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10/04/2019 | FRANCE | N°16/12922

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 10 avril 2019, 16/12922


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 10 avril 2019



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/12922 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZZEA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F 14/00432



APPELANTE



GIE INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL -I

NA- agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéri...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 10 avril 2019

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/12922 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZZEA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F 14/00432

APPELANTE

GIE INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL -INA- agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

INTIMÉ

Monsieur [V] [W]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Alina PARAGYIOS, avocate au barreau de PARIS, toque : A0374

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marianne FEBVRE-MOCAER, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Bruno BLANC, président

Mme Marianne FEBVRE-MOCAER, conseillère

M. Olivier MANSION, conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Clémentine VANHEE

Présence lors des débats de Mme Julie BOURLON, avocat stagiaire

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé à ce jour

- signé par Bruno BLANC, Président et par Clémentine VANHEE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

L'Institut National de l'Audiovisuel (l'Ina, ci-après) est un établissement public à caractère industriel et commercial créé suite à la réforme de l'audiovisuel menée en 1974 et mise en oeuvre le 1er janvier 1975.

M. [V] [W] y a été engagé le 31 août 1998 en qualité d' 'agent technique de gestion des stocks groupe B06' dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, qui a été renouvelé jusqu'au 31 décembre 1998 et auquel a succédé un contrat à durée indéterminée à effet du 1er janvier 1999.

Le salarié a bénéficié de mesures d'avancement ainsi que de promotions, ayant nommé responsable de magasin - sur un poste de 'technicien de spécialité B09' - à compter de janvier 2003, puis sur un poste de 'technicien de maîtrise de spécialité' classé B11 à compter du 1er janvier 2012.

Jusqu'au 1er janvier 2013, le personnel de l'entreprise était soumis à la convention collective de la communication et de la production audiovisuelles, à laquelle s'est substitué un accord d'entreprise portant sur le statut collectif des salariés Ina, signé le 9 novembre 2012, lequel comportait une nouvelle grille de classification.

Par avenant qu'il a signé le 1er janvier 2013, M. [W] a été nommé 'technicien de maîtrise d'exploitation multimédia / groupe 3 / catégorie agent de maîtrise'.

Au 1er janvier 2014, il percevait une rémunération mensuelle brute de 2.558,38 €, majorée d'un treizième mois.

Le 19 novembre 2013, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable à éventuelle sanction fixé au 27 novembre, reporté au 12 décembre suivant en raison de l'arrêt de travail qui lui avait été prescrit du 21 au 29 novembre 2013.

Il a fait l'objet d'un avertissement par une lettre du 27 décembre 2013 lui reprochant des propos déplacés et outrageants envers une autre salariée de l'Ina, tenus lors d'une réunion du 5 novembre et caractérisant un comportement relationnel inacceptable et un manque de respect.

M. [W] a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 13 février 2014 aux fins d'annulation de cette sanction disciplinaire et paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral. Il sollicitait également son reclassement en qualité de 'cadre technique d'exploitation multimédia' et réclamait un rappel de salaire à ce titre.

La cour statue sur l'appel de l'Ina contre le jugement rendu le 6 juin 2016 qui :

- a prononcé l'annulation de l'avertissement litigieux,

- a dit que M. [W] devait bénéficier de la classification professionnelle qu'il revendiquait,

* l'a condamné à verser au salarié les sommes suivantes :

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 20.114,89 € à titre de rappel de salaire,

- 2.011,49 € au titre des congés payés afférents,

- 900 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* a débouté M. [W] du surplus de ses demandes,

* l'a débouté de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles,

* l'a condamné aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels.

Vu les conclusions récapitulatives transmises le 24 mai 2018 par l'Ina, qui demande à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et de :

- rejeter l'appel incident de M. [W] et le déclarer mal fondé,

- constater que le salarié a été promu en B11 sans changer de fonctions xà l'occasion des commissions paritaires 2012, qu'il a donné son accord sans réserve pour être classé en groupe 3 au 1er janvier 2013, qu'il n'a jamais fait l'objet des demandes de décalage fonctionnel de la part des organisation syndicales, qu'iI ne rapporte pas la preuve qu'il exerce des fonctions correspondant à la classification B20 groupe 5 revendiquée et qu'il n'est pas dans une situation identique à celle des salariés auxquels il se compare,

- le débouter de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner au paiement d'une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du

code de procédure civile,

Très subsidiairement,

- dire et juger que le rappel de salaire correspondant aux qualifications revendiquées ne serait que de 4.649,61 €,

- condamner le salarié aux dépens d'appel et dire que Me Frédéric Buret, avocat au barreau de Paris, pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions de M. [W], transmises le 10 mai 2018, aux fins de voir :

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé l'avertissement du 27 décembre 2013 et classé M. [W] comme 'cadre technique d'exploitation multimédia',

* l'infirmer en ce qu'il a condamné l'Ina à lui payer les sommes de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, 20.114,89 € à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents à cette dernière condamnation, et 900 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner l'Ina à lui verser les sommes de :

- 23.290,50 € à titre de rappel de salaire,

- 2.329,05 € au titre des congés payés afférents,

- 42.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* débouter l'Ina de l'ensemble de ses demandes et le condamner aux dépens,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 juin 2018 et l'audience de plaidoirie du même jour,

Vu l'ordonnance d'envoi en médiation en date du 3 septembre 2018,

Vu l'audience de plaidoirie du 29 novembre 2019, au cours de laquelle les parties ont finalement demandé à la cour de vider son délibéré,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.

A l'issue de cette dernière audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 13 mars 2019 par mise à disposition au greffe. Elles ont été informée par le greffe que le délibéré était prorogé au 10 avril 2019.

SUR CE :

Sur la sanction disciplinaire :

En cas de litige sur une sanction disciplinaire, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. Elle peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Un comportement fautif ne peut résulter que d'un fait imputable au salarié.

L'employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre motivant l'avertissement litigieux était rédigée en ces termes : 'Nous avons eu à déplorer de votre part des propos déplacés et outrageants envers une salariée de l'INA, caractérisant un comportement relationnel inacceptable et un manque de respect.

En effet, le 5 novembre 2013, lors d'une réunion sur la réorganisation des bureaux en régie de captation TV en présence de trois membres du CHSCT et des salariés de votre service, vous avez indiqué a une collègue qu 'elle disposait de privilèges au sein de l'entreprise, compte tenu qu 'un bureau et un poste fixe lui avait été attribués, en ajoutant : tu as voulu teprendre pour la mouche du coche et tu te l'es prise par derrière.

Un tel comportement relationnel ne peut être accepté (...)'.

Le conseil des prud'hommes de Créteil a annulé cette sanction après avoir constaté :

- que la réunion du 5 novembre 2013 s'était tenue avec les membres du CHSCT concernant la nouvelle disposition des postes de travail, à laquelle Mme [C] et M. [E] s'étaient invités et au cours de laquelle M. [W] avait indiqué à la première qu'elle n'était pas concernée puisqu'elle possédait déjà elle-même un poste de travail,

- que Mme [C] avait indiqué que le salarié l'avait taxée d'avoir des privilèges, terme que M. [W] conteste avoir utilisé,

- qu'il indique avoir tenu les propos suivants : 'tu as voulu te prendre pour la mouche du coche et tu te l 'es prise derrière',

- que le fait de faire remarquer à une salariée que de bénéficier d'un poste de travail ne constitue nullement un manquement dans l'exercice du contrat de travail,

- que M. [B], supérieur hiérarchique, avait indiqué dans un mail daté du 27 novembre 2013 que M. [W] avait répondu à Mme [C] que depuis un an, elle ne lui adressait plus la parole et qu'elle n'était pas concernée dès lors qu'elle possédait son propre bureau ce à quoi Mme [C] lui avait répondu : 'tu veux dire que je suis privilégiée '' et que M. [W] avait répliqué : 'c'est toi qui le dis',

- que ce témoin avait également indiqué, d'une part, qu'il n'était pas prévu que M. [E] intervienne puisque ne s'occupant pas de l'exploitation en régie technique et, d'autre part, que M. [W] n'avait jamais prononcé le mot 'par', les termes employés étant : 'tu te l'es prise derrière',

- que M. [W] soutenait que la phrase utilisée ne pouvait justifier une sanction, qu'il s'agit d'une expression figurée tirée d'une fable de [D] intitulée 'Le coche et la mouche' et qu'il s'agissait d'un extrait du dictionnaire de l'académie française, qu'il s'était contenté d'affirmer à Mme [C] qu'elle avait voulu se mêler de ce qui ne la regardait pas et que cela se retournerait contre elle,

- que citer un poème de [Q] [D] une seule fois ne pouvait être qualifié d'acte de harcèlement à caractère sexuel,

- que le caractère ambigu de l'expression reprochée à M. [W] résultait des écritures même de la partie adverse.

Au soutien de son appel, l'Ina fait valoir - sur la matérialité des faits - que :

- la présence de M. [E] et Mme [C] se justifiaient puisqu'ils faisaient partie de l'équipe concernée par l'éventuelle réorganisation de l'agencement des bureaux envisagée qui avait justifié la réunion du 5 novembre 2013 avec l'intervention du CHSCT,

- les termes visés dans l'avertissement reproduisaient le mail de Mme [C], laquelle avait indiqué qu'elle ne souffrirait plus ce genre d'affront,

- quelle que soit la formule retenue ('derrière' ou 'par derrière') les propos tenus étaient inacceptables et avaient été vécus par Mme [C] comme un affront,

- le salarié ne justifiait pas que cette dernière avait hurlé et qu'il avait été poussé à bout de nerfs par ses deux collègues comme il le prétend.

La cour constate que l'employeur a abandonné le reproche qu'il soutenait en premières instance quant au caractère sexuellement humiliant et dégradant des propos prêtés au salarié.

Elle observe également qu'il ne rapporte pas la preuve de l'exactitude des termes employés par le salarié lors de la réunion du 5 novembre 2013.

En effet, le fait que M. [W] ait dit que Mme [C] disposait de privilèges - formellement contesté - n'est établi par aucune des pièces versées aux débats.

Par ailleurs, s'agissant de l'expression que le salarié reconnaît avoir utilisée, elle n'était pas en soi outrageante et doit être remise dans son contexte pour vérifier si elle avait un caractère déplacé.

Or, il ressort des explications des parties et des pièces produites de part et d'autre qu'il existait des tensions au sein du service auquel appartenait M. [W] et Mme [C] suite au dépôt, par plusieurs salariés, d'une plainte pénale pour harcèlement moral à l'encontre de deux responsables et que certains salariés (comme M. [W]) soutenaient les plaignants et d'autres (comme Mme [C]) les responsables mis en cause.

Il résulte également du mail de M. [B] du 27 novembre 2013 que, lors de la réunion du 5 novembre, le ton était monté entre certains techniciens et M. [E] qui était sorti de son bureau et intervenu fortement pour exprimer une opinion sur l'attribution d'un bureau à chacun d'entre eux. Or ce témoin - supérieur hiérarchique de M. [W] à l'époque et dont l'Ina affirme qu'il avait été à l'initiative de la réunion - précise dans son mail qu'il n'était pas prévu que M. [E] intervienne sur ce sujet et il témoigne également de l'intervention de Mme [C] qui s'était mêlée de soutenir la position de M. [E] en s'opposant notamment à M. [W]. M. [B] précise enfin qu'après avoir prononcé la phrase litigieuse, le salarié avait ajouté : 'tu te l'es prise derrière, la réflexion !'.

Replacée dans un contexte de tension tel que résultant des éléments de preuve fournis, les propos tenus M. [W] ne caractérisent aucun comportement déplacé ou outrageant à l'égard de Mme [C] - dont les fonctions qu'elle exerçait à l'époque ne sont nullement précisées -, mais témoignent de difficultés relationnelles entre personnes d'un même service dont la responsabilité ne peut être en l'état imputée à l'un plutôt qu'à l'autre. Il ne pouvait donc être reproché à M. [W] un 'comportement relationnel inacceptable' ou un 'manque de respect' à l'égard de sa collègue de travail.

Surabondamment, et toujours en considération du contexte décrit de part et d'autre, la notification d'un avertissement s'avère être une mesure disproportionnée à la faute résultant des propos tenus par M. [W].

En conséquence le jugement entrepris sera confirmé quant à l'annulation de l'avertissement litigieux.

Sur la classification :

Si la position du salarié est notamment définie par le niveau et le coefficient hiérarchique qui lui est attribué, en matière de qualification, les fonctions exercées sont déterminantes. Un salarié est donc en droit de demander la réévaluation de son coefficient hiérarchique sans qu'il puisse lui être opposé qu'il aurait renoncé - en exécutant son contrat de travail - à solliciter les avantages que la convention collective attribue en fonction de la qualification de l'emploi effectivement exercé.

Lorsqu'il est saisi d'une contestation à ce sujet, le juge compare les conditions prévues par la convention collective pour accéder à la qualification demandée et la situation exacte du salarié dans l'entreprise.

Par ailleurs, lorsqu'il invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" le salarié doit soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération avec des salariés placés dans une situation identique. Il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence de traitement, le juge appréciant ensuite leur pertinence.

Le salarié qui obtient son reclassement au niveau hiérarchique supérieur a droit à un rappel de salaire correspondant au minimum conventionnel de rémunération afférent à ce coefficient.

En l'espèce, le conseil des prud'hommes de Créteil a accueilli la demande du salarié d'être reclassé en qualité de 'cadre technique d'exploitation multimédia' et lui a accordé le rappel de salaire qu'il réclamait à ce titre, aux motifs :

- qu'il résultait des pièces produites que M. [W] avait pris part et réalisé des études, des projets, des missions et des travaux complexes dans son domaine de compétence comme en témoignent les conceptions de sites internet, de couverture de livre,

- qu'il avait développé et amélioré de nombreux programmes, avait également été amené à établir des comptes rendus d'activités et des rédactions de méthodes et procédures,

- qu'il avait également pris part à la traduction de langue étrangère telle que le portugais et s'était déplacé jusqu'au Brésil pour poursuivre une expertise,

- qu'il était régulièrement invité à traduire et comprendre des documents en portugais,

- qu'il avait été choisi pour former en multimédia des étudiants de licence et rémunéré en ce sens,

- qu'il avait assuré une présentation et démonstration du médiascope prévue pour

une vingtaine d'étudiants de licence, réalisé plusieurs missions de conception de couvertures de livre impliquant un formalisme stricte imposé par la Charte visuelle de l'lNA et un projet plateforme ressources durant 3 ans,

- qu'il avait eu la responsabilité de devis pour le service captation TV de façon autonome, effectuait des formations de cadres en interne comme le démontre sa fiche carrière, et avait assumé la responsabilité de chef de magasin,

- qu'à la lecture des nombreux échanges et directives transmises par ses supérieurs, il apparaissait qu'il exerçait les fonctions de cadre technique d'exploitation,

- que ses explications et les calculs détaillés pour demander un rappel de salaire étaient probants.

M. [W] demande la confirmation de ce jugement en faisant valoir au surplus que la signature de l'avenant du 1er janvier 2013 ne pouvait faire obstacle à sa demande, laquelle était fondée sur l'exécution de sa prestation de travail, correspondant à des fonctions de cadre, depuis février 2006. Il s'appuie sur la description d'un poste du groupe 5 dans la fiche de poste ainsi que sur ses compétences en développement informatique, son expertise et ses compétences linguistiques, les formations qu'il avait encadrées et reçues et les missions qu'il a réalisées.

Il compare également le déroulement de sa carrière avec celui de collègues effectuant les mêmes missions ou ayant reçu la même formation que lui, estimant avoir été désavantagé et ce, sans motif légitime, invoquant une importante inégalité de traitement.

De son côté, l'Ina objecte qu'il a fait l'objet d'un avancement au choix en janvier 2010 et d'une promotion sur un poste classé B11 le 1er janvier 2012 à la suite de réunions de commissions paritaires et elle fait à bon droit valoir que ces commissions sont composées de membres de la direction et d'organisations syndicales, conformément aux dispositions de la convention collective de la communication de la production audiovisuelle alors applicable, et qu'elles statuent sur la base d'éléments objectifs pouvant justifier d'éventuelles disparités de classification et de rémunération au sein du personnel.

Par ailleurs, M. [W] n'a jamais postulé sur un quelconque poste de niveau supérieur à celui qui lui était attribué. Or, les dispositions conventionnelles applicables subordonnent l'évolution d'un groupe de classification vers un groupe supérieur à une candidature sur un autre poste, laquelle ne peut intervenir qu'après deux ans d'ancienneté dans le poste.

Au contraire, le 1er janvier 2013, M. [W] a signé un avenant par lequel il a été rétroactivement classé groupe 3, sur des fonctions de technicien de maîtrise dans le cadre du nouveau statut collectif. Et s'il invoque avoir subi une pression à ce sujet, il n'en justifie nullement tandis que l'Ina produit au contraire un mail adressé à tous les salariés et destiné à les aviser qu'à défaut de retour de l'avenant, la rémunération conserverait sa structure initiale telle que prévue dans l'ancienne convention.

La cour constate également que, peu important les initiatives qu'il avait - unilatéralement - prises dans le domaine technique qu'il affectionnait, M. [W] n'établit pas qu'il lui avait été confié des fonctions d'encadrement d'équipe, de supervision de prestations ou de coopération en termes de choix d'équipement, telles que définies pour le groupe 5 de l'ancienne convention ou le niveau B20 du nouvel accord d'entreprise.

S'agissant de ses interventions dans le domaine de la formation, l'Ina établit que qu'il pouvait statutairement bénéficier d'indemnités de chargé d'enseignement y compris en sa qualité de technicien de maîtrise et qu'il était ponctuellement intervenu dans des formations dispensées par divers intervenants pour apporter des éclairages essentiellement techniques. Lui-même avait bénéficié d'une seule formation relevant d'un cursus 'cadre et maîtrise' en octobre 2012, ses autres formations - antérieures - étant des formations 'métier' ou techniques, ce qui ne permet pas de démontrer qu'il exerçait des fonctions de cadre.

S'agissant de l'inégalité de traitement également invoquée, la cour constate que :

- M. [F] - qui appartient au groupe 'ingénierie et contrôle de qualité' - a une ancienneté bien supérieure à celle de M. [W], étant entré à l'Ina dix ans plus tôt (en 1988), n'a jamais occupé le même poste que le salarié et a fait preuve d'une plus grande mobilité fonctionnelle,

- MM. [X] et [O] - dont le salarié affirme qu'il ont suivi la même formation que lui - sont entrées dans l'entreprise à des dates différentes (1993 pour le premier et 2003 pour le second) et n'ont pas été embauchés sur les mêmes postes (contrat de qualification puis technicien de labo film B9 pour le premier et technicien spécialisé B9 pour le second), alors que M. [W] avait été engagé sur un poste d'agent technicien gestion des stocks classé B6 en 1998,

- M. [Y] - qui exerçait dans la filière 'magasin' - a été engagé en 1987 et son ancienneté ainsi que ses fonctions précédentes ('magasinier chef' de 1992 à 1998) peuvent expliquer qu'il ait été classé coefficient B11 lorsqu'il a été nommé 'responsable principal de magasin' sur un emploi vacant en 1998, tandis que M. [W] - qui exerçait dans la filière 'technique' - s'est vu attribuer le coefficient B09 lors d'une promotion au poste de 'responsable de magasin' en 2003, quatre ans après son embauche et l'exercice de fonction d' 'agent technique de gestion des stocks', les deux situations n'étant donc pas davantage comparables,

- M. [Z] [R] a été engagé en 1987 sur un poste de magasinier classé A3, et il a normalement évolué pour aboutir - sur un plus grand nombre d'années - à la même classification que M. [W],

- M. [P] est entré en contrat de travail à durée déterminée en1999 à l'Ina avec un baccalauréat A3 Audiovisuel et a été titularisé sur un poste relevant du niveau B9 en 2000,

- Mme [C], qui était titulaire d'un diplôme d'études supérieures de cinématographie et de techniques audiovisuelles a, pour sa part, été directement été recrutée en contrat de travail à durée indéterminée en 2010 sur un poste de niveau B15, après un contrat de travail à durée déterminée ayant débuté en 2008, et elle encadre actuellement une équipe de sept personnes, dont M. [W].

Le salarié n'établit donc pas qu'il se trouvait dans une situation identique à celle des salariés avec lesquels il se compare et la différence d'évolution de carrière s'explique par des éléments objectifs expliquant un traitement différencié.

En conséquence le jugement entrepris sera infirmé et M. [W] débouté de ses demandes à ce titre.

Sur les conditions d'exécution du contrat :

Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. En cas de manquement à cette obligation, l'employeur engage sa responsabilité et peut être condamné à verser des dommages et intérêts au salarié à condition que ce dernier justifie du préjudice que ce manquement lui a causé.

En l'espèce, le conseil des prud'hommes de Créteil a décidé d'allouer une somme de 10.000 € à M. [W] 'au titre de rappel de son préjudice moral', après avoir relevé :

- qu'en se refusant de reconnaître la réalité de ses fonctions, l'Ina l'avait privé d'une partie de sa rémunération,

- qu'il avait été mis à l'écart lors d'une réunion du 6 novembre 2014, alors qu°il était en charge d'un projet,

- qu'il avait alerté sa hiérarchie par de nombreux mails entre 2012 et 2014,

- qu'il avait adressé à la direction un courriel le 19 janvier 2015, en ces termes : 'Constatant mon état moral et physique dégradé et mon incapacité de poursuivre sereinement mon activité à mon poste, le docteur [S] m 'a enjoint à rentrer chez moi et à consulter mon médecin... Vu mon état physique et psychologique, mon médecin a jugé utile de me prescrire un arrêt maladie et vos services ont déjà dû recevoir mon arrêt. Je dois vous avouer qu 'il m 'est difficile aujourd'hui d'ali(g)ner les mots, de me faire comprendre tant je suis usé psychologiquement...'

- que le salarié avait été placé de nombreuses fois en arrêt de travail pour maladie

durant la période du mois d'août 2013 au mois d'octobre 2015,

- que l'attestation que M. [W] a établi à la demande d'un salarié contre M. [N] suite à un dépôt de plainte puis lacitation directe pour harcèlement moral a eu pour effet une mise à l'écart de certains de ses collègues de travail,

- que, suite à un couriel du 10 septembre 2012, les noms des attestants avaient été

révélés à la direction,

- que la CGT avait informé la direction le 19 octobre 2012 que M. [N] avait organisé une réunion dans les locaux de I`lna à la Bibliothèque Nationale de France au cours de laquelle les noms des plaignants avaient été divulgués.

En cause d'appel, M. [W] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'Ina à lui payer 10.000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral, et de lui allouer 42.000 € à ce titre en faisant valoir qu'il a été victime de :

- l'accusation mensongère de Mme [C] et d'une sanction injustifiée,

- une mise à l'écart de M. [F] ;

- moqueries et critiques des soutiens de M. [N], à savoir Mme [C], M. [F], M. [P], M. [E] et M. [U].

L'Ina conteste que le salarié n'ait pas été reconnu dans ses compétences, alors qu'au contraire, il avait bénéficié de plusieurs avancements et d'une promotion au choix sur une période de six ans, c'est-à-dire à un rythme supérieur à la moyenne.

Force est de constater que M. [W] ne justifie pas de la mise à l'écart dont il fait état et notamment, du thème de la réunion à laquelle il prétend ne pas avoir été convié en novembre 2014. Il n'établit pas davantage l'existence d'un lien entre les difficultés qu'il a ressenties et la déposition qu'il a faite, en octobre 2012, en faveur de salariés ayant déposé plainte contre MM. [N] et [H]. Particulièrement, il affirme que les noms de témoins avaient été divulgués au sein de l'entreprise à une date antérieure à l'établissement de son attestation. Il ne rapporte pas davantage la preuve des moqueries et critiques dont il fait état et se fonde essentiellement sur des courriers qu'il a lui-même écrits.

En revanche, il a fait l'objet d'un avertissement injustifié qui, au vu des pièces versées aux débats, a eu des conséquences négatives sur le moral du salarié.

Il y a donc lieu de condamner l'Ina à l'indemniser pour ce fait, dont il n'est cependant pas justifié qu'il a - à lui seul - été la cause des troubles de santé connus par M. [W] et des arrêts de travail qui lui ont été prescrits.

Pour ces motifs, substitués à ceux des premiers juges, la décision entreprise sera confirmé sur le principe de la responsabilité de la société Ina et réformée sur le montant des dommages et intérêts alloués, qui seront fixés à la somme de 2.000 €.

Sur les autres demandes :

Il serait inéquitable que M. [W] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que l'INA qui succombe partiellement doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 12 septembre 2016 par le conseil des prud'hommes de Créteil sur l'annulation de l'avertissement, la condamnation de l'employeur à indemniser le préjudice moral du salarié, l'indemnité au titre des frais irrépétibles et les dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne l'Ina à payer à M. [W] les sommes suivantes :

- 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'INA aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 16/12922
Date de la décision : 10/04/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°16/12922 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-10;16.12922 ?
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