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07/05/2019 | FRANCE | N°17/01326

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 07 mai 2019, 17/01326


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 07 MAI 2019

(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/01326 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2PM3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F 15/00115





APPELANT



Monsieur [N] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Loca

lité 1]

Représenté par Me Philippe RENAUD de la SELARL RENAUD, avocat au barreau d'ESSONNE







INTIMÉE



SAS SOMEHO (Société des Magasins Economiques de Houilles)

[Adresse 2...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 07 MAI 2019

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/01326 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2PM3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F 15/00115

APPELANT

Monsieur [N] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

Représenté par Me Philippe RENAUD de la SELARL RENAUD, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMÉE

SAS SOMEHO (Société des Magasins Economiques de Houilles)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 781 597 380

Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre

M. Denis ARDISSON, Président de chambre

M. Didier MALINOSKY, Vice-président placé

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Claudia CHRISTOPHE

ARRET :

- Contradictoire

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Anne HARTMANN, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Le Groupe FRANPRIX a engagé Monsieur [N] [F], né en 1968, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 30 septembre 1991 en qualité d'adjoint au chef du magasin.

D'autres contrats ont été signés par la suite avec la société Superette Yvelines pour un emploi identique dans une supérette se trouvant à [Localité 2]. Le 1er octobre 1994, Monsieur [F] est devenu chef magasin, premier degré, coefficient 200.

Ce contrat s'est poursuivi dans le cadre de la société SIF à [Localité 3], avec reprise d'ancienneté au 30 septembre 1991.

Le 1er juin 2000 Monsieur [F] a été muté sur une autre société du même groupe, la société Someho pour prendre les fonctions de responsable du magasin à [Localité 4]. Le salaire mensuel de base est alors fixé à 12.900FF par mois et assorti de primes, selon avenants de 1995 et 2000.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Monsieur [F] a été victime d'une maladie professionnelle constatée en avril 2013 et il a ensuite repris son travail en un « mi-temps » thérapeutique.

Les relations se sont progressivement dégradées entre les parties.

Le 23 septembre 2014, Monsieur [F] a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes afin d'obtenir un rappel de primes.

Par ordonnance du 18 décembre 2014, le conseil a jugé qu'il n'y avait pas lieu à référé. Monsieur [F] a interjeté appel de cette ordonnance.

Sollicitant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, outre un rappel de salaire sur primes, Monsieur [F] a saisi le 9 février 2015, le conseil de prud'hommes de Longjumeau.

Par plusieurs courriers, la société lui a proposé un projet d'avenant.

Par lettre du 11 mars 2016, Monsieur [F] a été convoqué à un entretien préalable de licenciement fixé au 31 mars 2016.

L'employeur a entre-temps annulé cet entretien.

Le 29 avril 2016, la société a envoyé à Monsieur [F] un autre projet d'avenant qu'il a refusé.

Par lettre datée du 3 juin 2016, Monsieur [F] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 17 juin suivant.

Monsieur [F] a ensuite été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 11 juillet 2016.

La lettre de licenciement mentionne en substance :

- une attitude persistante visant à refuser tout échange avec sa hiérarchie sur des points contractuels pourtant fondamentaux, engendrant une situation de blocage ;

- une attitude systématique de dénigrement et d'opposition à sa hiérarchie, perturbant le bon fonctionnement de la Société ;

- des manquements inacceptables à son obligation de loyauté.

A la date du licenciement, Monsieur [F] avait une ancienneté de 24 ans et 10 mois.

La SAS Someho occupait à titre habituel plus de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Par jugement du 5 janvier 2017, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a statué comme suit :

« - Dit que la demande de résiliation judiciaire de Monsieur [F] n'est pas justifiée

- Dit que le licenciement de Monsieur [F] repose sur une cause réelle et sérieuse

- Déboute Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes

- Déboute la société Someho de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne Monsieur [F] aux éventuels dépens ».

Par déclaration du 19 janvier 2017, Monsieur [F] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 28 juin 2017 (dernières conclusions rejetées car communiquées postérieurement à l'ordonnance de clôture : arrêt du 15 janvier 2019) demande à la cour de :

Recevoir Monsieur [F] en son appel, l'y déclarer bien fondé'

Constater que Monsieur [F] n'a pas bénéficié d'un procès loyal en première instance et que son affaire n'a pas été étudiée par un juge impartial,

En conséquence,

Vu l'article 6-1 de la CEDH, annuler purement et simplement le jugement entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant nouveau :

Vu les demandes formées et les pièces versées aux débats,

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Vu les pièces produites et les lettres comportant mise en demeure, restées infructueuses,

