Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 05 AVRIL 2019
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10981 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3OA2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Avril 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/14689
APPELANT
Monsieur [T] [Z] ès qualités d'associé de la SCI [Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Galina PARICHEVA de la SELARL OOLITH, avocat au barreau de PARIS, toque : C1473
INTIMES
Madame [X] [E] épouse [Z]
née le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 2]
Et
Monsieur [T] [Z]
né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 3]
demeurant ensemble [Adresse 2]
Monsieur [A] [Z]
né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]
Tous représentés par Me Michel GODEST, avocat postulant et plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque : C0104
Maître [H] [H]-[J] ès qualités d'administrateur judiciaire de la SCI [Adresse 1]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Non représentée
Assignation devant la Cour d'Appel de Paris, en date du 24 Août 2017, faite à domicile
Maître [L] [A] ès qualités de mandataire judiciaire de la SCI [Adresse 1]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représenté par Me Julie COUTURIER de la SELEURL JCD AVOCATS, avocat postulant et plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque : C0880
Substitué à l'audience par Me Bachir BELKAID, même cabinet, même toque
SCI [Adresse 1] représentée par Me [H] [H] [J], ès qualités d'administrateur judiciaire et Me [L] [A], ès qualités de mandataire judiciaire, tous deux désignés par jugement du TGI de Paris du 04 août 2016
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Non représentée
Assignation devant la Cour d'Appel de Paris, en date du 24 Août 2018, remise à personne morale.
INTERVENANT
Maître [L] [A] ès qualités de mandataire liquidateur de la SCI [Adresse 1]
demeurant [Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représenté par Me Julie COUTURIER de la SELEURL JCD AVOCATS, avocat postulant et plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque : C0880
Substitué à l'audience par Me Bachir BELKAID, même cabinet, même toque
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Février 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Claude CRETON, Président
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
M. Dominique GILLES, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Dominique GILLES dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Thi Bich Lien PHAM
ARRÊT :
- PAR DÉFAUT
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Claude CRETON, Président et par Mme Thi Bich Lien PHAM, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
M. [T] [Z], Mme [X] [E], son épouse et leurs fils MM. [A] et [T] [Z], détiennent les parts de la SCI [Adresse 1] qui a pour actif unique un hôtel particulier situé [Adresse 2], qu'elle a acquis en 2006.
Le procès-verbal de l'assemblée générale des associés du 7 mars 2015 mentionne une résolution, ainsi libellée : 'M. [T] [Z] est d'accord pour vendre l'intégralité des biens sous réserve de récupérer par une diminution d'actifs la pleine propriété du 3ème étage et du lot de cave associé en échange de 30 % de ses parts d'associé. Il faudra isoler la partie rétrocédée du plan de copropriété. L'ensemble des associés est d'accord pour vendre la totalité des biens hors 3ème étage, et vendre le 3ème à [T] [Z], en échange de ses parts.'
Cette résolution n'ayant pas été suivie d'effet, par acte du 9 octobre 2015, M. [T] [Z] a assigné la SCI [Adresse 1], Mme [X] [Z], M. [T] [Z] et M. [A] [Z] devant le tribunal de grande instance de Paris, en réalisation forcée de vente immobilière et en indemnisation.
La SCI [Adresse 1] a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 4 août 2016. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement définitif du 8 mars 2018 et M. [L] [A] a été nommé en qualité de mandataire liquidateur.
C'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 19 avril 2017, a :
- rejeté la demande de révocation de clôture,
- débouté M. [T] [Z] de ses demandes,
- débouté Mme [X] [Z] et MM. [T] et [A] [Z] de leur demande en annulation de la résolution n°2 du procès verbal d'assemblée générale du 7 mars 2015,
- condamné M. [T] [Z] à payer à Mme [X] [Z] et MM. [T] et [A] [Z] une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné M. [T] [Z] aux dépens.
