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15/05/2019 | FRANCE | N°16/14290

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 15 mai 2019, 16/14290


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 15 MAI 2019

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/14290 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ75V



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/02631





APPELANTE



Madame [G] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Alexandre MEYRIEUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0629







INTIMÉE



SA FRANCE TELEVISIONS

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Mar...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 15 MAI 2019

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/14290 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ75V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/02631

APPELANTE

Madame [G] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Alexandre MEYRIEUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0629

INTIMÉE

SA FRANCE TELEVISIONS

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Marc BORTEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R271

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Graziella HAUDUIN, Présidente

Mme Carole CHEGARAY, Conseillère

Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente Placée

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Carole CHEGARAY, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Clémentine VANHEE

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Graziella HAUDUIN, Présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 18 octobre 2016 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris, statuant dans le litige opposant Mme [G] [Y] à son employeur, la société France télévisions, a débouté la salariée de toutes ses demandes relatives à l'inégalité de traitement en matière de rémunération et de classification et l'a condamnée aux dépens ;

Vu l'appel interjeté le 10 novembre 2016 par la salariée de cette décision qui lui a été notifiée le 26 octobre précédent ;

Vu les conclusions des parties auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;

Aux termes de conclusions transmises le 25 janvier 2017 par voie électronique, Mme [Y] demande à la cour :

1) en application du principe d'égalité de traitement entre les salariés "à travail égal, salaire égal (article L.3221-2 et suivants du code du travail),

' dire et juger qu'elle est victime d'une inégalité de traitement en matière de rémunération et de classification, par comparaison notamment avec la situation de Mme [Q] [X],

' lui attribuer un repositionnement au niveau de classification « 06C, cadre 2, niveau d'expertise maîtrise, niveau de placement 13 », à compter du mois de mai 2014, par comparaison avec la situation de Mme [Q] [X],

' lui attribuer un repositionnement au niveau de classification « 06C, cadre 2, niveau d'expertise maîtrise, niveau de placement 14 », à compter du mois de décembre 2014, par comparaison avec la situation de Mme [Q] [X],

' lui attribuer un salaire mensuel brut global équivalent à celui attribué à Mme [X] à temps de travail équivalent (soit sur la base d'un salaire mensuel brut de

3 705,59 euros arrêté au mois de mai 2014),

' condamner la société France télévisions à lui verser à un rappel de salaire à compter du mois de mars 2012 afférent à l'inégalité de traitement en matière de rémunération dont elle est victime, par comparaison avec la situation de Mme [X], à savoir les sommes suivantes arrêtées au 31 décembre 2016 :

* 2 691,30 euros à titre de rappel de salaire de mars 2012 à décembre 2012,

* 11 614,56 euros à titre de rappel de salaire de janvier 2013 à décembre 2016,

* 1 430,58 euros au titre des congés payés afférents,

-ordonner sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision, la remise des bulletins de paie rectifiés depuis le mois de mars 2012,

2) en application des articles L. 3221-8 et L. 1144-1 du code du travail, enjoindre à la société France télévisions de communiquer les bulletins de paie 2012 à 2016 et la « fiche de transposition sociale salariale » des salariés de la société :

-qui effectuent le même travail ou un travail de valeur égale au sien qui occupe la fonction de conceptrice, rédactrice multimédia,

' dont la classification avant le mois de mai 2014 était "B220 cadre supérieur administratif,

de manière à comparer leur situation à la sienne en matière de rémunération et de classification, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,

3) condamner la société France télévision à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de dommages-intérêts pour préjudice moral subi,

4) condamner la société France télévision à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive,

5) intérêts légaux à compter de la saisine pour les salaires et de la décision pour le reste,

6) article 700 du code de procédure civile : 10 000 euros,

7) dépens à la charge de la défenderesse ;

Aux termes de conclusions transmises le 28 juin 2017 par voie électronique la société France télévisions sollicite pour sa part, au visa des articles 1134 du code civile, de l'article L. 3221-2 du code du travail, de l'accord d'entreprise du 28 mai 2013 et de l'article 700 du code de procédure civile, que la cour juge Mme [Y] irrecevable et en tout cas mal fondée en son appel, ses demandes, fins et conclusions, confirme le jugement entrepris, déboute en conséquence la salariée de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros eu titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de fixation de calendrier du 29 mars 2018 et de clôture différée au 18 décembre 2018 ;

SUR CE, LA COUR

Attendu que Mme [G] [Y], employée par la société France télévisions avec reprise d'ancienneté depuis le 17 avril 2000 en qualité d'agent spécialisé d'émission, puis de conceptrice rédactrice multimédia, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 4 mars 2015 à la suite de la mise en 'uvre de l'accord d'entreprise du 28 mai 2013 rétroagissant le 1er janvier 2013 qui s'est substitué à la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle qui s'appliquait auparavant et de la transposition de sa situation par la remise le 12 juillet 2013 d'un avenant à son contrat de travail et d'une fiche de transposition l'informant des conditions de cette transposition ;

Attendu que le principe « à travail égal, salaire égal » impose à l'employeur d'assurer l'égalité des rémunérations entre salariés placés dans une situation identique ; qu'il appartient à Mme [Y] qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité de rémunération et à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ;

Que la salariée, pour soutenir qu'elle était victime de cette inégalité de traitement en matière de rémunération dès avant la transposition et qui a perduré ensuite, se compare avec Mme [Q] [X] ; que la comparaison de leurs fiches de transposition respectives révèle qu'elles occupaient la même fonction de rédactrice multimédia, leur appartenance au même groupe de qualification B220, le même niveau indiciaire N05, un statut identique de cadre supérieur administratif et un nombre d'années d'ancienneté de 12 ans, la seule différence existant à ce stade entre les deux salariées étant le temps parcouru dans le niveau indiciaire de 720 jours pour Mme [Y], contre 360 jours pour Mme [X] ; que pour ce qui a trait à la rémunération ante transposition, elle est identique à l'exception de certains accessoires : mesure FTV 2010 de 25 euros pour la première et de 27,28 euros pour la seconde, un complément salarial de 103,78 euros pour la première et de 80,30 euros pour la seconde et enfin une prime de sujétion des cadres (contraintes particulières) de 234,67 euros pour Mme [Y] et de 525 euros pour Mme [X], soit au total une différence au détriment de Mme [Y] de 3 229,59 euros pour l'année de référence ; que les bulletins de salaire de Mme [X] pour les mois de janvier 2012, juillet 2013 et janvier 2014 font apparaître que cette dernière ne travaille pas à temps complet contrairement à Mme [Y], mais à 80 % ; que la comparaison des situations après transposition révèle des discordances tenant au niveau d'expertise reconnu, confirmé pour Mme [Y] et maîtrisé pour Mme [X], au niveau de placement, 8 pour la première et 13 pour la seconde et enfin au salaire de base, 3 098,58 euros pour la première et 3 459,99 euros pour la seconde ; que ces différents éléments sont de nature à caractériser l'inégalité alléguée tant en matière de rémunération, avant et après la transposition, qu'en matière de classification résultant de cette transposition ;

Que les pièces versées par l'employeur, limitées à l'accord d'entreprise du 28 mai 2013 posant les règles de transposition, à un note d'information du 10 février 2014 émanant des ressources humaines sur la méthode utilisée pour parvenir à l'harmonisation salariale entre les salariés issus des anciennes sociétés d'origine (France 2, France 3, RFO ; France 4, France 5, FTVI et FTVSA) et le duplicata de deux bulletins de paie de Mme [D] [T] des mois d'avril et mai 2014 incomplets, ne permettent pas d'établir de manière objective d'une part la différence de rémunération globale avant transposition entre Mmes [X] et [Y] au détriment de cette dernière alors qu'elle travaille à temps complet contrairement à Mme [X] qui travaille selon un temps partiel de 80% ; que la différence de traitement affirmée par l'employeur ne peut résulter des conditions d'embauche, des diplômes et de l'expérience professionnelle de chacune d'entre elles ; qu'il convient en effet d'observer qu'elles présentent une ancienneté similaire, que Mme [X] était titulaire d'un master de lettre modernes sans rapport avec le travail de conceptrice rédactrice multimédia alors que Mme [Y] quant à elle avait obtenu une licence spécialisée études cinématographiques et audiovisuelles et un maîtrise de français, langue étrangère en 2001 et qu'il n'est pas justifié que Mme [X] a accédé avant Mme [Y] à l'emploi de conceptrice multimédia et pouvait ainsi prétendre à une expérience supérieure légitimant une rémunération supérieure ; qu'enfin, pour ce qui concerne la différence entre les niveaux d'expertise et de placement, elle ne peut résulter de la seule application de l'accord précité à défaut de tout élément sur la situation individuelle de chacune de deux salariées permettant de classer de manière inférieure Mme [Y] par rapport à Mme [X] ;

