Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 18 AVRIL 2019
(n° , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/15790 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B35IY
Décision déférée à la cour : jugement du 25 Juillet 2017 -tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2015016242
APPELANTS
Monsieur [P] [I] agissant à titre personnel et ès- qualités d'ex-associé des sociétés OPUS MARKETING, OPUS CONSEIL, et OPUS SMART (toutes les trois
en liquidation judiciaire)
Demeurant [Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 2]
Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Ayant pour avocat plaidant Me Jérôme GAGEY, avocat au barreau de PARIS, toque : R240
SAS OPUS CONSULTING GROUP agissant en son nom personnel et ès-qualités des sociétés OPUS MARKETING, OPUS CONSEIL, et OPUS SMART (toutes les trois
en liquidation judiciaire)
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 529 220 006
Prise en la personne des ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Ayant pour avocat plaidant Me Jérôme GAGEY, avocat au barreau de PARIS, toque : R240
INTIMÉE
SA VOLKSWAGEN GROUP FRANCE
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 832 277 370
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque : L0034
Ayant pour avocat plaidant Me Joseph VOGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P151
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 décembre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Madame Christine SOUDRY, Conseillère, chargée du rapport
Madame Estelle MOREAU, Conseillère
qui en ont délibéré,
un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SOUDRY dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre et par Madame Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
La société Volkswagen Group France (ci-après désignée la société Volkswagen) a pour activité l'importation en France de véhicules du groupe Volkswagen et notamment de véhicules de la marque Audi.
Elle a confié à la société Premium Automotive Consulting (ci-après la société PAC), ayant pour activité le conseil pour l'optimisation de la vente, du marketing et de la gestion des ressources humaines dans les secteurs de l'automobile, diverses prestations de conseil et d'accompagnement pour la marque Audi. Ces prestations étaient formalisées dans plusieurs contrats à durée déterminée.
Monsieur [P] [I] est devenu directeur général de la société PAC le 15 octobre 2008.
Par lettre en date du 30 juin 2010, la société Volkswagen a annoncé à la société PAC sa volonté de mettre un terme à un contrat de prestations de services intitulé « Prestation de conseil et d'accompagnement Marketing local » conclu le 13 décembre 2007 englobant des prestations de communication locale (« COM.LOC »), de promotion des ventes (« ASP Commerce ») et de progrès structurel des affaires (« Q-Power »).
La société PAC ayant contesté cette décision, un protocole d'accord a été signé entre la société PAC, la société Volkswagen Group France et Monsieur [I], à titre personnel, le 29 octobre 2010 aux termes duquel celui-ci devait reprendre une partie du fonds de commerce de la société PAC dans lequel seraient comprises les prestations de conseil et d'accompagnement Marketing local et Q-Power/RH/Formation qui seraient renégociées dans le cadre de quatre contrats à effet au 1er janvier 2011 dénommés
« Communication locale », « Formation », « Plan optimal RH réseau » et « Atterrissage Q-Power ».
La signature de ces contrats a été subordonnée à la constitution, par Monsieur [I], d'une société commerciale dont il aurait le contrôle majoritaire, ainsi qu'à la reprise du fonds de commerce de la société PAC comprenant lesdits contrats par cette nouvelle société qui devait être constituée au plus tard le 31 décembre 2010.
Le 16 décembre 2010, ces quatre contrats ont été conclus entre la société Volkswagen et la société PAC, représentée par Monsieur [I], pour une durée déterminée.
Le 28 décembre 2010, Monsieur [I] a créé, conformément au protocole d'accord, la société Opus Consulting Group (ci-après désignée la société Opus) dont il est président et actionnaire majoritaire. Cette société, qui est une société de conseil en management opérationnel, appartenait au groupe Opus composé de trois autres sociétés : la société Opus Marketing, la société Opus Conseil et la société Opus Smart qui ont fait l'objet d'une dissolution le 8 septembre 2014 et d'une liquidation amiable dont les opérations ont été clôturées le 31 décembre 2014.
Par acte du 29 décembre 2010, faisant explicitement référence aux quatre contrats précités, la société Opus a fait l'acquisition du fonds de commerce de la société PAC pour un montant de 200 000 euros.
Par avenants du 21 février 2011, la société Volkswagen Group France a reconnu que la société Opus avait repris l'intégralité des droits et obligations de la société PAC dans les quatre contrats à compter du 1er janvier 2011.
La société Opus a confié l'exécution desdits contrats aux sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart.
La société Volkswagen Group France n'a pas renouvelé les quatre contrats après leur échéance ; soit le 31 mai 2011 pour le contrat « Atterrissage Q-Power », le 30 septembre 2012 pour le contrat « Plan optimal RH réseau », le 21 septembre 2013 pour le contrat Communication locale et le 31 décembre 2013 pour le contrat « Formation ».
Contestant le non-renouvellement desdits contrats, la société Opus Consulting Group et Monsieur [P] [I] ont, par acte délivré le 11 mars 2015, fait assigner la société Volkswagen Group France en vue de la voir condamner à indemniser leurs divers préjudices, notamment au titre d'une réticence dolosive et d'une rupture brutale des relations commerciales établies.
Par jugement rendu le 25 juillet 2017, le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Opus et Monsieur [P] [I] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné, in solidum, la société Opus et Monsieur [P] [I] à payer à la société Volkswagen la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes
- condamné in solidum la société Opus et Monsieur [P] [I] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105.84 euros dont 17.42 euros de TVA.
La société Opus Consulting et M. [I], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'anciens associés des sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart, ont interjeté appel de ce jugement le 2 août 2017.
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PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par leurs dernières conclusions du 23 février 2018, Monsieur [P] [I] et la société Opus Consulting demandent à la cour de :
Vu les articles L. 442-6, I, 5° et L. 420-2 du code de commerce,
Vu les articles 1116 et 1382 du code civile dans leur version applicable à l'époque des faits,
Vu les dispositions de l'article 1844-9 alinéa 4 du code civil,
Vu les dispositions des articles 325, 327 et 329 du code de procédure civile,
- dire la société Opus Consulting et Monsieur [P] [I] recevables et bien fondés en leur appel tant pour eux mêmes qu'en leur qualité d'associés des sociétés OPUS Marketing, OPUS Conseil et OPUS Smart ;
- débouter la société Volkswagen Group France de toutes ses demandes ;
- infirmer le jugement rendu le 25 juillet 2017 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions et le réformer ainsi qu'il suit :
1°) En ce qui concerne la rupture brutale
- constater l'existence de relations commerciales établies pendant 9 ans avec la société Volkswagen Group France ;
- constater qu'OPUS Group et ses filiales étaient soumis pour l'exécution de leurs prestations à la sujétion totale de la société Volkswagen Group France ;
- dire et juger que le préavis contractuel est insuffisant ;
- dire et juger qu'au regard des caractéristiques de la relation commerciale établie, un préavis de deux ans aurait dû être respecté par la société Volkswagen Group France ;
- dire et juger en conséquence que la société Volkswagen Group Fra,ce engage sa responsabilité civile quasi délictuelle pour rupture brutale d'une relation commerciale établie et faute de préavis suffisant, au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;
En conséquence,
- condamner la société Volkswagen Group France à payer :
Au titre au préavis insuffisant :
- 2.613.262,71 euros à la société Opus tant au titre du préjudice qu'elle a directement subi qu'au titre du préjudice subi par ses filiales au prorata de sa participation dans leur capital ;
- 36.737,29 euros à M. [I] au titre du préjudice subi par les filiales au prorata de sa participation dans leur capital ;
Au titre des dommages-intérêts pour les frais liés aux licenciements économiques :
- 345.170 euros à la société Opus tant au titre du préjudice qu'elle a directement subi qu'au titre du préjudice subi par ses filiales au prorata de sa participation dans leur capital ;
- 4.830 euros à Monsieur [P] [I] au titre du préjudice subi par les filiales au prorata de sa participation dans leur capital ;
Au titre des dommages-intérêts pour compenser la perte de valeur du fonds de commerce (300.000 euros) :
- 295.860 euros à la société Opus tant au titre du préjudice qu'elle a directement subi qu'au titre du préjudice subi par ses filiales au prorata de sa participation dans leur capital ;
- 4.140 euros à Monsieur [P] [I] au titre du préjudice subi par les filiales au prorata de sa participation dans leur capital.
2°) En ce qui concerne Monsieur [P] [I], tant au titre de la rupture abusive qu'au titre de la réticence dolosive
- condamner la société Volkswagen à lui payer les sommes suivantes :
- 150.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- 40.000 euros à titre de dommages-intérêts pour compenser le rachat des neuf trimestres de retraite ;
- 560.000 euros pour compenser sa baisse de rémunération sur quatre ans ;
- ordonner la publication dans deux quotidiens à diffusion nationale aux frais de la société Volkswagen du dispositif de la décision à intervenir ;
- condamner la société Volkswagen à payer tant à la société Opus qu'à Monsieur [P] [I] la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Volkswagen aux dépens.
A titre liminaire, M. [I] et la société Opus reprochent au jugement entrepris de ne pas avoir retenu l'existence de relations établies entre la société Opus et la société Volkswagen Group France, en relevant que le protocole d'accord avait purgé les effets de la résiliation des contrats précédents conclus entre les sociétés PAC et Volkswagen Group France. Ils prétendent au contraire qu'il convient de retenir ces contrats pour apprécier l'ancienneté des relations. A cet égard, ils font valoir que l'acte de cession du fonds de commerce de la société PAC vise expressément la reprise des contrats commerciaux de même que les actes de transfert des contrats commerciaux prévoient explicitement la reprise par la société Opus de tous les droits et obligations détenus par la société PAC en vertu des contrats passés avec le groupe Volkswagen. Ils ajoutent qu'ils n'ont souscrit à aucune clause de renonciation à tout recours de sorte qu'ils peuvent se prévaloir d'une ancienneté de relations de neuf années.
Les appelants se prévalent d'une rupture brutale de la relation commerciale établie entre d'une part, la société PAC puis la société Opus et d'autre part, la société Volkswagen Group France. Ils affirment qu'au moment de la rupture, le 31 décembre 2013, la relation commerciale avec la société Volkswagen s'était poursuivie de manière stable et sans aucune discontinuité pendant neuf années, engendrant un chiffre d'affaires régulier et moyen de 3.500.000 euros par an. Ils prétendent que la durée du préavis devait non seulement tenir compte de cette ancienneté mais également de la dépendance économique de la société Opus à l'égard de la société Volkswagen dès lors qu'elle réalisait 95 % de son chiffre d'affaires avec elle, que celle-ci exerçait une très grande influence sur ses décisions et qu'elle s'était montrée réticente à toute recherche d'autres partenaires. Ils soutiennent dans ces conditions que le préavis de six mois accordé avant de mettre fin aux différents contrats les liant n'était pas suffisant et qu'un préavis de deux années aurait dû être observé. En outre, ils revendiquent l'indemnisation du préjudice matériel résultant des frais engagés pour le licenciement des quinze derniers salariés de la société Opus et l'allocation d'une indemnité au titre de la perte totale de valeur du fonds de commerce de la société Opus.
Par ailleurs, M. [I] sollicite l'indemnisation de préjudices personnels résultant de la faute commise par la société Volkswagen consistant tant dans la rupture brutale de la relation commerciale avec la société Opus que dans la réticence dolosive commise à son égard. Sur ce dernier point, il fait valoir que la société Volkswagen l'aurait laissé créer la société Opus et succéder à M. [S], qui dirigeait la société PAC, en lui taisant son intention de ne pas poursuivre les contrats conclus et de cesser le partenariat et ce, dans le seul but d'échapper aux menaces de poursuites judiciaires annoncées par M. [S]. M. [I] invoque ainsi un préjudice moral résultant du comportement déloyal de la société Volkswagen puisqu'il a investi beaucoup d'énergie et de temps dans ce projet de reprise, a été contraint de procéder au licenciement de ses collaborateurs, s'est retrouvé subitement sans aucune perspective professionnelle et a subi un grave incident coronarien en raison du stress résultant de cette situation. Il allègue également un préjudice financier consistant en la nécessité de racheter des trimestres pour pouvoir bénéficier d'une retraite anticipée et en un manque à gagner.
Dans ses dernières conclusions du 22 octobre 2018, la société Volkswagen Group France demande à la cour de :
Vu l'article 122 du code de procédure civile,
Vu les articles L. 442-6, I, 5° et L. 420-2 du code de commerce,
Vu les articles 1116, 1382 et 2224 du code civil dans leur version applicable à l'époque des faits,
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 25 juillet 2017 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire,
- déclarer irrecevables les demandes formées par la société Opus Consulting Group et Monsieur [P] [I] en qualité d'associés des sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart ;
- dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute vis-à-vis de la société Opus Consulting Group ou de Monsieur [P] [I], que ce soit en leur qualité propre ou en leur qualité d'associés des sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart ;
-dire et juger qu'elle a régulièrement mis fin aux contrats la liant avec la société Opus Consulting Group ;
- dire et juger que la relation commerciale entre la société Opus et la société Volkswagen Group France n'était pas établie ;
- dire et juger que les préavis accordés sont suffisants ;
-dire et juger que la société Opus et Monsieur [P][I] ne démontrent ni le principe, ni le montant des prétendus préjudices, ni le lien de causalité entre les fautes alléguées et lesdits préjudices et que M. [I] ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui qu'aurait subi la société Opus Consulting Group ;
En conséquence,
- rejeter l'ensemble des demandes de dommages-intérêts ;
En tout état de cause,
- débouter la société Opus Consulting Group et Monsieur [P] [I] de l'ensemble de leurs demandes ;
- rejeter la demande de publication du dispositif de la décision à intervenir ;
- condamner la société Opus Consulting Group et M. [I] à lui verser une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Opus Consulting Group et Monsieur [P] [I] aux dépens dont distraction au profit de la SCP Jeanne Baechlin conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
La société Volkswagen allègue tout d'abord que les demandes formées par les appelants en leur qualité d'associés des sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart, sont irrecevables, à défaut pour eux de justifier d'un préjudice personnel et distinct de celui subi par ces dernières et celles-ci ne se prévalant d'aucun préjudice. Ensuite elle soutient que l'action des associés de la société Opus Conseil est prescrite dès lors que le contrat « Atterrissage Q Power » confié à cette société a pris fin le 31 mai 2011 et que l'intervention volontaire des associés à l'instance résulterait de conclusions du 28 octobre 2016. Sur le fond de l'action des appelants en leur qualité d'associés, la société Volkswagen fait valoir que les sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart ne sauraient revendiquer une quelconque indemnisation au titre d'une prétendue rupture brutale des relations alors qu'elle n'a conclu aucun contrat avec ces sociétés et qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait donné son accord pour que la société Opus sous-traite les prestations qu'elle lui avait confiées.
Par ailleurs, la société Volkswagen dénie toute relation établie au sens de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce. Elle considère que les appelants ne sauraient se prévaloir d'une relation datant de 2005 dans la mesure où la relation était alors nouée avec la société PAC et où celle-ci a renoncé à toute action judiciaire de sorte que la société Opus, qui ne peut avoir plus de droits que son auteur, ne peut se prévaloir d'une relation antérieure au 29 décembre 2010, date du protocole d'accord. Elle prétend avoir respecté les termes prévus aux contrats et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée pour ne pas les avoir renouvelés. Elle ajoute qu'elle a également respecté les préavis contractuellement stipulés. Elle explique que le contrat Atterrissage Q Power, qui devait mettre fin au contrat Q Power, a été conclu pour cinq mois de sorte que le préavis notifié à la société Opus le 30 juin 2010 pour mettre fin au contrat Q Power de 2007 a duré onze mois pour une relation de quatre ans. Elle fait encore valoir qu'en ce qui concerne le contrat COMLOC, conclu pour deux ans, celui-ci a pris fin le 21 septembre 2013 après un préavis de plus de seize mois. En ce qui concerne le contrat formation, elle précise qu'il a pris fin à son terme après un préavis de dix mois. Elle indique enfin que le contrat Plan optima RH réseau a pris fin à son terme le 30 septembre 2012 après avoir été prolongé de trois mois. Elle considère par ailleurs n'avoir jamais maintenu la société Opus dans la croyance que ces contrats seraient renouvelés. Elle soutient ainsi que lors de la reprise des contrats par la société Opus, celle-ci en connaissait parfaitement le terme. En outre, elle dément avoir exigé que la société Opus ne représente aucun autre constructeur automobile. Elle ajoute que si le contrat conclu en 2007 avec la société PAC contenait une clause d'exclusivité partielle, celle-ci avait néanmoins la possibilité de contracter avec certains constructeurs automobiles.
Subsidiairement, au cas où la cour jugerait que c'est la relation commerciale en son ensemble qui est à prendre en compte, la société Volkswagen prétend que les préavis accordés étaient en tout état de cause largement suffisants. Elle ajoute que la société Opus ne démontre pas de relation contractuelle avec la société PAC antérieure à l'année 2006 de sorte qu'elle ne peut se prévaloir d'une relation supérieure à six ans puisqu'en mai 2012, elle a été informée de la décision de mettre fin au contrat COMLOC, qui constituait son activité principale. Elle soutient que la durée du préavis n'a pas à être incluse dans l'appréciation de la durée des relations.
Enfin, la société Volkswagen dénie toute situation de dépendance économique de la société Opus vis-à-vis d'elle. Elle affirme que la fin de leurs relations contractuelles n'est pas de nature à entraver la concurrence sur le marché français ou communautaire, ce dont il résulte qu'elle ne saurait caractériser une exploitation abusive d'un état de dépendance économique prohibée par l'article L. 420-2 du code de commerce. La société Volkswagen prétend en outre que la société Opus avait toute liberté de démarcher l'ensemble des acteurs du marché de l'automobile, de même qu'elle aurait pu intervenir dans d'autres secteurs pour développer son activité de conseil.
A titre subsidiaire, la société Volkswagen soutient que ni les demandes d'indemnisation de la société Opus au titre l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, ni les demandes d'indemnisation formulées par M. [I] au titre des articles 1116 et 1382 du code civil dans leur version applicable à l'époque des faits ne sont fondées ou justifiées. Elle prétend en outre qu'aucun lien de causalité n'est démontré entre les préjudices invoqués et la faute alléguée dans la mesure où la société Opus a fait le choix de travailler exclusivement pour elle et de créer trois filiales à cet effet.
Elle conteste ensuite les divers chefs de préjudices.
S'agissant tout d'abord de la demande indemnitaire au titre de la marge perdue par la société Opus, la société Volkswagen conteste l'évaluation faite de la marge brute au taux de 52,3 % et précise qu'il convient de prendre la perte de marge sur coûts variables. La société Volkswagen estime qu'au mieux, la société Opus pourrait réclamer une somme
de 175.665 euros sur une base annuelle, soit 14.638 euros par mois, en fonction de la moyenne des résultats courants avant impôts réalisés au cours des trois dernières années de relations (2011, 2012 et 2013).
Concernant la demande indemnitaire au titre du fonds de commerce, la société Volkswagen observe que le fonds de commerce figure à l'actif du bilan de la société Opus pour une valeur de 200.000 euros et non de 300.000 euros. Elle ajoute que l'essentiel de la valeur d'un fonds de commerce est constitué par le droit au bail et que les contrats de prestations ou de distribution ne font pas partie du fonds de commerce. Elle soutient que seul peut être indemnisé le préjudice résultant de la brutalité de la rupture et non celui qui résulterait de la rupture elle-même. Ainsi en admettant que le fonds de commerce des sociétés du groupe Opus ait effectivement perdu de la valeur, cette perte de valeur ne saurait résulter du caractère brutal de la rupture des relations d'affaires avec elle mais exclusivement de l'arrivée du terme des contrats conclus.
De surcroît, la société Volkswagen prétend que la société Opus ne saurait être indemnisée à la fois au titre de la marge brute perdue et au titre de la valeur du fonds de commerce sauf à être indemnisée deux fois pour le même préjudice.
Enfin, la société Volkswagen conteste le bien-fondé de la demande d'indemnisation au titre des frais de licenciement des quinze derniers salariés, frais estimés à la somme de 350.000 euros. Elle fait valoir qu'il n'est pas établi que ces licenciements auraient pu être évités si un préavis plus long avait été observé, que le préavis accordé de six mois était suffisant pour que la société Opus puisse procéder au licenciement économique des salariés dans les formes prescrites par le code du travail et que le montant réclamé n'est pas justifié.
De plus, la société Volkswagen dément toute réticence dolosive au sujet de la possibilité de poursuivre les contrats repris. Elle soutient que M. [I] ne démontre aucun dol et qu'en outre, il a choisi de son propre chef de reprendre ces contrats en parfaite connaissance de cause quant à l'historique des relations et à leur caractère temporaire. Elle fait valoir en outre que M. [I] ne justifie pas d'un préjudice moral. Elle ajoute que la prise de retraite anticipée de ce dernier est sans lien quelconque avec la fin des relations commerciales avec la société Opus. Elle affirme par ailleurs que la baisse de rémunération alléguée ne constitue pas un préjudice propre détachable du préjudice de l'employeur et n'est pas établie.
Enfin elle soutient que les appelantes ne justifient aucunement leur demande de publication de la décision à intervenir.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2018.
