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14/05/2019 | FRANCE | N°17/07896

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 14 mai 2019, 17/07896


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 14 MAI 2019

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07896 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3PEG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mai 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/12037





APPELANT



Monsieur [P] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Christophe CROLET, avocat au

barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC 394



INTIMEE



EPIC LA MONNAIE DE PARIS

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Kheir AFFANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0253...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 14 MAI 2019

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07896 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3PEG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mai 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/12037

APPELANT

Monsieur [P] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Christophe CROLET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC 394

INTIMEE

EPIC LA MONNAIE DE PARIS

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Kheir AFFANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0253

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, présidente

Madame Sylvie HYLAIRE, présidente

Monsieur Didier MALINOSKY, vice-président placé

Greffier, lors des débats : Mme Nadia TRIKI

ARRET :

- Contradictoire

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Anne HARTMANN, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

La Monnaie de Paris, devenue un établissement public à caractère industriel et commercial (ci-après EPIC), a employé Monsieur [P] [L] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 octobre 1974, en qualité d'ouvrier de l'administration des Monnaies et Médailles.

Les relations contractuelles entre les parties n'étaient soumises à aucune convention collective nationale.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Monsieur [L] s'élevait à la somme de 4.079 €.

Monsieur [L] a fait valoir ses droits à la retraite le 1er août 2016.

L'établissement la Monnaie de Paris occupait à titre habituel plus de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Réclamant le bénéfice d'une indemnité de départ à la retraite dans le mesure où il n'a pas la possibilité de bénéficier de l'avantage « "coup de chapeau" », usage en vigueur au sein de la Monnaie de Paris, ainsi que diverses autres indemnités, Monsieur [P] [L] a saisi le 5 décembre 2016 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 15 mai 2017 a statué comme suit :

« - Déboute Monsieur [P] [L] de l'ensemble de ses demandes

- Condamne Monsieur [P] [L] au paiement des entiers dépens ».

Par déclaration du 5 juin 2017, Monsieur [P] [L] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 10 février 2019, Monsieur [L] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en date du 15 mai 2007.

En conséquence :

- condamner l'Établissement Public la Monnaie de Paris à verser à Monsieur [L] les sommes suivantes :

* indemnité de départ à la retraite à hauteur de 8.158 €

Ladite indemnité avec intérêts au taux légal à compter de la demande déposée devant le conseil de prud'hommes.

* dommages-intérêts pour inégalité de traitement et discrimination à hauteur de 5.000 €

* dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat soient l'équivalent d'un mois salaire à hauteur de 4.079 €

* 2.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Par conclusions récapitulatives notifiées à la cour par voie électronique le 12 février 2019, la Monnaie de Paris demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 mai 2017.

En conséquence,

- rejeter toutes les demandes de Monsieur [L] à titre conventionnel,

- condamner Monsieur [L] au paiement de la somme de 2.000 € ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 février 2019 (à vérifier).

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs écritures respectives, en application de l'article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Sur la réclamation relative à l'indemnité de départ à la retraite

Il est acquis aux débats que Monsieur [P] [L] a fait valoir, à compter du 1er août 2016, ses droits à la retraite.

Pour infirmation du jugement déféré qui l'a débouté de sa demande de ce chef, Monsieur [L] réclame l'application des articles L1237-9 et D1237-1 du code du travail et l'obtention d'une indemnité de départ à la retraite d'un montant de deux mois de salaire dans la mesure où il n'a pu bénéficier de l'usage en cours au sein de l'établissement de la Monnaie de Paris, dit du "coup de chapeau" qui consiste en une promotion dans le grade supérieur six mois avant la date effective du départ en retraite afin de profiter d'une pension revalorisée, puisqu'il avait déjà atteint l'indice maximum de sa catégorie. Il soutient que contrairement à ce que prétend l'employeur, l'usage du "coup de chapeau" et la prime de départ à la retraite n'ont pas le même objet et qu'il peut en conséquence revendiquer l'application des dispositions du code du travail auxquelles il est de principe que ni l'employeur ni le salarié ne peuvent renoncer par avance d'autant qu'en l'espèce il n'a pas bénéficié de l'usage du "coup de chapeau".

Pour confirmation du jugement déféré, l'EPIC La Monnaie de Paris s'oppose à la demande en exposant que les ouvriers de l'Etat relèvent d'un régime spécifique de retraite qui a été modifié ressortant désormais de l'accord d'entreprise du 16 décembre 2008, qui a maintenu le régime de retraite dérogatoire et n'a jamais fait application des dispositions du code du travail. Il en déduit que par application de l'article L1111-1 du code du travail, les dispositions de l'article L1237-9 du même code, relatives à l'indemnité de départ à la retraite sont inapplicables. Il rappelle en outre que le versement d'une indemnité de pécule de départ à la retraite qui accompagnait l'usage du "coup de chapeau" a été supprimé par une décision ministérielle du 18 avril 2005 et que sous couvert de l'article L1237-9 précité, Monsieur [L] ne peut obtenir une indemnité qui a été abrogée. Il soutient que l'usage du "coup de chapeau" et l'indemnité légale de départ à la retraite ont le même objet de gratification liée à la fin de carrière même s'ils ne sont pas de même nature, n'obéissent pas au même régime et n'ont pas la même dénomination et qu'ils ne peuvent donc recevoir une application cumulative. Il maintient qu'en tout état de cause l'usage du "coup de chapeau" est plus favorable que l'indemnité de départ à la retraite de façon globale pour les salariés concernés même si ponctuellement certains salariés comme Monsieur [L] en sont exclus.

Il est acquis aux débats que l'administration des Monnaies et Médailles de la Monnaie de Paris a changé de statut à compter du 1er janvier 2007,en devenant un établissement public à caractère industriel et commercial, régi pour partie par un accord d'entreprise du 16 décembre 2008, dont il ressort un régime spécifique pour les ouvriers d'Etat de la Monnaie de Paris, de sorte qu'ils ne relèvent pas de la convention collective de branche applicable à l'établissement La Monnaie de Paris. Ils dépendent en effet pour leur retraite du régime des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, différent de celui du secteur privé, géré par le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) qui leur permet notamment de bénéficier d'un calcul de leur pension de retraite sur la base de leur rémunération des 6 derniers mois de carrière contre les 25 meilleures années de salaire brut pour le secteur privé. Ces personnels ouvriers sont placés sous un régime défini par les dispositions conventionnelles de l'accord précité d'une part et les dispositions législatives et règlementaires qui demeurent applicables d'autre-part.

Il est constant qu'aux termes des dispositions de l'article L1111-1 du code du travail que « Les dispositions du présent livre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés. Elles sont également applicables aux personnels des personnes publiques employées dans les conditions du droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel. »

Il est acquis aux débats que les ouvriers relevant du FSPOEIE de la Monnaie de Paris sont en outre éligibles à la pratique nommée « "coup de chapeau" » qui consiste à faire bénéficier un fonctionnaire ou un ouvrier d'Etat, quelques mois avant avant la date effective du départ en retraite d' une promotion dans le grade supérieur afin de profiter d'une pension revalorisée, puisque la retraite est calculée sur la base des six derniers mois précédant le départ en retraite.

Il doit être admis que même s'ils ne sont pas de même nature, s'ils n'obéissent pas au même régime et n'ont pas la même dénomination, l'usage du "coup de chapeau" et l'indemnité légale de départ à la retraite ont le même objet de gratification liée à la fin de carrière, de sorte que les ouvriers affiliés au FSPOEIE ne peuvent revendiquer l'application de l'article L1237-9 du code du travail.

En outre, il est constant en cas de normes en concours que seule la plus favorable est applicable et qu'il n'est pas contesté que le dispositif « "coup de chapeau" » est assurément plus favorable pour les ouvriers d'Etat de l'EPIC.