Qu'il se déduit de l'ensemble de ces constatations que Mme [Y] a subi l'inégalité de traitement alléguée tant en matière de rémunération que de classification, si bien que le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;

Qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande de Mme [Y] de se voir reconnaître à compter du mois de mai 2014 un positionnement identique à celui de Mme [X], soit le niveau d'expertise maîtrisé et le niveau de placement 13 et à compter du mois de décembre 2014 le niveau de placement 14, de fixer son salaire mensuel brut global à 3 705,59 euros correspondant à l'équivalent temps plein de celui perçu par Mme [X] arrêté au mois de mai 2014 et en conséquence à lui verser la différence de salaires et congés payés y afférents à hauteur des sommes revendiquées par elle, qui ne font l'objet d'aucune contestation utile subsidiaire de la part de la société employeur ; qu'en revanche, elle sera condamnée à la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif et non à celle consistant en la rectification des bulletins déjà émis, sans que le prononcé d'une astreinte ne soit justifié ;

Attendu qu'il n'apparaît pas en l'espèce justifié de faire droit à la demande de Mme [Y] d'enjoindre à la société France télévisions de communiquer les bulletins de paie 2012 à 2016 et la « fiche de transposition sociale salariale » des salariés de la société-qui effectuent le même travail ou un travail de valeur égale au sien qui occupe la fonction de conceptrice, rédactrice multimédia et dont la classification avant le mois de mai 2014 était "B220 cadre supérieur administratif ;

Attendu que si la société pouvait régulièrement imposer à la salariée une modification de sa classification et de sa rémunération par l'effet de l'accord collectif précité, il a été démontré précédemment que sa mise en 'uvre dans le cas particulier de Mme [Y] s'est traduite dans les faits par une inégalité qui a persisté en matière de rémunération et qui s'est aggravée s'agissant de sa classification ; que de telles circonstances justifient qu'il lui soit alloué 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Attendu que s'il est démontré par la salariée qu'elle a, à plusieurs reprises, dénoncé cette inégalité, sans réponse satisfaisante de la société, et qu'elle s'est trouvé obligée de saisir la juridiction prud'homale, l'abus de son employeur n'est pas établi, si bien qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Attendu que la société France télévisions, qui succombe, sera condamnée à supporter les entiers dépens et à verser à Mme [Y] une indemnité de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

Dit que Mme [G] [Y] devra être repositionnée à compter du mois de mai 2014 aux niveaux d'expertise maîtrisé et de placement 13 et à compter du mois de décembre 2014 au niveau de placement 14 ;

Fixe son salaire mensuel brut global à 3 705,59 euros arrêté à mai 2014 ;

Condamne la société France télévisions à payer à Mme [G] [Y] les sommes suivantes :

' 2 691,30 euros : de rappel de salaire de mars 2012 à décembre 2012,

' 11 614,56 euros : rappel de salaire de janvier 2013 à décembre 2016,

' 1 430,58 euros : congés payés afférents,

' 10 000 euros : dommages-intérêts pour préjudice moral subi du fait de l'inégalité de traitement,

Ordonne la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif-conforme à la présente décision ;

Rappelle que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation le 13 mars 2015 pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires ;

Rejette toutes les autres demandes des parties ;

Condamne la société France Télévisions aux entiers dépens et à payer à Mme [G] [Y] 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/14290
Date de la décision : 15/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°16/14290 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-15;16.14290 ?
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