEA était retenue,

- dire que le montant du préjudice de M. et Mme [P] ne peut être égal au montant du contrat de crédit en principal et le déduire à de plus justes proportions,

- dire qu'aucun lien de causalité n'existe entre les fautes alléguées et le préjudice subi,

- débouter M. et Mme [P] de leurs demandes de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

- les condamner à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'appelante invoque l'irrecevabilité des demandes de M. et Mme [P] en raison du jugement du 16 décembre 2013 prononçant la liquidation judiciaire de la société GROUPE CER, intervenue antérieurement à l'introduction de l'instance par M. et Mme [P] selon assignation en date du 16 décembre 2014, en violation des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce. Sur le fond, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE soutient que la nullité relative encourue par un bon de commande irrégulier a été couverte, elle fait observer qu'elle ne peut être condamnée à remédier aux dégâts occasionnés par les installations alors qu'elle n'est pas partie au contrat principal, elle soutient qu'elle n'encourt aucune déchéance du droit aux intérêts pour défaut de fiche de solvabilité et de remise de la fiche d'information pré-contractuelle et qu'elle ne peut encourir non plus une demande de dommages et intérêts puisqu'elle est tiers au contrat principal.

Dans leurs dernières conclusions en date du 26 juin 2018, M. et Mme [P] demandent à la cour de :

- débouter la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l'ensemble de ses demandes et de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation du bon de commande et par conséquent, celle de l'offre de crédit,

à titre subsidiaire, si l'annulation n'était pas prononcée,

- de prononcer la résolution du contrat de vente et par conséquent celle du contrat de crédit,

à titre très subsidiaire,

- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en raison de l'absence de fiche d'information pré-contractuelle,

en tout état de cause,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la faute de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et l'a déboutée de sa demande de restitution du capital emprunté,

- dire que M. et Mme [P] subissent un préjudice en raison du financement d'un bon de commande nul et du déblocage des fonds en l'absence d'attestation de fin de travaux,

- en tirer toutes conséquences pour une absence de droit à restitution du capital prêté,

- condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à leur payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [P] invoquent la violation des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation, leur méconnaissance de cette violation et leur absence de volonté à couvrir la nullité relative encourue ; ils soutiennent que la société GROUPE CER s'est livrée à des man'uvres dolosives, à titre subsidiaire, que la résolution des contrats est encourue car la société GROUPE CER devait s'acquitter des frais de raccordement et effectuer la mise en service de l'installation, alors que ce sont M. et Mme [P] qui ont versé la somme de 931,12 euros pour le raccordement au réseau ERDF. Ils soutiennent que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ne pouvait pas ignorer la nullité du bon de commande et qu'elle a commis une faute en débloquant les fonds en l'absence de surcroît de toute attestation de fin de travaux.

La SCP ANGEL HAZANE à laquelle les conclusions ont été signifiées respectivement le 4 février 2016 et le 22 mars 2018, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 septembre 2018.

SUR CE,

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes

En application des articles L. 622-21 I et L. 641-3 du code de commerce, le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire, interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Il résulte de l'article L. 622-22 du même code que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de créance et qu'elles sont alors reprises de plein droit en présence du mandataire judiciaire mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

En l'espèce, par jugement du 16 décembre 2016, la société GROUPE CER a été placée en liquidation judiciaire. L'action de M. et Mme [P], introduite par assignations des 16 et 31 décembre 2014, vise à la nullité du contrat principal signé avec cette société et, de manière subséquente, à celle du contrat de crédit.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, cette action ne vise pas au paiement d'une somme d'argent par la SCP ANGEL HAZANE, ès-qualités de liquidateur de la société GROUPE CER.

Dès lors, les demandes de M. et Mme [P], qui en l'espèce, n'auront aucune conséquence sur le passif de la liquidation, ne se heurtent pas au principe de l'arrêt des poursuites et c'est à juste titre que le premier juge a déclaré leurs demandes recevables et examiné leurs prétentions au fond.

Sur la demande d'annulation du contrat principal

1- Au soutien de la demande en infirmation du jugement qui a annulé le bon de commande et partant, l'offre de crédit, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE soutient que le tribunal s'est prononcé sur le bon de commande incomplet, raison pour laquelle il était demandé de faire sommation à M. et Mme [P] de produire aux débats l'original du bon de commande comprenant les conditions générales, mais qu'en tout état de cause, la nullité relative encourue par l'irrégularité du contrat de vente, a été couverte.

La copie du bon de commande complet est produite aux débats.

M. et Mme [P] invoquent le non-respect des dispositions d'ordre public du code de la consommation, affectant ce bon de commande.

En application de l'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat « Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1°) nom du fournisseur et du démarcheur ;

2°) adresse du fournisseur ;

3°) adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4°) désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des prestations de services proposés ;

5°) conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6°) prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1;

7°) faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 ».

Ces dispositions sont liées à l'obligation générale d'information prévue à l'article L. 111-1 du code de la consommation.

Comme l'a relevé à juste titre le premier juge, il apparaît effectivement que le bon de commande remis à l'en-tête de la société GROUPE CER, ne mentionne pas, notamment, les caractéristiques techniques des biens en cause (marque des panneaux, leur nombre, le support de leur pose) ; ne sont pas indiqués non plus la surface des panneaux, leurs références, leur poids, le lieu de pose et celui des onduleurs et compteurs électriques dans la maison, l'identité du commercial n'est pas précisée, pas plus que la date de livraison et celle de la pose des équipements.

Ces caractéristiques essentielles des biens offerts auraient dû figurer dans le contrat de vente, de sorte que ces irrégularités constituent une cause de nullité du contrat.

La méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation, édictées dans l'intérêt des personnes démarchées à domicile que ces textes ont vocation à protéger, est toutefois sanctionnée par une nullité relative.

L'article 1338 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 énonce : « L'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.

A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.

La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers ».

A cet égard, il apparaît que le bon de commande litigieux comporte dans ses conditions générales de vente, la reproduction intégrale des articles du code de la consommation, le bordereau d'annulation au visa de ces articles et, en dernière page, au dessus de la signature de M. [P] la mention suivante :

« Je reconnais avoir pris connaissance des conditions générales de vente figurant au dos du bon de commande dont j'ai reçu un exemplaire ».

Avec encore la mention « le bordereau de rétractation à envoyer au plus tard 14 jours après la date de votre acceptation de crédit ».

M. et Mme [P] n'ont pas usé de la possibilité qui leur était offerte de se rétracter.

En l'espèce, il s'agira donc de déterminer, d'une part si les acquéreurs avaient connaissance et conscience de la nullité du contrat de vente, et d'autre part s'ils ont entendu confirmer ledit contrat en toute connaissance de cause.

A cet égard, il ressort des pièces produites que par courriers du 15 avril 2014, adresséS chacun à la société GROUPE CER et à la société BANQUE SOLFEA, M. et Mme [P], par l'intermédiaire de leur conseil, ont mis en demeure les destinataires d'annuler le bon de commande, de rembourser immédiatement le crédit et les frais, et de démonter l'installation sous 15 jours, pour non-conformité des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation.

Ainsi, au plus tard à cette date-là, M. et Mme [P] avaient connaissance des causes de nullité affectant le bon de commande, et cependant adressaient encore leurs factures de production d'électricité.

Il résulte encore des pièces versées au dossier que si l'attestation de fin de travaux n'est pas produite, et sa date pas même mentionnée, M. et Mme [P] reconnaissent avoir accepté la pose et l'installation des panneaux, puisqu'ils déclarent notamment qu'après cette pose, la société GROUPE CER leur a remis une facture d'achat le 6 novembre 2012, bien plus détaillée que le bon de commande, ce qui signifie que l'installation des panneaux photovoltaïques s'est faite soit courant octobre soit au tout début du mois de novembre 2012.

Ainsi, si la société GROUPE CER n'a pas émis l'attestation de fin de travaux annoncée par la société BANQUE SOLFEA par courrier du 12 octobre 2012, M. et Mme [P] ont cependant non seulement accepté l'installation des panneaux photovoltaïques, qui a entraîné le déblocage des fonds, mais encore par courrier du 22 novembre suivant, ils ont indiqué à la société BANQUE SOLFEA lui faire parvenir le RIB de leur compte bancaire ouvert à l'agence BRED de Coulommiers, compte uniquement dédié à la gestion de l'installation des panneaux photovoltaïques.

De surcroît, sont versés aux débats le contrat d'achat de l'énergie électrique produite par les panneaux solaires, signé le 1er mai 2013 par M. [P] avec ERDF ainsi que deux factures de production d'électricité en date des 21 janvier 2014 et 21 janvier 2015, soit à la fois antérieurement mais aussi postérieurement à leur connaissance des causes d'irrégularités et de nullité du bon de commande, aux termes des courriers du 15 avril 2014, susmentionnés.

Il n'est pas contesté que l'installation est raccordée et produit de l'électricité.

Il est établi également que M. et Mme [P] ont honoré les échéances de leur prêt, et ont continué à le faire après les mises en demeure par courriers du 15 avril 2014.

Dès lors, il se déduit de ces éléments que M. et Mme [P] ont eu la volonté effective, réitérée et non équivoque de renoncer aux moyens et exceptions qu'ils auraient pu opposer contre cet acte et de purger les vices affectant le bon de contrat de vente.

2- Par ailleurs, M. et Mme [P] invoquent également avoir été victimes d'un dol, au motif que la société GROUPE CER aurait usé de mensonges et d'artifices émanant de son commercial, qui aurait fait croire que l'installation serait autofinancée, rapportant 1 033 euros par mois, de sorte qu'après le remboursement du crédit affecté en 15 ans, le contrat de revente avec EDF étant de 20 ans, les intimés estimaient être en droit d'espérer un bénéfice de 5 165 euros. Or, la comparaison entre la simulation présentée, fondée sur des hypothèses optimistes et les résultats obtenus, serait "affligeante", au point qu'en réalité M. et Mme [P] ont compris qu'ils n'allaient pas, par la production d'électricité de l'installation photovoltaïque, percevoir un bénéfice de plus de 5 000 euros, mais qu'ils subiraient tout simplement un endettement important sans aucune contrepartie.

Cependant, le dol ne se présume pas et doit être prouvé.

M. et Mme [P] se contentent toutefois de simples allégations et n'apportent pas le moindre début de preuve, alors même que la charge de la preuve leur appartient.

Il apparaît qu'en réalité, M. et Mme [P] estiment que leur investissement n'est pas aussi rentable qu'ils ne l'escomptaient. Pour autant leur consentement n'a pas été vicié.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme [P] ne peuvent se prévaloir de la nullité invoquée, étant relevé que ceux-ci bénéficient à ce jour d'une installation fonctionnelle raccordée au réseau ERDF et leur procurant tout de même des revenus.

Sur la demande de résolution du contrat principal

M. et Mme [P] sollicitent, à titre subsidiaire, la résolution du contrat principal.

L'article 1184 du code civil dispose que : « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques en cas de non respect des obligations par l'une des parties ».

La résolution du contrat ne peut être prononcée qu'après la constatation d'une inexécution grave, portant sur une obligation principale, déterminante pour la bonne exécution du contrat.

M.et Mme [P] font ainsi valoir que la société GROUPE CER devait s'acquitter des frais de raccordement et effectuer la mise en service de l'installation, puisque dans les conditions particulières du contrat de vente, il est stipulé en ce qui concerne les prestations fournies par la société GROUPE CER : « Photovoltaïque Raccordé Réseau ».

M. et Mme [P] font état de la dépense de 931,12 euros qu'ils ont dû engager pour le raccordement au réseau à ERDF, et de conclure que la société GROUPE CER a donc manqué à ses obligations.

Cependant, le bon de commande n'est pas suffisamment précis sur cette question pour qu'il puisse être affirmé que la société GROUPE CER s'engageait, au-delà de l'installation du système de production d'électricité d'origine photovoltaïque, à en payer les frais.

M. et Mme [P] fustigent également un manquement de la société GROUPE CER à son obligation de conformité, en ce que le rendement de l'installation serait tellement faible qu'il ne permettrait pas de répondre à l'autofinancement annoncé.

Ils précisent ainsi que le remboursement du crédit affecté sur une période d'un an représente la somme de 1 908,60 euros, alors que la revente de l'électricité effectivement produite sur un même laps de temps a rapporté, la meilleure année, la somme de 190,90 euros.