Vu la procédure de référé et l'acquiescement de la Société Someho aux principes de détermination de l'assiette du salaire variable (primes) et aux demandes qui avaient été formées dans la précédente procédure,

Vu les articles L.3121-43 et suivants du Code du Travail,

- déclarer nulle la convention de forfait incluse dans l'« avenant mutation » du 1er juin 2000,

Sur les rappels de salaires :

- condamner la société Someho à verser à Monsieur [N] [F] les sommes suivantes : * rappel de salaire sur prime de démarque 2014........ 28.643,07 € * congés payés sur prime de démarche 2014 ................................................2.864,30 €

* rappel de salaire sur prime de démarque 2015 ............................... 26.730,40 €

* congés payés sur prime de démarque 2015 ..............................2.673,04 € * rappel de salaire sur dimanches travaillés 2014 ................................... 415,23 €

* congés payés sur dimanches travaillés 2014 ........................................... 41,52 €

* rappel de salaire sur dimanches travaillés 2015 ................................... 519,04 €

* congés payés sur dimanches travaillés 2015 .......................................... 51.90 € * majoration du 1er mai ...................................................................... 129,76 € * congés payés sur majoration 1er mai ..................................................... 12,97 €

* congés payés sur somme versée procédure de référé ..............................2.633,94 €

* rappel de salaire sur prime de démarque ........................................ 19.904,66 €

* congés payés sur prime de démarche 2016 .............................................. 1.990,46 €

* rappel de salaire sur CA mai, à septembre 2016 ............................... 2.401,49 €

* congés payés sur CA mai, à septembre 2016 ....................................... 240,14 €

sous déduction des montants perçus en cours de procédure de référé,

lesdites sommes avec intérêt de droit et capitalisation des intérêts par année entière (anatocisme) comme il est dit à l'article 1154 du code Civil à compter de la première citation en justice soit le 29 janvier 2015,

Sur la nullite du licenciement  :

- déclarer nul et de nul effet le licenciement notifié le 11 juillet 2016, avec toutes conséquences de droit ;

- condamner la société Someho SAS à réintégrer Monsieur [N] [F] dans les mêmes fonctions et dans le cadre de la même situation contractuelle, notamment en ce qui concerne sa rémunération,

- condamner à ce titre la société Someho SAS à verser à Monsieur [N] [F] une somme de 144.000 € à titre de rappel de salaire, et une somme de .400 € au titre des congés-payés sur rappel de salaires,

- sur refus de réintégration, tirer les conséquences du licenciement nul, au sens du préavis, de l'indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour les montants indiqués infra,

plus subsidiairement,

sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, aux torts et griefs de la société Someho SAS, avec les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ces conséquences étant appréciées, compte tenu du statut protecteur : à la date du prononcé de l'arrêt à intervenir,

En conséquence,

- condamner la société Someho SAS à verser à Monsieur [N] [F] les sommes suivantes :

* indemnité de préavis sur la base d'un salaire annuel moyen de (61.624,70€ / 12) 5.135,39 € x 3 .............................................................................................. 15.406,17 €

* congés-payés sur préavis .................................................................. 1.540,61 €

* indemnité de congés payés pour 79 jours au 31 décembre 2015 + 7,5 jours en 2016, soit 86,5 jours sur la base de 5.135,39 € ............................................. 18.508,80 €

Sous déduction de ce qui a été versé avec l'arrêté de compte de fin de contrat en octobre 2016,

* indemnité de licenciement (article 8 annexe 3 (cadre) de la CCN - IDCC 2216) :

(3/10ème x 10 x 5.135,39 €) : 15.406,17 €

(4/10ème x 10 x 5.135,39 €) : 20.541,56 €

(5/10ème x 5,7 x 5.135,39 €) : 14.635,86 €

Soit au total................................................................................... 50.583,59 €

Sous déduction de l'indemnité versée avec l'arrêté de compte de fin de contrat en octobre 2016

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .................. 180.000,00 €

Lesdites sommes avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts à compter de la citation en justice,

- condamner la société Someho SAS à verser à Monsieur [N] [F] une somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- condamner la société Someho SAS en tous les dépens de première instance et d'appel ;

Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 2 juin 2017, la SAS Someho demande à la cour de :

- dire et juger que la Société n'a commis aucun manquement et, a fortiori, aucun manquement grave ;

- dire et juger que le licenciement de Monsieur [F] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- confirmer dans son intégralité le jugement du Conseil de prud'hommes

de Longjumeau,

- débouter Monsieur [F] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Monsieur [F] à verser à la Société la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux éventuels dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 novembre 2018.

Par arrêt avant-dire droit rendu le 15 janvier 2019, la Cour a rejeté la révocation de l'ordonnance de clôture et écarté des débats les écritures de l'appelant transmises le 14 novembre 2018 après l'ordonnance de clôture ainsi que les pièces nouvelles y attachées.

L'affaire a été plaidée au fond le 5 mars 2019.

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande d'annulation du jugement déféré

Au visa de l'article 6§1 de la CEDH et de sa violation, Monsieur [F] conclut à la nullité du jugement déféré au motif que le bureau de jugement n'aurait pas consulté les pièces produites et aurait par ailleurs statué sur le caractère justifié du licenciement alors même que cela ne lui était pas demandé.

La société Someho n'a pas pris position sur ce point.

Il est constant que par application de l'article 6§1de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ».

Monsieur [F] critique la décision rendue par les premiers juges en estimant que si ceux-ci avaient consulté les pièces du dossier ils auraient donné une autre solution au problème posé (concernant le taux de démarque anormal non établi et les dispositions de la convention collective applicable concernant le forfait-jours et les demandes de paiement des dimanches travaillés)et qu'en outre ceux-ci ont statué « ultra petita » concernant le licenciement.

L'absence d'impartialité du tribunal ne peut cependant être déduite comme le soutient Monsieur [F] du seul fait que celui-ci aurait fait une appréciation erronée des faits ou des dispositions applicables, à supposer même celle-ci établie.

C'est en outre à tort qu'il soutient que le conseil saisi aurait statué « ultra petita » sur le licenciement de Monsieur [F], car si en effet ce dernier a conclu exclusivement sur la résiliation judiciaire en première instance, il apparaît que la société Someho avait demandé quant à elle, à la juridiction saisie, de dire que le licenciement était fondé.

L'absence d'impartialité dénoncée n'étant pas établie, la demande d'annulation du jugement déféré sera rejetée.

Sur la demande de nullité de la convention de forfait

Au préalable Monsieur [F] demande à la cour de prononcer la nullité de la convention de forfait prévue à son contrat de travail, au motif que cette convention a été conclue en l'absence d'accord d'entreprise signé sur ce point au sein de la société Someho et pour défaut d'entretien annuel sur la charge de travail du salarié.

La société Someho est taisante sur ce point.

Le contrat de travail de Monsieur [F] stipule que « du fait de la nature de vos fonctions et de votre degré d'autonomie dans l'organisation de votre temps de travail, votre rémunération est désormais établie sur la base de 215 jours de travail dans le cours de l'année.

Vous devez organiser votre travail afin de pouvoir prendre vos jours de repos et de congés. Vous devez impérativement respecter les règles légales relatives au repos quotidien et au repos hebdomadaire. L'enregistrement de vos journées de travail, de repos et de congés, se fera à l'aide de la fiche de présence ».

La convention de forfait résulte d'un accord entre un employeur et un salarié prévoyant une rémunération incluant le salaire habituel et les heures supplémentaires ou d'autres éléments de salaire.

L'article L. 3121-43 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : « Peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévue par l'article L.3121-39 :

1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service, ou de l'équipe où ils sont intégrés ;

2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées ».

Il résulte de l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, que toute convention de forfait en jours sur l'année doit être conclue en application d' un accord d'entreprise ou d'une convention collective. De surcroît, la validité de la convention de forfait suppose que les stipulations de l'accord applicable assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

En l'espèce, la convention collective de détail et de gros à prédominance alimentaire dans son article 5.7.2 dispose que « le forfait annuel en jours peut être convenu avec les cadres autonomes, c'est-à-dire qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein du service ou de l'équipe à laquelle ils sont rattachés, conformément à l'article L. 3121-43 du code du travail.
Le forfait annuel en jours est prévu au contrat de travail, ou dans un avenant à celui-ci, fixant le nombre annuel de jours sur la base duquel le forfait est défini. Le bulletin de paie doit faire apparaître que la rémunération est calculée selon un nombre annuel de jours de travail, et indiquer ce nombre.
L'existence à des périodicités diverses de certaines contraintes, en particulier liées à des réunions, à des rendez-vous, ou rendues nécessaires par le bon fonctionnement de l'entreprise, est inhérente à toute activité professionnelle exercée au sein d'une collectivité de travail et n'est pas constitutive d'une autonomie insuffisante au regard du forfait en jours. Toutefois, ces contraintes ne doivent pas être permanentes.
La rémunération doit tenir compte des responsabilités confiées au salarié dans le cadre de sa fonction. » 

En application l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et de l'article L. 3121-39 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Les dispositions de l'article 5.7.2 précité de la convention collective applicable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé de la salariée.

