Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 08 AVRIL 2019
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05051 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5HOG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/00151
APPELANTE
Madame [V] [J]
Demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
Née le [Date naissance 1] 1970
Représentée par Me Marcel BOUHENIC de l'ASSOCIATION BOUHENIC & PRIOU GADALA, avocat au barreau de PARIS, toque : R080, substitué par Me Francesco DE CAPUA, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'[Localité 1]
Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire
Ayant ses bureaux [Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Guillaume MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [V] [J] a fait 1'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle (ESFP) portant sur les années 2007 et 2008.
Cet examen a conduit l'administration fiscale à considérer que Mme [J] était redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2004 à 2010.
Le 25 mai 2011, Mme [J] a, à la demande de l'administration fiscale, déposé ses déclarations d'ISF au titre des années 2006 à 2010 faisant apparaître en 2006, un actif brut déclaré de 1 155 039 euros et un actif net déclaré imposable de 358 292 euros, en 2007, un actif brut déclaré de 1 218 956 euros et un actif net déclaré imposable de 437 482 euros, en 2008, un actif brut déclaré de 1 248 341 euros et un actif net déclaré imposable de 469 410 euros, en 2009, un actif brut déclaré de 1 295 416 euros et un actif net déclaré imposable de 532 799 euros et en 2010, un actif brut déclaré de 1 178 304 euros et un actif net déclaré imposable de 420 604 euros.
Mme [J] a joint à ses déclarations un bail à construction concernant le terrain situé à [Localité 2] justifiant l'absence de déclaration de la villa construite sur ce terrain.
Le 17 juin 2011, l'administration fiscale a adressé à Mme [J] une proposition de rectification procédant à l'évaluation de la valeur vénale de la villa située à [Localité 2], à la réévaluation des parts de la SCI Portco, au rejet d'un passif de 680 286 euros au titre d'un prêt consenti par M. [T] [G] inscrit au titre des années 2008 à 2010 dès lors que le terme de ce prêt était échu depuis le 23 octobre 2007 et à l'application de pénalités de 40 % pour manquement délibéré.
A la suite des observations de Mme [J] présentées les 17 août 2011 et 8 février 2012, l'administration fiscale a abandonné, le 21 mai 2013, les rectifications relatives aux titres de la SCI Portco et précisé à Mme [J] qu'en l'absence de réception de documents relatifs à la valorisation de la villa de [Localité 2], elle saisirait la commission de conciliation.
La commission de conciliation a rendu son avis le 16 septembre 2013 observant qu'un rapprochement entre les parties était possible à hauteur de 10 500 euros par m² au titre de l'ISF 2006, soit une évaluation de la valeur du bien de 4 500 000 euros et de 11 000 euros par m² au titre de l'ISF des années 2007 à 2010, soit une évaluation de la valeur du bien de 4 752 000 euros.
Par courrier du 17 décembre 2013, l'administration fiscale a proposé à Mme [J] de retenir l'évaluation de la commission de conciliation, les rappels de droits et pénalités à recouvrer s'élevant à la somme de 33 129 euros au titre de l'année 2006, 36 783 euros au titre de l'année 2007, 39 605 euros au titre de l'année 2008, 30 045 euros au titre de l'année 2009 et 30 820 euros au titre de l'année 2010.
Ces rappels de droits ont été mis en recouvrement le 26 mars 2014.
Par réclamation en date du 28 avril 2014, Mme [J] a contesté les rappels mis à sa charge. Par décision du 31 octobre 2014, l'administration fiscale a partiellement accepté la réclamation de la demanderesse en retenant le passif d'emprunt au titre des années 2008 à 2010 et en abandonnant la majoration pour manquement délibéré au titre des années 2006 à 2010.
Un dégrèvement d'un montant de 55 558 euros a donc été prononcé.
Par exploit d'huissier en date du 26 décembre 2014, Mme [J] a assigné l'administration fiscale devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de décharge des rappels en litige.
Par jugement du 30 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Paris a confirmé la décision d'acceptation partielle du 31 octobre 2014 de la réclamation de Mme [V] [J] du 09 mai 2014, rejeté le surplus des demandes formées par Mme [V] [J], condamné cette dernière aux dépens et rappelé que le présent jugement était exécutoire par provision.
Mme [V] [J] a relevé appel de ce jugement le 8 mars 2018.
Par conclusions signifiées le 4 juin 2018, Madame [V] [J] demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, en conséquence, de prononcer la décharge des rappels et, en toute hypothèse, de condamner l'intimée à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées le 27 août 2018, le DRFIP demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de condamner Mme [V] [J] de toutes ses demandes, de dire que 1'équité ne commande pas le paiement à l'appelante d'une indemnité de procédure et de condamner cette dernière aux entiers dépens de première instance et d'appel et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la régularité de la procédure
. La pertinence de la procédure
Mme [J] fait valoir que l'administration ayant écarté pour fictivité le bail produit en vue de justifier l'absence de la villa à l'actif ISF, la procédure de l'abus de droit de l'art L 64 du livre des procédures fiscales devait être mise en 'uvre, ce qui n'a pas été fait et l'a ainsi privé du recours devant le Comité d'abus de droit et que la procédure suivie est donc nulle.
