Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 24 AVRIL 2019
(n° , 20 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 18/18100 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6C7Q
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation prononcé le 07 mars 2018 (N° 270 FS-P+B) emportant cassation partielle d'un arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS (pôle 5 - chambre 4) le 09 mars 2016 (RG n° 13/01884), sur appel d'un jugement rendu le 15 janvier 2013 par le tribunal de commerce de PARIS (RG n° 2012033422
APPELANTE
SAS FREE MOBILE
Ayant son siège social : [Adresse 3]
[Localité 5]
N° SIRET : 499 247 138 ([Localité 9])
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Ayant pour avocats plaidants : Me Jean-Louis FOURGOUX et Me Leyla DJAVADI de la SELARL FOURGOUX ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : P0069
INTIMÉE
SA SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE - SFR
Ayant son siège social : [Adresse 1]
[Localité 7]
N° SIRET : 343 059 564 ([Localité 9])
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Ayant pour avocats plaidants : Me Laura TERDJMAN et Me Thibaud D'ALES de CLIFFOR CHANCE, avocats au barreau de PARIS, toque : K0112
PARTIE INTERVENANTE
L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - QUE CHOISIR, dont le sigle est L'UFC - QUE CHOISIR,
Ayant son siège social : [Adresse 4]
[Localité 6]
association placée sous le régime de la loi du 1er juillet 1901
Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148
Ayant pour avocat plaidant : Me Erkia NASRY, avocat au barreau de PARIS, toque : G0060
Intervenante volontaire
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Février 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur
Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller,
Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [G] [B] dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Laurent BEDOUET, conseiller faisant fonction de Président par suite d'un empêchement du Président, et par Cécile PENG, greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Entre le 15 juin 2011 et le 24 septembre 2012, la Société française du radiotéléphone (la société SFR) a commercialisé des forfaits dits "[C]", associés à une offre "prix Eco", offrant aux consommateurs le choix entre :
- un abonnement à un service de téléphonie sans achat d'un terminal mobile, à un prix dit "prix Eco", et
- un forfait associé à l'acquisition d'un téléphone mobile, auquel cas, le consommateur pouvait, lors de la souscription de l'abonnement, opter soit pour l'acquisition du mobile à un prix dit "prix de référence" assorti d'un forfait "à prix Eco", soit pour l'acquisition du mobile à un prix "attractif", associée à un engagement d'abonnement "un peu plus cher chaque mois" jusqu'à son terme, de douze ou vingt-quatre mois, le forfait revenant ensuite au prix "Eco".
La société Free a assigné la société SFR devant le tribunal de commerce de Paris à bref délai le 21 mai 2012.
Elle soutenait en substance qu'en proposant aux consommateurs dans les formules [C], une formule d'achat du terminal mobile à prix attractif associée à un abonnement plus cher sur 12 ou 24 mois, la société SFR proposait en réalité une offre de crédit à la consommation (articles L.311-2 et L.311-1-4° du code de la consommation) sans dispenser aucune des informations précontractuelles et contractuelles prescrites par la loi (articles L. 311-6, L. 311-8 à L. 311-12, L. 311-18) ; elle faisait valoir, plus précisément, que lors de la souscription de l'opération, le prix du téléphone n'était pas payé comptant mais seulement pour une faible part et que le différentiel restant dû était inclus dans le montant de l'abonnement dont le paiement était échelonné, de sorte qu'il s'agissait d'une vente dont le prix était étalé dans le temps, ce qui constituait une vente à crédit ; elle considérait qu'il s'agissait d'une publicité illicite et déloyale, dès lors que la dissimulation aux consommateurs de la réalité du crédit facilitait et encourageait la souscription d'abonnements de façon déloyale.
SFR répliquait essentiellement que la vente avec subvention n'était ni juridiquement ni économiquement une opération de crédit, se référant, notamment, à cet égard, à la réponse apportée à une question d'un député par le Secrétaire d'Etat à la consommation, qui avait exclu que la pratique du subventionnement fût assimilée à une opération de crédit.
Par jugement du 15 janvier 2013, le tribunal a, sous le régime de l'exécution provisoire :
- débouté la société Free de toutes ses demandes,
- dite recevable la demande reconventionnelle de la la société SFR,
- condamné Free à payer à SFR la somme de 300 000 euros pour des pratiques de dénigrement,
- ainsi que celle de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 9 mars 2016, la cour d'appel de Paris a :
- rejeté les exceptions d'irrecevabilité,
- confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf sur la somme de 300 000 euros au titre du préjudice d'atteinte à l'image et à la réputation résultant du dénigrement,
- statuant à nouveau, porté cette somme à 500 000 euros,
- débouté SFR du surplus de ses demandes,
- condamné Free aux dépens et à verser à SFR la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 9 mars 2016, la cour d'appel de Paris a :
- rejeté les exceptions d'irrecevabilité,
- confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf sur la somme de 300 000 euros au titre du préjudice d'atteinte à l'image et à la réputation résultant du dénigrement,
- statuant à nouveau, a porté cette somme à 500 000 euros,
- débouté SFR du surplus de ses demandes,
- condamné Free aux dépens et à verser à SFR la somme de 50 000 euros au titre de l'article
Sur un pourvoi formé par Free, la Cour de cassation, a, dans un arrêt du 7 mars 2018, cassé l'arrêt de la cour d'appel, mais seulement en ce qu'il avait rejeté l'ensemble des demandes de Free, sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Il résulte de cet arrêt que la pratique de dénigrement est définitivement établie.
S'agissant de la qualification de l'opération de subvention des terminaux, la Cour de cassation a jugé que la cour d'appel s'était prononcée par des motifs impropres à exclure la qualification d'opération de crédit, laquelle s'entend, notamment, de toute facilité de paiement: « la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement en cas d'acquisition d'un terminal mobile à un prix symbolique n'était pas établi par le fait que la majoration mensuelle du forfait imposée au consommateur était concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile, qu'aucune autre explication rationnelle ne justifiait, ce dont il serait résulté que la société SFR s'assurait ainsi, en principe, du remboursement des sommes qu'elle avait avancées au moment de la vente du terminal mobile en obtenant de ses clients la souscription d'un forfait majoré pour une durée de douze ou vingt-quatre mois, peu important l'aléa, théorique ou en tous cas limité, pouvant affecter le remboursement des sommes avancées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ».
Elle a ensuite jugé que la cour avait violé l'article L. 311-1 du code de la consommation en motivant son rejet de la qualification d'opération de crédit par le transfert immédiat de propriété, rappelant qu'une opération de crédit n'est pas incompatible avec le transfert immédiat de la propriété du bien financé à l'emprunteur.
Elle a par ailleurs jugé que la cour d'appel avait à tort considéré que l'opération était exclue du champ d'application de l'article susvisé en considérant qu'il s'agissait d'un contrat à exécution successive, l'hypothèse envisagée étant différente, puisque l'opération consistait à livrer un produit dont le prix était payé par des versements échelonnés, intégrés chaque mois dans la redevance d'un abonnement souscrit pour un service associé.
Elle a enfin cassé, par voie de conséquence, les dispositions rejetant les demandes formées au titre des pratiques commerciales trompeuses.
Vu les conclusions du 22 janvier 2019 de la société Free Mobile, dans lesquelles elle demande à la cour de :
- la recevoir en son appel,
- juger que la Société Française de Radiophone (SFR) s'est rendue coupable de pratiques de crédits à la consommation en méconnaissance du respect des dispositions régissant l'information des consommateurs sur ces pratiques,
- juger que la société SFR s'est rendue coupable de pratiques déloyales et trompeuses,
- enjoindre, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard et par infraction constatée, à la société SFR de fournir une fiche détaillée aux consommateurs souscrivant un contrat de crédit pour l'acquisition d'un terminal mobile,
- enjoindre, sous astreinte de 10.000 euros par jour et par infraction constatée, à la société SFR, de respecter les dispositions des articles L.311-1 et L.312-1 et suivants du code de la consommation pour toute offre de vente à crédit d'un terminal,
- condamner la société SFR au paiement de la somme de 98.750.000 euros au titre du préjudice subi par la société Free Mobile,
- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir dans le mois de la décision, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, dans Le Monde, Les Echos, Le Figaro, Le Parisien, Libération, Capital, ainsi qu'en caractère gras, de couleur noire, de taille 12 et de la police de caractère « Times New Roman » sur la partie haute de la première page (au-dessus de la ligne de flottaison) des sites www.sfr.fr/portail, www.sfr.fr, www.sfr.com ou tout autre site qui s'y substituerait et ayant la même finalité, pendant un délai d'un mois et aux frais exclusifs de la défenderesse,
- condamner la société SFR à adresser à chacun de ses abonnés ayant souscrit un abonnement avec terminal dans le cadre des formules [C] un courrier nominatif l'informant de façon précise sur les conditions de son abonnement (notamment le coût du crédit, TEG etc...),
- condamner SFR à payer à la société Free Mobile la somme de 500.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les études du cabinet Accuracy et de [M] [R], ainsi qu'aux dépens,
en tout état de cause,
- juger SFR mal fondée en toutes ses demandes ;
Vu les conclusions de la société SFR du 12 février 2019 par lesquelles elle demande à la cour de :
à titre principal,
- constater que les demandes de Free Mobile concernent des tiers non parties à la présente instance,
- juger que l'action de Free Mobile se heurte à l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui et au principe de loyauté,
- juger que les demandes non pécuniaires de Free Mobile sont devenues sans objet, les offres [C] n'étant plus commercialisées,
- juger que la demande de Free Mobile consistant à s'assurer que SFR respecte à l'avenir la réglementation protectrice des droits des consommateurs est déclaratoire,
- juger que Free Mobile est dénuée d'intérêt légitime à agir contre SFR,
en conséquence, infirmant de ce chef le jugement de première instance :
- juger irrecevable l'action de Free Mobile initiée à l'encontre de SFR,
- l'en débouter en toutes fins qu'elle comporte,
à titre subsidiaire, sur le fond :
- constater que les demandes de Free Mobile invitent la cour à statuer de manière générale et abstraite sur le présent litige,
- juger que Free Mobile ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de crédit à la consommation,
- juger que les offres [C] de SFR ne remplissent pas les critères juridiques d'une opération de crédit,
- juger que les offres [C] de SFR ne remplissent pas les critères économiques et financiers d'une opération de crédit,
- juger que le différentiel de tarif mensuel ne correspond pas à un complément de prix du mobile mais s'intègre dans un modèle de développement dit de péréquation,
- juger que les offres [C] de SFR reposent sur un mécanisme de vente subventionnée, parfaitement licite,
en conséquence,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 janvier 2013 en ce qu'il a débouté Free Mobile de ses demandes tendant à faire juger que SFR se serait " rendue coupable de pratiques de crédits à la consommation en méconnaissance du respect des dispositions régissant l'information des consommateurs ' sur ces pratiques,
- débouter Free Mobile de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
très subsidiairement, si par extraordinaire la cour devait considérer que les offres [C] de SFR s'analysent en un ensemble contractuel indivisible,
- juger que les offres [C] de SFR constituent des contrats complexes auxquels s'applique le régime juridique propre aux contrats de fourniture de services,
en conséquence,
- juger que l'opération rentre dans le champ de l'exception relative aux contrats de fourniture de service prévue par l'article L. 311-1, 4° du code de la consommation,
très subsidiairement encore, si par impossible la cour devait considérer que les offres [C] de SFR s'analysent en une opération de crédit,
- constater que les demandes de Free Mobile ne portent que sur la souscription des offres [C] commercialisées à distance (c'est à dire par téléphone et internet) entre le 15 juin 2011 et le 24 septembre 2012, directement par SFR, à l'exclusion des ventes effectuées en boutiques et points de vente,
Sur les prétendues pratiques usuraires de SFR :
Vu l'article 564 du code de procédure civile,
- déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de Free Mobile au titre des prétendues pratiques usuraires de SFR,
- juger que cette demande est en tout état de cause mal fondée en son principe et en son montant,
en conséquence,
- débouter Free Mobile de sa demande indemnitaire au titre des pratiques usuraires de SFR,
Sur les prétendues pratiques "déloyales et trompeuses" auxquelles SFR aurait eu recours :
Vu les articles L.111-1 (anciens) et suivants du code de la consommation,
- confirmer le jugement du 15 janvier 2013 en ce qu'il a débouté Free Mobile de ses demandes formées à ce titre,
- juger que l'absence d'opération de crédit à la consommation fait échec aux allégations de pratiques commerciales prétendument déloyales ou trompeuses,
- juger en tout état de cause que la présentation des offres [C] n'est pas susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique d'un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé,
- juger que la présentation des offres [C] n'est pas de nature à induire en erreur les consommateurs,
- juger que SFR n'a eu recours à aucune "pratique déloyale ou trompeuse",
à titre infiniment subsidiaire, si par impossible le tribunal devait considérer que SFR a eu recours à des pratiques "déloyales et trompeuses",
- juger que les demandes indemnitaires de Free Mobile sont irrecevables, en application des articles 31 et 122 du code de procédure civile,
- juger que Free Mobile n'établit pas le principe du préjudice qu'elle invoque,
- constater que les demandes de Free Mobile ne portent que sur la souscription des offres [C] à distance (c'est à dire par téléphone et internet) réalisées directement par SFR, à l'exclusion des ventes effectuées en boutiques et points de vente,
- juger que le quantum du préjudice revendiqué par Free Mobile n'est pas prouvé ni justifié,
en conséquence,
- débouter Free Mobile de sa demande tendant à faire juger que SFR se serait "rendue coupable de pratiques déloyales et trompeuses",
- débouter Free Mobile de l'ensemble de ses demandes formées à ce titre,
En tout état de cause,
- débouter Free Mobile de toutes ses demandes, fins et conclusions, au motif tant de leur irrecevabilité que de leur mal-fondé,
- condamner Free Mobile à payer à SFR la somme de 200.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de renvoi après cassation,
- condamner Free Mobile aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Florence Guerre, avocat associée du cabinet PMG Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Par conclusions du 12 février 2019, l'association UFC-QUE CHOISIR, intervenante volontaire dans la procédure, au soutien des prétentions de la société Free, demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son intervention volontaire,
- infirmer le jugement rendu le 15 janvier 2013 par le tribunal de commerce de Paris,
en conséquence,
- juger que la société SFR a enfreint la législation d'ordre public relative au crédit à la consommation lors de la commercialisation de ses abonnements « [C] » avec achat du terminal associé,
- juger que la société SFR s'est rendue coupable de pratiques commerciales déloyales et trompeuses, lors de la commercialisation de ses abonnements « [C] » avec achat du terminal associé,
- débouter la société SFR de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, exposées tant en première instance qu'en cause d'appel,
- condamner la société SFR à verser à l'association UFC-QUE CHOISIR la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société SFR aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL RECAMIER représentée par Maître Christophe Pachalis en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR,
Sur la recevabilité
La société SFR soutient qu'en ayant recours à des offres subventionnées, la société Free contrevient au principe de cohérence et à l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, dès lors que la présente action de la société Free vise la contestation d'un système de subvention qu'elle a elle-même mis en place. En conséquence, elle estime irrecevable l'action de la société Free. Elle fait également valoir que les demandes pécuniaires formulées par la société Free sont désormais sans objet, dès lors que les offres « [C] » SFR ne sont plus commercialisées. Elle soutient en outre que la société Free est irrecevable à faire sanctionner des pratiques affectant la relation bilatérale entre un consommateur et elle-même. En effet, elle expose que si la cour devait accueillir les demandes de la société Free, elle serait amenée à se prononcer sur des postulats abstraits décorrellés du cas d'espèce, en violation de l'article 5 du code civil qui défend au juge de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire (interdiction des arrêts de règlement). Elle ajoute que les demandes de la société Free concernent des tiers non parties à la présente instance, à savoir les abonnés de la société SFR, pour la défense desquels elle n'est pas habilitée à agir, de sorte que ses demandes sont irrecevables.
La société Free réplique que la procédure initiée par elle vise la commercialisation de l'offre « [C] » avec achat de téléphone mobile par laquelle la société SFR fait bénéficier ses clients d'une facilité de paiement, mais ne concerne pas la question générale de la validité de la pratique visant, pour un opérateur, à « subventionner » l'achat d'un téléphone mobile, c'est à dire à offrir au client une réduction sur l'achat d'un terminal mobile payé comptant en contrepartie d'un engagement de durée sur le contrat de service. Elle fait valoir, d'une part, que le principe d'estoppel n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce, et qu'en tout état de cause, il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que la circonstance qu'une partie se serait contredite au détriment d'une autre, en violation de ce principe, n'emporte pas automatiquement une irrecevabilité de la demande sans examen au fond. Elle réfute également l'allégation de la société SFR selon laquelle elle commercialiserait une offre identique aux offres litigieuses de la société SFR. Elle soutient également être parfaitement fondée en son action contre la société SFR, dès lors qu'elle n'a pas pour objet d'interdire un mécanisme de subvention per se, mais des pratiques déterminées lui causant un préjudice à raison de leur caractère illégal. Elle considère justifier d'un préjudice dès lors qu'il s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif d'un préjudice. Enfin, elle soutient que la circonstance que la société SFR ne commercialise plus les offres sous la référence « [C] » n'a pas pour effet de rendre son action irrecevable, dès lors que celle-ci vise la réparation d'un préjudice subi à raison de ces offres commerciales et que la procédure a été engagée au moment de leur commercialisation.
Sur l'estoppel
La fin de non recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions.
En l'espèce, la circonstance que la société ait pu offrir des offres subventionnées de terminaux téléphoniques dans les mêmes conditions que celles qu'elle critique chez la société SFR est sans effet dans le présent litige, s'agissant d'une pratique ponctuelle étrangère au présent litige.
Cette fin de non recevoir sera donc rejetée.
Sur la recevabilité de la demande de Free
La société Free demande à la cour réparation de son préjudice du fait de la concurrence de la société SFR qu'elle estime déloyale, en raison de sa violation des règles du crédit à la consommation. Elle justifie donc d'un intérêt à agir, la circonstance que l'offre [C] litigieuse ait disparu du marché ne pouvant la priver de la faculté d'en demander réparation pour la période passée.
La demande de la société Free est donc recevable.
Sur l'existence d'un crédit à la consommation et la violation des dispositions du code de la consommation y relatives
La société Free soutient que les offres commerciales commercialisées par la société SFR, sous la dénomination « [C] », et proposant au consommateur d'étaler sur la durée de l'abonnement téléphonique le coût d'achat d'un téléphone mobile dont le coût est au moins supérieur à 200 euros caractérisent un crédit à la consommation au sens des articles L. 311-1 et suivants (anciens) du code de la consommation tel qu'interprété par l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 7 mars 2018 dans la présente affaire.
Elle expose en ce sens que dans le cadre de l'offre litigieuse :
- la société SFR opère un report du prix du terminal mobile sur le prix de l'abonnement, dès lors que dans le cadre d'un abonnement avec acquisition d'un téléphone mobile à un prix symbolique, le consommateur s'engage à payer un abonnement à un prix majoré (« un peu plus cher chaque mois ») sur une durée de 12 ou 24 mois, le forfait subissant une baisse de prix au terme de cette durée (« prix Eco »),
- la majoration mensuelle du forfait et la réduction substantielle du prix du téléphone mobile proposé à un prix dit « attractif » sont mises en oeuvre de manière concomitante, ce qui permet d'assurer en principe à la société SFR le remboursement des sommes avancées au moment de la vente du téléphone mobile,
- aucune explication ou contrepartie économiquement ou juridiquement rationnelle ne justifie ce report, de sorte qu'une telle opération qui constitue une facilité de paiement revêt le caractère d'un crédit à la consommation.
Elle verse aux débats des justificatifs portant sur 380 cas de ventes de terminaux avec forfait de 12 mois et de 24 mois, en boutique et à distance, démontrant le surcoût payé par le consommateur et, ainsi, le report du prix du terminal mobile sur le prix de l'abonnement téléphonique. Elle ajoute que la société SFR ne saurait alléguer le caractère distinct des opérations de vente de téléphone mobile et de souscription d'abonnement dès lors que :
- les conditions générales de vente de cette dernières stipulent expressément que l'application d'un prix préférentiel, « attractif », sur le terminal mobile, est conditionnée à la souscription d'un abonnement d'une durée minimale de 12 mois,
- l'exercice du délai de rétractation sur la souscription de l'abonnement emporte pour le consommateur l'obligation, soit de restituer le terminal mobile, soit d'en payer le prix comptant,
- ces contrats sont incontestablement liés.
En tout état de cause, elle estime que la société SFR ne saurait exciper du paiement du prix « attractif » du terminal au comptant au moment de l'achat et donc du caractère parfait de la vente, puisqu'en pareil cas, elle méconnaîtrait l'interdiction de revente à perte. La société Free fait en outre valoir que le caractère immédiat du transfert de propriété du téléphone mobile est inopérant, dès lors que, comme cela a été jugé par la Cour de cassation, une opération de crédit n'est pas incompatible avec le transfert immédiat de la propriété du bien financé à l'emprunteur. De même, est indifférent l'aléa théorique ou limité pouvant affecter le remboursement des sommes avancées par la société SFR, d'autant, en l'espèce, qu'elle relève que cette part d'aléa est particulièrement faible, en raison, d'une part, des comportements des consommateurs et, d'autre part, des modalités de résiliation anticipée mises en oeuvre par la société SFR. Enfin, elle estime que la société SFR ne saurait se prévaloir du bénéfice de l'article L. 311-1, 4° (ancien) du code de la consommation, hypothèse expressément exclue par la Cour de cassation qui relève que « l'opération consistant à livrer un produit dont le prix est payé par des versements échelonnés, intégrés chaque mois dans la redevance d'un abonnement souscrit pour un service associé » ne constitue pas une opération à exécution successive par laquelle un consommateur règle de façon échelonnée un bien ou un service fourni pendant toute la durée de la fourniture dudit bien ou service.
La société SFR réplique que la Cour de cassation n'a pas, selon elle, dans son arrêt du 7 mars 2018, pris positivement parti sur la qualification alléguée de crédit à la consommation. En tout état de cause, elle estime cet arrêt critiquable en ce qu'il appuie sa motivation sur des postulats factuels erronés. Elle explique que, d'une part, si le caractère immédiat du transfert de propriété du mobile n'emporte pas à lui seul l'exclusion de la qualification de crédit à la consommation, la circonstance que le transfert de propriété du terminal soit définitif dès le paiement du prix dit « attractif » et qu'il ne soit grevé d'aucune sûreté (aucune restitution du terminal n'étant envisagée selon elle en cas de défaut de paiement) s'oppose à contrario à la qualification de crédit à la consommation.
En outre, elle explique que la cassation partielle relative à l'exception prévue à l'article L.311-1, 4° du code de la consommation, ne saurait avoir d'incidence, en l'espèce, en raison de l'autonomie existant entre le contrat de vente du terminal et celui de l'abonnement téléphonique.
Elle souligne également que le dernier motif de cassation est un simple manque de base légale et non une violation de la loi, ce qui, selon elle, laisse toute latitude à la cour pour statuer par des motifs différents ou complémentaires propres à exclure la qualification de crédit à la consommation. En tout état de cause, elle soutient avoir démontré, en première instance et en cause d'appel, que la différence entre le prix de l'abonnement selon qu'il s'accompagne ou non de l'acquisition d'un terminal subventionné répond à des considérations de stratégie commerciale et à un objectif de péréquation du coût d'acquisition et de fidélisation des abonnés. Elle souligne que ce mécanisme de subvention ne constitue pas une avance à titre individuel accordée à l'abonné sur le coût d'acquisition de son terminal, mais seulement l'amortissement du coût d'acquisition, par l'opérateur, de l'ensemble de la flotte de téléphones mobiles, dès lors que le coût de l'investissement est répercuté sur la communauté des abonnés : c'est cet amortissement qui explique la différence de montant des mensualités entre la formule sans terminal et avec terminal.
Elle estime que l'aléa affectant la relation contractuelle entre l'abonné et la société SFR, qui n'est ni théorique, ni marginal, suffit à exclure la qualification de crédit, dès lors que dans le cadre d'un crédit à la consommation, l'obligation de résultat de remboursement des sommes avancées ne peut souffrir aucune exception. Elle ajoute que, sur un plan financier, aucun des paramètres propres à une opération de crédit n'est en l'espèce déterminé ou déterminable, qu'il s'agisse du montant prétendument emprunté, le client pouvant choisir de modifier l'offre souscrite, la durée de l'engagement et pouvant mettre un terme anticipé à son contrat d'abonnement. Elle soutient enfin que les contrats de vente de terminal mobile et l'abonnement sont indépendants dans leur exécution, dès lors qu'ils sont régis par des règles distinctes ressortissant des deux contrats, les incidents d'exécution affectant le contrat d'abonnement étant dénués d'effets sur le contrat de vente et la propriété du terminal acquis, le prix de l'abonnement demeurant le même quelque soit la valeur du terminal acquis. Elle expose en outre qu'aucune assurance n'est comprise dans l'offre subventionnée SFR, que l'acquéreur du terminal mobile ne souscrit aucun engagement inconditionnel de remboursement à l'égard de la société SFR, et qu'aucune stipulation du contrat ne permet à la société SFR d'exiger la restitution du terminal. Pour cette raison, elle estime que les offres subventionnées ne peuvent s'analyser en un crédit à la consommation.
La société intimée souligne que le contrat de crédit se caractérise par un décalage dans le temps entre la livraison du bien et le paiement de son prix, en application de l'article L. 311-3, 4° du code de la consommation, ce décalage dans le temps devant excéder 90 jours. Or, en l'espèce, elle fait valoir que le paiement intégral du prix « attractif » du terminal intervient au comptant au moment de l'achat de ce dernier, la propriété du terminal étant définitivement acquise au client au moment de l'acte d'achat, constitutif d'un contrat de vente instantané, sans que la société SFR ne conserve aucun droit sur le terminal. Elle souligne, à ce dernier titre, que le défaut d'exécution du contrat d'abonnement n'affecte jamais la propriété du terminal, dès lors que la propriété est définitivement acquise et qu'il s'agit de deux contrats indépendants.
En conséquence, elle considère que le mécanisme de vente subventionnée auquel a recours la société SFR n'est pas une opération de crédit, y compris sous forme d'une facilité de paiement.
Subsidiairement, elle soutient que si la cour devait estimer que les contrats de vente de terminal et d'abonnement constituent un ensemble contractuel unique, alors la vente subventionnée s'analyserait en un « contrat complexe », exclusif de la qualification de crédit à la consommation. Elle estime en effet que le contrat complexe prend la nature de son élément principal, qui est, dans le cas d'espèce, l'obligation de la société SFR à l'égard de son client de fournir un service de téléphonie mobile, la fourniture d'un terminal n'étant qu'accessoire. Elle conclut à l'application, en pareille hypothèse, de l'exception prévue à l'article L. 311-1, 4° du code de la consommation.
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Selon l'article L. 311-1, 6° du code de la consommation (ancien L. 311-1, 4°) : une opération ou un contrat de crédit est « une opération ou un contrat par lequel un prêteur consent ou s'engage à consentir à l'emprunteur un crédit sous la forme de délai de paiement, d'un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l'exception des contrats conclus en vue de la fourniture d'une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l'emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture ».
L'article L 311-2 du même code ajoute que la réglementation sur le crédit à la consommation s'applique à toute opération de crédit qu'elle soit conclue à titre onéreux ou à titre gratuit.
Sont exclues de la réglementation sur le crédit à la consommation « (') 2° Les opérations dont le montant total du crédit est inférieur à 200 euros ou supérieur à 75 000 euros, à l'exception de celles, mentionnées à l'article L. 313-15, ayant pour objet le regroupement de crédits ».
La qualification d'opération de crédit au sens de ce texte suppose que le vendeur consente à l'acquéreur, par l'octroi d'un délai pour payer le prix de la vente après la livraison du bien, une avance que celui-ci doit lui restituer.
Il y a lieu de rechercher si :
- le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement [C] en cas d'acquisition d'un terminal mobile à un prix symbolique est établi par la société Free,
- aucune autre explication rationnelle de la société SFR ne justifie cette réduction,
- la société SFR s'assurait ainsi, en principe, du remboursement des sommes qu'elle avait avancées au moment de la vente du terminal mobile en obtenant de ses clients la souscription d'un forfait majoré pour une durée de douze ou vingt-quatre mois,
- seul un aléa, purement théorique ou en tous cas limité, pouvait affecter le remboursement des sommes avancées.
Sur le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement
Il résulte des pièces du dossier que, à type d'abonnement comparable, la société SFR consentait aux abonnés des prix d'achat des terminaux de télécommunication à prix substantiellement réduit, moyennant la majoration des mensualités d'abonnement.
Cette concomitance est en soi de nature à faire présumer qu'une partie des mensualités servait en réalité à rembourser l'avance consentie par SFR à ses abonnés sous forme de prix réduit du terminal.
Ce lien entre le prix du terminal et les mensualités de l'abonnement choisi par le consommateur résulte des publicités de l'opérateur lui-même, qui l'utilise comme argument commercial.
La société SFR a décrit, sur son site internet, le principe du « Prix avec mobile » de l'abonnement de la sorte, ainsi qu'il résulte d'un constat d'huissier du 27 février 2012 (pièce 10-2 de Free, annexe 1, p. 7) : «Le prix avec mobile s'applique si vous achetez un nouveau mobile (hors mobile au prix de référence) lors de la souscription de votre Formule Carrée. Vous bénéficiez alors d'un nouveau mobile à prix attractif. En contrepartie, votre forfait est un peu plus cher chaque mois » (la cour souligne).
Elle précise plus loin :
« Désormais, on distingue 2 prix pour un même mobile :
- un prix attractif (par exemple, un mobile à 9 euros) : votre forfait est alors au prix avec mobile (par exemple, votre forfait à 49 euros/mois) ;
- un prix de référence (par exemple, ce même mobile à 299 euros) : votre forfait est alors au prix ECO (par exemple, ce même forfait à 37 euros/mois) ».
C'est ainsi que la société Free fait état de l'exemple du modèle de mobile « blackberry Curve 9300 », vendu avec le forfait [C] absolu international.
Selon les modalités proposées par SFR, si un client SFR souhaite acheter ce mobile, dans le cadre d'un forfait [C] absolu international, pour un abonnement d'une durée de 24 mois, il se voit proposer une option entre :
- le paiement du mobile BlackBerry à la commande de la somme très attractive de 9.90 euros et un abonnement de 69 euros par mois ;
- le paiement, à la commande de la somme de 239,90 euros au comptant pour acheter le mobile Blackberry et un abonnement au « prix Eco » de 55 euros par mois.
Le Blackberry est donc vendu 9,90 euros au lieu de 239,90 euros, moyennant une mensualité d'abonnement majorée de 14 euros supplémentaire (69 euros au lieu de 55 euros), le consommateur remboursant au final sur 24 mensualités 106 euros de plus que le prix de référence de 239,90 euros.
Le même constat a été effectué par la société Free sur d'autres terminaux et d'autres abonnements. Le tableau figurant en pièce 21 de la société Free fait état de 380 cas de ventes de terminaux, tant sur internet qu'en boutique, pour des abonnements de 24 mois ou 12 mois faisant apparaître le même report.
La hausse concomitante de l'abonnement avec une baisse significative du tarif du terminal qui est très attractif démontre qu'une partie du prix du mobile est reportée sur les mensualités de l'abonnement. Au surplus, ainsi que le souligne la société Free, cette concomitance est d'autant plus flagrante que le prix de l'abonnement baisse à la fin de la période d'engagement.
SFR a explicitement indiqué sur son site internet que le coût d'acquisition du mobile'était « lissé » et que le client bénéficiait d'un étalement du prix de son mobile (constat d'huissier du 13 février 2012, pièce 10-1 annexe 1 de Free).
Ce constat fait ressortir les questions et réponses suivantes :
- « Le prix du mobile est-il inclus dans mon forfait ' » : « Quand vous prenez un abonnement chez SFR, le prix affiché inclut aussi le coût du mobile car nous le subventionnons en partie au départ.'Ce n'est donc pas un prix de forfait « nu » comme chez FREE MOBILE, mais un prix qui inclut le coût de votre mobile chaque mois. C'est un point important à prendre en compte lorsque vous comparez les offres et les prix des forfaits ! »,
- « Pourquoi SFR m'oblige-t-il toujours à m'engager ' » : « Tous nos forfaits sont disponibles sans engagement ou avec engagement de 12 ou 24 mois'; c'est vous qui avez le choix, ce que vous permet l'engagement : lissez le coût d'acquisition de votre téléphone mobile »,
- « Pourquoi ne puis-je pas me désengager ' » : « Lorsque vous avez souscrit votre forfait, vous avez bénéficié d'un étalement du prix de votre mobile de la part de SFR. C'est l'étalement de cette subvention, autrement dit, l'achat progressif de votre mobile qui justifie que vous soyez engagé ».
Sur l'explication de ce report
La société SFR ne justifie pas ce report du prix du terminal sur l'abonnement par d'autres circonstances que celles d'une facilité de paiement.
Elle soutient, en premier lieu, poursuivre un objectif de péréquation du coût d'acquisition et de fidélisation des abonnés, le mécanisme de subvention ne constituant pas une avance à titre individuel accordée à l'abonné sur le coût d'acquisition de son terminal, mais seulement l'amortissement du coût d'acquisition, par l'opérateur, de l'ensemble de la flotte de téléphones mobiles, dès lors que le coût de l'investissement est répercuté sur la communauté des abonnés.
Mais cet objectif de péréquation des coûts aurait pu être atteint par d'autres moyens et la société SFR ne démontre pas pourquoi le même terminal serait payé à un prix très modique lors de l'abonnement moyennant des mensualités plus élevées.
La société SFR fait, en second lieu, état de l'impossibilité pour elle de récupérer l'avance effectuée, puisque la majorité des consommateurs a remboursé moins que l'avance qui leur a été faite.
Il résulte en effet de l'étude de l'expert [M] [R], versée aux débats par la société Free, que sur 1318 offres examinées par l'expert, 562 sont supérieures ou égales à 200 euros, et sur ces 562, 91 offres se sont caractérisées pour les abonnés par un surcoût (TAEG positifs ou nuls), 471 offres s'étant révélées, au contraire, bénéfiques pour eux (TAEG négatifs), c'est-à -dire qu'ils ont remboursé moins que la somme qui leur a été avancée sous la forme du terminal à prix réduit.
Mais en premier lieu, l'existence de TAEG négatifs n'infirme pas en soi l'existence de facilités de paiement et de crédits à la consommation. Il n'est pas exigé que la totalité de l'avance soit remboursée pour chaque abonné inviduellement.
En deuxième lieu, ce constat doit être tempéré par l'étude des 756 offres pour lesquelles le montant était inférieur à 200 euros, pour lesquelles la proportion est inversée et où l'on voit que 498 offres présentaient des TAEG positifs ou nuls et 238 des TAEG négatifs.
En troisième lieu, l'expert souligne que les TAEG positifs peuvent dans tous les cas atteindre des niveaux très élevés, supérieurs au taux d'usure.
Il résulte donc de cette étude, dont les chiffres ne sont pas utilement contestés, la démonstration que la structure tarifaire de SFR devient plus favorable aux consommateurs lorsque le terminal est onéreux (plus de 200 euros) et la preuve d'une péréquation entre abonnés, mais nullement celle de l'absence de facilités de paiement.
Même si certains forfaits peuvent s'avérer positifs pour les consommateurs, il n'en demeure pas moins que certains ont remboursé beaucoup plus qu'il ne leur a été prêté.
Sur l'existence d'aléas dans le remboursement
Si la société SFR expose que l'existence d'aléas exclut la qualification de crédit à la consommation, car le prêteur ne peut avoir de certitude sur la durée de l'abonnement, il faut souligner que le remboursement d'un crédit est toujours affecté d'un certain aléa, théorique et limité.
En l'espèce, elle n'établit pas que ces aléas seraient tels qu'elle ne pourrait se livrer à des crédits, n'étant pas certaine de récupérer ses avances. Les dispositifs contractuels permettant de résilier les contrats sont en effet peu sollicités par les consommateurs.
Il résulte au contraire des pièces versées par la société Free que la durée de relation d'un client auprès de son opérateur de téléphonie mobile dépasse 24 mois généralement (pièce 39).
En outre, la résiliation anticipée avant le délai de 24 mois est strictement encadrée et non automatique, car elle représente un coût pour le client.
La société SFR ne démontre pas que ces résiliations anticipées et les migrations seraient courantes dans sa pratique, aucun exemple concret ou pourcentage de résiliation effective n'étant cité.
En outre, dans l'hypothèse de la résiliation prévue par l'ancien article L 121-84-6, 2° du code de la consommation (nouvel article L.224-28) qui dispose que le consommateur peut résilier par anticipation le contrat, ces dispositions prévoient en cas d'engagement sur 12 mois que le client sera en tout état de cause redevable des mois d'abonnement restant jusqu'à la période minimale et incompressible de 12 mois, et en cas d'engagement sur 24 mois, d'un quart des sommes restants dues (soit à minima 15 mois, comprenant les 12 mois incompressibles et le quart des douze derniers mois), ce qui n'est pas non plus négligeable et constitue un frein à la résiliation anticipée.
Sur l'exemption de l'article L. 311-1 6° du code de la consommation
La société SFR invoque à tort cette exception à la qualification de crédits à la consommation prévue pour les « contrats conclus en vue de la fourniture d'une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l'emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture ».
En effet, l'hypothèse envisagée est différente, puisqu'en l'espèce, l'opération consiste à livrer un produit dont le prix est payé par des versements échelonnés, intégrés chaque mois dans la redevance d'un abonnement souscrit pour un service associé.
Ce moyen sera donc rejeté.
Sur les ventes en boutiques
La société SFR prétend, mais sans en rapporter la preuve, que seule la souscription des offres [C] commercialisées à distance (c'est à dire par téléphone et internet) entre le 15 juin 2011 et le 24 septembre 2012, directement par SFR, serait visée, à l'exclusion des ventes effectuées en boutiques et points de vente.
Il y a lieu donc de rejeter sa demande visant à les exclure du champ des pratiques.
Conclusion
Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de qualifier les pratiques de SFR de crédits à la consommation déguisés.
Dans le cas du forfait avec téléphone, l'abonnement mensuel qui correspond au même service de téléphonie, est plus élevé que celui correspondant au forfait prix Eco. Le coût du téléphone se compose de l'addition du prix initialement payé au début de l'abonnement et de la différence entre les mensualités de l'abonnement avec l'abonnement Prix Eco.
Sur les pratiques trompeuses et déloyales
La société Free estime qu'en dissimulant aux consommateurs l'opération de crédit induite par son offre « [C] », la société SFR a mis en oeuvre une pratique, ayant pour effet de faciliter et d'encourager la souscription d'abonnements, en particulier pour les téléphones mobiles d'une valeur inférieure à 200 euros, lesquels ne sont pas soumis aux dispositions relatives au crédit à la consommation. Cette pratique est, selon elle, constitutive d'une pratique commerciale déloyale au sens des article L. 121-1 et L. 120-1 du code de la consommation, dès lors qu'elle est, d'une part, contraire aux exigences de la diligence professionnelle et d'autre part susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement du consommateur. Cette pratique doit en outre s'analyser comme une pratique commerciale trompeuse puisqu'elle repose sur une publicité de nature à induire en erreur le consommateur, susceptible par conséquent, de prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement. Elle fait valoir au soutien de ses allégations que la société SFR s'est, d'une part, abstenue de fournir une information claire sur le contrat de vente en omettant sciemment le terme crédit, en s'abstenant de fournir une information claire sur le coût du financement, à savoir la nature onéreuse du crédit, et sur le coût global d'acquisition du terminal. Elle en déduit que l'ensemble de ces omissions a indéniablement altéré le comportement du consommateur. Elle estime, enfin, que ces pratiques commerciales déloyales et trompeuses lui ont causé un préjudice et qu'elle est fondée à en demander réparation.
La société SFR réplique que, d'une part, le caractère infondé de la thèse de la qualification du contrat de vente subventionné en opération de crédit fait à lui seul échec aux allégations de pratiques commerciales déloyales et trompeuses, et d'autre part, qu'en tout état de cause les conditions d'application des articles L. 120-1 et L.121-1 du code de la consommation ne sont pas remplies. Elle soutient en effet que l'information fournie par la société SFR sur ses offres met en mesure le consommateur de s'engager de manière éclairée, dès lors qu'elle indique sur son site les différents prix d'achat des téléphones proposés, les prix de l'abonnement mensuel et le prix du téléphone seul, de sorte que le consommateur est mis en mesure de procéder à des comparaisons. Elle ajoute que toutes ces informations figurent dans la même taille, la même couleur et au même endroit de la page internet. Elle en conclut que la présentation des offres « [C] » ne saurait s'analyser comme altérant de manière substantielle le comportement économique d'un consommateur moyen, ni comme de nature à induire ce dernier en erreur.
***
L'article L.121-2 du code de la consommation prévoit qu' « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :
(') 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service,
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, (')
c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; (...) ».
Par ailleurs, l'article L. 121-3 du même code stipule qu' « Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte ».
Le mécanisme de subventionnement associé à une absence de transparence sur le montant de la subvention masque le coût réel des terminaux et peut donc conduire les consommateurs à dépenser plus, sans qu'ils en aient forcément conscience.
En dissimulant sciemment la nature onéreuse du crédit, s'agissant des opérations supérieures à 200 euros, la société SFR passe sous silence le taux d'intérêt qui, pourtant, dans certains cas est largement au-delà du taux de l'usure (20,65 %). Cette pratique constitue donc une pratique déloyale.
Tel est également le cas pour les opérations inférieures à 200 euros, pour lesquelles aurait dû être dispensée toute information nécessaire au consommateur pour comprendre le coût et les conditions des opérations proposées, notamment le surcoût final du terminal, d'autant qu'il ressort de l'expertise [R] de nombreux cas de taux usuraire résultant des pratiques.
Ces pratiques sont de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
En effet, en n'informant pas le consommateur sur le coût global de son abonnement avec achat du terminal au prix attractif, dès la réalisation de la vente, la société SFR trompe sciemment le consommateur en lui faisant croire que cette option serait plus intéressante, ce qui n'est pas toujours le cas.
Sur les demandes consécutives de la société Free
La société Free souligne qu'il résulte de la qualification de crédit à la consommation des obligations relatives à la publicité et des obligations d'informations précontractuelles et contractuelles auxquelles la société SFR a failli. En raison de la violation des règles relatives à la publicité des crédits à la consommation, elle sollicite la condamnation de la société SFR à faire mention dans ses publicités de manière claire, précise et visible de toutes les informations précisées à l'article L. 312-6 et L. 312-5 du code de la consommation. Elle demande également qu'il soit enjoint à la société SFR de se conformer aux articles R. 312-2 et suivants du code de la consommation relatives aux obligations d'information.
Mais la société SFR réplique à juste titre que les pratiques ayant cessé, la cour ne peut, de façon générale, lui enjoindre pour l'avenir de mentionner, dans les publicités à destination des consommateurs, et dans les documents précontractuels ou les offres de crédit, les informations obligatoires requises en matière de crédit à la consommation.
Ces demandes seront donc rejetées.
Sur la demande de publication de l'arrêt à intervenir
Si la société Free demande que soit ordonnée la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir dans le mois de la décision, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, dans Le Monde, Les Echos, Le Figaro, Le Parisien, Libération, Capital, ainsi que sur les sites www.sfr.fr/portail, www.sfr.fr, www.sfr.com, la cour estime que le préjudice de la société Free sera suffisamment réparé par l'allocation de dommages-intérêts. Il y a donc lieu de rejeter cette demande.
Sur le préjudice allégué par la société Free
La société Free soutient que les pratiques commerciales déloyales et trompeuses imputables à la société SFR justifient du bien fondé de l'action en concurrence déloyale de la société Free et qu'en tout état de cause, cette dernière justifie d'un préjudice dès lors que selon une jurisprudence constante un préjudice s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale. Elle estime que les prix attractifs proposés par la société SFR sans aucune mention de l'existence d'un crédit à la consommation ni du coût réel de l'opération commerciale, ainsi que le non respect de la réglementation relative au crédit à la consommation, ont permis à la société SFR de faire souscrire davantage d'abonnements au détriment de la société Free, voire de détourner les clients abonnés de Free. Partant, la société Free prétend justifier d'un préjudice certain qui se traduit par une perte de parts de marché en raison du fait que les consommateurs qui s'étaient engagés auprès de la société SFR entre juin 2011 et septembre 2012 n'ont pas eu la liberté de souscrire l'offre Free pendant les premières années de commercialisation de l'offre mobile de Free, période pourtant cruciale conditionnant le marché à terme. Elle évalue ce préjudice à hauteur de 98 750 000 euros, correspondant au nombre d'abonnés dont elle aurait été privée sur la période de commercialisation de l'offre « [C] » de la société SFR, valorisé sur la base de la valeur d'un abonnement forfait mobile Free.
La société SFR soutient le caractère mal fondé des demandes indemnitaires de la société Free. Elle fait valoir à ce titre, que cette dernière ne rapporte la preuve ni d'un préjudice, ni d'un lien de causalité ; or elle ne saurait s'en dispenser dans la mesure où l'action en concurrence déloyale trouve son fondement dans les articles 1382 et 1383 anciens du code civil. Elle expose en effet que le préjudice invoqué n'est pas certain dès lors que la société Free ne produit aucun élément de preuve d'un quelconque détournement de clientèle au bénéfice de la société SFR. En tout état de cause, son préjudice ne serait qu'éventuel dès lors que l'offre « [C] » de SFR a été lancée en juin 2011, antérieurement à l'entrée de la société Free sur le marché de la téléphonie mobile, et que, sur la période postérieure au 10 janvier 2012, il est impossible de déterminer si les abonnés SFR se seraient détournés de ces offres pour souscrire une offre Free plutôt que celles d'[Localité 8] ou Bouygues Telecom par exemple. Toutefois si, par extraordinaire, la cour de renvoi devait considérer que la société Free a subi un préjudice du fait des pratiques commerciales litigieuses, elle expose qu'un tel préjudice ne pourrait s'analyser qu'en une perte de chance de conquérir de nouveaux clients, la réparation du préjudice de perte de chance étant limitée à une fraction de l'avantage espéré selon sa probabilité. Très subsidiairement, la société SFR soutient que le quantum du préjudice allégué a été établi sur la base d'un calcul simpliste et déconnecté de la réalité économique, reposant sur des éléments factuels erronés.
***
Il s'infère nécessairement un préjudice, au moins moral, des pratiques de concurrence déloyale.
Il s'agit donc, pour la société Free, d'établir le préjudice découlant pour elle des offres illégales de SFR souscrites de juin 2011 à septembre 2012.
La cour observe en premier lieu que la demande de dommages-intérêts de la société Free concerne les offres d'un montant supérieur à 200 euros, en contradiction avec les règles du crédit à la consommation et également les offres inférieures à 200 euros, à taux usuraire.
Mais la société SFR relève à bon droit que les offres à un taux usuraire n'ont pas fait l'objet d'un grief spécifique de la société Free, de sorte que ce préjudice ne découle pas par un lien de causalité des pratiques illégales sanctionnées.
Seule sera donc examinée la demande concernant les offres souscrites de juin 2011 à septembre 2012, d'un montant supérieur à 200 euros.
La cour relève en second lieu que le préjudice résulte de l'absence d'informations préalables données aux consommateurs, qui n'ont pas été dûment informés des coûts ou avantages résultant des offres litigieuses. Il s'agit donc d'évaluer combien de consommateurs se seraient détournés de SFR, si les mentions requises par la loi avaient été indiquées sur les offres, puis combien auraient choisi de contracter avec la société Free, et donc d'évaluer le préjudice de la société Free au regard de la valeur de l'abonné. Il s'agit d'une perte de chance, comme le soutient la société SFR. Il y a également lieu de prendre en compte la circonstance que la majorité des abonnés ont, en fin de compte, bénéficié des opérations en cause, ayant, au final, moins remboursé qu'il ne leur a été avancé.
Or, les deux sociétés Free et SFR s'opposent sur toutes les étapes du raisonnement, et les chiffres présentés, s'agissant de Free, dans les rapports du cabinet Accuracy du 10 juillet 2018 et du 16 janvier 2019 (pièces 32 et 40 de Free) et pour SFR, dans le rapport du cabinet Eight Advisory du 30 octobre 2018 (pièce 18-1 de SFR), ne sont pas suffisamment étayés.
Les éléments dont dispose la cour sont donc insuffisants pour lui permettre de statuer sur la demande de la société Free et de chiffrer les éléments composant son préjudice.
Il y a donc lieu d'ordonner une expertise et de la confier à M. [I], expert près la cour d'appel de Paris.
Il sera sursis à statuer en l'état sur les demandes de réparation ; les dépens et frais irrépétibles seront réservés.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
RECOIT l'association UFC-QUE CHOISIR en son intervention volontaire ;
DECLARE recevable l'action de la société Free ;
INFIRME, dans la limite du renvoi, le jugement en toutes ses dispositions ;
et, statuant à nouveau,
JUGE que la Société Française de Radiophone (SFR) s'est rendue coupable de pratiques de crédits à la consommation en méconnaissance du respect des dispositions régissant l'information des consommateurs sur ces pratiques, constitutives de concurrence déloyale,
JUGE que la société SFR s'est rendue coupable de pratiques déloyales et trompeuses,
REJETTE les demandes d'injonction et de publication de la société Free,
JUGE démontré le principe de préjudice résultant de la concurrence déloyale,
AVANT DIRE DROIT sur la réparation du préjudice de la société Free,
ORDONNE une expertise,
DÉSIGNE [S] [I], expert auprès de la Cour d'appel de Paris (cabinet Finexsi), [Adresse 2], avec mission de :
- évaluer la perte de chance subie par la société Free et résultant de la pratique de concurrence déloyale, elle-même découlant des offres Formule [C] souscrites de juin 2011 à septembre 2012 d'un montant supérieur à 200 euros,
-déterminer le pourcentage des offres qui se sont révélées défavorables aux consommateurs,
-évaluer le nombre de consommateurs qui se seraient détournés de la société SFR s'ils avaient été dûment informés de l'importance de leur remboursement,
- évaluer, au sein de ceux-ci, le pourcentage de ceux susceptibles de souscrire à une offre Free,
- évaluer le coût d'un abonné Free,
-fournir à la cour tous les éléments lui permettant de fixer le préjudice,
DIT que l'expert aura accès aux dossiers des parties et à tout élément lui permettant d'évaluer le préjudice,
DIT que l'expert devra préalablement communiquer aux parties un pré-rapport et recueillir contradictoirement leurs observations ou réclamations écrites dans le délai qu'il fixera, puis joindra ces observations ou réclamations à son rapport définitif en indiquant quelles suites il leur aura données,
RAPPELLE qu'en application de l'article 276 du Code de procédure civile, les parties devront dans leurs dernières observations ou réclamations reprendre sommairement le contenu de celles qu'elles avaient précédemment présentées, à défaut de quoi, elles seront réputées abandonnées,
FIXE à 30 000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que
versera la société SFR entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Paris et ce, avant le 09 septembre 2019,
RAPPELLE qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque, toute conséquence étant tirée du refus ou de l'abstention de consigner,
DIT que l'expert déposera le rapport de ses opérations au greffe de la cour dans les huit mois de sa saisine par signification qui lui sera faite de la consignation,
DIT que l'affaire sera examinée à l'audience de mise en état du mardi 17 septembre 2019, en cabinet, pour faire le point sur l'avancée de la procédure,
SURSEOIT à statuer sur la réparation du préjudice,
RÉSERVE les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
Cécile PENG Laurent BEDOUET