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09/04/2019 | FRANCE | N°17/00419

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 09 avril 2019, 17/00419


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 09 AVRIL 2019

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00419 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2LZ5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 14/06073





APPELANT



Monsieur [M] [M]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Jean-marie BECAM,

avocat au barreau d'ESSONNE





INTIMEE



EPIC RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Alexa RAIMONDO, avocat au barreau de PARIS, to...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 09 AVRIL 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00419 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2LZ5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 14/06073

APPELANT

Monsieur [M] [M]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Jean-marie BECAM, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMEE

EPIC RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Alexa RAIMONDO, avocat au barreau de PARIS, toque : E2109

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Didier MALINOSKY, Vice-président placé, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, présidente

Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller

Monsieur Didier MALINOSKY, vice-président placé

Greffier, lors des débats : Mme Caroline GAUTIER

ARRET :

- Contradictoire

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Anne HARTMANN, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [M] [M] a été embauché par la Régie Autonome des transports Parisiens, établissement public à caractère industriel et commercial, ci après dénommé la R.A.T.P. par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 23 octobre 2000 en qualité de machiniste receveur de bus.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective R.A.T.P. : statut du personnel.

La R.A.T.P. occupe à titre habituel plus dix salariés.

La rémunération mensuelle brute moyenne de M. [M] s'élevait à la somme de 2.459,56 €.

Par lettre datée du 5 mars 2012, la R.A.T.P. a notifié à M. [M] une mesure d'avertissement.

Par lettre recommandée du 30 avril 2013, la R.A.T.P. a notifié M. [M] une mesure de mise à pied d'une durée de trois jours.

Contestant la légitimité des sanctions prises, M. [M] a saisi le 30 avril 2014, le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement rendu en formation de départage le 9 décembre 2016 a :

- déclaré licite et justifiée la sanction prononcée le 30 avril 2013 par la R.A.T.P,

- débouté M [M] de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [M] aux dépens.

Par déclaration du 4 janvier 2017, M. [M] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 29 mars 2017, M. [M] demande à la cour de :

- déclarer ledit jugement nul et de nul effet à raison du délai déraisonnable de l'instance de départage et du caractère partial du déroulement des débats,

Sur la demande relative à la sanction du 5 mars 2012,

- dire et juger non fondé sur un motif réel et sérieux l'avertissement qui lui a été notifié le 5 mars 2012,

- annuler purement et simplement ledit avertissement et enjoindre à la R.A.T.P. de retirer du dossier personnel de son salarié toute référence écrite à cet avertissement du 5 mars 2012,

- condamner la R.A.T.P. à verser à M. [M] la somme de 200 € à titre de préjudice moral en relation directe avec cette sanction injuste,

Sur la demande relative à la sanction du 30 avril 2013,

- constater que la procédure disciplinaire ayant abouti à la sanction du 30 avril 2013 s'est déroulée de façon à priver le salarié de ses droits à la défense,

- Constater que la lettre adressée le 19 février 2013 par M. [M] à M. [V] ne comportait aucune mention injurieuse à l'égard de quiconque,

- annuler purement et simplement la mise en disponibilité d'office pendant trois jours et enjoindre à la R.A.T.P de retirer du dossier personnel de son salarié toute référence écrite à cette sanction,

Subsidiairement, à considérer par impossible qu'une allégation quelconque ait pu blesser son destinataire ou un groupe non identifié de cadre de la Régie,

- dire que la seule sanction pouvant être prononcée au regard du statut du personnel de la Régie n'était pas une sanction du 1° degré b) mais du 1° degré a), ne pouvant dépasser une mise en disponibilité d'office avec sursis,

Dans tous les cas, condamner la R.A.T.P. à verser à M. [M] [M] les sommes de :

- 387 € au titre des rémunérations non versées pendant ces 3 jours,

- 3.653 € de perte de salaire pour retard à la promotion,

- 2.400 € pour préjudice moral en relation directe avec cette sanction injuste,

- 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la premières instance ayant mobilisé trois audiences et 2.500 € au titre de l'instance d'appel.