Par dernières conclusions du 8 février 2019, M. [T] [Z], appelant demande à la cour de :
- in limine litis :
- débouter M. [A] de sa demande d'irrecevabilité,
- subsidiairement, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai de contestation de 10 jours à compter de la publication au BODACC du dépôt de l'état des créances,
- à défaut surseoir à statuer jusqu'au jugement sur l'action ut singuli,
- à titre principal :
- ordonner la réalisation forcée de la vente des biens et droits immobiliers portant sur le troisième étage de l'immeuble au bénéfice du concluant 'en contrepartie de la cession de 30 % des parts sociales de ce dernier détenues dans la SCI [Adresse 1]',
- dire les consorts [Z] irrecevables en leur contestation,
- condamner solidairement les époux [T] [Z] et leur fils [Y] à lui verser 30 000 € pour résistance abusive,
- ordonner la publication de l'arrêt au service de la publicité foncière,
- subsidiairement :
- désigner un expert, aux frais des consorts [Z],
- à défaut :
- lui allouer 710 570 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier et moral,
- en cas de contestation sur ce montant, lui allouer 150 000 € à titre provisionnel et ordonner une expertise aux frais des consorts [Z],
- en tout état de cause :
- débouter Mme [X] [Z] et MM. [T] et [Y] de leur demande d'indemnisation et les condamner à lui payer 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 4 février 2019, Mme [X] [E] épouse [Z] et MM. [T] et [A] [Z] prient la cour de :
- à titre principal :
- vu les articles 122 et 125 du code de procédure civile, L. 622-21 et suivants du code de commerce,
- dire M. [T] [Z] irrecevable en sa demande,
- à titre subsidiaire :
- dire celui-ci irrecevable en sa demande de sursis à statuer et à défaut, la rejeter,
- confirmer le jugement entrepris,
- vu l'article 564 du code de procédure civile,
- dire irrecevables les demandes adverses de dommages-intérêts nouvelles en appel,
- en tout état de cause :
- allouer à chacun des concluants 3 000 € de dommages-intérêts pour abus de droit de M. [T] [Z], outre 5 000 € à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 11 février 2019, M. [L] [A] ès qualités de mandataire liquidateur de la SCI [Adresse 1] prie la cour de :
- dire M. [T] [Z] irrecevable en sa demande de sursis à statuer et à défaut, la rejeter,
- dire celui-ci irrecevable en sa demande, eu égard à la procédure collective,
- à défaut :
- confirmer le jugement entrepris,
- lui allouer 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la charge de l'appelant, dépens en sus.
Par ordonnance du 21 février 2019, le magistrat de la mise en état de cette chambre a dit irrecevable l'incident aux fins de sursis à statuer formé par M. [T] [Z].
SUR CE
LA COUR
- Sur la demande de sursis à statuer
L'ordonnance du 21 février 2019, qui a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer, n'a pas été déférée à la cour, alors qu'elle a statué sur une exception de procédure relevant de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état.
M. [T] [Z], qui ne justifie d'aucun élément nouveau depuis l'ordonnance de clôture, ne peut être recevable en sa demande itérative de sursis à statuer, formée selon les mêmes moyens pris, d'une part, du caractère non définitif de l'état des créances qu'il entend contester en soutenant que les créances inscrites au compte courant des associés sont fictives et, d'autre part, de l'action ut singuli qu'il a engagée afin d'établir que ces créances sont fictives.
- Sur la fin de non-recevoir de l'action principale, prise des conséquences de la procédure collective
Pour s'opposer à la recevabilité de l'action de M. [T] [Z], le liquidateur de la SCI [Adresse 1] soutient que depuis le jugement du 4 août 2016 ayant ouvert le redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire le 8 mars 2018, toutes les poursuites tendant à la demande condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à l'exécution d'une obligation de faire sont interrompues, qu'elles ne peuvent être reprises qu'après justification de la déclaration de créance du demandeur et que celui-ci ne peut demander de condamnation, mais seulement la fixation de sa créance.
Le liquidateur soutient que la demande en vente forcée correspond à une obligation de faire qui ne pourrait se résoudre qu'en dommages-intérêts, alors que M. [T] [Z] n'aurait pas effectué de déclaration de créance à ce titre et alors que l'actif de la société liquidée, gage commun des créanciers de la liquidation, ne pourrait être réalisé qu'après autorisation du juge commissaire.
Toutefois, la présente action principale contre la société en liquidation pour voir ordonner la réalisation forcée de la vente au bénéfice de M. [T] [Z], en contrepartie de la cession de 30 % des parts sociales qu'il détient dans la SCI [Adresse 1], ne tend ni à la condamnation de la société liquidée au paiement d'une somme d'argent, ni à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, pas plus qu'elle ne constitue une procédure d'exécution au sens de l'article L. 622-21 du code de commerce. L'action ne vise pas davantage l'exécution d'une obligation de faire dissimulant un paiement de somme d'argent.
Dès lors que M. [T] [Z] soutient que la vente dont il demande la réalisation forcée a été consentie unanimement par tous les associés de la SCI [Adresse 1] et qu'elle est intervenue, entre associés, avant toute procédure collective et par conséquent, sans rien soustraire du patrimoine à réaliser dans le cadre de la procédure collective, l'action ne se heurte ni à la finalité de la liquidation judiciaire, ni à l'article L. 640-1 du code de commerce, ni au principe du dessaisissement du débiteur, ni aux prérogatives du juge commissaire.
La fin de non-recevoir opposée à la demande principale en vente forcée est donc mal fondée.
- Sur la demande principale en vente forcée d'un immeuble
Les statuts de la société mis à jour par assemblée générale du 14 juin 2014 établissent que M. [T] [Z] détient 44 des 140 parts sociales composant le capital social.
Les parties sont d'accord pour estimer qu'au sens de la délibération litigieuse, M. [T] [Z] devait se départir de la totalité de ses parts sociales.
M. [T] [Z] qualifie l'opération de vente immobilière dont le prix, librement déterminé, a été fixé à la totalité de ses parts sociales et dont il demande la réalisation forcée, tandis que ses co-associés qualifient l'opération de retrait d'associé.
En droit, les opérations portant sur l'actif social ne peuvent faire l'objet d'une vente qu'à défaut d'application du régime légal qui est propre au contrat de société.
Or, l'article 1869 du code civil prévoit que, sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés et que ce retrait peut également être décidé pour justes motifs par une décision de justice.
Dès lors que la résolution litigieuse énonce que l'ensemble des associés est d'accord pour vendre la totalité des biens hors 3ème étage, et vendre le 3ème à [T] [Z], en échange de ses parts, sans autre précision sur le patrimoine devant acquérir ces parts, il apparaît que, selon cette délibération, la société propriétaire de l'immeuble devait acquérir elle-même les parts de M. [T] [Z], tout en lui transférant la propriété du 3ème étage, la société continuant sans lui.
Il découle de ce qui précède que cette opération n'a pu constituer une vente immobilière entre la société et un associé ou entre un associé et ses co-associés, mais qu'elle doit être nécessairement qualifiée de retrait d'associé, au sens de l'article 1869 du code civil précité, ce qui conduit à exclure toute possibilité pour M. [T] [Z] d'obtenir la vente forcée à son bénéfice du 3ème étage de l'immeuble social.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] [Z] de sa demande en réalisation forcée de la vente du 3ème étage.
- Sur la demande subsidiaire en expertise aux fins de détermination de la valeur des parts de l'appelant
Le rachat par la société des droits sociaux d'un des associés, hors le cas de décès de l'associé, est uniquement envisagé par les statuts à l'article 12, qui régit la forme des cessions, énonce que les parts sont librement cessibles entre associés mais prévoit qu'au cas de cession à un tiers, le cédant doit recueillir l'agrément de la gérance. La procédure de cession prévoit qu'au cas de refus d'agrément du tiers proposé par le cédant, si aucun autre associé ne veut se porter acquéreur, 'la Société peut faire acquérir les parts par un tiers désigné par la gérance ou les acquérir elle-même en vue de leur annulation.' Il est encore précisé : ' Le nom du ou des acquéreurs proposés, associés ou tiers ou l'offre d'achat par la Société ainsi que le prix offert, sont notifiés au cédant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En cas de contestation sur le prix, celui-ci est fixé conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil.'
En dépit du silence des statuts relativement à l'opération décidée par la délibération litigieuse, l'article 1869 du code civil prévoit néanmoins qu'à moins qu'il ne soit fait application de l'article 1844-9 (3ème alinéa) relatif à la liquidation de la société, qui n'avait pas été décidée en l'espèce lorsqu'a été adoptée la résolution litigieuse, l'associé retrayant a droit à la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d'accord amiable, conformément à l'article 1843-4, qui prévoit une expertise.
Si, avant la réforme de l'article 1843-4 du code civil résultant de l'ordonnance du 31 juillet 2014, comme après cette réforme, dès lors que les dispositions de cet article ont pour finalité la protection des intérêts de l'associé cédant, elles sont sans application au rachat des parts d'un des associés par la société, lorsque ce rachat a été décidé par une délibération unanime des associés, c'est toutefois à la condition que la valeur des droits ait été déterminée ou rendue déterminable par l'accord des associés.
En l'espèce, il ne peut être soutenu que la valeur des droits sociaux rachetés par la société ait été amiablement déterminée ou rendue déterminable par la délibération litigieuse.
La seule référence à la propriété du 3ème étage ne peut en effet suffire à déterminer la valeur des droits sociaux de M. [T] [Z] ni à les rendre déterminables, au sens de l'article 1869 du code civil.
Il s'en déduit que la délibération litigieuse a adopté des modalités illicites de rachat des droits sociaux de M. [T] [Z] par la société et qu'elle ne peut recevoir effet tel qu'elle a été votée.
En particulier, elle ne peut se voir reconnaître aucun effet translatif de propriété immobilière.
M. [T] [Z] demande en cause d'appel, à titre subsidiaire, une expertise judiciaire sur la valeur de ses parts, dont la finalité serait de déterminer la valeur de rachat de ses parts en application de la délibération litigieuse.
Toutefois, en application de l'article 1869 du code civil, une telle prétention ne peut être formée en dehors d'une demande de l'appelant visant à obtenir le rachat de ses droits sociaux par la société.
A défaut d'une telle demande de M. [T] [Z], l'expertise sollicitée à titre subsidiaire ne peut être justifiée et ne sera pas ordonnée.
- Sur les autres demandes de M. [T] [Z]
Alors que la délibération sociale litigieuse est commune à l'appelant et aux consorts [Z] intimés, nulle faute délictuelle ou abus de ceux-ci au préjudice de celui-là n'est caractérisé.
M. [T] [Z] succombe donc en toutes ses autres demandes, y compris de dommages-intérêts.
Les consorts [Z] intimés ne démontrent pas que le droit d'agir en justice de M. [T] [Z] ait dégénéré en abus.
Il n'y a donc pas lieu à dommages-intérêts de ce chef.
M. [T] [Z], qui succombe à titre principal, sera condamné aux dépens.
M. [T] [Z] versera aux consorts [Z] intimés et au liquidateur, en équité et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes précisées au dispositif ci-après.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et dans les limites de l'appel :
Confirme le jugement entrepris,
Déboute M. [T] [Z] de toutes ses demandes,
Déboute les consorts [Z] intimés de leurs demandes de dommages-intérêts,
Condamne M. [T] [Z], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer 3 000 € à chacun des consorts [Z] intimés, à savoir Mme [X] [E] épouse [Z], M. [T] [Z] et M. [A] [Z], ainsi qu'à M. [L] [A] ès qualités,
Condamne M. [T] [Z] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
La Greffière Le Président