L'administration fiscale répond que la proposition de rectification a exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que le bail à construction n'avait pas date certaine et ne lui était donc pas opposable et qu'en conséquence, la procédure de l'article L 64 du livre des procédures fiscales n'avait pas à être mise en 'uvre, l'administration se bornant à contester l'existence même de l'acte en litige.
Ceci étant exposé la procédure de l'article L 64 du livre des procédures fiscales vise la fictivité juridique d'un acte inspiré par le seul motif d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales si cet acte n'avait pas été réalisé ou passé ou bien la fraude fiscale.
L'article 1328 du code civil (actuellement codifié à l'article 1377 du même code) dispose que « Les actes sous seing privé n'ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellés ou d'inventaire. »
En l'espèce, l'administration ne s'est pas, même implicitement, placée sur le terrain de l'abus de droit lorsqu'elle s'est bornée à soulever l'inopposabilité du bail à construction daté du 27 février 2013 invoqué par l'appelante au motif qu'il était dépourvu de date certaine et faute d'avoir été soumis aux formalités de l'enregistrement.
Elle n'avait donc pas à recourir à la procédure de l'article 64 du livre des procédures fiscales.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce moyen.
. La motivation de la proposition de rectification
Mme [J] prétend que la méthode d'évaluation par comparaison de la villa n'étant pas fiable, la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée.
L'administration fiscale réplique que la proposition de rectification du 17 juin 2011 est suffisamment motivée puisqu'elle indique les références et les dates de publication de tous les termes de comparaison utilisés et précise les caractéristiques juridiques et physiques des biens cédés.
Ceci étant exposé, l'article L 57 du livre des procédures fiscales impose à l'administration fiscale d'adresser au contribuable une proposition de rectification motivée de manière à permettre à ce dernier de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Elle doit lui faire connaître la nature et les motifs des rectifications envisagées. La proposition de rectification est suffisamment motivée lorsqu'elle permet au contribuable d'engager utilement un débat contradictoire.
Ainsi que l'a relevé le tribunal, la proposition de rectification du 17 juin 2011 présente la méthode d'évaluation employée, à savoir la méthode par comparaison, décrit le bien à évaluer situé à [Localité 2], se réfère à trois termes de comparaison au titre de chacune des années 2006 à 2010, précise leurs caractéristiques complètes (leur date de construction, la superficie des villas et terrains, le nombre de pièces, de niveaux, la présence et superficie d'une piscine, les conditions d'occupation) et indique leurs références cadastrales et de publication dont l'administration en a déduit un prix au mètre carré et une valeur vénale du bien pour chacune des années concernées.
Cette motivation a permis à Mme [J] de prendre position quant aux rehaussements proposés tant dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire que devant la commission départementale de conciliation du [Localité 3].
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce moyen.
. Le caractère contradictoire de la procédure
Mme [J] invoque le fait qu'elle était dans l'impossibilité d'accéder aux données du marché immobilier pour trouver éventuellement d'autres éléments de comparaison à opposer à ceux de l'administration ce qui constitue une violation du principe d'égalité des armes et donc du principe de contradictoire et rend la procédure irrégulière.
L'administration réplique que la procédure de rectification comporte tous les éléments essentiels sur les termes de comparaison qu'elle a retenus de nature à permettre à Mme [J] de discuter des dits termes et du rehaussement de valeur proposé. Elle ajoute que la proposition comporte notamment une mention permettant d'obtenir des informations supplémentaires sur les biens utilisés à titre de comparaison et qu'ainsi, Mme [J] qui a eu la possibilité d'accéder aux données du marché n'a sollicité aucune information, ce qui rend son grief inopérant.
Ceci étant exposé, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a considéré que la proposition de rectification comportait les mentions permettant à Mme [J] d'obtenir les termes de comparaison utilisés par l'administration fiscale soit par elle-même soit en les lui demandant et que cette dernière n'avait formulé, au cours de la procédure, aucune demande en ce sens mais fourni un autre terme de comparaison que l'administration avait pris en compte.
La décision déférée sera confirmée en qu'elle a jugé la procédure de rectification régulière et rejeté le moyen soulevé par la requérante.
. L'absence de notification de l'avis de la commission départementale de conciliation
Mme [J] prétend les avis de mise en recouvrement son nuls puisqu'ils font référence à l'avis de la Commission du 17 décembre 2013 qui ne lui a pas été notifié. Elle conteste avoir signé l'accusé de réception.
L'administration fiscale réplique que l'avis de la commission de conciliation lui a été notifié par un courrier avec accusé de réception du 17 décembre 2013 qui a été envoyé à la dernière adresse connue de Mme [J] et qu'il a été renvoyé et signé. Elle fait alors valoir qu'il ne lui appartenait pas de vérifier si le signataire avait qualité pour signer mais à la contribuable d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir ce pli.
Ceci étant exposé, les pièces versées aux débats démontrent que l'avis de la commission départementale de conciliation du [Localité 3] du 16 septembre 2013 a été adressé à Mme [J] par courrier recommandé du 17 décembre 2013 dont il a été accusé réception le 23 décembre suivant. Mme [J] ne conteste pas que ce courrier ait été envoyé à son adresse et ne rapporte pas la preuve qu'elle n'aurait pas été le signataire de l'accusé réception ni que le prétendu signataire n'aurait pas eu qualité pour le faire.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a écarté le moyen tendant à voir annuler les avis de mise en recouvrement.
. La compétence de la direction nationale de vérification de situations fiscales
Mme [J] prétend que la direction nationale de vérification de situations fiscales n'était pas compétente pour exercer le contrôle de ses déclarations d'ISF, dès lors qu'elle ne satisfait pas aux seuils de revenu et de fortune ; le seuil étant un revenu global imposable dépassant 762 000 euros. Elle ajoute qu'elle n'est pas redevable de l'impôt annuel de solidarité sur la fortune d'une valeur brute du patrimoine excédant 6 900 000 euros.
Ainsi que le soutient l'administration fiscale et comme l'a jugé le tribunal, la direction nationale de vérification de situations fiscales assure pour l'ensemble du territoire national, le contrôle de tous les impôts, droits et taxes dues par les personnes physiques ou morales, quelle que soit la qualité des contribuables et la nature du contrôle de sorte que la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté le moyen tiré de l'incompétence de l'intimée.
Sur le bien fondé de l'imposition
Mme [J] prétend que la méthode d'évaluation par comparaison de la villa n'est pas fiable au motif qu'il n'existe pas suffisamment d'éléments de comparaisons pertinents, les mutations utilisées étant notamment anciennes et hétérogènes. Elle invoque le fait qu'un même élément de comparaison a servi à l'évaluation du bien au titre d'années différentes.
Elle soutient que la méthode du coût de la construction est davantage pertinente puisque la construction est récente et qu'il n'existe que trop peu de constructions comparables pour utiliser la méthode d'évaluation par comparaison. Elle ajoute que les biens utilisés à titre de comparaison n'ont pas un coût comparable à celui de Mme [J], dont le coût de la construction s'élève à 1 820 000 euros.
L'administration fiscale soutient que, pour déterminer la valeur vénale d'un immeuble, il convient d'utiliser la méthode d'évaluation par comparaison et que les biens n'ont pas à être strictement identiques. Elle souligne que Mme [J] n'apporte pas la preuve que les biens cités dans la proposition de rectification ne sont pas comparables entre eux et alors qu'ils le sont en réalité dans la mesure ou ils sont tous situés à [Localité 2] et disposent tous d'une piscine.
Ceci étant exposé, l'article 17 du livre des procédures fiscales permet à l'administration fiscale de rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle du bien transmis ou désigné dans un acte ou une déclaration. L'administration doit apporter la preuve de l'insuffisance du prix exprimé ou de l'évaluation fournie dans l'acte ou la déclaration.
La valeur vénale réelle d'une bien correspond au prix que le jeu normal de l'offre de la demande permettrait de retirer, à la date du fait taxable, de la vente du bien en cause. Cette valeur peut être déterminée par comparaison avec les prix constatés pour des cessions de biens qui, sans être parfaitement identiques au bien en cause, lui sont intrinsèquement similaires, cette similitude portant sur l'état de fait et l'état de droit des biens.
Il est en outre admis qu'une même mutation peut être utilisée au titre de plusieurs années d'imposition dès lors que celle-ci est antérieure au fait générateur de l'impôt.
Le contribuable dispose de la faculté pour contester le redressement, de critiquer les éléments de comparaison retenus par l'administration fiscale.
En l'espèce, l'administration fiscale a retenu trois termes de comparaison pour chacune des années 2006 à 2010 qui, nonobstant des différences en matière de superficie, présentent des similitudes en ce qu'ils sont tous situés sur la commune de [Localité 2] et disposent tous d'une piscine attenante. Elle a notamment pris en compte la cession du 23 février 2006 d'une villa contiguë à celle de Mme [J] à un prix au m² nettement inférieur aux autres termes de comparaison. Ces termes de comparaison sont donc intrinsèquement similaires. Par ailleurs, l'administration fiscale s'est conformée à la valeur retenue par la commission départementale de conciliation du [Localité 3].
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont confirmé la valeur retenue par l'administration fiscale pour les années 2006 à 2010.
La décision entreprise sera également confirmée sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [J] succombant en son appel sera condamnée aux dépens de la présente procédure et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à l'administration fiscale la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 30 janvier 2018 en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE Madame [V] [J] aux dépens d'appel ;
DEBOUTE Madame [V] [J] de sa demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE Madame [V] [J] à payer à Monsieur le directeur régional des finances publique d'[Localité 1] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS