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10/05/2019 | FRANCE | N°18/00141

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 10 mai 2019, 18/00141


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 6 - Chambre 13





ARRÊT DU 10 Mai 2019





(n° , 2 pages)








Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/00141 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4XB3





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Octobre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16-04114





APPELANTE


SAS ISS F

ACILITY MANAGEMENT


[...]


représentée par Me Philippe PACOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0513 substitué par Me Herve ROY, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉE


CPAM DE L'ARDÈCHE


[...]


[...]


représentée p...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 10 Mai 2019

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/00141 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4XB3

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Octobre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16-04114

APPELANTE

SAS ISS FACILITY MANAGEMENT

[...]

représentée par Me Philippe PACOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0513 substitué par Me Herve ROY, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

CPAM DE L'ARDÈCHE

[...]

[...]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[...]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Février 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Lionel LAFON, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

M. Lionel LAFON, Conseiller

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société ISS FACILITY MANAGEMENT à l'encontre du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS le 12 octobre 2017 dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, ci-après 'la caisse'.

L'affaire porte le numéro RG 18/00141, les parties ont comparu à l'audience du 11 février 2019 et la décision est mise à disposition le 10 mai 2019.

EXPOSE DU LITIGE

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffit de rappeler que la caisse a reconnu le 20 avril 2016 le caractère professionnel, hors tableau des maladies professionnelles, de l'affection présentée le 29 mai 2015 par

M. Q... V..., employé par la Société ISS FACILITY MANAGEMENT en qualité de responsable de site.

La déclaration de maladie professionnelle du 7 août 2015 indique un 'harcèlement moral anxio-dépressif' constaté pour la première fois le 29 mai 2015.

Le certificat médical initial du 29 mai 2015 indique : 'syndrome anxio-dépressif lié à des conditions de travail', et prévoit un arrêt de travail jusqu'au 31 août 2015.

La caisse a eu recours à une instruction et a recueilli l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de LYON, en date du 15 avril 2016, sur le fondement de l'article L 461-1 4ème alinéa du code de la sécurité sociale.

La caisse a décidé de prendre en charge comme maladie professionnelle la maladie 'syndrome anxio-dépressif' de M. V... à compter du 29 mai 2015. Cette décision a été notifiée à l'employeur le 20 avril 2016.

La société ISS FACILITY MANAGEMENT a saisi la commission de recours amiable de la caisse le 16 juin 2016 aux fins d'obtenir l'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge, motifs pris du non respect par la caisse du principe du contradictoire, de la contestation du caractère professionnel de la maladie et de la durée des arrêts de travail.

Il a saisi le 1er août 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS en l'état d'un rejet implicite de sa contestation.

Par jugement du 12 octobre 2017, ce tribunal a :

- déclaré la SAS ISS FACILITY MANAGEMENT recevable mais non fondée en son action en inopposabilité,

- dit que la décision de prise en charge de la maladie de M. V... éait opposable à l'employeur.

C'est le jugement attaqué par la SAS ISS FACILITY MANAGEMENT qui, aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, demande à la cour :

- de déclarer son recours recevable,

- d'infirmer le jugement rendu,

- à titre principal, de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. V..., en soutenant que le questionnaire ne lui a pas été envoyé par la caisse et que l'avis du CRRMP du 15 avril 2016 est irrégulier pour avoir été pris dans un dossier où ne figurait pas son rapport,

- à titre subsidiaire, de constater l'absence de caractère professionnel de la maladie, de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge ou de désigner pour le moins un nouveau CRRMP, en soutenant que le CRRMP n'a eu aucune information sur les véritables conditions de travail de M. V...,

- à titre très subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale pour vérifier l'imputabilité des soins et arrêts de travail à la maladie, considérant qu'il existe une disproportion entre la maladie déclarée et 583 jours d'arrêt de travail,

- et de condamner la caisse à lui verser la somme de 2.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, le débouté de la société appelante de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation à lui verser la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

SUR CE,

Il ne sera pas répondu aux demandes de constatations ou de «dire et juger» qui ne saisissent pas la cour de prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile.

La société SAS ISS FACILITY MANAGEMENT a relevé appel du jugement dans les formes et délais légaux, et son appel est recevable.

La caisse a reconnu le caractère professionnel de la maladie de M. V... après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Lyon Rhône-Alpes en date du 15 avril 2016.

Le comité avait été saisi sur le fondement de l'alinéa 4 de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, pour établir le lien entre la profession du salarié et la maladie déclarée, le taux d'incapacité permanente prévisible du salarié ayant été évalué à plus de 25% par le médecin conseil de la caisse.

La société appelante soutient que la caisse aurait saisi le comité sans respecter le principe du contradictoire en omettant de lui adresser le questionnaire. Il en résulterait une violation des articles R 441-11 et R 441-14 du code de la sécurité sociale, lui rendant inopposable la prise en charge par la caisse de la maladie professionnelle.

Mais la caisse rapporte la preuve qu'elle a bien informé l'employeur de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle, par lettre recommandé du 19 août 2015 dont l'accusé de réception a été signé le 21 août 2015.

Il est également établi par les pièces que produit la caisse que la demande de renseignement a bien été adressée à l'employeur avec le précédent courrier le 19 août 2015. Une relance lui a été adressée par la caisse le 2 septembre 2015. Celle-ci a ensuite demandé une enquête extérieure à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère et l'a relancée deux fois pour obtenir des éléments d'information.

La caisse a également informé l'employeur de l'envoi du dossier de M. V... au CRRMP, par lettre recommandée du 29 septembre 2015 dont l'accusé de réception a été signé le 1er octobre 2015. L'employeur n'a jamais cherché à consulter le dossier détenu par la caisse.