Toutefois, rien ne prouve que la société GROUPE CER se soit engagée pour le rendement de l'installation, laquelle dépend d'abord de l'ensoleillement.

M. et Mme [P] produisent un devis de remise en état de leur installation, par l'entreprise PHOTO- SYSTEME, en date du 7 avril 2014, selon lequel : « l'installation n'a pas été faite dans les règles de l'arrêt, nécessite un démontage total, certains panneaux ne fonctionnent pas correctement et ne fournissent qu'un voltage inférieur à la moitié en comparaison des autres panneaux, les puissances différentes des panneaux ne permettront jamais une production rentable ».

Cependant, ce document n'est pas contradictoire et il ne peut donc être retenu comme probant.

La preuve d'une inexécution contractuelle déterminante, au regard du contrat principal, n'est pas rapportée, par conséquent.

Sur le sort du contrat de crédit affecté et sur le remboursement du capital prêté

En ce qui concerne la nullité ou la résolution du contrat de crédit affecté, celle-ci se traduit normalement par la restitution par les emprunteurs du capital prêté, déduction faite des sommes versées à l'organisme prêteur, sauf à démontrer une faute de celui-ci dans l'exécution de ses obligations de nature à le priver de sa créance de restitution.

En ce sens, M. et Mme [P] font grief à la société BANQUE SOLFEA, d'avoir commis une faute dans la délivrance des fonds alors qu'elle n'était même pas en possession du bon de commande dont elle aurait constaté l'irrégularité, pas plus que de l'attestation de fin de travaux.

Aux termes de l'article L. 311-31 du code de la consommation, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation, laquelle doit être complète.

Il est également admis que le prêteur qui délivre les fonds au vendeur ou prestataire de services sans s'assurer préalablement que celui-ci a exécuté son obligation, commet une faute qui le prive de la possibilité de se prévaloir à l'égard de l'emprunteur, des effets de l'annulation du contrat de prêt, conséquence de l'annulation du contrat principal.

Au regard de l'interdépendance des contrats qui participent d'une même opération économique, la banque a une obligation de vérifier la régularité formelle du contrat financé, mais le législateur n'a pas instauré une responsabilité de plein droit de la banque en raison des manquements de son partenaire commercial en charge de préparer le contrat de crédit. La responsabilité du banquier suppose l'existence d'une violation manifeste et caractérisée de la réglementation instaurée pour protéger le consommateur, et la démonstration d'un préjudice en lien avec ce manquement.

Cependant, ainsi qu'il a été rappelé, les acheteurs ont accepté la livraison et l'installation des panneaux photovoltaïques, et ils ont été informés par la société BANQUE SOLFEA que cela allait entraîner le déblocage des fonds. D'autre part, l'installation fonctionne.

La société BANQUE SOLFEA n'avait pas à s'assurer personnellement de la conformité des livraisons.

Ainsi ne pouvait-elle pas refuser de débloquer les fonds, M. et Mme [P] étant libres de se prévaloir ou non des nullités édictées en leur faveur.

Les moyens développés au soutien d'une demande en nullité et en résolution du contrat de crédit apparaîssent donc inopérants.

Sur la demande relative à la déchéance du droit aux intérêts

En ce qui concerne la demande visant à prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, il est constaté qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel, prohibée par les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile qui disposent que : « à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

Il convient par conséquent de déclarer irrecevable la demande relative à la déchéance du droit aux intérêts.

Dans ces conditions, le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. et Mme [P].

Les contrats litigieux continueront donc à produire leurs effets.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. et Mme [P] succombant en appel, seront condamnés en tous les dépens.

En équité, il n'y aura pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile. Chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe :

- Donne acte à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de ce qu'elle vient aux droits et obligations de la société BANQUE SOLFEA,

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir de M. et Mme [P] fondée sur les articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce,

Statuant à nouveau,

- Déboute M. et Mme [P] de toutes leurs demandes en nullité et résolution des contrats conclus avec la société GROUPE CER et avec la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, qui continueront en conséquence à produire leurs effets,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande relative à la déchéance du droit aux intérêts,

Rejette les autres demandes,

- Condamne in solidum M. et Mme [P] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/22299
Date de la décision : 16/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G9, arrêt n°15/22299 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-16;15.22299 ?
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