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16/04/2019 | FRANCE | N°18/04377

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 16 avril 2019, 18/04377


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 16 AVRIL 2019



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04377 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5E35



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Février 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/01045





APPELANT



LE MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de MADAME LE PRO

CUREUR GÉNÉRAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté à l'audience par Mme Brigitte CHEMIN, substitut général





INTIMEE



Madame [T] [C] née le [Date naiss...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 16 AVRIL 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04377 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5E35

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Février 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/01045

APPELANT

LE MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté à l'audience par Mme Brigitte CHEMIN, substitut général

INTIMEE

Madame [T] [C] née le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 1] (Togo)

comparante

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Constance DEWAURIN avocat au barreau de PARIS substituant Me Eléonore PEIFFER DEVONEC, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 138

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 mars 2019, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimée ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne BEAUVOIS, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Dominique GUIHAL, présidente de chambre

Mme Anne BEAUVOIS, présidente

M. Jean LECAROZ, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dominique GUIHAL, présidente et par Mélanie PATE, greffière présente lors du prononcé.

Vu le jugement rendu le 9 février 2018 par le tribunal de grande instance de Paris qui a ordonné l'enregistrement de la déclaration de nationalité française de Mme [T] [C] souscrite auprès du tribunal d'instance de Gonesse, sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, dit que Mme [T] [C], née le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 1] (Togo), est de nationalité française depuis le 19 mars 2014, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamné le Trésor public aux dépens;

Vu la déclaration d'appel en date du 26 février 2018 et les dernières conclusions notifiées le 5 février 2019 du ministère public qui demande à la cour de dire que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, de déclarer irrecevables les pièces communiquées par Mme [T] [C] le 18 juillet 2018, d'infirmer le jugement, statuant à nouveau, de débouter Mme [T] [C] de ses demandes et de dire qu'elle n'est pas de nationalité française, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 18 février 2019 par Mme [T] [C] qui demande à la cour de juger irrecevable et mal fondée devant la cour la demande d'irrecevabilité de pièces du ministère public, de confirmer le jugement, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de condamner le ministère public aux dépens et à lui payer une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR QUOI :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 13 avril 2018.

Sur la demande d'irrecevabilité des pièces communiquées par Mme [C]

Le ministère public sollicite dans le dispositif de ses dernières conclusions que la cour déclare irrecevables les pièces communiquées par Mme [C] le 18 juillet 2018.

Il soutient que le 10 juillet 2018, Mme [C] a fait signifier au parquet général des conclusions aux termes desquelles elle entendait voir prononcer la caducité de l'appel, que le conseil de l'intéressée a fait signifier ses pièces le 18 juillet 2018 ainsi que des conclusions sans rapport avec la présente instance, que la demande de caducité de l'appel a été rejetée, qu'en application de l'article 909 du code de procédure civile, des conclusions qui seraient notifiées par Mme [C] au-delà du délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant seraient d'office irrecevables et que les pièces communiquées sont dès lors irrecevables en application de l'article 906 alinéa 2 du code de procédure civile.

Mme [C] demande à la cour de déclarer ce moyen irrecevable et mal fondé devant la cour.

L'article 914 du code de procédure civile prévoit que les parties doivent soumettre au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation jusqu'à la clôture de l'instruction, par des conclusions qui lui sont spécialement adressées, les demandes tendant à voir déclarer les conclusions irrecevables et que les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour l'irrecevabilité de l'appel ou sa caducité, après la clôture de l'instruction.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions.

Le ministère public ne demande pas à la cour dans le dispositif de ses conclusions au fond de déclarer irrecevables les conclusions de Mme [C] en application des articles 909 et 910 du code de procédure civile mais de déclarer irrecevables les pièces communiquées et ce en application du dernier alinéa de l'article 906 aux termes duquel : ' Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables ».

Mais les conclusions de Mme [C] n'ayant pas été déclarées irrecevables, le ministère public est mal fondé à solliciter que les pièces communiquées par l'intéressée le 18 juillet 2018 soient déclarées irrecevables sur ce fondement.

Sur le fond

Mme [T] [C], se disant née le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 1], a souscrit le 19 mars 2014 une déclaration de nationalité en vertu de l'article 21-12, alinéa 3, 1°, du code civil, dans sa rédaction alors applicable.

Selon ce texte, jusqu'à sa majorité, peut déclarer dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France, « L'enfant qui, depuis au moins cinq années, est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou qui, depuis au moins trois années, est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ».

En application de l'article 16 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 relatif à la manifestation de volonté, aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, modifié par décret n° 2005-25 du 14 janvier 2005, pour souscrire la déclaration prévue à l'article 21-12 du code civil, le déclarant doit fournir notamment l'extrait de son acte de naissance.

Le 12 décembre 2014, Mme [C] s'est vu notifier un refus d'enregistrement au motif « qu'après vérification faite auprès des autorités locales de l'acte de naissance que vous avez produit, référencé sous le n°930 (volet n°1) de l'année 2006, transcrit le 29 décembre 2006 suite à un jugement du tribunal de première instance de [Localité 1] en date du 18 août 2004, il s'avère qu'un acte de naissance a été enregistré sous les mêmes références à l'état civil de [Localité 1] au nom d'une autre personne ».

Il appartient à Mme [C] d'apporter la preuve qu'elle satisfait aux conditions exigées par les dispositions de l'article 21-12, alinéa 3, 1°, du code civil.

Conformément à l'article 47 du code civil, « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

Mme [C] doit donc justifier d'une identité certaine, attestée par des actes d'état civil fiables au sens de cet article, établissant en particulier sa minorité à la date de souscription.

Pour établir son état civil, Mme [C] produit un jugement n° 6142 tenant lieu d'acte de naissance en date du 18 août 2004, rendu par le tribunal de première instance de [Localité 1], qui déclare qu'elle est née le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 1], qui dit que le jugement tiendra lieu d'acte de naissance et que son dispositif sera transcrit sur les registres de l'état civil de l'année en cours de la commune de [Localité 1] et que mention en sera faite en marge de l'acte de naissance le plus proche en date de celle de la naissance sur le registre de l'année 1996 et ce tant sur l'exemplaire conservé à la Mairie que celui déposé au greffe. Ce jugement a été transcrit au registre des actes de naissance de l'année 2006 sous le n°930 figurant sur le feuillet n°30 du registre n°10 à la date du 29 décembre 2006.

L'intimée produit également en cause d'appel, en pièce n°21, un duplicata certifié conforme à l'original du volet n°1 de son acte de naissance, visant le jugement supplétif n° 6142 rendu le 18 août 2004 par le tribunal de première instance de [Localité 1] figurant sur le feuillet n°30 du registre n°10 à la date du 29 décembre 2006.

Le ministère public soutient que le jugement est contraire à l'ordre public international en ce qu'il est dépourvu de motivation, ce que Mme [C] conteste, estimant que le jugement est régulier et conforme à l'article 37 du code civil togolais et doit produire son plein effet, sans procédure d'exequatur.

Est contraire à la conception française de l'ordre public international la reconnaissance d'une décision étrangère non motivée, à moins que soient produits des documents de nature à servir d'équivalents à la motivation défaillante.

En l'espèce, le jugement supplétif du 18 août 2004 ne mentionne le nom et l'âge d'aucun témoin et ne comporte aucune énonciation de faits susceptibles de justifier la décision. Contrairement à ce que soutient Mme [C], ce défaut de motivation qui n'est suppléé par aucun autre élément, notamment par la production de la requête présentée qui aurait énoncé les faits la motivant et l'identité et l'âge des témoins, interdit de reconnaître ce jugement dans l'ordre juridique français.

Au surplus, le ministère public produit une demande de levée d'acte effectuée par la section consulaire de l'Ambassade de France au Togo qui a relevé que l'acte n°930 de l'année 2006, figurant dans le registre des actes de naissance de [Localité 1], sur le feuillet n°30 du registre n°10, établi le 11 avril 2006 concernait, [U] [V] née le [Date naissance 2] 2006.

Pour expliquer l'existence d'un acte de naissance concernant une tierce personne, Mme [C] soutient qu'il existe en réalité deux registres de naissance, l'un concernant les naissances enregistrées dans un délai de 45 jours et l'autre, les naissances enregistrées à partir d'un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance.

Mais le décret n°62-89 du 2 juillet 1962 portant réorganisation de l'état civil au Togo, en vigueur au jour de l'établissement de l'acte de naissance de l'intéressée ne prévoit pas la tenue de registres différents. Au contraire, comme le souligne le ministère public, l'article 18, alinéa 4 de ce décret précise que « le dispositif de tout jugement de reconstitution ou supplétif d'acte d'Etat Civil devenu définitif est transcrit dans les mêmes formes à sa date, au dos de la souche sur le registre de l'année en cours où a été dressé l'acte détruit ou perdu ou sur le registre de l'année où la déclaration aurait dû être faite ».

Les documents produits par Mme [C] pour justifier l'existence d'une pratique de double registre, contraire à ces textes, n'est pas de nature à lui conférer un état civil fiable et certain au sens de l'article 47 du code civil.

Le jugement qui a ordonné l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par l'intéressée doit donc être infirmé. Mme [T] [C] doit être déboutée de sa demande d'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite le 19 mars 2014.

Les dépens seront supportés par Mme [C] qui succombe en ses prétentions.

L'équité ne commande pas de faire droit à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré.

Rejette la demande du ministère public tendant à voir déclarer irrecevables les pièces communiquées par Mme [C] le 18 juillet 2018.

Infirme le jugement.

Statuant à nouveau :

Déboute Mme [T] [C] de sa demande d'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite le 19 mars 2014.

Dit que Mme [T] [C], née le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 1] (Togo), n'est pas de nationalité française.

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Rejette la demande de Mme [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [C] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 18/04377
Date de la décision : 16/04/2019

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°18/04377 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-16;18.04377 ?
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