Il est ainsi parfaitement établi que la société ISS FACILITY MANAGEMENT a été régulièrement tenue informée de la procédure, et qu'elle est restée totalement passive, malgré les multiples relances de la caisse.

La société ISS FACILITY MANAGEMENT est donc particulièrement malvenue à prétendre tirer profit de sa propre carence, l'absence au dossier d'instruction de questionnaire rempli par l'employeur relevant de sa totale et unique responsabilité.

Ce moyen est donc mal fondé.

La société ISS FACILITY MANAGEMENT se fonde ensuite sur l'article D 461-27 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2016-756 du 7 juin 2016, pour reprocher au comité de ne pas avoir intégré parmi ses membres, s'agissant d'une pathologie psychique, un spécialiste en maladies psychiques.

Mais la société appelante invoque des dispositions qui n'existaient pas lorsque le comité a rendu son avis le 15 avril 2016, et qui ne font de surcroît qu'offrir une possibilité dont la non utilisation n'a aucune conséquence sur la régularité de l'avis rendu par le comité.

Ce moyen est dénué de sérieux, et la demande principale de l'appelante doit être rejetée.

A titre subsidiaire, la société appelante conteste le caractère professionnel de la maladie de M. V..., et considère que ce caractère a été reconnu en l'absence totale d'informations relatives au contexte dans lequel M. V... aurait été victime d'une dégradation de ses conditions de travail ayant entraîné un syndrome anxio-dépressif.

En application de l'article L 461- 1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau, et peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime, et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente au moins égale à 25%.

En l'espèce, lors du colloque médico administratif du 29 septembre 2015, le médecin conseil a estimé que l'incapacité permanente prévisible était supérieure à 25%.

Par conséquent la caisse a procédé à une enquête administrative. M. V... a été longuement entendu le 8 juillet 2015. Le salarié y expose de façon chronologique, de manière particulièrement circonstanciée, la longue liste des vexations, humiliations et avanies en tous genres qui lui ont été infligées à partir de l'été 2014 sur son lieu de travail, jusqu'à l'apparition de la maladie. Cette audition a été confirmée par de nombreuses pièces, essentiellement des lettres et messages électroniques, qui ont été annexées à l'enquête et sont produites par la caisse aux débats.

La société appelante ne peut pas sérieusement soutenir que l'enquête n'a permis de recueillir aucune information sur la considérable dégradation des conditions de travail de M. V..., et il lui appartenait de donner à la caisse sa propre version des faits en temps utile, plutôt que de lui reprocher les conséquences de sa propre carence.

C'est en considération de ces pièces tout à fait pertinentes et cohérentes, et après avis du médecin du travail, que le comité de reconnaissance régional des maladies professionnelles a reconnu l'existence d'une maladie essentiellement et directement causée à M. V... par son travail.

Cet avis motivé s'imposait à la caisse, par application de l'article L 315-2 du code de la sécurité sociale.

Enfin, l'employeur ne prouve pas que la maladie aurait une cause étrangère au travail, et rien ne permet à la cour de considérer qu'elle ne présenterait pas de caractère professionnel.

La demande d'inopposabilité de la décision de la caisse doit être de ce chef également rejetée, et rien ne justifie la désignation d'un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

A titre très subsidiaire, la société ISS FACILITY MANAGEMENT conteste enfin l'imputabilité des arrêts de travail prescrits à M. V... consécutivement à sa maladie apparue le 29 mai 2015, et demande à la cour d'ordonner une expertise.

En application de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale et d'une jurisprudence constante, la présomption d'origine professionnelle de la maladie, qu'elle soit dans un tableau de maladie professionnelle ou hors tableau, pour les lésions non détachables du sinistre initial, s'étend à l'ensemble des arrêts de travail et soins continus qui s'ensuivent.

L'employeur ne peut la renverser qu'en démontrant que les soins prodigués ont une cause totalement étrangère au travail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

La société appelante ne peut pas se contenter d'invoquer une 'disproportion' entre les lésions constatées et les soins et arrêts pour prétendre qu'il existerait un litige médical justifiant une mesure d'investigation.

Elle produit une note technique du docteur W... en date du 13 mars 2017, mais ce praticien ne fait que constater que peu de pièces lui sont communiquées, qu'il ne peut pas se prononcer sur les traitements prescrits, et qu'il y a lieu de s'interroger sur une 'éventuelle stabilité de lésion'. Il n'est nulle part question dans cette note d'un possible état pathologique préexistant susceptible de remettre en cause la présomption légale.

Il n'est pas contesté que le médecin conseil de la caisse a régulièrement contrôlé l'état de santé de M. V..., et postérieurement à la note du docteur W..., une consolidation est intervenue le 21 septembre 2018, avec attribution à M. V... d'un taux d'incapacité permanente partielle de 25%.

Cette décision a été notifiée à la société appelante le 25 octobre 2018, et il lui appartient si elle l'estime utile de diligenter une procédure en contestation de ce taux d'incapacité, qui n'est pas l'objet de la présente instance.

La demande très subsidiaire d'expertise ne se fonde sur aucun motif légitime.

Il convient donc de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter la société ISS FACILITY MANAGEMENT de l'ensemble de ses demandes.

L'équité commande tout particulièrement de condamner la société ISS FACILITY MANAGEMENT à verser à la caisse la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de condamner aussi la société appelante qui succombe au paiement des dépens d'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l'appel interjeté par la société SAS ISS FACILITY MANAGEMENT,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Déboute la société SAS ISS FACILITY MANAGEMENT de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la société SAS ISS FACILITY MANAGEMENT à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'ARDECHE la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/00141
Date de la décision : 10/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L4, arrêt n°18/00141 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-10;18.00141 ?
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