Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 08 AVRIL 2019
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03113 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5ALH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Novembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/09184
APPELANTE
Madame G... B...
Demeurant [...]
[...]
née le [...] à TOURS
Représentée par Me Sarra JOUGLA YGOUF de la SELARL CHEMOULI DALIN STOLOFF BOINET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0349
Représentée par Me Alain MOREAU de la SDE FBT Avocats, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS
Pôle Juridictionnel Judiciaire
Ayant ses bureaux [...]
Agissant poursuites et diligences de l'administration générale des Finances Publiques
Représentée par Me Guillaume MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Février 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
L'administration fiscale a, le 17 décembre 2010, déposé plainte auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Marseille à l'encontre de M.Q... B... et Mme G... B..., pour des faits de fraude fiscale commis entre 2006 et 2009.
M. B... est décédé le 5 janvier 2012, laissant pour lui succéder son épouse, Mme B....
Par proposition de rectification n° 2120-SD en date du 19 février 2015, l'administration fiscale a rectifié l'impôt de solidarité sur la fortune acquitté par Mme B... au titre des années 2006 à 2011, en intégrant à l'actif de son patrimoine taxable les sommes détenues sur un compte ouvert auprès de la société HSBC Private Bank en Suisse, évaluées en 2006 à la somme de 985817 euros, en 2007 à la somme de 1029981,60 euros, en 2008 à la somme de 1085703,61 euros, en 2009 à la somme de 1153125,80 euros, en 2010 à la somme de 1208591,15 euros et en 2011 à la somme de 1254759,33 euros.
Par courrier en date du 17 avril 2015, Mme B... a, par l'intermédiaire de son conseil, émis des observations sur cette proposition de rectification en faisant valoir que celle-ci n'était pas fondée. Par courrier en date du 23 avril 2015, l'administration fiscale a maintenu sa proposition de rectification.
Deux avis de mise en recouvrement n° 15/06/2015 01046 et n° 15/06/2015 01047 ont été émis le 15 juin 2015 pour la somme globale de 50625 euros au titre de l'imposition supplémentaire, de la somme de14563 euros au titre des intérêts de retard et de la somme de 20248euros au titre de la majoration de 40 %.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 02 juillet2015, Mme B... a, par l'intermédiaire de son conseil, adressé une réclamation contentieuse auprès de l'administration fiscale, qui l'a rejetée par décision en date du 22 janvier 2016.
Par acte d'huissier de justice en date du 4 mars 2016, Mme B... a fait assigner la Direction nationale des vérifications de situations fiscales devant le tribunal de grande instance de Paris et aux fins d'annulation de la décision de rejet de sa réclamation de décharge intégrale des impositions mises à sa charge pour un montant total de 88436 euros.
Par jugement du 2 novembre 2017, le tribunal a rejeté l'ensemble des demandes formées par Mme G... B..., confirmé la décision de rejet de l'administration fiscale du 22 janvier 2016 et les avis de mise en recouvrement du 15 juin 2015 ; rappelé que la décision est exécutoire par provision de plein droit et condamné Mme G... B... aux dépens.
Madame G... B... a relevé appel de ce jugement le 06 février 2018.
Par conclusions signifiées le 5 octobre 2018, Madame G... B... demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, de déclarer son appel recevable et bien-fondée et, au visa des articles 885 A et suivants du code général des impôts, de dire que la procédure d'imposition est mal fondée et, en conséquence, de prononcer l'annulation de la décision par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa réclamation et la décharge intégrale des impositions mises à sa charge pour un montant total de 88436 euros en droits et pénalités, sans préjudice des intérêts moratoires en vigueur au taux de l'intérêt légal.
Elle sollicite la condamnation de l'intimée à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées le 5 juillet 2018, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris demande à la cour de juger Mme G... B... mal fondée en son appel, de la débouter de toutes ses demandes, de confirmer le jugement entrepris, de dire que l'équité ne commande pas le paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'appelante à lui payer la somme de 1500 euros au titre de cet article ainsi qu'aux entiers dépens.
Mme B... fait valoir que les éléments de preuve sur lesquels se fonde l'administration fiscale pour justifier sa proposition de rectification sont irrecevables dès lors qu'ils ont pour seule origine l'exploitation de fichiers informatiques de la société HSBC Private Bank à Genève, dont il est de notoriété publique qu'ils proviennent de la commission d'un vol par un ancien employé de cette banque, M. C... R..., tel que cela ressort notamment des constats de l'autorité judiciaire et du rapport d'information n°123 déposé auprès de l'Assemblée Nationale par la Commission des finances de l'économie et du contrôle budgétaire.
Elle précise que l'administration fiscale est entrée en possession de ces fichiers informatiques dès décembre 2008, par l'intermédiaire de la direction nationale des enquêtes fiscales et donc avant sa transmission officielle par l'autorité judiciaire en application de l'article L.101 du livre des procédures fiscales. Elle précise que les ordres administratifs et judiciaires ont consacré une règle générale selon laquelle la preuve est soumise au principe de loyauté et de légalité et que la jurisprudence sanctionne de façon constante les procédures d'imposition fondées sur les éléments de preuve obtenus de façon illicite, qu'il s'agisse du juge administratif ou du juge civil. Enfin, elle fait valoir que la chambre commerciale de la Cour de cassation a déjà jugé que les fichiers avaient été obtenus par l'administration fiscale dans des conditions illégales, que le droit de communication ne saurait être invoqué pour tenter de«blanchir» les données de la liste, et qu'en tout état de cause, ce droit de communication ne saurait être considéré comme ayant été exercé dans des conditions régulières.
Par ailleurs, elle considère que ces éléments de preuve sont insuffisants dès lors que l'administration fiscale n'a produit qu'une reproduction d'une exploitation d'un fichier informatique, dont on peut se demander légitimement si elle est fiable, et ce alors qu'il est de notoriété publique que le fichier piraté par M. C... R... a fait l'objet de diverses manipulations, qu'aucun élément matériel ne vient corroborer les soupçons fondés sur la liste HSBC et que les éléments produits ne permettent pas de démontrer qu'elle était titulaire d'un compte bancaire à l'étranger, au surplus sur les années visées par la taxation. Elle soutient que les éléments produits permettent seulement d'établir que des «profils clients» [...] K... ou Hurstmead Company Inc pourraient être liés à un compte bancaire ouvert auprès de la société HSBC Private Bank en Suisse, mais non l'existence d'un rapport entre ces profils et elle-même.
L'administration fiscale fait valoir qu'en application de l'article L.101 du livre des procédures fiscales, le procureur de la République de Nice a fait procéder, le 20 janvier 2009, à une perquisition au domicile de M.C... R... dans le cadre de laquelle a notamment été saisi un ordinateur dont le disque dur contenait des données sur les clients de la filiale suisse de la société HSBC, que les informations recueillies lors de cette perquisition ont été communiquées à l'administration fiscale, selon deux procès-verbaux en date des 02 septembre 2009 et 12 janvier2010, qu'elle ne pouvait présumer que les informations ainsi transmises étaient identiques à celles qu'elle avait obtenues, comme la précise le rapport d'information présenté par M. I... en date du 10 juillet 2013. Par ailleurs, elle précise que la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation ne remet pas en cause la régularité de cette transmission et que la jurisprudence du Conseil d'Etat précise que l'annulation par le juge pénal de pièces communiquées n'a pas pour effet de priver l'administration du droit de s'en prévaloir pour établir les impositions.
Elle précise que la chambre criminelle de la Cour de cassation a souligné que l'autorité publique n'était pas intervenue dans la confection ou l'obtention des pièces litigieuses. De plus, s'agissant de Mme B..., elle soutient que la fiabilité des données relatives à Mme B... est renforcée par les éléments de l'enquête de police qui font apparaître un lien direct entre elle et la société HSBC Private Bank au travers d'un document intitulé «synthèse individuelle code BUP : [...] et [...]», sous le profil client Hurstmead Company Inc.
Ceci étant exposé, il n'est pas contesté que les données informatiques versées au soutien de la plainte de l'administration fiscale contre Mme B... le 10 décembre 2010 dont des extraits ont été transmis à l'appui des propositions de rectification avaient été dérobées par M. R..., ancien informaticien salarié de la filiale suisse de la banque HSBC. Ces pièces ont été obtenues par la perquisition légalement effectuée au domicile de M. R... à Nice le 20 janvier 2009 dans le cadre de l'exécution d'une commission rogatoire internationale délivrée à l'initiative des autorités judiciaires helvétiques et ont fait l'objet d'une communication régulière à l'administration fiscale les 9 juillet 2009, 02 septembre 2009 et 12 janvier 2010, conformément aux dispositions des articles L 101 et L 135 du livre des procédures fiscales. Dès lors peu importe que l'administration admet avoir été destinataire de fichiers qui lui auraient été antérieurement communiqués par M. R... dès lors que les données à partir desquelles l'administration fiscale a établi les synthèses individuelles code BUP qu'elle rattache à Mme B... proviennent bien de la communication par l'autorité judiciaire des éléments saisis régulièrement.
Il n'est d'ailleurs pas établi que l'administration fiscale aurait confectionné les pièces litigieuses ni participé directement ou indirectement à la leur production, le rapprochement et le décryptage des données informatiques ne pouvant s'analyser comme une confection d'éléments de preuve par une autorité publique. Ces données ne peuvent donc pas constituer des preuves illicites.
Ainsi que l'expose l'administration fiscale, le rapport d'information n° 1235 du 10 juillet 2013 déposé à l'Assemblée Nationale parMonsieur I..., secrétaire d'Etat au budget souligne la fiabilité des informations contenues dans la liste HSBC, confirmée par le grand nombre de régularisations effectuées par les contribuables figurant sur les listings en question.
Mme B... qui conteste l'attribution des comptes bancaires au motif de l'origine illicite des informations transmises par l'autorité judiciaire et l'absence de justification de l'existence de compte bancaire à l'étranger, ne discute par de l'exactitude des éléments relatifs à son identité et son adresse contenus dans les fichiers exploités par l'administration fiscale et figurant sur la synthèse individuelle code BUP. Elle ne produit aucun élément de nature à établir que l'identité du titulaire du compte patrimonial correspondant aux profils clients « [...] K...» et «Hurstmead Company Inc» n'est pas la sienne ou pourrait être usurpée.
Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, ces éléments ont été corroborés par les éléments de l'enquête pénale qui établissent que :
- les numéros de cartes d'identité de M. et Mme B... mentionnées aux documents intitulés synthèses individuelles correspondent aux cartes d'identité qui leur ont été délivrées par la préfecture des Bouches du Rhône ;
- l'analyse des scripts des échanges entre HSBC Private Bank en Suisse et le client a permis d'établir qu'afin d'échapper à la mise en place de la directive européenne dite «directive épargne», la banque a exposé au titulaire du profit client « [...] K...» la constitution d'une société offshore au Panama ; qu'une société panaméenne a été constituée et un nouveau profit client «Hurstmead Company Inc» créée le 22 juillet 2005 et le profil client « [...] K...» devenu sans objet a été clôturé ;
- que le client a régulièrement donné des instructions de gestion de ses avoirs ;
- les époux B... étaient présents en Suisse le 23 août 2005, date à laquelle un rendez-vous avec un conseiller de la banque s'est tenu à Genève.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme B... comme il le sera en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Madame B... succombant en son appel sera condamnée aux dépens de la présente procédure et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à l'administration fiscale la somme de 1500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 02 novembre 2017 en toutes ses dispositions ;
CONDAME Madame G... B... aux dépens d'appel ;
DEBOUTE Madame G... B... de sa demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE Madame G... B... à payer à Monsieur le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS