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11/04/2019 | FRANCE | N°18/07141

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 11 avril 2019, 18/07141


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 11 AVRIL 2019



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07141 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5OIJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2017007489





APPELANT :



Monsieur [W] [I]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]>


Représenté par Me Isaline POUX de la SELARL IP ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1668





INTIMÉE :



SELAS MCM ET ASSOCIES, prise en la personne de Maître [N] [S], mandata...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 11 AVRIL 2019

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07141 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5OIJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2017007489

APPELANT :

Monsieur [W] [I]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]

Représenté par Me Isaline POUX de la SELARL IP ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1668

INTIMÉE :

SELAS MCM ET ASSOCIES, prise en la personne de Maître [N] [S], mandataire judiciaire

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 792 204 794

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 2]

Défaillant, régulièrement assigné

COMPOSITION DE LA COUR :

    En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 février 2019, en audience publique, devant Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère et Madame Aline DELIERE, Conseillère.

           Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Hanane AKARKACH

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Hanane AKARKACH, Greffière présente lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

Par jugement du 22 juillet 2016 le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Travelling, a désigné la SELAS MCM et associés en qualité de mandataire liquidateur et a fixé la date de cessation des paiements au 22 janvier 2015.

Par jugement du 6 mars 2018, sur saisine du ministère public, le tribunal de commerce de Paris a prononcé à l'égard de M. [W] [I], gérant de la société Travelling, une interdiction de gérer pendant la durée de 2 ans.

M. [I] a fait appel le 5 avril 2018.

Il expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 8 janvier 2019 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Il conclut à l'infirmation du jugement.

Il soutient qu'en 2015 il avait un actif suffisant pour faire face au passif, qu'il avait un moratoire pour toutes ses dettes, que la créance de l'URSSAF est contestée et qu'il n'est pas établi qu'il s'est sciemment abstenu de se déclarer en cessation des paiements alors qu'il ne se trouvait pas dans cette situation. Il ajoute que sa comptabilité était à jour deux mois avant la liquidation judiciaire du 22 juillet 2016 et que la faute reprochée à ce titre n'est pas fondée.

Le ministère public a rendu un avis par écrit le 5 novembre 2018, repris à l'audience, dans lequel il conclut à la confirmation du jugement.

Il fait valoir que M. [I] ne produit que le grand livre et la balance générale de 2015 et reconnaît ne pas avoir établi le bilan 2015 à bonne date, que la comptabilité est donc incomplète, que la date de cessation des paiements ne peut être remise en cause, que l'accord passé avec le bailleur le 21 janvier 2016 ne semble pas avoir été respecté car celui-ci a signifié deux commandements de payer en février et juillet 2016, de sorte que l'état de cessation des paiements était avéré eu égard au montant de 115 000 euros de retards de loyers et que M. [I] ne pouvait qu'en avoir conscience.

La SELAS MCM et associés, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 5 juillet 2018, en sa qualité de mandataire liquidateur, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Au regard des dispositions des articles L653-5 et L653-8 du code de commerce le ministère public, devant la cour d'appel, reproche deux fautes à M. [I], que le tribunal a retenues:

- M. [I] n'a produit que partiellement la comptabilité de la société pour l'année 2015 car il n'a pas établi le bilan,

- M. [I] n'a pas procédé à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours alors qu'il ne pouvait ignorer avoir des dettes envers l'URSSAF, Humanis et le bailleur, que les accords avec ses créanciers ne semblent pas avoir été respectés et que cette omission a mené à une aggravation du passif de 114 000 euros, soit 29 % du total de l'insuffisance d'actif.

L'article L653-5-6° du code de commerce dispose : «'Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après : ' avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ».

L'article L653-8 alinéas 1 et 3 du code de commerce dispose : «'Dans les cas prévus aux articles L653-3 à L653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci. 'Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ».

L'article L123-12 du code de commerce prévoit que toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable chronologique des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise et doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire.

M. [I] justifie avoir tenu la comptabilité de la société en produisant la balance générale et le grand livre des comptes pour 2015. Mais il ne justifie pas avoir communiqué le bilan de l'année 2015.

Il explique que son expert-comptable attendait des éléments afférents à la filiale d'exploitation de la société Travelling, que celle-ci a été placée en liquidation judiciaire le 22 juillet 2016 et que l'expert-comptable n'a pas poursuivi ses travaux, n'ayant pas été payé. Mais ces éléments ne sont pas des causes qui peuvent justifier l'omission de tenir et de produire une comptabilité complète.

Le premier grief est donc établi.

La date de cessation des paiements a été fixée au 22 janvier 2015, soit 18 mois avant l'ouverture de la liquidation judiciaire. Cette date a été définitivement fixée, M. [I] s'étant désisté de son recours à l'encontre de la décision du tribunal de commerce, et ne peut être remise en cause.

M. [I] avait donc l'obligation de demander l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de 45 jours à compter du 22 janvier 2015.

Il ressort des rapports du mandataire liquidateur des 26 et 29 décembre 2016 que le passif déclaré de la société Travelling s'élève à 411 309,93 euros, dont 62 801,74 euros au titre du privilège des caisses sociales.

La société Travelling devait la somme de 16 067,88 euros à la caisse Humanis Agirc au titre du solde des cotisations échues en 2013 et en 2014, et la somme de 6021,86 euros à la caisse Humanis Arrco au titre du solde des cotisations échues en 2013 et en 2014.

Après l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Travelling le 22 juillet 2016 la créance de la caisse Humanis s'élevait à 24 088 euros.

La société Travelling devait également la somme totale de 32 098 euros à l'URSSAF au titre des cotisations échues au 4ème trimestre 2013 et en 2014. Les 15 octobre 2014 et 15 janvier 2015 l'URSSAF a pris des inscriptions de privilège pour la somme totale de 27 394 euros.

Après l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Travelling le 22 juillet 2016 la créance de l'URSSAF s'élevait à 47 088 euros.

L'état des inscriptions de privilège révèle également deux inscriptions de la caisse Malakoff à la date du 8 septembre 2014 pour un montant total de 2919 euros

La société Travelling est titulaire d'un bail commercial. Au 1er janvier 2015 sa dette locative était de 27 716,96 euros.

La société Travelling avait une dette envers les sociétés WRN et Maneti, résultant de décisions de justice, non versées à la procédure, ainsi qu'il ressort d'un acte intitulé «'Accord de partenariat'» du 31 mars 2016. La société Maneti a déclaré à ce titre une créance de

185 818,15 euros.

M. [I] soutient qu'il avait un moratoire pour l'ensemble de ses dettes.

S'agissant de la créance de la caisse Humanis il ne produit aucune pièce en ce sens.

S'agissant de la créance de l'URSSAF il ne produit pas non plus de pièces établissant qu'il avait négocié un moratoire avec cette caisse. Il soutient également que la somme réclamée n'est pas due et qu'il l'a contestée mais ne démontre ni qu'elle n'est pas due, ni qu'il l'a contestée.

S'agissant de la dette de loyer la société Travelling n'a adressé aucun paiement au bailleur après son premier paiement du 1er janvier 2015 au titre du dépôt de garantie. Elle n'a commencé à payer l'arriéré de loyer qu'à compter du 2 juillet 2015 par des versements de 5000 euros alors que la dette locative s'élevait déjà à 76 410,89 euros. Le 18 novembre 2015 un commandement de payer a été notifié à la société Travelling pour la somme de

73 392,31 euros.

L'accord dont M. [I] fait état a été négocié tardivement avec son bailleur, le 21 janvier 2016, alors que sa dette locative s'élevait à 111 547,72 euros. Cet accord n'a pas été respecté, les paiements étant irréguliers et insuffisants pour couvrir à la fois l'arriéré de loyer et le loyer courant. Au 2 juillet 2016 la dette locative de la société Travelling était de 114 781,52 euros et n'avait pas diminué.

M. [I] fait également état d'un accord avec la société WRN. Il produit un accord de partenariat du 31 mars 2016 avec la société WRN et la société Manetti, comprenant le règlement d'une indemnité transactionnelle de 70 000 euros à ces deux sociétés, qui s'engageaient à ne pas exécuter des décisions de justice jusqu'à la complète exécution de ses engagements par la société Travelling. Mais cet accord n'a pas été exécuté.

Selon les bilans comptables versés à la procédure la société Travelling a réalisé un chiffre d'affaires de 11 790 528 euros en 2013 et de 1 773 468 euros en 2014. En 2014 elle a réalisé un bénéfice limité à 4255 euros.

M. [I] soutient qu'il a réalisé un chiffre d'affaires de 147 000 euros en 2015 et dégagé un résultat bénéficiaire de 31 796 euros mais n'en justifie pas. La balance générale des comptes de la société Travelling mentionne qu'une perte de 639 245,25 euros a été réalisée au 31 décembre 2015.

Au regard de ces éléments et notamment des sommes dues aux caisses sociales au début de l'année 2015, des inscriptions de privilège, de l'existence d'une dette de loyer qui n'a jamais été résorbée, de la chute brutale du chiffre d'affaires et de l'absence manifeste d'actifs disponibles il est établi que M. [I], qui était gérant ou administrateur de plusieurs entreprises et avait une expérience certaine dans ce domaine, avait conscience de la situation compromise de la société Travelling et a omis sciemment'de déclarer la cessation des paiements de celle-ci dans le délai légal.

Le second grief retenu à son encontre par le tribunal est donc établi.

En considération de la nature des fautes qui lui sont reprochées et du fait qu'il était engagé en qualité de caution de la société Travelling auprès de sa banque, l'interdiction de gérer pendant la durée de 2 ans prononcée par le tribunal est justifiée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, réputé contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré,

CONDAMNE M. [I] aux dépens.

La Greffière La Présidente

Hanane AKARKACH Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/07141
Date de la décision : 11/04/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°18/07141 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-11;18.07141 ?
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