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14/05/2019 | FRANCE | N°18/03196

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 14 mai 2019, 18/03196


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 14 Mai 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/03196 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5FZP



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Janvier 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 16/10420





APPELANTE



Association LES OEUVRES HOSPITALIÈRES FRANÇAISES DE L'ORDRE DE MALTE (OHFOM)

[Adr

esse 1]

[Localité 1]



représentée par Me Marianne FRANJOU, avocat au barreau de PARIS, toque : R021





INTIME



Monsieur [H] [I]

[Adresse 2]

[Localité 2]



représenté...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 14 Mai 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/03196 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5FZP

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Janvier 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 16/10420

APPELANTE

Association LES OEUVRES HOSPITALIÈRES FRANÇAISES DE L'ORDRE DE MALTE (OHFOM)

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Marianne FRANJOU, avocat au barreau de PARIS, toque : R021

INTIME

Monsieur [H] [I]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Jean-luc BRAMI, avocat au barreau de PARIS, toque : J105

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller

Madame Florence OLLIVIER, Vice Président placé faisant fonction de Conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 17 décembre 2018

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinnette COLAS, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [I] a été engagé par l'association les 'uvres hospitalières françaises de l'ordre de Malte (OHFOM) à compter du 18 mai 2009 en qualité de directeur d'établissement d'un foyer de vie accueillant des adultes handicapés.

La convention collective applicable est celle des établissements de services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Par lettre en date du 5 juillet 2016, l'association a convoqué Monsieur [I] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 19 juillet 2016. Il a été dans le même temps mis à pied de ses fonctions à compter du 6 juillet 2016.

Par lettre recommandée du 22 juillet 2016, l'association a notifié à Monsieur [I] son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien fondé de son licenciement, Monsieur [I] a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris le 3 octobre 2016 aux fins de voir son licenciement requalifié en licenciement nul et de nul effet, d'obtenir sa réintégration dans l'association, d'obtenir des dommages et intérêts pour licenciement nul. Il a demandé également au conseil à titre subsidiaire, de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les indemnités afférentes.

Par jugement en date du 16 janvier 2018, le Conseil de prud'hommes de Paris a requalifié le licenciement de Monsieur [I] en licenciement pour cause réelle et sérieuse et a condamné l'association à verser au salarié les sommes correspondantes à l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, et à l'indemnité conventionnelle de licenciement.

L'association OHFOM a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 19 février 2018

Dans ses dernières conclusions au fond, déposées et notifiées par voie électronique le 12 février 2019, l'association demande à la cour de confirmer le jugement rendu en ce qu'il a jugé qu'il n'y avait pas de nullité du licenciement mais de l'infirmer en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

L'employeur demande à la cour, statuant à nouveau, de juger le licenciement repose sur une faute grave en ce que les griefs invoqués au soutien de la mesure de licenciement n'ont rien de personnel, d'artistique ou entachant la liberté d'expression du salarié, mais qu'il s'agit d'une publication humiliante, ayant un caractère public, réalisée dans un lieu directement lié à son activité professionnelle, de juger que cet acte constitue un trouble caractérisé au sein du foyer compte tenu de la nature des fonctions de Directeur d'établissement de Monsieur [H] [I] et de la finalité propre de l'établissement.

L'association demande en conséquence à la cour de débouter le salarié d'une part de l'ensemble de ses demandes afférentes à un licenciement nul, de juger que sa réintégration est impossible, d'autre part de l'ensemble de ses demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et enfin d'ordonner la restitution à l'OHFOM de la somme de 50 381,60 € payée en exécution des condamnations de première instance, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jour du paiement, le 21 février 2018.

Enfin, à titre subsidiaire, et si, par extraordinaire, la cour décidait de confirmer le jugement entrepris, l'association demande à la cour de rétablir le montant des condamnations soit :

31 119,24 € à titre du préavis

3111 € au titre des congés payés afférents

44 590 € à titre d'indemnité de licenciement

En tout état de cause, elle sollicite une indemnité de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions au fond, déposées et notifiées par voie électronique le 17 janvier 2019, le salarié demande à la cour d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a été jugé le licenciement pourvu d'une cause réelle et sérieuse.

Outre l'exclusion de la pièce n°8 adverse qui constitue un échange de correspondances privées entre lui et Madame [K], Monsieur [I] qui considère que l'employeur l'a licencié à propos d'un fait de sa vie privée et que la publication d'une photographie d'art sur son compte facebook découlait de l'exercice de sa liberté d''expression, demande à la cour d'annuler son licenciement, d'ordonner sa réintégration dans les effectifs dans les mêmes conditions de fonction, de salaire et de lieu d'exercice professionnel ainsi qu'au paiement des salaires, de la date de la mise à pied, soit le 6 juillet 2016 jusqu'à sa réintégration, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard.

Il réclame 76.440 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul .

A titre subsidiaire, Monsieur [I] demande à la cour de juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'association à lui verses les sommes suivantes :

- 38.220€ au titre du préavis

- 3.822€ au titre des congés payés y afférents

- 48.836€ au titre de l'indemnité de licenciement

- 2.149,13€ à titre de rappel de salaire de la mise à pied conservatoire

- 241,91€ au titre des congés payés y afférents

- 95.550€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Enfin, le salarié demande à la cour de condamner l'association aux intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2016, date de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation.

MOTIFS

Sur la demande d'exclusion de la pièce n°8 ;

La pièce n° 8 sera écartée ne serait ce que parce que son auteur expose avoir directement participé à la décision prise par l'association de licencier Monsieur [I].

L'employeur ne peut ainsi se constituer une preuve à soi-même.

Sur la demande d'annulation du licenciement,

La liberté d'expression est une liberté publique protégée non seulement par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen mais également par la convention européenne des droits de l'homme.

Elle est consacrée en droit interne par l'article L. 1221-1 du code du travail.

Toutefois, cette liberté d'expression n'autorise pas le recours à des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Dans le cas d'espèce, Monsieur [I] assumait des fonctions de directeur d'un établissement, accueillant dans un régime d'internat des adultes présentant des déficiences mentales, appelés à partager des moments de vie dans le respect de leur intégrité personnelle propre et de celle des autres résidents également en difficulté ce qui exige de la part des personnels les entourant et a fortiori de la part du directeur de l'établissement un comportement et des attitudes excluant toute confusion à cet égard et par suite, une obligation de retenue directement inhérente à ses fonctions et à ses obligations déontologiques.

Dans ces conditions, la large diffusion par Monsieur [I] sur le réseau social facebook, qui plus est sur la page d'accueil, accessible à tout public, c'est à dire à ses subordonnés, aux membres des familles, aux représentants de l'association, aux résidents eux -mêmes, d'une photographie le montrant dénudé, agenouillé dans une église était inappropriée et excessive et a caractérisé de sa part un abus dans l'exercice de la liberté d'expression de nature à causer un tort à l'employeur, nonobstant le fait que la photographie a été prise à des fins artistiques hors de son lieu de travail et sur le temps de sa vie privée.

Il découle de ce qui précède que compte tenu des obligations découlant de son contrat de travail en tant que directeur d'un établissement accueillant des adultes vulnérables, dont il était chargé avec les autres membres du personnel qu'il encadrait, d'assurer le respect de l'intégrité et la sécurité, Monsieur [I] a failli aux obligations inhérentes à ses fonctions d'encadrement et d'éducateur et abusé de sa liberté d'expression en sorte que la poursuite de la relation contractuelle était immédiatement impossible et que le licenciement reposait sur une faute grave.

Le jugement déféré sera infirmé et Monsieur [I] débouté de toutes ses demandes.

Sur la demande de remboursement des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement, ;

Le remboursement des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement relève de l'exécution des décisions judiciaires rendues et par suite de la compétence exclusive du juge de l'exécution en cas de besoin.

Sur l'article 700 du code de procédure civile ;

L'équité commande d'infirmer le jugement à ce titre et de condamner Monsieur [I] à verser à l'OHFOM une indemnité de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Ecarte la pièce n° 8 produite par l'association,

Infirme le jugement déféré,

Déboute Monsieur [I] de ses demandes,

Renvoie en tant que de besoin les parties à saisir le juge de l'exécution compétent pour connaître des difficultés d'exécution des décisions judiciaires pour le remboursement de la somme réglée en vertu du jugement ;

Condamne Monsieur [I] à régler à l'OHFOM une indemnité de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [I] aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/03196
Date de la décision : 14/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°18/03196 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-14;18.03196 ?
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