Par conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 31 août 2018, la R.A.T.P. demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 décembre 2006,

- Rejeter les demandes de nullité du jugement formées par M. [M],

- condamner M.[M] à payer la somme de 1.000 € à la R.A.T.P au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions communiquées par les parties.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 novembre 2018 et l'affaire fixée à l'audience du 6 décembre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité du jugement du 9 décembre 2016

Au visa de l'article 6-1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. [M] soutient que le jugement du 9 décembre 2016 encourt la nullité d'une part, au motif du délai déraisonnable (18 mois) entre l'audience du bureau de jugement et celle de la formation de départage et, d'autre part, au motif d'un défaut d'impartialité de cette formation alors que, présidée par un juge professionnel, seuls les conseillers prud'homaux du collège employeur, ont donné un avis.

L'éventuelle atteinte au principe selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable entraîne le cas échéant la responsabilité de l'Etat qu'il appartient à M. [M] de mettre en cause, s'il l'estime nécessaire.

Par ailleurs, il ne saurait être déduit de la composition de la juridiction résultant de l'application des dispositions du code du travail applicables en matière de départage, soit les articles L. 1454-4 et R. 1454-31, une atteinte au principe d'impartialité, en dehors de tout autre élément de nature à mettre en cause celle du juge départiteur, ayant régulièrement statué, après avoir pris l'avis des seuls conseillers présents.

M. [M] sera donc débouté de sa demande au titre de la nullité du jugement déféré.

Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 5 mars 2012

M. [M] a fait l'objet d'un avertissement, le 5 mars 2012, au motif d'une absence lors d'un contrôle du médecin de la caisse de sécurité sociale des agents de la R.A.T.P. pendant un arrêt de travail pour maladie.

Après qu'il a justifié auprès du service de contrôle médical de sa présence à son domicile, la caisse de sécurité sociale lui a versé les indemnités journalières.

Il soutient que malgré les dires de la R.A.T.P. l'avertissement est toujours inscrit à son dossier et sollicite son annulation outre une somme de 200 € à titre de dommages et intérêts.

Selon la R.A.T.P., la sanction a été retirée et aucune mention de cette dernière ne sera portée au dossier de M [M]. Elle sollicite la confirmation du jugement du conseil des prud'hommes.

La cour relève que le retrait de la sanction n'est pas justifié par la R.A.T.P et, en tant que de besoin, la cour annule l'avertissement du 5 mars 2012 et alloue à M. [M] la somme de 50 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande d'annulation de la mise en disponibilité d'office du 30 avril 2013

Suite à un épisode neigeux important sur Paris en janvier 2013, de nombreux mauvais fonctionnements des dispositifs de sécurité et de contrôle ont perturbé fortement le trafic du métropolitain sur les portions aériennes.

Une enquête administrative a été menée pour déterminer si des fautes des conducteurs avaient pu aggraver cette situation chaotique.

Se voyant reprocher une faute de conduite, alors que de nombreuses erreurs étaient constatées dans le rapport d'enquête, M. [M] a alors rédigé le 19 février 2013, une lettre à l'intention de M. [V], cadre transport de la ligne 6.

Par lettre du 28 mars 2013, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable à une sanction, en raison du contenu de sa lettre du 19 février 2013.

En arrêt de travail pour maladie, M. [M] a informé son employeur qu'il ne pourrait pas se présenter le 12 avril 2013 à 18H30.

C'est dans ces conditions que M. [Y] [H], responsable du terminus de la ligne 6, lui a adressé le 12 avril 2013 un courriel l'assurant de ce qu'il aurait la possibilité de fournir des éléments de réponse lors de son retour dans l'entreprise.

Par lettre datée du 30 avril 2013, adressée le 2 mai 2013, une notification d'une sanction de trois jours de mise en disponibilité d'office pour les 22, 23 et 24 mai 2013 a été adressée au salarié.

Celui-ci n'a retiré cette lettre recommandée qu'à son retour de congés payés le 21 mai 2013.

Sur la régularité de la procédure disciplinaire

M. [M] soutient que la RATP aurait commis plusieurs irrégularités dans la procédure de sanction :

- une prise de sanction avant son retour dans l'entreprise postérieurement à son arrêt de travail puis à son congé annuel, malgré l'engagement pris le 12 avril 2013 de lui permettre de faire valoir ses réponses,

- la notification de la sanction pendant son congé annuel le 2 mai 2013,

- l'absence de mention des voies de recours dans le courrier de notification de la sanction,

- le non respect du délai de recours de 48 heures.

La R.A.T.P. soutient qu'elle n'a pas l'obligation de mentionner les voies de recours dans le courrier de sanction ou de donner une information verbale au salarié en lieu et place de l'entretien et que la procédure disciplinaire, strictement encadrée, n'exclut pas sa continuation pendant les absences (maladie, congés payés) de l'agent.

Sur le premier grief, la cour relève que la formulation de la lettre de convocation ne permet aucun doute sur la sanction envisagée et la procédure par entretien préalable, la possibilité d'assistance par un autre agent de la R.A.T.P lors de l'entretien y est mentionnée, conformément aux dispositions de l'article 151 du statut du personnel et l'article 2.2 l'instruction générale 408.

Par ailleurs, la cour relève que M. [M] n'a pas sollicité le report de cet entretien.

Sur le grief de prise de la sanction et sa notification pendant les absences régulières de M. [M], aucune disposition de l'article 151 du statut du personnel et de l'instruction générale 408 ne conditionne la poursuite de la procédure disciplinaire à la présence effective de l'agent dans l'entreprise.

Sur le grief d'absence de mention de voie de recours, les dispositions susvisées ne stipulent aucune obligation de porter les voies de recours sur la lettre de notification de la sanction.

Par ailleurs, M. [M] avait parfaitement connaissance de cette possibilité puisqu'il a agi le 22 mai 2013, soit le lendemain de la notification de la sanction, en interjetant appel sur l'imprimé idoine.

En revanche, l'article 2.7 de l'instruction générale 408 prévoit que « l'agent adresse au directeur , dans les 48 heures qui suivent la notification de la mesure » son appel et que « l'agent doit utiliser la formule imprimée dite « demande personnelle », enfin que « l'appel est suspensif ».

Or, d'une part, la sanction a été notifiée à M. [M] le 21 mai 2013 et il a interjeté appel sur l'imprimé « demande personnelle » le 22 mai ; d'autre part, la sanction a été mise en 'uvre dès le 22 mai 2013, soit, avant l'expiration du délai d'appel.

Par ailleurs, l'article 2.9 de l'instruction générale 408 prévoit que « la mesure disciplinaire ne peut intervenir moins d'un jour franc ni plus d'un mois après le jour de la notification de la décision définitive. ».

Or, la mise en disponibilité d'office de M. [M] a été mise en 'uvre dès le lendemain de cette notification.

Ainsi, ces irrégularités de procédure doivent entraîner l'annulation de la sanction du 30 avril 2013 et son retrait du dossier personnel de M. [M].

Sur les demandes financières

L'annulation de la sanction impose la régularisation du versement du salaire des trois jours correspondants et il sera ainsi alloué à M. [M] la somme de 387 € à ce titre.

Par ailleurs, le retrait de la sanction du dossier personnel de M. [M] le rétablit dans ses droits à promotion et en l'état des pièces produites, le préjudice lié à un retard de promotion n'est pas justifié.

Le préjudice moral sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 150 €.

Sur les autres demandes

La R.A.T.P qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [M] la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Annule l'avertissement du 5 mars 2012 et, en tant que de besoin, enjoint à la R.A.T.P. de retirer toute mention écrite de cet avertissement dans le dossier de M. [M] [M],

Annule la mise en disponibilité d'office des 22, 23 et 24 mai 2013,

Enjoint à la R.A.T.P. de retirer toute mention écrite de cette mise en disponibilité d'office dans le dossier de M. [M],

Condamne la R.A.T.P. à payer à M. [M] [M] les sommes suivantes :

- 50 € de dommages et intérêts pour l'avertissement du 5 mars 2012,

- 387 € au titre du paiement des salaires retenus les 22, 23 et 24 mai 2013,

- 150 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi,

- 1.000 € au titre des frais irrépétibles,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la R.A.T.P. aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 17/00419
Date de la décision : 09/04/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°17/00419 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-09;17.00419 ?
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