Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 11 AVRIL 2019
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/07862 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYQCX
Décision déférée à la cour : jugement du 18 janvier 2016 -tribunal de commerce de MELUN - RG n° 2014F591
APPELANTE
SAS ACBI AGENCE [V]
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 381 525 153
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Gaël GRIGNON DUMOULIN, avocat au barreau de PARIS , toque : E371 substitué à l'audience par Me Valérie MAMALIGA, avocate au barreau de PARIS, toque : E371
INTIMÉES
SASU AUTOGYRE, devenue la SASU QUINOA RESIDENTIEL
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 2]
N° SIRET : 351 607 866
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Emmanuel ESCARD DE ROMANOVSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0140
SAS PANOL
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 2]
N° SIRET : 775 741 614
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Emmanuel ESCARD DE ROMANOVSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0140
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 février 2019, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Madame Christine SOUDRY, Conseillère
Madame Estelle MOREAU, Conseillère, chargée du rapport
qui en ont délibéré,
un rapport a été présenté à l'audience par Madame Estelle MOREAU dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre et par Madame Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE :
La société ACBI Agence [V] (ci-après, la société ACBI) exerce l'activité d'agent commercial dans le domaine du bâtiment.
La société Autogyre, devenue Quinoa Résidentiel, construit, fabrique et vend des gammes de produits destinées, pour l'une, à l'habitat individuel (grilles de ventilation, VMC simples et double flux et extracteurs pour hottes de cuisine), pour l'autre, au marché de l'habitat collectif et du tertiaire (grilles, lames filantes, brise-soleil, claustras).
La société Panol produit et commercialise deux gammes de produits, l'une liée à la protection contre l'incendie, l'autre afférente aux grilles de toutes sortes (d'aération, de prise d'air, de ventilation, acoustiques et lames filantes).
Par contrat d'agent commercial en date du 30 septembre 2002, modifié par avenant du 20 avril 2004, la société Autogyre a confié à la société ACBI le mandat de commercialiser avec exclusivité ses produits 'Industrie Autogyre' à sa clientèle professionnelle dans les départements de l'Est.
En 2006, la société Panol est devenue une filiale de la société Quinoa Développement, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation des produits aérauliques destinés au marché du second oeuvre du bâtiment. Fin 2010, la société Autogyre est également devenue une filiale de la société Quinoa Développement, sous la direction du groupe Quinoa présidé par M. [L] [N], également gérant de la société Quinoa Développement. Un directeur commercial commun aux sociétés Panol et Autogyre a été nommé le 1er juin 2011 en la personne de M. [P] [P].
A la suite du transfert, fin 2011, du site de production de la société Autogyre, de l'usine de Melun à celle d'Attichy, la société ACBI a reproché à la société Autogyre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 avril 2012 réitérée le 28 mai 2012, un manque de suivi des commandes occasionnant des retards de livraison et un manque à gagner. La société Autogyre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 juin 2012, a reconnu les désagréments engendrés pour la société ACBI par la réorganisation de l'outil de production mais souligné l'augmentation du chiffre d'affaires de celle-ci en dépit de ces difficultés.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 janvier 2014, réitérée le 18 avril 2014, la société ACBI, reprochant à la société Autogyre l'absence de mise en oeuvre de moyens pour l'exécution de son contrat d'agence commerciale ainsi que la violation de son exclusivité et faisant valoir des actes de concurrence déloyale commis par la société Panol, du fait de la vente par celle-ci, sur son site internet, par le biais de sa documentation commerciale et dans un stand du salon Batimat le 8 novembre 2013, de mêmes produits claustras et brises-soleil sous la marque Panol que ceux objets du contrat d'agence commerciale, a résilié ledit contrat aux torts exclusifs de la société Autogyre, et a sollicité le bénéfice des indemnités dues ainsi que la réparation de son préjudice au titre du manque à gagner et de la perte de clientèle.
Par lettre du 3 mars 2014, la société Autogyre a contesté ces griefs, faisant valoir que la société Panol était une personne morale distincte et que celle-ci n'avait jamais commercialisé de produits brise soleil ni réalisé d'offre de cette gamme de produits sur le territoire relevant de l'exclusivité.
C'est dans ces circonstances que par acte du 13 octobre 2014, la société ACBI assigné la société Autogyre et la société Panol devant le tribunal de commerce de Melun aux fins de voir juger que la résiliation du contrat d'agence commerciale est exclusivement imputable à la société Autogyre, que ladite société et la société Panol se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale à son préjudice et obtenir la condamnation solidaire de celles-ci à l'indemniser au titre des commissions échues et à échoir et du manque à gagner, et à lui payer les indemnités de préavis et de rupture du contrat d'agence commerciale.
Par jugement rendu le 18 janvier 2016, le tribunal de commerce de Melun a :
- déclaré l'action in solidum de la société ACBI Agence [V] recevable,
- débouté la société ACBI Agence [V] de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamné la société ACBI Agence [V] à payer à la société Autogyre et à la société Panol la somme de 1.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de la société ACBI Agence [V] dont frais de greffe liquidés à la somme de 127,92 euros,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration au greffe du 4 avril 2016, la société ACBI a interjeté à l'encontre de cette décision.
***
Prétentions et moyens des parties :
Par dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2019, la société ACBI , demande à la cour de:
Vu la Directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants ;
Vu les arrêts de la CJCE C 104/95 du 12 décembre 1996- point 19 et C 19/07 du 17 janvier 2008- point 23,
Vu les dispositions des articles L.134-1 et suivants et R.134-1 et suivants du code de commerce ;
Vu les dispositions des articles 143 et suivants du code de procédure civile ;
Vu l'article 1165 du code civil (ancien) ;
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déclarée recevable en son action in solidum à l'encontre des sociétés Autogyre et Panol ;
Et statuant à nouveau,
- dire et juger que la société Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée société Autogyre, a manqué à ses obligations de bonne foi et de loyauté et a porté atteinte à son obligation d'exclusivité vis-à-vis d'elle ;
En conséquence,
- dire et juger que la résiliation de son contrat d'agence est exclusivement imputable à la société Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée société Autogyre ;
- dire et juger que la société Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée société Autogyre, et la société Panol se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale et parasitaires à son préjudice ;
En conséquence,
- condamner la société Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée société Autogyre, à lui payer, sauf à parfaire, les sommes de :
- 24.396,98 euros TTC au titre des commissions échues et à échoir ;
- 15.000 euros au titre des dommages et intérêts pour le manque à gagner de commissions ;
- condamner la société Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée société Autogyre, à lui payer les intérêts légaux sur les sommes sus indiquées à compter de l'acte introductif d'instance, avec anatocisme année par année ;
- condamner in solidum les sociétés Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée Autogyre, et Panol à lui payer, sauf à parfaire, les sommes de :
- 9.050,00 euros majorés de la TVA, au titre de l'indemnité de préavis ;
- 72.500 euros au titre de l'indemnité de cessation de contrat ;
- condamner in solidum les sociétés Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée société Autogyre, et Panol à lui payer les intérêts légaux sur les sommes sus indiquées à compter de l'acte introductif d'instance, avec anatocisme année par année ;
- donner injonction à la société Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée société Autogyre, de lui communiquer un extrait des balances clients sur le secteur confié en exclusivité sur l'année 2014, le tout certifié par un commissaire aux comptes et sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans les huit jours de la signification de la décision à intervenir ;
- se réserver le pourvoir de liquider l'astreinte ;
Vu l'article L.134-6 du code de commerce et l'interprétation par la CJCE de l'article 7 de la Directive 86/653/CEE du 18 décembre 1986 ;
- ordonner une mesure d'instruction sur le fondement des articles 143 et suivants du code de procédure civile tendant à rechercher auprès de la société Panol tous les devis, offres, propositions et ventes effectués sur le secteur de la société ACBI Agence [V] relatifs aux produits de claustras et brise-soleil qui font l'objet du contrat d'agence commerciale entre la société ACBI Agence [V] et la société Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée société Autogyre, afin de déterminer et fournir des éléments du préjudice subi par la société ACBI Agence [V] du fait de ces agissements de concurrence déloyale et ce, à compter de janvier 2010 jusqu'à la rupture du contrat d'agence en date du 28 janvier 2014 ;
- dire et juger que les frais de consignation de l'expertise seront avancés par les sociétés Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée société Autogyre, et Panol ;
- condamner in solidum la société Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée société Autogyre, et la société Panol à lui payer une indemnité de 5.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum les sociétés Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée société Autogyre, et Panol aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise ;
- débouter les sociétés Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée société Autogyre, et Panol de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
La société ACBI reproche à la décision rendue par le tribunal de commerce de Melun d'avoir fait abstraction des liens de droit et de fait entre les sociétés Panol et Autogyre qui sont détenues à 100 % par le même actionnaire, la société Quinoa, avec une direction commerciale commune et une seule et même stratégie de groupe.
Elle soutient que depuis le rachat de la société Autogyre par le groupe Quinoa, la gamme de produits de claustras et brise-soleil conçue, développée et fabriquée par la société Autogyre, est désormais fabriquée par la société Panol et commercialisée par celle-ci sous la propre marque Panol, de sorte que le groupe Quinoa a crée une concurrence entre les sociétés Autogyre et Panol qui n'existait pas. Elle fait valoir que la commercialisation, à des prix moindres, par la société Panol de ces produits Panol relevant de son contrat d'agence commerciale et dont la commercialisation ne lui a pas été confiée, contrairement aux grilles de la marque Panol qui représentent une partie infime de son chiffre d'affaires, et qui emporte un détournement de la clientèle de la société Autogyre au profit de la société Panol, constitue une violation de son exclusivité territoriale par la société Autogyre avec la complicité de la société Panol, et des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société Panol.
Elle considère que cette concurrence fautive engage tant la responsabilité contractuelle de la société Autogyre, qui a manqué à son obligation de loyauté envers elle et l'a empêchée d'exécuter son mandat en violation des dispositions de l'article L.134-4 du code de commerce, que la responsabilité quasi-délictuelle de la société Panol, sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, laquelle s'est rendue complice de la violation de l'exclusivité dont elle bénéficiait sur son territoire géographique en la concurrençant par la vente de ces produits dans le secteur qui lui est accordé en exclusivité par la société Autogyre, ainsi que du détournement de sa clientèle ;
Elle prétend que la violation de la clause d'exclusivité par la société Autogyre constitue une faute qui rend imputable à celle-ci la rupture du contrat d'agence commerciale, en application des dispositions des articles L. 134-6 et L.134-13 2° du code de commerce ;
Elle fait valoir que lui sont dues les commissions sur l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé sur le secteur confié en exclusivité, ainsi qu'au titre des affaires conclues après la rupture du contrat d'agence commerciale mais grâce à son activité, et sollicite la communication des documents comptables de la société Autogyre en application des dispositions des articles L.134-6, R.134-3 et R.134-4 du code de commerce.
Elle s'estime également fondée à solliciter le paiement par la société Autogyre d'une indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de commissions, en application de l'article L.134-11 du code de commerce, et de l'indemnité de cessation de contrat conformément aux articles L.134-12 et L.134-13 du code de commerce.
Elle fait également valoir une perte de chiffre d'affaires du fait de la migration de l'outil de production de la société Autogyre vers le site d'Attichy à la fin de l'année 2011, et sollicite à ce titre une somme de 15.000 euros au titre du manque à gagner de commissions.
Enfin, elle s'estime fondée à solliciter une mesure d'instruction afin de déterminer son préjudice au titre des actes de concurrence déloyale commis par la société Panol, en application des dispositions de articles L.134-6 et R.134-3 du code de commerce et 146 du code de procédure civile, dès lors que l'agent commercial chargé d'un secteur géographique déterminé a droit à la commission pour les opérations conclues par des clients appartenant à ce secteur avec un tiers en cas d'intervention indirecte du mandant.
Par dernières conclusions notifiées le 23 janvier 2019, la société Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée Autogyre, et la société Panol, intimées, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
- condamner la société ACBI à leur payer la somme de 5.000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Les sociétés Quinoa Résidentiel et Panol font valoir, en vertu des articles 1165 et 1842 du code civil, leur indépendance en tant que personnes morales distinctes, bien qu'appartenant au même groupe, à défaut pour l'appelante de démontrer qu'elles formeraient une seule entité avec la société-mère et l'immixtion caractérisée de celle-ci dans leurs relations contractuelles respectives.
Elles soulèvent l'irrecevabilité des demandes de condamnations in solidum formées à leur encontre par l'appelante, comme se heurtant au principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et quasi-délictuelle.
Elle font valoir que compte tenu de l'effet relatif des conventions, ne constitue pas une faute, au titre du contrat d'agence commerciale liant l'appelante à la société Autogyre, la commercialisation par la société Panol de produits concurrents, sous la marque Panol, sur la zone d'exclusivité du contrat, étant précisé que les sociétés Panol et Autogyre étaient déjà concurrentes dans le domaine de l'aéraulique avant leur rapprochement au sein du groupe Quinoa. Elles ajoutent que de même, la commercialisation de ses propres produits par la société Panol, dont l'activité commerciale sur les zones considérées existe depuis de nombreuses années et bien avant 2011, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale envers l'appelante avec laquelle la société Panol n'est liée par aucun contrat.
Elles précisent que la société Autogyre a oeuvré pour faire respecter le contrat d'agence commerciale de la société ACBI en lui permettant de bénéficier des produits de la société Panol et en orientant des clients de celle-ci vers elle.
Enfin elles relèvent l'absence de démonstration de détournement de clientèle au préjudice de la société ACBI qui ne produit aux débats qu'une pièce ayant trait à un client ne faisant pas partie des catégories de clients visés dans le contrat d'agence commerciale.
***
MOTIFS
A titre liminaire, la cour ne statuant que sur les prétentions récapitulées sous forme de dispositions, en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité des demandes de la société ACBI, laquelle demande n'est formée que dans le corps des écritures des intimées sans être reprise dans le dispositif de ces écritures.
Sur la rupture du contrat d'agence commerciale :
L'article L.134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties (alinéa 1) ; que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information (alinéa 2) ; que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; et que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat (alinéa 3).
L'article L.134-12 du même code, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.
L'article L.134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;
3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.
Par contrat d'agent commercial en date du 30 septembre 2002, modifié par avenant du 20 avril 2004, la société Autogyre a confié à la société ACBI le mandat de commercialiser avec exclusivité les produits 'Industrie Autogyre' intéressant la clientèle professionnelle dans les départements de l'Est.
Selon l'article 2 de ce contrat, relatif à l'étendue du mandat, 'La société ACBI est chargée de prospecter la clientèle suivante : artisans métalliers, charpentiers métalliques, entreprises générales du bâtiments, façadiers, menuisiers serruriers, miroitiers, plombiers-chauffagistes, professionnels du génie climatique (...)'.
L'article 4 du contrat d'agence commerciale énonce que 'Pour permettre à la société ACBI de remplir sa mission, la société Autogyre s'engage à lui fournir la documentation nécessaire et à lui donner toutes les informations relatives aux produits concernés.
La société Autogyre devra constamment tenir informée la société ACBI des conditions d'exécution des ordres qu'elle lui aura transmis. Elle devra en particulier aviser sans délai la société ACBI de son refus ou de son impossibilité d'exécuter une opération commerciale conclue par son intermédiaire (...)'.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 janvier 2014 adressée à la société Autogyre, la société ACBI a fait valoir que la société Panol, qui fabrique désormais l'ensemble de la gamme de produits claustra et brise-soleil de la société Autogyre dont la commercialisation lui est confiée, commercialise les mêmes produits sous la marque Panol auprès de la clientèle qu'elle visite pour le compte de la société Autogyre, ce par le biais du site internet de la société Panol rénové en 2014, de la documentation commerciale de celle-ci, et de la participation de ladite société au salon Batimat en 2013. Soutenant qu'elle n'a bénéficié pour sa part que d'un stand dans ledit salon pour la partie distribution (gamme VMC), et nullement pour la branche industrie (brise soleil, claustra, lame filante), que son site internet est obsolète et sa documentation commerciale insuffisante, elle a reproché à la société Autogyre un défaut de mise en oeuvre de moyens commerciaux favorisant la concurrence déloyale commise par la société Panol à son préjudice et justifiant la rupture du contrat d'agence commerciale aux torts exclusifs de la société Autogyre. Elle a sollicité le paiement par ladite société, d'une indemnité de rupture, d'une indemnité compensatrice de préavis ainsi que la réparation de son préjudice au titre de son manque à gagner.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 mars 2014, la société Autogyre a contesté ces griefs, faisant valoir que la société Panol était une personne morale distincte et que celle-ci n'avait jamais commercialisé de produits brise soleil ni réalisé d'offre de cette gamme de produits sur le territoire relevant de l'exclusivité. Elle a précisé que la société Panol était présente dans le salon Interclima et non Batimat, que celle-ci commercialisait des produits claustra conçus par ses soins, que le site de la société Panol n'avait pas été modifié depuis 3 ans et que le catalogue Autogyre avait été complété par des produits Panol.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 avril 2014, la société ACBI a répliqué que les produits claustra et brise-soleil conçus et fabriqués par la société Autogyre n'étaient pas commercialisés par la société Panol avant le rachat de la société Autogyre par le groupe Quinoa, et que ladite société s'était appropriée la commercialisation des produits de la société Autogyre ainsi qu'en justifie la comparaison de leurs catalogues.
La rupture, par la société ACBI, du contrat d'agence commerciale aux torts exclusifs de la société Autogyre était donc motivée par le manque de moyens suffisants donnés par celle-ci au titre de l'exécution dudit mandat au détriment de la société ACBI et au profit de la société Panol appartenant au même groupe que la société Autogyre.
L'appréciation des circonstances de la rupture doit se faire à la lumière de ces seuls motifs évoqués dans la lettre de rupture du 28 janvier 2014.
Il appartient à la société ACBI, qui sollicite une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de rupture, de démontrer que la cessation de son activité d'agent commercial, intervenue à son initiative, était justifiée par les circonstances susvisées imputables à son mandant par suite desquelles la poursuite de son activité ne pouvait plus être raisonnablement exigée.
Sur la concurrence déloyale :
Si la liberté du commerce et de l'industrie, avec en corollaire la libre concurrence, ne peut, comme toute liberté, s'exercer que dans le respect de celle d'autrui, la théorie jurisprudentielle de la concurrence déloyale est fondée sur les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur version applicable aux faits de l'espèce.
Il appartient à l'appelante, à l'appui de son action, de faire la démonstration de comportements fautifs de la société Panol, constitutifs d'actes de concurrence déloyale, et de la complicité de la société Autogyre à ce titre, qui aurait ainsi sciemment violé la clause d'exclusivité.
Pour justifier de la commercialisation par la société Panol de claustras et brises-soleil objets de son contrat d'agence commerciale, l'appelante produit aux débats diverses pièces et en particulier:
- des extraits du catalogue non daté de la société Autogyre et du catalogue non daté de la société Panol reproduisant les mêmes illustrations au titre des 'Inclinaisons des lames Brise soleil', des 'modèles de lames de brise-soleil' et des 'fixations des lames' pour les brise-soleil commercialisés sous le nom de 'Surya' dans le catalogue de la société Autogyre, et sous le nom 'Paneol' dans le catalogue de la société Panol (pièces 14, 15, 16, 19, 20 et 32 appelante),
- une page dont il n'est pas discuté qu'elle soit extraite du site internet de la société Panol, sans indication de date, et à laquelle sont jointes une page, non datée, relative à la commercialisation du modèle 'Claustra Coulisséo' par la société Autogyre, et la page 19 du catalogue non daté de la société Panol présentant le modèle 'Panosun', illustré des mêmes représentations graphiques (pièce 23 appelante),
- la page 41 du catalogue non daté de la société Panol, reproduisant le même cliché représentant l'école supérieure d'ingénieurs et techniciens pour l'agriculture située à Mont Saint Aignan, près de Rouen, et parée de brises soleil commercialisés par la société Autogyre (pièces 24 et 25 appelante),
- la page 27 du catalogue non daté de la société Panol, reproduisant un même cliché de bâtiment que celui reproduit sur l'extrait non daté du site autogyre.fr et en page 7 du catalogue non daté de la société Autoyre au titre de la commercialisation du brise-soleil 'Sunbreaker' (pièces 28, 29, 32 appelante),
- la page 33 du catalogue non daté de la société Panol, reproduisant le même cliché d'un bâtiment que celui figurant sur l'extrait non daté du site autogyre.fr au titre de la commercialisation du brise-soleil Sunbreaker et page 45 du catalogue non daté de la société Autogyre (pièces 30 ,31, 32 appelante),
- un courriel du 6 novemnbre 2013 adressé par la société ACBI à la société Quinoa groupe, manifestation sa surprise de constater, sur le site d'Autogyre, la mention d'un stand Autogyre au salon d'exposition Batimat portant sur le traitement de l'air et non pas sur les brises soleil et claustras, alors que figure également à ce salon un stand Panol, ce courriel étant accompagné de clichés dudit stand dont une partie est consacrée à la 'sécurité incendie' et à 'l'habillage de façades', et de clichés du stand Autogyre dédié à la 'VMC' (pièce 17 appelante),
- le courriel en réponse adressé par M. [P] [P] directeur commercial de la société Quinoa, en date du 15 novembre 2013, précisant que la direction du groupe Quinoa a pris la décision de n'exposer à ce stand que la gamme VMC Autogyre, que ' [M] [L] m'a remonté hier l'information que vous auriez vu des lames filantes Autogyre sur le stand Panol à Interclima. Pour votre information, Panol commercialise des lames filantes depuis plus de 25 ans. Les produits présentés étaient bien des produits Panol et les produits Autogyre n'y étaient pas (...). Pour mémoire, les lames filantes et autres produits de serrurerie Autogyre sont fabriqués dans une usine du groupe Quinoa. Ainsi, certaines grilles que vous vendez étaient à l'origine des produits Panol. Elles sont également disponibles à la vente depuis plusieurs mois sous la marque Autogyre'(pièce 18 appelante).
Ces seules pièces qui ne sont nullement datées, si elles sont de nature à établir que la société Panol commercialise ses produits en reprenant des illustrations de produits commercialisés par la société Autogyre, ne permettent cependant pas de démontrer l'identité des produits en cause à défaut de constats d'huissier de justice et de procès-verbal de saisie des produits litigieux, ni de dater ces faits, et en particulier l'antériorité de la commercialisation des produits de la société Autogyre en utilisant les illustrations litigieuses, par rapport à la commercialisation des produits de la société Panol.
La société ACBI échoue donc à rapporter la preuve, qui lui incombe, que la société Panol aurait commercialisé des produits identiques ou similaires à ceux de la société Autogyre ou se serait immiscée dans le sillage de celle-ci sans bourse délier pour capter sa clientèle et qu'elle aurait donc commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Autogyre et qui lui serait préjudiciable en sa qualité d'agent commercial de ladite société bénéficiant d'une exclusivité territoriale.
L'appelante ACBI ne justifie pas davantage que la société Panol aurait détourné la clientèle de la société Autogyre à son préjudice en procédant à des prospections auprès des cabinets d'architecte, économistes ou décorateurs, dès lors que ceux-ci ne rentraient pas dans la liste de clients à prospecter listés dans l'article 2 du contrat d'agence commerciale qui lui était confié. Il importe peu, à ce titre, que la liste 'Protect Archi pour Autogyre', que produit l'appelante et dont la provenance est inconnue, celle-ci étant extraite d'un courriel que Mme [V], de la société ACBI, s'est adressée à elle-même (pièce 55), contiendrait les coordonnées de tels professionnels.
Les faits de concurrence déloyale constitutifs, d'une part, de la commercialisation de produits similaires ou identiques à ceux déjà commercialisés par la société Autogyre, d'autre part, par des actes de parasitisme du fait de l'immixtion de la société Panol dans le sillage de la société Autogyre, ou encore par le détournement de clientèle, n'étant pas caractérisés, la responsabilité quasi-délictuelle de ladite société ne saurait être engagée à ce titre à l'égard de l'appelante.
Il n'est pas davantage justifié d'une quelconque complicité de la société Autogyre au titre de la concurrence déloyale de la société Panol nullement démontrée, aucun élément n'établissant que la société Autogyre aurait accepté voire favorisé la prétendue commercialisation de produits similaires ou identiques par la société Panol au préjudice de la société ACBI.
La commercialisation de produits de la société Panol, y compris aux salons Batimat-Interclima où la société Autogyre et la société Panol avaient chacune un stand, ne saurait à elle seule caractériser la violation, par la société Autogyre, de la clause d'exclusivité contenue dans le contrat d'agence commerciale, dès lors que les intimées forment chacune une entité distincte, qu'il n'est nullement démontré l'immixtion de leur société-mère dans leur gestion et celle de leurs relations contractuelles, de nature à porter atteinte à leur autonomie juridique, étant en outre relevé qu'il n'est pas discuté que ces sociétés ont toujours été concurrentes.
Il n'est donc démontré aucun manquement de la société Autogyre à son devoir de loyauté envers la société ACBI, ni la violation de la clause d'exclusivité contractuelle.
Sur le défaut de mise en oeuvre de moyens :
La seule circonstance qu'aux salons Batimat-Interclima qui se sont déroulés sur les mêmes lieux et à la même date, le stand de la société Autogyre ait été consacré à la partie distribution, (gamme VMC), et non pas à la branche industrie (brise soleil, claustra, lame filante), alors qu'un stand de la société Panol était consacré à la lutte-incendie et qu'au cours de celui-ci cette dernière aurait commercialisé des lames filantes, ne suffit pas à établir un défaut de mise en oeuvre de moyens suffisants par la société Autogyre au bénéfice de la société ACBI, nécessaires à l'exécution de son contrat d'agence commerciale, alors que l'organisation de tels salons n'est pas visée à l'article 4 du contrat et que la société ACBI ne rapporte nullement la preuve de la tenue, les années précédentes et dans de tels salons, de stands Autogyre consacrés à la branche industrie.
De même, la société ACBI ne démontre nullement que le site internet de la société Autogyre est obsolète et que sa documentation commerciale est insuffisante, ne produisant aux débats que des extraits dudit site non datés et un catalogue Autogyre non daté, sans expliciter ni établir ses allégations.
Enfin, si la société ACBI produit aux débats divers échanges de courriels afférents à des suivis de commandes ou des retards de livraison, en particulier depuis le changement du site de production de la société Autogyre, ces griefs ne sont nullement invoqués dans le courrier de résiliation du contrat d'agence commerciale. Ces échanges ne sont donc pas pertinents pour justifier de la résiliation du contrat d'agence commerciale aux torts exclusifs de la société Autogyre.
La société ACBI échouant à établir que les griefs rapportés dans son courrier de résiliation du contrat d'agence commerciale sont caractérisés et que la rupture dudit contrat par ses soins est imputable à la société Autogyre, est donc mal fondée à solliciter le paiement d'une indemnité de rupture, d'une indemnité compensatrice de préavis ainsi que la réparation de son préjudice au titre de son manque à gagner, et sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Le jugement entrepris sera donc confirmé, par motifs substitués.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a condamné la société ACBI aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient, en outre, de condamner la société ACBI, échouant, aux dépens exposés en cause d'appel. L'équité commande de la condamner à payer aux société Panol et Autogyre devenue Quinoa Résidentiel, une indemnité de 2.000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 19 janvier 2016 dans l'intégralité de ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société ACBI Agence [V] à payer à la société Quinoa Résidentiel, anciennement dénommée Autogyre, et à la société Panol une somme de 2.000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société ACBI Agence [V] aux dépens exposés en cause d'appel.
La Greffière Le Président
Hortense VITELA Patrick BIROLLEAU