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09/04/2019 | FRANCE | N°17/05873

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 09 avril 2019, 17/05873


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 09 AVRIL 2019

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05873 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3E2J



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Février 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n°





APPELANTE



Mademoiselle [B] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Valérie DUEZ-RUFF, avoc

at au barreau de PARIS, toque : E1553





INTIMEE



SAS FAIRMAN CONSULTING

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Véronique DAGAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1255
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 09 AVRIL 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05873 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3E2J

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Février 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n°

APPELANTE

Mademoiselle [B] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Valérie DUEZ-RUFF, avocat au barreau de PARIS, toque : E1553

INTIMEE

SAS FAIRMAN CONSULTING

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Véronique DAGAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1255

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis ARDISSON, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, présidente

Monsieur Denis ARDISSON, président

Monsieur Didier MALINOSKY, vice-président placé

Greffier, lors des débats : Mme Clémentine VANHEE

ARRET :

- Contradictoire

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Anne HARTMANN, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil des prud'hommes de Paris du 28 février 2017 qui a reconnu bien fondée la fin de la période d'essai de Mme [B] [L] décidée par la société Fairman Consulting pour motif disciplinaire et débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes ;

Vu l'appel interjeté le 17 avril 2017 par Mme [B] [L] ;

* *

Vu les conclusions notifiées le 17 mai 2017 par le réseau privé virtuel des avocats pour Mme [B] [L] afin de voir, en application des articles L. 1235-5, L. 3121-10, L. 3171-4 et L. 8223-1 du code du travail :

- infirmer le jugement,

- juger que les relations unissant la société Fairman Consulting à Mme [B] [L] s'apparentent à un contrat à durée indéterminée,

- juger que le licenciement de Mme [B] [L] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Fairman Consulting à verser les sommes suivantes :

18.000 euros au titre du préavis, outre 1.800 euros au titre des congés payés afférents,

6.553,83 euros au titre du salaire durant la mise à pied, outre 655,38 euros au titre des congés payés afférents,

avec intérêts de droit pour ces sommes à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes,

18.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

18.000 euros à titre de dommage et intérêts pour travail dissimulé,

avec intérêts de droit pour cette somme à compter du jugement,

17.565,67 euros à titre de remboursement de frais,

5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts de droit pour ces sommes à compter du jugement'

- ordonner la remise de bulletins de salaire, d'attestation Pôle emploi et de certificat de travail, sous astreinte,

- entiers dépens et 'exécution provisoire' ;

Vu les conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 13 juillet 2017 pour la société Fairman Consulting afin de voir :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la faute grave est caractérisée, et Mme [B] [L] mal fondée en ces demandes d'indemnité de préavis, de rappel de salaire de mise a pied et de dommages et intérêts,

subsidiairement, si la faute grave n'était pas retenue :

- dire que la rupture étant intervenue dans la cadre de la rupture d'essai pour motif disciplinaire, l'indemnité compensatrice de préavis doit être ramenée a une somme de 3.000 euros bruts,

- réduire à 3.000 euros bruts le salaire correspondant a la période de mise a pied,

- dire mal fondée les demandes de dommages et intérêts pour travail dissimulé et de rappel d'heures supplémentaires,

- confirmer le jugement qui a constaté que Mme [B] [L] ne justifie pas de frais engagés pour le compte de la société devant être imputés à celle-ci et l'a déboutée de sa demande,

'reconventionnellement' :

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Fairman Consulting de ses demandes reconventionnelles,

- condamner Mme [B] [L] à régler la somme de 3.892 euros à titre de trop perçu de remboursement de frais,

- condamner Mme [B] [L] à verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

Il sera succinctement rapporté que Mme [B] [L], recrutée par la société Fairman Consulting avec la perspective d'une mission de consultant dans un établissement de la banque BNP Paribas à Hong-Kong (Chine), a souscrit le 12 janvier 2015 à [Localité 2] un contrat à durée indéterminée avec effet à compter du 12 avril 2015 avec une période d'essai de 4 mois, renouvelable une fois, puis le 15 mai 2015, un second contrat a été passé avec la filiale Fairman Consulting Limited basée à Hong-Kong.

A la suite de la demande du client BNP Paribas le 7 juillet 2015 de remplacer Mme [B] [L] pour la poursuite de la mission, la société Fairman Consulting a demandé à la salariée de rentrer en France pour le 17 juillet suivant puis le 28 juillet, il l'a convoquée à un entretien préalable à son licenciement pour le 24 août suivant auquel elle ne s'est pas rendue, et par lettre reçue le 1er septembre 2015, l'employeur a dénoncé la rupture disciplinaire du contrat de travail dans les termes suivants :

'1- Nous déplorons avant tout vos graves lacunes dans le cadre de la mission que nous vous avions confiée pour notre client à Hong Kong.