Par ailleurs aucun accord d'entreprise au sein de la société Someho, prévoyant de telles garanties, n'est venu pallier les lacunes de l'accord collectif de branche.

La convention de forfait contenue dans le contrat de travail du salarié est donc nulle, ce dont il résulte que Monsieur [F] est bien fondé à demander le paiement d'éventuelles heures supplémentaires accomplies au delà de la durée légale.

Sur la demande de résiliation judiciaire

Monsieur [F] sollicite à titre principal la résiliation judiciaire de son contrat de travail en invoquant les manquements suivants de son employeur :

' non-paiement de la prime de démarque 2014 et 2015 pour 55.373,47 euros bruts ;

' non-paiement de dimanches travaillés 2014 et 2015 pour 1.064,03 euros bruts ;

' non-paiement des congés payés sur la prime de dépassement de forfait pour 2.633,94 euros bruts ;

' non-paiement des heures supplémentaires ;

' avoir travaillé au-delà de son mi-temps thérapeutique ;

' avoir subi un chantage au licenciement ;

' manquement à l'obligation de santé de résultat ;

La société Someho conclut à la confirmation du jugement déféré qui a débouté le salarié de ce chef de demande.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur; la date de la rupture est fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

Seuls peuvent être de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur des faits, manquements, ou agissements de ce dernier d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du travail.

Il convient d'examiner les manquements successivement.

Sur la demande de rappels de prime de démarque

Pour infirmation du jugement déféré qui l'a débouté de cette prétention, Monsieur [F] soutient qu'au vu des données contractuelles et du nécessaire acquiescement de la société Someho qui dans le cadre de la procédure de référé s'est exécutée des montants réclamés à ce titre pour les exercices 2012 et 2013, ses demandes pour les exercices 2014, 2015 et 2016 sont incontestables.

En faisant observer qu'il y a lieu de calculer cette prime sur le chiffre d'affaire global du magasin et non seulement sur le chiffre d'affaires libre-service, il réclame à ce titre les sommes suivantes :

- exercice 2014 : 28.643,07 €

- exercice 2015 : 26.730,40 €

- exercice 2016 : 19.904,66 € (correspondant au chiffre d'affaires du 01/01/2016 au 10/10/2016 soit 6.634.887,25 €).

Pour s'opposer à la demande, la société Someho réplique que pour les exercices 2014 et 2015 Monsieur [F] ne pouvait au vu du taux de démarque retenu, franchise déduite prétendre à une prime de démarque. La société n'a pas conclu sur la demande relative à l'exercice 2016.

Les dispositions contractuelles relatives à la prime de démarque sont libellées comme suit:

« Base : C.A.

Prime : La démarque est la différence entre le stock théorique et le stock physique. Rentre dans

la démarque tout ce qui n'est pas crédité au magasin avec l'accord de la Direction.

Une franchise de 0,40% est tolérée pour le vol clients et les pertes et casses connues.

Le responsable du magasin touche la moitié de la différence entre sa démarque et le maximum admis de 1%.

ex : démarque 0,68%

Différence entre 0,68% et 1% = 0,32%

Prime : 0,16%

La prime maximum est de 0,30% (la moitié de la différence entre 0,40% et 1% même si la

démarque du magasin est inférieure à 0,40%.

Il est admis par les deux parties qu'une démarque supérieure à 1% sur deux inventaires

consécutifs est le résultat d'une faute grave de gestion entraînant la rupture de ce contrat sans préavis ni indemnité.

Versement : annuel, après les résultats de l'inventaire de bilan.(...) »

S'agissant d'une prime calculée d'après le chiffre d'affaires de la société, il est cohérent ainsi que le soutient la société et contrairement à ce que réclame Monsieur [F], que le chiffre d'affaire retenu soit hors taxe, notamment hors TVA, correspondant à ce qu'a perçu la société.

De même, Monsieur [F] procède par affirmation sans le prouver que le chiffre d'affaire retenu tant en 2014 qu'en 2015, apparaissant en outre dans les bilans est le chiffre d'affaires libre-service et non celui de tout le magasin (incluant le rayon boucherie).

Au vu des données chiffrées versées aux débats par la société Someho en pièce 32, non contestées dans leur quantum (en ce qui concerne notamment les taux de démarque) la société intimée démontre, sans être utilement contredite, que tant en 2014 qu'en 2015, la démarque retenue, déduction faite de la franchise de 0,40€ était supérieure à 1%, de sorte que Monsieur [F] ne pouvait prétendre à une prime de démarque ni pour l'année 2014 ni pour l'année 2015.

C'est à tort que Monsieur [F] se borne dans ses calculs pour les années 2014 et 2015, à réclamer la prime maximum de 0,30% sur le chiffre d'affaire total annuel de l'année de référence, sans se rapporter à la démarque dégagée conformément au texte précité.

Il ne peut dès lors pour les mêmes raisons et bien que la société intimée qui n'a pas conclu sur ce point n'a pas fourni la démarque pour l'année 2016 (jusqu'en octobre) prétendre appliquer ce pourcentage de 0,30% sur le chiffre d'affaires arrêté selon lui au 10 octobre 2016 pour réclamer sa prime de démarque.

En effet, il ressort de la pièce produite par Monsieur [F] lui-même (n° 125) intitulée tableau de synthèse d'inventaire établi au 22 juin 2016, faisant état d'un chiffre d'affaire à cette date (entre le 2 décembre 2015 date du dernier inventaire au sein du magasin exploité par Monsieur [F], et le 22 juin 2016) et d'une démarque totale de 1,87%, de sorte que malgré la déduction de la franchise de 0,40€, la démarque de 1,47% à cette date n'ouvrait pas droit, pour 2016, pour Monsieur [F], en l'état des données fournies à la cour, à une prime de démarque pour 2016.

C'est à bon droit que Monsieur [F] a été débouté de ses prétentions de ce chef.

Sur la réclamation relative à la prime de chiffre d'affaire TTC

Monsieur [F] réclame une prime sur chiffre d'affaires contractuelle pour les mois de mai, juin, juillet et septembre 2016 non versée pour un total de 2401,49€ outre des congés payés pour 240,14€.

La société Someho ne conclut pas sur ce point.

Dès lors en l'absence de contestation de cette prime contractuelle, il sera fait droit aux prétentions de Monsieur [F].

Sur le rappel de salaires relatifs aux dimanches travaillés en 2014 et 2015

Pour infirmation du jugement déféré qui l'a débouté de ce chef de demande, Monsieur [F] soutenant que la société Someho a imposé à ses salariés des ouvertures du dimanche réclame en vertu de la convention collective leur rémunération pour les exercices 2014 et 2015, au-delà du forfait annuel avec une majoration de 20%, soit un total de 1064,03€ majoré des congés payés à hauteur de 106,40€.

La société Someho s'oppose à cette demande en rappelant que l'appelant disposait d'un forfait jours qu'il lui appartenait de respecter en établissant les plannings et que de surcroît, il se fonde sur un article erroné de la convention collective.

Il a toutefois été jugé plus haut que la convention de forfait contractuelle était nulle de sorte que Monsieur [F] peut prétendre au paiement des heures supplémentaires en application des règles de droit commun.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, Monsieur [F] expose qu'en tant que responsable de magasin il a travaillé en 2014 durant 16 dimanches à raison de 6 heures (majorées à 20%) et en 2015 durant 15 dimanches, dont 5 majorés à 20% et le solde l'étant à 30%.Il réclame en outre la majoration du 1er mai pour l'année 2015.

La société intimée, qui ne peut utilement invoquer la convention de forfait, laquelle a été annulée, ne justifie pas de l'horaire réellement effectué par Monsieur [F], de sorte qu'il sera fait droit à ses prétentions de ce chef. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la réclamation relative aux congés payés sur les sommes versées

Monsieur [F] réclame le paiement des congés payés sur les primes de dépassement de forfait versées par l'employeur dans le cadre de la procédure de référé. Il rappelle que cette prime n'a jamais été payée par l'employeur mais que celui-ci a nécessairement acquiescé au principe de la demande en lui versant la somme réclamée pour les années 2011 à 2013 pour un total de 13.105,76€ net sans toutefois lui régler les congés payés afférents. Il réclame par conséquent à ce titre une somme de 2.633,94€ (soit 10% de 26.339,44€).

La société intimée s'oppose à cette demande en rappelant que si elle a payé la somme réclamée c'est avant tout pour tenter de renouer le contact avec Monsieur [F] qui ne justifie pas du principe de sa créance.

Outre le fait que Monsieur [F] n'explicite pas son calcul de 26.339,44€, il convient d'estimer que Monsieur [F] n'établit pas le principe même de la créance qu'il réclame, d'autant que dans son courrier du 1er février 2016 (pièce 84 salarié) il a reconnu ne pouvoir prétendre à cette prime pour les années 2014 et 2015 en raison de ses arrêts de maladie étant rappelé qu'il a sollicité dans la présente instance la nullité de la convention de forfait.

C'est à bon droit qu'il a été débouté de ses prétentions de ce chef.

Sur les manquements de l'employeur à son obligation de santé de résultat

Monsieur [F] soutient que l'employeur a en outre manqué à son obligation de santé de résultat en le contraignant à travailler au-delà du mi-temps thérapeutique préconisé par le médecin du travail et ne s'est pas préoccupée de la santé de son salarié contraint de pallier sans cesse les absences de salariés en nombre insuffisant.

La société intimée réplique à juste titre que sur tous ces points Monsieur [F] procède par affirmation sans apporter d'éléments probants. De sorte qu'il convient d'estimer que le manquement de l'employeur à ce titre n'est pas établi.

Sur le chantage au licenciement

Monsieur [F] estime que l'employeur a cherché à lui imposer par chantage au licenciement la signature d'un avenant à son contrat de travail qui lui était totalement défavorable.

La société intimée réplique qu'en réalité elle a cherché à unifier les contrats en cours des responsables de magasin en son sein et qu'il était ainsi prévu une forte augmentation du fixe et une révision de la part variable de sorte qu'il ne peut être prétendu que la situation était défavorable. Elle conteste tout chantage même si elle reconnaît avoir adressé à Monsieur [F] différents avenants que ce dernier n'a pas signé.

En l'état du dossier, il convient d'estimer que Monsieur [F] n'établit pas le chantage dont il estime avoir fait l'objet. Ce grief ne sera pas retenu.

Au regard du contexte particulier de l'annulation de la convention de forfait ouvrant droit au paiement d'heures supplémentaires, le non paiement des heures de travail relatives aux dimanches travaillés,seul grief retenu, représentant en outre, en l'espèce un montant modeste, n'est pas de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail et par conséquent ne constitue pas un manquement suffisamment grave pour prononcer la résiliation du contrat de travail.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Sur le licenciement

A titre subsidiaire, Monsieur [F] soutient que son licenciement est nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse.

Sur la nullité du licenciement

Au soutien de la nullité de son licenciement, il expose que la société intimée s'en est pris à sa personne en le harcelant dans le cadre de son contrat de travail, pour le faire renoncer à ses créances de salaire, lui faire abandonner le bénéfice de son contrat de travail et lui imposer de signer un avenant non négocié totalement défavorable. Il ajoute que ce comportement d'intimidation a porté atteinte à sa dignité et à sa santé mais aussi à ses droits en obérant son avenir professionnel et qu'il a été victime d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail.

L'employeur s'oppose à la demande en faisant valoir que Monsieur [F] n'apporte aucun élément laissant présumer l'existence d'un harcèlement.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige prévoit que « lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

Lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui de ses prétentions relatives à la nullité de son licenciement au regard de l'existence d'une situation de harcèlement moral subie pendant plusieurs mois, Monsieur [F] se borne à évoquer des atteintes à sa personne émanant de l'employeur destinées selon lui à le faire renoncer à ses créances salariales notamment lors de l'audience de référé et lui faire abandonner le bénéfice de son contrat de travail au profit d'un avenant non négocié totalement défavorable.

Outre le constat que Monsieur [F] n'évoque aucun fait ni illustration concrète des pressions dont il affirme avoir été victime autres que les avenants à son contrat de travail qui lui ont été envoyés, il ne produit aucun élément de nature à démontrer que ses conditions de travail en lien avec le harcèlement moral dénoncé seraient à l'origine de la dégradation de sa santé, puisque les arrêts de travail produits évoquent une tendinopathie de l'épaule droite qui justifiera ultérieurement une reprise en mi-temps thérapeutique. En conséquence, en l'absence de données de fait circonstanciées de nature à présumer l'existence d'un harcèlement moral, les prétentions de Monsieur [F] à ce titre seront rejetées, y compris celles tenant à la nullité du licenciement avec ses conséquences financières et à la demande de réintégration.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

La lettre de licenciement de 5 pages adressée le 11 juillet 2016 pointe une absence de loyauté de Monsieur [F] à l'égard de la société caractérisé les manquements suivants :

-un refus de tout dialogue ou échange avec la hiérarchie concernant sa rémunération ;

-une posture de rupture des relations contractuelles quitte à travestir la réalité des faits pour piéger la société ;

-une critique de la hiérarchie et en particulier le manager Monsieur [W].

A cet égard, la lettre de licenciement arrive à la conclusion suivante: « Or, votre attitude persistante, qui vient d'être détaillée, visant à refuser tout échange avec votre hiérérarchie sur des points contractuels pourtant fondamentaux a engendré une situation de blocage qui n'est plus tenable pour notre société. Votre attitude systématique de dénigrement et d'opposition à votre hiérarchie perturbe le bon fonctionnement de notre société.

Nous sommes donc contraints de prendre la décision que vous vous êtes efforcé depuis de nombreux mois à nous faire prendre, à savoir la rupture de nos relations contractuelles.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Votre préavis d'une durée de trois mois, que nous vous dispensons d'effectuer mais qui vous sera néanmoins rémunéré aux échéances normales de la paye, commencera à courir à compter de la date de première présentation de ce courrier.(...) ».

Pour infirmation du jugement déféré, Monsieur [F] soutient que le seul reproche qui ressort de la lettre de licenciement est son refus de signer un avenant à son contrat de travail destiné à diminuer sa rémunération. Il conteste ainsi l'objectif avancé par la société Someho d'harmoniser les contrats de travail des directeurs de magasin et souligne que le dénigrement qui lui est reproché n'est pas établi.

La société Someho réplique que Monsieur [F] a refusé de façon persistante tout dialogue engendrant une situation de blocage et a manqué à son obligation de loyauté.

En application des dispositions des articles L1235-1 et L1333-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il est acquis aux débats que la société Someho, dans une démarche revendiquée tendant à l'harmonisation des rémunérations de chefs de magasin du groupe Franprix, a souhaité faire évoluer les conditions de rémunération et de la clause de forfait de Monsieur [F], son dernier contrat datant du 1er juin 2000, ce que Monsieur [F] n'a pas accepté.

Il résulte du dossier que l'opposition de Monsieur [F] à l'évolution proposée, s'est ensuite cristallisée au travers de réclamations financières relatives aux primes de démarque, sur chiffre d'affaires, de dimanches travaillés au-delà du forfait jour et de prime de dépassement de forfait, avant d'aboutir à une situation conduisant Monsieur [F] à former une demande de résiliation judiciaire et la société à prononcer d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

En effet, il est établi qu' il a persisté à ne pas vouloir donner suite aux avenants qui lui ont été successivement soumis en date des 1er octobre 2015, 1er novembre 2015, 8 février 2016 alors même qu'il est soutenu par la société qu'il était procédé à une augmentation substantielle de son fixe (porté à 4.400€ en novembre 2015 alors qu'il n'était que de 2.854,63€) avec un variable pouvant atteindre 24% du fixe annuel à objectifs atteints.

Bien que l'employeur s'en défende, puisqu'il affirme dans la lettre de licenciement qu'il n'a pas mis en oeuvre le licenciement de Monsieur [F] pour un refus de signer l'avenant contractuel, il n'en reste pas moins, ainsi que le soutient le salarié, que ce refus de signature est incontestablement sous-jaçent. En effet, sous couvert d'un défaut de loyauté et d'un refus de dialogue de Monsieur [F] avec sa hiérarchie au sujet de sa rémunération, il lui est en réalité reproché de ne pas avoir donné suite aux différentes propositions d'avenant formulées alors même que dans un esprit de conciliation, la société avait accédé à ses demandes de rappels de salaires ayant généré un contentieux en référé. De la même façon, il lui est fait grief, toujours en raison de son refus, de s'enfermer dans une posture de rupture des relations contractuelles tout en maintenant par ailleurs ses revendications salariales.

Or, il est de droit que la rémunération contractuelle ne peut être modifiée ni dans son montant ni dans sa structure sans l'accord du salarié quand bien même il serait soutenu que le nouveau mode de rémunération serait plus favorable.

Dans ce cas, si l'employeur qui persiste dans son projet de modification, il doit licencier le salarié en indiquant les raisons de la modification et il appartient alors au juge de vérifier si le motif de la modification constitue une cause réelle et sérieuse, et si elle est justifiée puisque le licenciement à la suite du refus de la modification a pour cause le motif de cette modification.

Dans la mesure où le défaut de loyauté tel que caractérisé par l'employeur n'est pas vérifié, étant en outre précisé qu'il n'est rapporté aucun élément quant aux critiques de la hiérarchie reprochées à Monsieur [F], il convient d'en déduire que le licenciement initié est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les prétentions financières

Ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ouvre droit aux indemnités de rupture.

Se référant à un salaire moyen de 5.135,39 € bruts dont les modalités de calcul ne sont pas explicitées, Monsieur [F] sollicite le paiement de la somme de 15.406,17 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 1.540,61€ au titre des congés payés afférents.

Au vu des bulletins de paie et de l'attestation Pôle Emploi, le salaire moyen des douze derniers mois précédant la rupture s'élève à 4.554,09 €, pour les six derniers mois et à 3063,23 € pour les trois derniers mois, hors la prime exceptionnelle perçue en avril 2013, à 5.417 €.

Il sera en conséquence alloué à Monsieur [F] la somme de 13.662,28 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, dont à déduire les salaires versés au titre du préavis de 9189,71€ soit un solde restant dû de 4.472,57€ outre les congés payés afférents, soit la somme de 447,25€.