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MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes formées par la société Opus et Monsieur [P] [I] en qualité d'associés des sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart :
Considérant qu'au soutien de leur action en qualité d'associés des sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart en réparation des préjudices subis du fait d'une rupture brutale des relations commerciales établies, la société Opus et M. [I] font
valoir que le droit d'agir desdites sociétés est tombé dans l'indivision des associés de ces
sociétés après leur dissolution et la clôture des opérations de liquidation amiable ; que la société Volkswagen soutient que le préjudice allégué est celui des sociétés filiales et non celui des associés et qu'en outre, ces sociétés n'ont pas fait valoir un tel préjudice avant leur dissolution ;
Considérant qu'il sera à titre liminaire relevé que contrairement à ce que soutient la société Volkswagen, les associés des sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart ne se prévalent pas d'un préjudice personnel mais bien du préjudice subi par les sociétés elles-mêmes au titre d'une prétendue rupture brutale des relations commerciales établies ;
Considérant qu'en application de l'article 1844-9 du code civil, après paiement des dettes et remboursement du capital social, le partage de l'actif est effectué entre les associés dans les mêmes proportions que leur participation aux bénéfices, sauf clause ou convention contraire; que les règles concernant le partage des successions, y compris l'attribution préférentielle, s'appliquent aux partages entre associés ; que tous les associés, ou certains d'entre eux seulement, peuvent aussi demeurer dans l'indivision pour tout ou partie des biens sociaux; que leurs rapports sont alors régis, à la clôture de la liquidation, en ce qui concerne ces biens, par les dispositions relatives à l'indivision ;
Considérant qu'en l'espèce, il résulte de procès-verbaux d'assemblée générale extraordinaire des associés des sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart en date du 30 janvier 2015 que les opérations de liquidation de ces sociétés ont fait ressortir un boni de liquidation qui a été partagé; qu'en outre, selon des extraits du registre du commerce et des sociétés, ces opérations de liquidation ont été clôturées le 31 décembre 2014, que ces clôtures ont été publiées le 11 mars 2015, date à laquelle ces sociétés ont été radiées ;
Considérant par ailleurs qu'il apparaît que le droit d'agir dont se prévalent les associés des sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart tend à la réparation de préjudices issus d'une rupture brutale alléguée des relations commerciales établies; qu'il ressort des conclusions des parties et des débats que cette relation commerciale aurait été interrompue en 2013; que le droit d'action en réparation de ce préjudice allégué existait bien au moment de la clôture de la liquidation desdites sociétés, le 31 décembre 2014; qu'ainsi à cette date, le droit d'action était inclus dans les biens sociaux des sociétés liquidées et a été transmis à l'indivision des associés ;
Considérant que l'action des deux seuls associés des sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart en réparation des préjudices subis du fait d'une prétendue rupture brutale des relations commerciales établies sera donc déclarée recevable ;
Sur la prescription de l'action de la société Opus et de M. [I] en qualité d'associés de la société Opus Conseil au titre du contrat « Atterrissage Q Power » :
Considérant que l'action des associés de la société Opus Conseil tend à l'indemnisation du préjudice résultant non pas de la brutalité de la rupture du contrat « Atterrissage Q Power », dont il n'est pas dénié qu'il a pris fin le 31 mai 2011, mais d'une relation plus globale intégrant plusieurs contrats successifs qui aurait pris fin en 2013 ; que l'intervention volontaire des associés à l'instance tendant à la réparation d'un tel préjudice résulte de conclusions du 28 octobre 2016 ; que force est donc de constater que le délai de prescription quinquennale n'était pas expiré au moment de cette intervention volontaire ; que la fin de non- recevoir tirée de la prescription de l'action des associés de la société Opus Conseil au titre de la prétendue brutalité de la rupture des relations avec la société Volkswagen sera rejetée ;
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies :
Considérant que l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ;
Considérant que la relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel; que le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
Considérant par ailleurs que le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis ;
Considérant tout d'abord que les parties s'opposent sur la prise en compte des relations antérieures nouées avec la société PAC ainsi que sur le début de ces relations ;
Considérant que contrairement à ce que soutient la société Volkswagen, les pièces versées aux débats (pièces 101.1 et 101.2 des appelantes) démontrent qu'elle a noué des relations avec la société PAC à compter du 1er mai 2005 dans le cadre de la mise en place du programme « Audi Partner Plus » ; que ce fait ressort également d'un projet de contrat dénommé « AudiPartnerPlus » entre la société Volkswagen et la société PAC portant sur l'analyse de la situation des concessionnaires Audi dénommés « partenaires » et la mise en place chez eux d'instruments pour améliorer le processus de vente, la communication, le management et les processus de services pour une durée de 24 mois, d'un courriel du 16 juin 2005 de Mme [K], du département achat de la société Volkswagen France, qui fait mention d'une avance déjà réglée au titre de ce programme et d'un courriel du 26 septembre 2008 émanant du directeur des ventes de la société Volkswagen à M. [I] qui précise que les équipes de « PAC (') nous accompagnent depuis 2005 sur plusieurs aspects stratégiques du développement Audi dont il ressort que le projet de contrat dénommé « AudiPartnerPlus » a bien été conclu ; que ce point est encore conforté par le préambule d'un autre contrat conclu le 13 juillet 2007 entre la société Volkswagen et la société PAC qui fait expressément référence au contrat de prestation de service lié au programme « Audi Partner Plus » ;
Considérant que les sociétés PAC et Volkswagen ont signé un autre contrat dénommé « Q-Power/RH » le 26 avril 2007 d'une durée comprise entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2008 portant sur des prestations de conseil et d'accompagnement du réseau de partenaires en vue de l'optimisation des performances dans le cadre d'un programme « Q-Power RH » » ; qu'une clause d'exclusivité partielle y était insérée ;
Considérant qu'un nouveau contrat dénommé « Marketing local » a été conclu le 13 juillet 2007 d'une durée comprise entre le 1er septembre 2007 et le 31 décembre 2009 portant sur des prestations de conseil et d'accompagnement du réseau Audi (approfondissement du programme Audi Partner Plus) ainsi que des prestations de communication locale (programme Q-Power) ; qu'une clause d'exclusivité partielle y était insérée ; que ce contrat était renouvelable par tacite reconduction par périodes d'un an et résiliable par chacune des parties moyennant le respect d'un préavis de six mois ; que ce contrat a été renouvelé par tacite reconduction pour une durée d'une année expirant le 31 décembre 2010 ; que par lettre du 30 juin 2010, la société Volkswagen a fait part à la société PAC de sa volonté de ne pas renouveler le contrat à son échéance ; qu'un litige s'en est suivi entre les deux sociétés quant au champ de la rupture et à sa brutalité; que c'est dans ces conditions qu'un protocole d'accord a été signé le 29 octobre 2010 entre la société PAC, la société Volkswagen et M. [I], à titre personnel; qu'aux termes de ce protocole, la société PAC et la société Volkswagen s'engageaient à renégocier les prestations « Marketing local » et « Q-Power/RH/Formation » faisant partie de la cession de fonds de commerce envisagée entre la société PAC et M. [I] sous forme de quatre contrats dénommés « Communication locale », « Formation », « Plan optimal RH réseau » et « Atterrissage Q-Power »; que la société Volkswagen s'engageait à accepter le transfert de ces nouveaux contrats signés avec la société PAC dans le cadre de la cession de fonds de commerce entre la société PAC et M. [I]; que le protocole d'accord était soumis à deux conditions suspensives cumulatives: la constitution d'une société commerciale par M. [I] dont il détiendrait le contrôle et au moins 51% des parts ou actions d'une part, et la reprise par cette société de la partie du fonds de commerce de la société PAC comportant les contrats conclus avec la société Volkswagen d'autre part ; qu'en contrepartie de la prise d'effet de ces quatre contrats, la société PAC et son dirigeant, M. [S], ont renoncé à toute action à l'encontre de la société Volkswagen « en rapport avec l'objet du différend rappelé dans l'exposé préalable ».
Considérant que la société Volkswagen considère que ce protocole empêche la société Opus et M. [I] de se prévaloir d'une ancienneté de relations antérieure à sa signature; que toutefois il y a lieu de relever que seule la société PAC et M. [S] ont renoncé à toute action notamment au titre d'une rupture abusive; qu'en outre, la rupture au titre de laquelle la société PAC et M. [S] ont renoncé à agir était celle résultant de la lettre du 30 juin 2010; qu'en l'espèce, la société Opus et M. [I] se plaignent de la brutalité d'une rupture des relations intervenue en 2013; que dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ledit protocole avait vocation « à purger l'éventuel préjudice lié à la résiliation des premiers contrats » ;
Considérant qu'en application du protocole du 29 octobre 2010, la société PAC a conclu avec la société Volkswagen quatre contrats le 16 décembre 2010 dénommés respectivement « Communication locale (COMLOC)», « Formation Audi », « Plan optimal Ressources Humaines réseau PORHR» et « Atterrissage Q-Power »; que ces contrats ont été conclus sous la condition suspensive de la cession par la société PAC de la partie de son fonds de commerce les comprenant à M. [I] ou à la société créée par lui à cet effet ; que lesdits contrats figurent expressément comme éléments du fonds de commerce de la société PAC cédé par celle-ci le 29 décembre 2010 à la société Opus, créée par M. [I] à cet effet ; que ces contrats ont été modifiés par avenants du 21 février 2011 par lesquels la société Volkswagen a reconnu la reprise des droits et obligations de la société PAC par la société OPUS ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que c'est bien la relation commerciale établie en 2005 entre la société PAC et la société Volkswagen qui s'est poursuivie à compter du 21 février 2011 avec la société Opus; que si cette société a ensuite décidé de confier l'exécution des contrats « Communication locale (COMLOC)», « Formation Audi », « Plan optimal Ressources Humaines réseau PORHR» et « Atterrissage Q-Power » à d'autres sociétés, filiales du même groupe, il n'en demeure pas moins que ces contrats ont été conclus avec la société Opus et que seule la société Opus peut se prévaloir de la relation commerciale dans son ensemble nouée depuis 2005 avec la société Volkswagen et d'un éventuel préjudice découlant de sa rupture brutale; que dès lors, les demandes d'indemnisation de la société Opus et de M. [I] en qualité d'associés des sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart ne peuvent prospérer et seront donc rejetées; que ces motifs étant substitués à ceux des premiers juges, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il à débouté M. [I] de ses demandes sur le fondement de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce ;
Considérant ensuite que les parties s'opposent sur le caractère établi des relations ;
Considérant que le contrat dénommé « Atterrissage Q-Power » a été conclu pour une durée comprise entre le 1er janvier 2011 et le 31 mai 2011 en vue de conduire à bonne fin les prestations d'accompagnement Q-Power sur les affaires déjà ciblées du réseau Audi France à la suite de la décision d'Audi France d'arrêter le programme Q-Power; que la société Opus a réalisé un chiffre d'affaires de 837.175 euros en 2011 au titre de ce contrat ; que ce contrat ne prévoyant aucune clause de renouvellement ;
Considérant que le contrat dénommé « PORHR » a été conclu pour une durée allant du 1er avril 2011 jusqu'au 30 juin 2012 en vue d'accompagner les partenaires du réseau Audi France dans la gestion de leurs ressources humaines ; que ce contrat, qui ne contenait aucune clause de renouvellement, a été prorogé pour une durée allant jusqu'au 30 septembre 2012 par avenant du 27 octobre 2011; que la société Opus a réalisé un chiffre d'affaires de 544.075 euros en 2011 et de 1.183.459 euros en 2012 au titre de ce contrat ;
Considérant que le contrat dénommé « Formation Audi » a été conclu pour une durée allant du 1er janvier 2011 jusqu'au 31 décembre 2013 et portait sur la coordination de la conception de la formation non technique pour le réseau Audi France et l'administration de cette formation ; qu'il était prévu que chacune des parties s'engageait à informer l'autre partie au plus tard six mois avant le terme de toute décision de ne pas poursuivre leurs relations au moyen d'un nouveau contrat; que la société Opus a réalisé un chiffre d'affaires de 1.125.339 euros en 2011, 831 355 euros en 2012 et 858.554 euros en 2013 au titre de ce contrat ;
Considérant que le contrat dénommé « COMLOC » a été conclu pour une durée allant du 1er janvier 2011 jusqu'au 31 décembre 2012 et portait sur une prestation de conseil en communication locale permettant le déploiement de la stratégie de communication nationale d'Audi France par l'intermédiaire de son réseau pour l'activité de vente de véhicules neufs ; qu'il était prévu que chacune des parties s'engageait à informer l'autre partie au plus tard six mois avant le terme de toute décision de ne pas poursuivre leurs relations au moyen d'un nouveau contrat; que la société Opus a réalisé un chiffre d'affaires de 2.131.596 euros en 2011, 1.922.680 en 2012 et 1.218.959 euros en 2013 au titre de ce contrat ;
Considérant que si ces quatre contrats ont été conclus pour des durées déterminées, ils font suite à une relation qui s'est nouée en 2005 comme il a été dit précédemment ; que les contrats « Formation Audi » et « COMLOC » n'excluaient aucunement un éventuel renouvellement des prestations ; que cette succession ininterrompue depuis 2005 de contrats à durée déterminée en matière de prestations de conseils et d'accompagnement avec la société Volskwagen forme donc bien une relation commerciale établie dès lors que rien ne laissait présager à la société Opus qu'ils ne seraient pas remplacés à leur échéance par de nouveaux contrats et dès lors que lesdits contrats portaient sur des flux importants d'affaires ;
Considérant par ailleurs que pour l'appréciation de la brutalité de la rupture alléguée, il convient de prendre en compte non le préavis accordé pour chacun des contrats mais le préavis informant la société Opus du terme définitif de la relation établie avec la société Volskwagen ;
Considérant que le contrat dénommé « Atterrissage Q-Power » n'a pas été renouvelé à son échéance et s'est donc achevé le 31 mai 2011 ;
Considérant que le contrat dénommé « PORHR », conclu pour une durée allant jusqu'au 30 juin 2012, a été prorogé jusqu'au 30 septembre 2012 et s'est achevé à cette date ;
Considérant que le contrat dénommé « Formation Audi » a été conclu pour une
durée allant du 1er janvier 2011 jusqu'au 31 décembre 2013; que par lettre du 22 février 2013, la société Volkswagen a informé la société Opus qu'elle n'entendait pas renouveler la prestation objet du contrat tout en précisant que « cette décision ne préjuge(ait) pas de sollicitations futures en fonction de (ses) besoins et dans le cadre de (ses) prochains appels d'offres » ;
Considérant que le contrat dénommé « COMLOC » a été conclu pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2012; que par lettre du 10 mai 2012, la société Volkswagen a avisé la société Opus qu'elle ne renouvellerait pas le contrat à son expiration; que par lettre du 23 juillet 2012, la société Volskwagen a annoncé à la société Opus qu'elle entendait recourir à un appel d'offres auquel celle-ci serait invitée à participer et qu'elle souhaitait en conséquence prolonger le contrat pour une durée de six mois, soit jusqu'au 30 juin 2013; qu'un avenant a ainsi été conclu le 13 février 2013; que par lettre du 19 mars 2013 reçue le 21 mars 2013, la société Volskwagen a informé la société Opus que sa candidature n'avait pas été retenue ; qu'à cette date, la société Opus était avisée que ses relations avec la société Volkswagen prendrait définitivement fin le 31 décembre 2013 avec l'expiration du contrat dénommé « Formation Audi », soit neuf mois plus tard ; qu'en outre, tenant compte des objections formulées par la société Opus quant à la rupture des relations, la société Volskswagen a prorogé l'échéance du contrat « COMLOC » jusqu'au 21 septembre 2013, laissant ainsi un délai de six mois à la société Opus pour réorganiser son activité issue de ce contrat qui correspondait à plus de la moitié du chiffre d'affaires réalisé avec la société Volskwagen ;
Considérant que le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et des pièces versées aux débats que la relation entre la société Opus et la société Volkwagen a duré près de huit années ; qu'elle a porté sur un volume d'affaires de 4.638.186 euros en 2011, 3.937.494 euros en 2012 et 2.077.513 euros en 2013 représentant respectivement 93,21%, 99,62% et 90,56% du chiffre d'affaires total réalisé par la société Opus ; que si aucune relation d'exclusivité n'était stipulée dans les contrats conclus le 16 décembre 2010, il n'en reste pas moins que les prestations de conseil et d'accompagnement délivrées par la société Opus ont été conçues pour un marché très étroit, les réseaux de distribution de véhicules « premium » ; qu'en outre, la société Volskwagen s'est montrée réticente à toute relation avec d'autres constructeurs « premium » telle que la société BMW ainsi qu'il ressort de la pièce n°111 produite par les appelantes ;
Considérant qu'eu égard à l'ancienneté des relations, au volume d'affaires, à la spécificité des prestations et à la dépendance économique de la société Opus à l'égard de la société Volkswagen, le délai de neuf mois accordé entre l'annonce du refus de la candidature de la société Opus à l'appel d'offres émis au titre des prestations du contrat COMLOC, le 21 mars 2013, et la fin de toute relation, le 31 décembre 2013, apparaît suffisant; qu'en l'absence d'insuffisance du préavis, la rupture des relations ne saurait être qualifiée de brutale et la responsabilité de la société Volkswagen retenue; que ces motifs étant substitués à ceux des premiers juges, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Opus de l'ensemble de ses demandes sur le fondement de l'article
L. 442-6 I 5° du code de commerce ;
Sur l'abus de position dominante :
Considérant qu'en vertu de l'article L.420-2 du code de commerce, est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L.420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ; que ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en
ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ; qu'est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur ; que ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L.442-6 ou en accords de gamme ;
Considérant qu'en l'espèce, les appelants ne formulent aucune demande ni n'articulent aucun moyen à l'appui du visa de l'article L.420-2 du code de commerce figurant au dispositif de leurs conclusions ;
Considérant qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer de ce chef ;
Sur la réticence dolosive :
Considérant que pour solliciter l'engagement de la société Volkswagen sur le fondement de l'article 1382 du code civil dans sa version applicable au litige, M. [I] soutient que celle-ci l'aurait laissé créer la société Opus et succéder à M. [S], qui dirigeait la société PAC, en lui taisant son intention de ne pas poursuivre les contrats conclus et de cesser le partenariat et ce, dans le seul but d'échapper aux menaces de poursuites judiciaires annoncées par M. [S] ;
Considérant toutefois qu'aucune des pièces versées aux débats ne permet d'établir que la société Volkswagen savait dès le 29 octobre 2010 qu'elle ne poursuivrait pas les relations issues des nouveaux contrats qu'elle s'engageait à signer avec la société PAC et à poursuivre avec l'acquéreur du fond de commerce de cette dernière et qu'elle a laissé sciemment M. [I] créer la société Opus et acquérir ledit fonds de commerce en connaissance de cause;
Considérant que dès lors, aucune réticence dolosive n'est établie à l'encontre de la société Volswagen et les demandes de dommages et intérêts de M. [I] de ce chef seront rejetées ;
Sur la demande de publication de la décision :
Considérant que la société Opus et M. [I] succombent en leurs demandes ; qu'il n'y a en conséquence pas lieu de faire droit à leur demande de publication de la présente décision; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que la société Opus et M. [I] succombent à l'instance ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ses dispositions au titre des dépens de première instance et des frais irrépétibles; que la société Opus et M. [I] seront condamnés in solidum à supporter les dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP Jeanne Baechlin selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ; qu'ils seront en outre condamnés à régler à la société Volkswagen une somme de 5 000 euros au titre de frais irrépétibles exposés en appel ; que leurs demandes de ce chef seront rejetées ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DECLARE recevable l'action de la société Opus Consulting Group et de Monsieur [P] [I] agissant en qualité d'associés des sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus
Smart en réparation des préjudices subis du fait d'une prétendue rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Volkswagen ; le droit d'agir étant tombé dans l'indivision des associés après clôture de la liquidation dedites sociétés ;
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Opus et de Monsieur [P] [I] agissant en qualité des associés de la société Opus Conseil au titre de la prétendue brutalité de la rupture des relations commerciales établies avec la société Volkswagen ;
DEBOUTE la société Opus et de M. [I] de leurs demandes d'indemnisation au titre de préjudices subis résultant d'une rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Volkswagen en leur qualité d'associés des sociétés Opus Marketing, Opus Conseil et Opus Smart ;
DIT que la relation commerciale nouée en 2005 entre la société PAC et la société Volkswagen s'est poursuivie à compter du 21 février 2011 avec la société Opus et constitue une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ;
DIT que le délai de neuf mois accordé par la société Volkswagen à la société Opus à titre de préavis avant de mettre un terme à leurs relations commerciales établies est suffisant ;
DEBOUTE en conséquence la société Opus de son action en responsabilité à l'encontre de la société Volkswagen au titre d'une rupture brutale des relations commerciales établies et de ses demandes de dommages et intérêts subséquentes au titre de l'insuffisance du préavis, des frais liés aux licenciements économiques et à la perte de valeur du fonds de commerce ;
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 juillet 2017 en toutes ses dispositions;
Y ajoutant,
REJETTE les demandes de dommages et intérêts de M. [I] au titre d'une prétendue réticence dolosive de la société Volskwagen sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
CONDAMNE la société Opus et M. [I] à régler à la société Volkswagen une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la société Opus et M. [I] de leurs demandes à ce titre ;
CONDAMNE in solidum la société Opus et Monsieur [P] [I] à supporter les dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP Jeanne BAECHLIN selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président
Hortense VITELA Patrick Patrick BIROLLEAU