Vous avez multiplié les négligences dans vos travaux, vous avez fait montre à diverses reprises d'une désinvolture grave, notamment en annulant à la dernière minute et sans justification un rendez vous de travail avec le client.

Vous n'avez pas eu l'implication élémentaire nécessaire, nous contraignant à faire intervenir à vos côtés une consultante complémentaire pour pallier vos carences, ce qui a désorganisé notre plan de charges.

Malgré ce soutien et nos efforts, vous n'avez pas amélioré votre travail et votre implication. A tel point que le client nous a indiqué le 6 juillet 20 15 qu'il ne voulait plus travailler avec vous.

Ces faits sont graves, et portent atteinte à notre réputation professionnelle, dont nos consultants sont porteurs.

2- Nous déplorons aussi votre comportement a notre égard après le retrait de cette mission.

En effet, votre mission à Hong Kong ayant pris fin a la demande du client du fait de vos manquements. nous vous avons demandé par mail du 1 1 juillet 20 15 de rentrer en France avant le 17 juillet suivant. Faisant preuve d'une grave insubordination, vous n'êtes pas rentrée avant la date indiquée et avez prolongé votre séjour à Hong Kong de votre propre chef. Vous avez attendu le 20 juillet pour nous annoncer par mail votre retour dans nos bureaux à Paris pour le 28 juillet 2015. Vous nous avez ainsi mis devant le fait accompli et avez manqué ci nos instructions. Enfin, et en contradiction avec ce que vous aviez annoncé. vous ne vous êtes pas présentée a nos bureaux le 28 juillet 2015, sans nous avertir de votre absence, de son motif et de sa durée probable. (Ce n'est que plusieurs jours plus tard que nous avons reçu, au siège de la société, un certificat d'arrêt de travail.)

3- A l'ensemble de ces faits, s'ajoute l'inconséquence, voire la déloyauté, dont vous avez fait preuve à notre égard au début de notre collaboration. en nous affirmant et ce jusqu'en mai 2015 que vous aviez votre visa de travail pour Hong Kong.

vos affirmations avaient déterminé notre consentement a vous recruter puis ó vous envoyer à Hong Kong dans notre filiale locale pour y travailler pour l'un de nos clients sur place, a compter du 20 mai 2015. Or, à votre arrivée, il s'est avéré que votre visa de travail n'était pas valable. ce qui nous a mis dans une situation délicate et difficile à gérer localement.

L'ensemble de ces faits rend absolument impossible la poursuite de notre collaboration. En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave. Votre contrat prend donc fin ce jour, sans indemnité, ni préavis. Votre période de mise de pied ne vous sera donc pas rémunérée.

Nous vous adresserons dans les prochains jours votre solde de tout compte ainsi que votre attestation Pôle Emploi et votre certificat de travail.'

Mme [B] [L] a saisi la juridiction prud'homale pour contester, au principal, le bien fondé de la rupture de son contrat de travail, dont elle estimait que la période d'essai n'était pas applicable, et pour demander des indemnités et des dommages et intérêts des chefs de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de travail dissimulé outre le remboursement de frais professionnels, l'employeur réclamant pour sa part la répétition de frais indûment versés à la salariée.

1. Sur la requalification de la période d'essai en contrat à durée indéterminée, la preuve du travail dissimulé et les heures supplémentaires

Pour revendiquer le bénéfice des indemnités attachées au licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des dommages et intérêts au titre du travail dissimulé, Mme [B] [L] conteste être restée en période d'essai au moment ou son licenciement a été notifié, en affirmant, d'une part, que plus de quatre mois séparent la conclusion de son contrat le 12 janvier 2015 et la notification de son licenciement le 1er septembre 2015, et en concluant d'autre part à la nullité du second contrat qu'elle a signé le 15 mai 2015, alors qu'elle n'avait pas de visa pour travailler à Hong-Kong ainsi que cela était stipulé à l'article 1er de ce contrat selon lequel 'votre emploi au sein de la Société débutera le 20 mai 2015 à condition que le visa demandé par la Société soit approuvé par le département de l'immigration du territoire administration spéciale de Hong Kong et vous serez salariée permanente de la Société'. Enfin, pour soutenir que son emploi a commencé à compter du 27 février 2015, Mme [B] [L] se prévaut du courriel que la société Fairman Consulting lui a adressé à cette date et dans lequel elle lui a demandé de 'sortir quelques infos internes sur les projets MiFiD 2 à la BNP'.

Au demeurant, le visa ne constitue pas une condition substantielle du contrat de travail et le contrat, dont la prise d'effet a été fixée au 12 avril 2015, a été souscrit pour le même objet et aux mêmes conditions que celui qui s'est poursuivi le 15 mai 2015 à la suite de la 'rupture contrat existant et mise en place d'un nouveau contrat' passé avec la filiale chinoise de société Fairman Consulting.

D'autre part, Mme [B] [L] ne justifie pas du temps qu'elle a consacré pour répondre au courriel de la société Fairman Consulting du 27 février 2015, et dont la demande ponctuelle correspondait à seulement recueillir des informations sur un établissement dans lequel elle a travaillé pendant deux ans.

Et alors que moins de quatre mois se sont écoulés entre la prise d'effet de la période d'essai le 12 avril 2015 et la mise à pied et la convocation à l'entretien préalable à la rupture, il convient de confirmer le jugement qui a rejeté les demandes de requalification et indemnitaires de la salariée, le travail dissimulé de la salariée n'étant pas démontré.

Il s'en suit également que la rémunération de la salariée en forfait-jour a été régulièrement convenue entre les parties, de sorte que le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de paiement d'heures supplémentaires.

2. Sur le bien fondé de la rupture disciplinaire de la période d'essai

Pour voir le jugement infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'indemnités et de dommages et intérêts, Mme [B] [L] prétend que la rupture de la période d'essai est abusive, estimant, en premier lieu, que l'ampleur de la mission justifiait l'intervention de deux consultants, ce qu'elle avait indiqué à son employeur dès l'origine et ce que celui-ci a admis dans un courriel du 19 juin 2015, la salarié se prévalant en outre d'un courriel d'un collaborateur de la BNP Paribas indiquant être étonné de son départ. Elle estime, en deuxième lieu, abusif le bref délai que l'employeur lui a donné pour rentrer en France qui ne lui laissait pas le temps d'organiser son déménagement, l'employeur lui ayant acheté un billet non modifiable et non remboursable, et alors enfin que, de retour en France le 23 juillet, elle a été placée en arrêt maladie pour un syndrome anxio-dépressif . En troisième lieu, elle conclut ne pas avoir induit l'employeur sur le titre lui permettant de se rendre à Hong-Kong, et qu'il supporte seul le défaut de diligence dans les démarches administratives qu'il lui incombait d'entreprendre.

Au demeurant, le manque d'implication dans l'exécution de la mission ainsi que la défiance de Mme [B] [L] à l'égard du client sont attestés non seulement par M. [Q], responsable du bureau de la société Fairman Consulting à Hong-Kong ainsi part Mme [Z], autre consultante de la société, mais aussi par le client lui même qui a demandé qu'elle cesse d'intervenir. Mme [B] [L] ne justifie pas davantage avoir légitimement pu différer de 17 jours après la fin de sa mission son retour en France, de sorte que par ces motifs, l'employeur était bien fondé à mettre un terme à la période d'essai de la salariée.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] [L] de l'ensemble de ces demandes.

3. Sur les contestations relatives aux frais professionnels

En cause d'appel, Mme [B] [L] réclame le remboursement de la somme de 17.565,67 euros au titre de frais qu'elle soutient avoir exposés dans le cadre de sa mission et entraînés par la précipitation que l'employeur lui a imposée pour son retour en France. La somme de 1.403.18 euros liée au prix d'un billet d'avion sera rejetée, alors que la salariée ne justifie pas que le titre de transport acheté par l'employeur n'était pas modifiable. Les frais de garde-meubles pour 1.941 euros du 14 août 2015 au 9 mars 2016 seront aussi rejetés, alors qu'ils ne sont pas non plus justifiés par les circonstances du retour imputables à l'employeur. En revanche, il sera fait droit à la somme de 4.750 euros au titre de la rupture du bail justifiée en pièce n°29 de la salariée. Il en résulte des frais à la charge de l'employeur de 12.676,49 euros desquels il convient de déduire la somme de 3.892 euros au titre de frais professionnels que l'employeur avait versés en trop.

Après compensation, il convient de condamner la société Fairman Consulting à verser la somme de 8.784,49 euros.

4. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Alors que Mme [B] [L] succombe à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens. En cause d'appel, Mme [B] [L] sera condamnée aux dépens et il est équitable de laisser à chacune des parties, la charge des frais qu'elle a pu exposer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a omis de trancher la demande de répétition en indu de la société Fairman Consulting,

Fixe à 3.892 euros les frais indûment acquittés par l'employeur ;

Ajoutant au jugement,

Condamne, après compensation, la société Fairman Consulting à verser à Mme [B] [L], la somme de 8.784,49 euros ;

Condamne Mme [B] [L] aux dépens d'appel ;

Laisse à chacune des parties, la charge des frais qu'elle a exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 17/05873
Date de la décision : 09/04/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°17/05873 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-09;17.05873 ?
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