RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 14 Mai 2019
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/05637 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3DXM
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mars 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUXERRE RG n° F16/00158
APPELANT
Monsieur [C] [X]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1958
représenté par Me Carole DURIF, avocat au barreau de SENS
INTIMEE
Association ASSOCIATION LAÏQUE POUR L'ÉDUCATION LA FORMATION L A PREVENTION ET L'AUTONOMIE (ALEFPA)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Hervé BENCHÉTRIT de la SELARL SELARL MATHIEU SAADA & ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1992 substituée par Me Gaelle HEINTZ, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de Chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller
Madame Florence OLLIVIER, Vice Président placé faisant fonction de Conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 17 décembre 2018
Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinnette COLAS, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mr [X] a été engagé par un contrat de travail à durée indéterminée le 1er septembre 1987, par l'association laïque pour l'éducation, la formation, la prévention et l'autonomie (ALEFPA), en qualité de moniteur éducateur.
L'association compte plus de 2.000 salariés et applique pour ses différents établissements deux conventions collectives : celle des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif (CCN 51), et celle des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées (CCN 66).
Depuis septembre 1997, Mr [X] a exercé ses fonctions au sein de l'établissement « [Établissement 1] », lequel applique la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personne inadaptées et handicapées.
A compter du 1er janvier 2016, par application des avenants à la convention collective applicable conclus les 1er septembre 2014 et 29 avril 2015, l'ALEFPA a mis en place une complémentaire santé obligatoire dans ses établissements.
Par lettres recommandées avec accusé de réception en date des 4 septembre, 18 septembre et 30 septembre 2015, le salarié a sollicité une dispense d'adhésion au régime collectif d'entreprise.
Il n'a donc pas signé de contrat d'adhésion.
Considérant que Mr [X] ne se trouvait pas dans l'un des cas d'exemption à l'adhésion au régime de prévoyance complémentaire, l'association a prélevé, mensuellement, de janvier à juillet 2016, les la somme de 23,81 euros au titre de cette mutuelle.
Mr [X] a saisi le conseil de prud'hommes d'Auxerre le 21 juillet 2016 afin qu'il se prononce sur la mise en place de la mutuelle au sein de l'entreprise, d'obtenir le remboursement des prélèvements, ainsi que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice financier.
Avant l'audience de conciliation, l'ALEFPA a procédé au remboursement des prélèvements, et Mr [X] s'est donc désisté de cette demande.
Par jugement en date du 23 mars 2017, le conseil a jugé que l'association avait parfaitement respecté les dispositions conventionnelles relatives à la mise en place de la complémentaire santé et aux cas de dispense de nature temporaire. En conséquence, il a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné au paiement de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières conclusions au fond, déposées et notifiées par voie électronique le 22 janvier 2018, le salarié demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de juger :
que l'ALEFPA a recouru à une décision unilatérale pour la mise en place de la mutuelle d'entreprise dans l'association,
qu'elle n'a pas respecté les dispositions conventionnelles régissant la mise en place d'une mutuelle d'entreprise,
que le refus d'adhérer à la mutuelle d'entreprise mise en place par décision unilatérale est légitime,
que la persistance fautive de l'ALEFPA à imposer une mutuelle d'entreprise a été source de préjudices pour lui.
En conséquence, il sollicite la condamnation de l'association au paiement des sommes suivantes :
290,28 euros, montant à parfaire à la date la plus proche de l'arrêt à intervenir, en remboursement des cotisations mutuelle indûment prélevées depuis le mois de janvier 2017, à hauteur d'une somme mensuelle de 24,19 euros,
1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,
3.500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice moral.
Mr [X] conclut à la remise d'un bulletin de salaire correspondant, au paiement des intérêts légaux sur ces sommes à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, et à la condamnation de l'association au paiement de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions au fond, déposées et notifiées par voie électronique le 6 décembre 2017, l'association demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner le salarié à lui verser 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS
Aux termes de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, à moins qu'elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées soit par voie de conventions ou d'accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé.
Selon l'article L. 911-7 du même code, issu de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, les entreprises dont les salariés ne bénéficient pas, au 1er janvier 2016, d'une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident déterminée selon l'une des modalités mentionnées à l'article L. 911-1 ('), sont tenues de faire bénéficier leurs salariés de cette couverture minimale par décision unilatérale de l'employeur, dans le respect de l'article 11 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989.
Conformément à ces dispositions, les partenaires sociaux ont conclu un avenant à la CCN 66, en date du 1er septembre 2014, relatif au régime collectif de complémentaire santé.
Sur la mise en place du régime complémentaire dans l'entreprise :
L'article L. 2242-11 du code du travail, en sa rédaction applicable à l'espèce, dispose que lorsque les salariés ne sont pas couverts par un accord de branche ou par un accord d'entreprise définissant les modalités d'un régime de prévoyance et, dans des conditions au moins aussi favorables que celles prévues à l'article L. 911-7 du code de la sécurité sociale, d'un régime de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, l'employeur engage chaque année une négociation sur ce thème.