*

Monsieur [F] réclame, sous déduction de l'indemnité légale qui lui a été versée, une indemnité conventionnelle de licenciement de 50.583,59€ en se référant à tort à un salaire moyen de 5.135,39€.

Aux termes de l'article 8.1.2.de la convention collective applicable s'agissant des cadres ayant plus de 5 ans d'ancienneté au moment du licenciement, l'indemnité conventionnelle est calculée à compter de la date d'entrée dans l'entreprise :

- 3/10 de mois par année de présence, pour la tranche de 1 à 10 ans ;

- 4/10 de mois par année de présence, pour la tranche de 10 à 20 ans ;

- 5/10 de mois par année de présence, pour la tranche au-delà de 20 ans.

Le montant de l'indemnité ne peut dépasser un maximum de 12 mois.

Par référence au salaire moyen retenu de 4.554,09€, Monsieur [F] est en droit de prétendre à la somme de 43.264,03 € dont il y a lieu de déduire le montant de l'indemnité légale de licenciement apparaissant sur l'attestation Pôle emploi non contestée de 36.302,70€, soit un solde restant du de 6.961,33€.

*

Monsieur [F] sollicite la somme de 180.000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il ressort de sa pièce 144 qu'il a été admis au bénéfice de l'allocation de retour à l'emploi par Pôle Emploi à hauteur de 129,07 € par jour à compter du 15 novembre 2016 pour un montant non indiqué.

Il ne précise ni ne justifie de sa situation postérieure ou actuelle.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (27 salariés selon l'attestation Pôle emploi), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [F], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 80.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

*

Monsieur [F] réclame par ailleurs une somme de 18.508,80€ à titre d'indemnité compensatrice des 79 congés payés non pris au jour du licenciement, par référence au même salaire erroné évoqué plus haut. Or, il ressort de l'attestation Pôle emploi qu'il verse aux débats sans la contester qu'il a été rempli de ses droits à hauteur de 14.984,47€, de sorte qu'il sera débouté de sa demande de ce chef.

*

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée depuis son licenciement dans la limite de trois mois d'indemnités.

Sur le cours des intérêts

Il est rappelé qu'en application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant. Conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil recodifié sous l'article 1343-2 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

Sur les autres demandes

Partie perdante à titre principal, la SAS Someho sera condamnée aux dépens d'appel et d'instance , le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

L'équité commande d'allouer à Monsieur [F] une somme de 2.000€ par application de l'article 700 du Code de procédure civile, la société Someho étant déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

-REJETTE la demande d'annulation du jugement déféré.

-CONFIRME le jugement déféré en ce qui concerne le rejet de la demande de résiliation judiciaire et en ce qu'il a débouté les demandes formées par Monsieur [N] [F] au titre des rappels de primes de démarques pour 2014 et 2015 et 2016 et les rappels de congés payés sur les sommes versées dans le cadre de la procédure de référé et L'INFIRME quant au surplus.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant:

-CONDAMNE la SAS SOMEHO (Société des Magasins Economiques des Houilles) à payer à Monsieur [N] [F] la somme de 1064,03€ à titre de rappels de salaires pour les dimanches travaillés en 2014 et 2015 y compris la majoration du 1er mai, augmenté des congés payés y afférents à hauteur de 106,40€.

-DEBOUTE Monsieur [N] [F] de ses prétentions relatives au harcèlement moral et de sa demande de nullité du licenciement.

-DIT que le licenciement de Monsieur [N] [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

-CONDAMNE la SAS SOMEHO (Société des Magasins Economiques des Houilles) à payer à Monsieur [N] [F] les sommes suivantes :

- 4.472,57€ outre les congés payés afférents, soit la somme de 447,25€, à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis,

-6.961,33€.à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 80.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

-DEBOUTE Monsieur [N] [F] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés.

-RAPPELLE que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter de présent arrêt ;

-ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

-ORDONNE le remboursement par la SAS SOMEHO (Société des Magasins Economiques des Houilles) des indemnités chômages versées à Monsieur [N] [F] dans la limite de trois d'indemnité.

-CONDAMNE la SAS SOMEHO (Société des Magasins Economiques des Houilles) à payer à Monsieur [N] [F] la somme de 2.000€ par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

-DEBOUTE la SAS SOMEHO (Société des Magasins Economiques des Houilles) de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

-CONDAMNE la SAS SOMEHO (Société des Magasins Economiques des Houilles) aux dépens d'instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 17/01326
Date de la décision : 07/05/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°17/01326 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-07;17.01326 ?
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