C'est en outre à juste titre, que les premiers juges ont par ailleurs relevé, qu'une indemnité de « pécule de départ à la retraite » mise en place par décision ministérielle du 8 décembre 1981, en sus de l'usage du "coup de chapeau", a été supprimée par une nouvelle décision ministérielle le 18 avril 2004, que l'intéressé critique vainement puisque cette décision s'applique indépendamment de toute dénonciation, traduisant la volonté affichée de ne pas faire perdurer le cumul des avantages. C'est également de façon pertinente que la Monnaie de Paris fait observer que cette abrogation ministérielle ne saurait être contournée par l'octroi d'une indemnité de départ à la retraite réclamée.

De surcroît, même s'il est constant que Monsieur [L] n'a pu bénéficier au moment de son départ du « "coup de chapeau" » puisqu'il était classé à l'indice maximum de sa catégorie, c'est de façon convaincante que la partie intimée ainsi que les premiers juges, font observer qu'aucun texte ne prévoit la substitution du bénéfice de l'article L1237-9 du code du travail au cas où un ouvrier d'Etat serait dans la situation d'être exclu de celui-ci.

La Cour retient de l'ensemble de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que Monsieur [L] ne pouvait se prévaloir de l'application de l'article L1239-9 du code du travail et qu'ils l'ont débouté de sa prétention de ce chef. Ils méritent d'être confirmés.

Sur la demande de dommages -intérêts pour inégalité de traitement et discrimination

Au motif qu'il n'a pu bénéficier de l'usage "coup de chapeau",aggravé par l'absence d'indemnité de départ à la retraite, Monsieur [L] soutient également qu'il a été victime d'une inégalité de traitement, il réclame à ce titre une indemnité de 5.000€ de dommages-intérêts.

La partie intimée s'oppose à la demande en faisant valoir que Monsieur [L] ne démontre pas en quoi il aurait été discriminé du fait de sa qualité d'ouvrier d'Etat alors qu'il relève d'un régime dérogatoire.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe de l'égalité de traitement, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement entre des salariés placés dans une situation comparable. Dans l'hypothèse où cette inégalité est établie, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant la différence de traitement constatée.

Outre le fait que Monsieur [L] ne se compare à aucun autre salarié puisqu'il se contente d'invoquer le fait qu'il n'a pas bénéficié du "coup de chapeau", la cour relève qu'il ne peut y avoir d'inégalité de traitement que pour autant que les salariés sont placés dans la même situation. Or par définition, si Monsieur [L] n'a pas profité du "coup de chapeau" c'est en raison du fait qu'il avait atteint l'indice maximum de sa catégorie avant les autres et qu'il ne peut soutenir avoir été dans une situation comparable.

En conséquence l'atteinte alléguée au principe d'égalité de traitement n'est pas établie. Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales. En vertu de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions qui précèdent, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En application des dispositions qui précèdent, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La cour retient ainsi que le soutient la partie intimée que Monsieur [L] ne fait état d'aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte l'inapplication du "coup de chapeau" n'étant pas critiqué en soi.

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [L] de sa demande d'indemnité de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat

Monsieur [L] réclame une somme de 4079€, équivalent à un mois de salaire pour exécution déloyale du contrat sans motiver sa demande.

Aucun autre fait distinct de ceux précédemment examinés n'est invoqué au soutien de la violation alléguée de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail. Le manquement allégué n'est donc pas démontré.

Monsieur [L] sera débouté de sa demande de ce chef.

Sur le surplus

Partie perdante, Monsieur [L] sera condamné aux dépens d'appel, et le jugement déféré confirmé en ce qu'il l'a condamné aux dépens de première instance.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

PAR CES MOTIFS,

-CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Et y ajoutant :

-DEBOUTE Monsieur [P] [L] de sa demande de dommages -intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

-DIT n'y a voir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

-CONDAMNE Monsieur [P] [L] aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 17/07896
Date de la décision : 14/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°17/07896 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-14;17.07896 ?
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