En application de l'article L. 911-1 du code de la sécurité, un accord collectif relatif au régime collectif de complémentaire de santé a été conclu, au niveau de la branche, le 1er septembre 2014.
A ce titre, l'association n'était donc pas tenue, conformément à l'article L. 2242-11 du code du travail, d'engager à une négociation d'entreprise sur ce thème.
Cet accord ayant été conclu antérieurement au 1er janvier 2016, elle n'était pas plus dans l'obligation de faire bénéficier leurs salariés de cette couverture minimale par décision unilatérale de l'employeur.
Par ailleurs, cet accord recommande cinq organismes assureurs, dont les contrats de garanties collectives sont identiques. Le choix de l'un d'eux par l'association, sans modifier le régime négocié par les partenaires sociaux, ne peut donc s'analyser comme une décision unilatérale, mais comme une simple application des préconisations de l'accord de branche.
Dès lors, le moyen tiré de la mise en place d'un régime de prévoyance complémentaire et du choix de l'organisme assureur par décision unilatérale de l'employeur est inopérant.
En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la possibilité de dispense :
Par son adhésion à une mutuelle individuelle, selon un contrat avec tacite reconduction, Mr [X] soutient que son refus d'adhérer à la complémentaire santé collective est légitime au regard des dispositions conventionnelles, et qu'il ne peut se voir imposer un régime collectif tant qu'il justifie être couvert par un contrat d'assurance complémentaire individuelle.
Il fait valoir que si l'avenant à la CCN 66 ne fait pas référence au cas d'un contrat individuel avec tacite reconduction, celui à la CCN 51 précise que les salariés visés par la dispense sont « tenus de communiquer à leur employeur, au moins une fois par an, les informations permettant de justifier de leur situation », et qu'ils « seront tenus de cotiser et d'adhérer au régime lorsqu'ils cesseront de justifier de leur situation ».
Opérant par analogie, il en déduit que « même si les partenaires sociaux ayant rédigé (en septembre 2014) le texte de l'avenant à la CCN 66, n'ont pas indiqué clairement la solution, les rédacteurs du texte de la CCN 51 se sont montrés ensuite bien plus précis et vigilants dans leur rédaction (en janvier 2015), démontrant leur volonté de permettre aux salariés bénéficiant déjà d'une mutuelle personnelle de refuser leur adhésion au régime d'entreprise. En effet, le seul fait d'ajouter au texte la précision que chaque salarié doit fournir régulièrement à son employeur et au moins une fois par an les informations permettant de justifier de leur situation met à mal et jette à bas l'interprétation (') qui prétend et voudrait faire croire à tort que le refus d'adhésion d'un salarié ne pourrait être valable que pour la seule période restant à courir entre la date d'entrée en vigueur du régime obligatoire et la date d'échéance annuelle du contrat individuel ». Il ajoute que « force st de constater que [l'association] n'a jamais eu l'intention de faire application des dispositions pourtant limpides de la convention collective nationale 51 ».
Toutefois, il n'est pas soutenu que l'établissement dans lequel Mr [X] exerce ses fonctions n'est pas un établissement autonome.
Au regard des éléments versés aux débats et non contestés, c'est, comme le laissent apparaître les mentions portées sur le contrat de travail et les bulletins de salaire relatives à la convention collective applicable, par la CCN 66 que les relations contractuelles sont régies.
C'est donc à tort que le salarié entend faire une lecture des stipulations de cette dernière à la lumière de celles de la CCN 51.
En effet, la CCN 66 prévoit, par des stipulations claires et précises, les cas et régimes de dispense d'adhésion au régime complémentaire.
Tout contrat avec tacite reconduction induisant nécessairement une échéance pour être reconduit, c'est sans ambiguïté que l'accord stipule que les salariés couverts par une assurance individuelle frais de santé au moment de la mise en place des garanties ont la faculté de refuser leur adhésion au régime, mais qu'en ce cas, « la dispense ne peut jouer que jusqu'à échéance du contrat individuel ».
En conséquence, le moyen de Mr [X] selon lequel il serait dispensé d'adhésion au régime complémentaire d'entreprise tant qu'il justifie d'un contrat individuel d'assurance complémentaire postérieurement à la première échéance de celui-ci et après l'entrée en vigueur du régime complémentaire collectif ne peut être retenu. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes de remboursement et de dommages-intérêts :
L'association ayant fait une parfaite application des dispositions conventionnelles, tant au regard de l'application du régime collectif de complémentaire santé que des dispenses possibles, la demande de remboursement pour les montants prélevés au titre de la mutuelle ne peut prospérer.
C'est, au surplus, sans outrepasser ses droits que l'association a prélevé les sommes au titre de la mutuelle à compter de janvier 2017 sur le salaire de Mr [X]. Celui-ci ne peut donc se prévaloir d'un préjudice financier ou moral à cet égard.
En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les frais de procédure :
Mr [X], succombant à l'instance, sera condamné au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Auxerre du 23 mars 2017,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [C] [X] à verser à l'association laïque pour l'éducation, la formation, la prévention et l'autonomie la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [C] [X] aux entiers dépens d'instance.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE