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03/04/2019 | FRANCE | N°18/05151

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 03 avril 2019, 18/05151


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 03 Avril 2019

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/05151 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PBJ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 14/00417





APPELANTE

Madame [U] [Q]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Loc

alité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Frédéric SAME, avocat au barreau d'ESSONNE, toque : PC 403





INTIMEE

Société CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES

[Adresse 2]

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 03 Avril 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/05151 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PBJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 14/00417

APPELANTE

Madame [U] [Q]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Frédéric SAME, avocat au barreau d'ESSONNE, toque : PC 403

INTIMEE

Société CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Céline PAGNY CLAIRACQ, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : P0349

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Février 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de Chambre

Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 22 Janvier 2019

Greffier : Mme Sylvie FARHI, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de Chambre et par Madame Sylvie FARHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige ;

Madame [U] [Q] a été engagée par le CNES (centre national d'études spatiales) suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 9 octobre 1997, en qualité de collaborateur administratif, avec reprise d'ancienneté au 7 juillet 1997.

Aux termes de la lettre d'embauche, elle a été mise à la disposition du comité d'établissement d'[Localité 2].

Le déménagement de l'établissement d'[Localité 2] à [Localité 3] a été décidé.

Des échanges ont eu lieu entre les parties pour organiser les transports de Madame [Q] confrontée à une phobie des transports.

À compter du 3 janvier 2012, Madame [Q] a été placée en arrêt maladie par son médecin traitant.

Par une décision du 23 mars 2012, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la maison départementale des personnes handicapées [Localité 4] a reconnu à Madame [Q] la qualité de travailleur handicapé.

À compter de juillet 2013, Madame [Q] n'a plus été en arrêt de travail.

Sur proposition de l'employeur, la salariée a pris ses congés payés et des RTT.

Par une lettre du 10 décembre 2013, Madame [Q] a été convoquée pour le 20 décembre 2013 à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Une convocation datée du 23 décembre 2013 devant le conseil de discipline pour le 7 janvier 2014 lui a également été envoyée.

Par une lettre du 13 janvier 2014, le CNES a notifié à Madame [Q] son licenciement pour abandon de poste.

Contestant le bien fondé de son licenciement, Madame [Q] a saisi le conseil de prud'hommes d'Évry afin d'obtenir des rappels de primes et d'intéressements, diverses indemnités ce dont elle a été déboutée par jugement du 8 juin 2015.

Appelante du jugement, Madame [Q] demande à la cour de l'infirmer, statuant à nouveau de condamner le CNES à lui verser les sommes suivantes :

- 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et refus de prendre en compte la situation de travailleur handicapé,

- 13 452,13 euros au titre d'un remboursement de congés payés pour la période du 12 juillet au 25 novembre 2013,

- 5119,84 euros au titre d'un rappel de salaire pour la période du 25 novembre 2013 au 14 janvier 2014 outre les congés payés afférents,

- 1344,76 euros au titre d'un rappel d'intéressement pour l'année 2012,

- 1134,10 euros au titre d'un rappel d'intéressement pour l'année 2013,

subsidiairement 141,44 euros au prorata des congés payés pris sur l'année 2013,

- 1593,01 euros au titre d'un rappel de prime de fin d'année 2012,

- 2405,93 euros au titre d'un rappel de prime de fin d'année 2013,

- 51 348,99 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 9336,18 euros au titre du préavis outre les congés payés afférents,

- 31 120,60 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- 5000 en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le CNES conclut à la confirmation du jugement déféré, s'oppose à l'intégralité des demandes formulées, réclame à son tour 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire, il entend voir limiter les condamnations aux montants suivants :

- 8618,01 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

- 43 090,05 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

Motifs:

Sur la demande de rappel de congés payés ;

C'est vainement que Madame [Q], se fondant sur les dispositions de l'article 25 du règlement du personnel du CNES selon lesquelles après un an de présence, les agents reconnus atteints d'une affection tuberculeuse, mentale, cancéreuse ou poliomyélite sont mis en congé de longue durée et conservent pendant leurs 3 premières années leur plein traitement puis pendant les 2 dernières années qui suivent, la moitié de leur traitement, réclame le remboursement des congés payés pris entre juillet 2013 novembre 2013, soutenant qu'elle aurait dû bénéficier du maintien de son salaire.

En effet, outre qu'aucun élément médical n'est produit pour établir que l'affection subie est qualifiée d'affection mentale, la cour relève d'une part, qu'aucune demande n'a été formulée par Madame [Q] à l'intention de l'employeur à cet égard, d'autre part, que les parties se sont accordées sur le principe de la prise des congés payés par la salariée au cours de cette période.

La cour note au surplus, qu'à compter du mois du 12 juillet 2013, Madame [Q] n'était plus en arrêt maladie.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaire :

Se fondant toujours sur les dispositions de l'article 25 du règlement, Madame [Q] sollicite un rappel de salaire pour la période du 25 novembre 2013 jusqu'au terme de son contrat soit jusqu'au 14 janvier 2014.

Si Madame [Q] indique n'avoir pas connu le dispositif prévu par le règlement, elle ne conteste pas avoir, lors de son embauche, reçu ledit règlement du personnel en version papier. Force est de constater qu'elle en communique elle-même une partie à propos de la mise à disposition des salariés au comité d'établissement.

En tout état de cause, ainsi que cela été exposé précédemment, aucun élément n'est communiqué tendant à qualifier d'affection mentale la phobie dont elle souffre.

Au surplus à compter du 12 juillet 2013, Madame [Q] n'était plus en arrêt maladie, peu important, en l'absence d'arrêt maladie, la réponse faite par la direction aux élus lors de la réunion du 22 août 2012

Le dispositif invoqué ne peut donc servir de fondement à la demande de rappel de salaire formulée.

Sur le rappel des intéressements,

Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 3314'5 du code du travail et de l'article 10 du contrat d'intéressement du 29 juin 2011 que la prime d'intéressement est versée au salarié en fonction de son temps de présence pendant l'année concernée.

Il est avéré qu'au cours de l'année 2012, Madame [Q] a fait l'objet d'un arrêt maladie, qu'elle n'a donc pas été présente et ne peut prétendre à une quelconque prime d'intéressement.

Au cours de l'année 2013, les parties sont convenues que Madame [Q] prenait ses congés payés au cours de la période du 12 juillet 2013 au 22 novembre 2013.

Dans ces conditions, elle est fondée à réclamer la somme de 141,44 euros au titre de l'intéressement pour l'année 2013, déduction faite somme de 240,56 euros déjà perçue.

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

Sur la demande au titre de la prime de fin d'année ;

L'examen des éléments communiqués montre que Madame [Q] a perçu 1232,04 € pour l'année 2012 et 767,98 euros pour l'année 2013 dont ont été déduits 301,27 euros en janvier 2014.

C'est vainement que Madame [Q] indique que l'intégralité des primes de fin d'année lui est due en application du règlement intérieur s'agissant du maintien de salaire en cas de maladie de longue durée.

En effet, ces primes de fin d'année sont versées sur la base du temps de présence du salarié au sein de l'entreprise.

Dans la mesure où Madame [Q] ne peut revendiquer l'application des dispositions relatives au maintien de la rémunération et au regard de son temps de présence, Madame [Q] a été remplie de ses droits, la prime de fin d'année pour l'année 2013 ayant été calculée au prorata de ses congés payés et RTT assimilés à du temps de présence.

Le jugement déféré sera confirmé sur ces différents points.

Sur la demande de réparation du préjudice lié à l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

Madame [Q] soutient que le CNES a feint de lui proposer des solutions pour tenir compte de sa difficulté en lien avec la phobie des transports, mais n'a in fine pas exploré toutes les possibilités de télétravail, de transport individuel, de soutien psychologique et ce, en méconnaissance de ses propres engagements internes s'agissant de la prise en compte des handicaps des salariés et des dispositions de l'article L. 5213'6 du code du travail faisant obligation à l'employeur de prendre, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés d'accéder à un emploi, ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification[...].

Elle soutient que le refus de prendre les mesures au sens de ces dispositions légales caractérise une discrimination sent de l'article L. 1133'3 du code du travail.

Or, l'examen des éléments communiqués de part et d'autre, justement appréciés par le conseil de prud'hommes, montre que le CNES a pris en compte la pathologie de Madame [Q], a entrepris plusieurs démarches pour formuler à la salariée des propositions conformes aux préconisations du médecin du travail et passant par des horaires décalés pour éviter les embouteillages, par une proposition de télétravail à raison d'une journée par semaine, par des propositions de reclassement refusées par la salariée.

Le CNES a en conséquence pendant une longue période procédé à une recherche loyale et sérieuse de solutions pour permettre à la salariée de maintenir son emploi ou de reprendre un emploi équivalent en son sein consécutivement au déménagement des locaux sur [Localité 3].

Le jugement sera confirmé sur ce point également.

Sur le licenciement ;

En application des dispositions de l'article L. 1235 -1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...si un doute subsiste, il profite au salarié.

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

La lettre de licenciement du 13 janvier 2014 qui circonscrit le litige est rédigé dans les termes suivants :

« nous faisons suite aux convocations pour un entretien préalable le 20 décembre 2013 et devant le conseil de discipline le 7 janvier 2014 auxquels vous ne vous êtes pas présentée bien que régulièrement convoquée. Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave.

En effet, depuis le 25 novembre 2013, vous n'avez ni repris le travail, ni justifié votre absence malgré deux lettres de mise en demeure datées du 27 novembre 2013 et du 5 décembre 2013. Cette conduite met en cause la bonne marche de notre établissement. En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.[...] ».

Madame [Q] conclut à la nullité du licenciement en ce qu'il repose sur un motif discriminatoire en lien avec son état de santé.

À titre subsidiaire, Madame [Q] soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour défaut de visite de reprise, pour absence de faute compte tenu de l'absence de poste identifié et pour non-respect de la procédure du conseil de discipline.

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles

Comme faits laissant présumer une discrimination en lien avec son état de santé, elle présente les éléments suivants :

- l 'absence de déclaration de sa situation de handicap à l' AGEFIPH,

- le non respect des obligations légales résultant de l'article L. 5213'6 du code du travail s'agissant des mesures à prendre afin de permettre à un salarié handicapé de conserver son emploi,

- l'attribution de son poste à une autre salariée alors qu'elle figurait sur l'organigramme des institutions représentatives du personnel comme permanente secrétariat CE, qu'elle était contractuellement titulaire de ce poste, qu'une intérimaire avait assumé son remplacement, que la preuve n'est pas rapportée d'une désorganisation du service en lien avec son absence.

Enfin, elle critique aussi le caractère inadapté des propositions qui lui ont été présentées compte tenu de sa phobie des transports.

L'employeur répond qu'il a transmis les déclarations annuelles des travailleurs handicapés à l' AGEFIPH, ce dont il justifie en effet.

Le CNES expose par ailleurs, avoir respecté le plan d'action en faveur des travailleurs handicapés du 1er décembre 2009, fait observer que le poste occupé par la salariée en tant qu'employée administrative était compatible avec son handicap, ce qu'a confirmé le médecin du travail, au cours d'une visite de pré-reprise dans le courant de l'année 2012, que les IRP ont été consultés et associés à plusieurs reprises aux recherches de solutions pour permettre un retour de la salariée, ce dont il est justifié.

Le CNES explique enfin que la mise à disposition de la salariée comme permanente au sein du comité d'établissement d'[Localité 2] en sa qualité d'employée administrative pouvait être remise en cause à tout moment, qu'il avait seulement comme obligation de lui garantir un poste en son sein.

Il fait observer que l'absence prolongée de la salariée a entravé le fonctionnement du comité d'établissement rendant nécessaire son remplacement, qu'une information lui a été adressée à cet égard mais qu'en tout état de cause, la pérennité de son contrat de travail lui était assurée. Il fait valoir que l'inspection du travail n'a pas relevé de difficulté à cet égard.

D'après le règlement du personnel du CNES, il est avéré que le poste de permanente au comité d'établissement résulte d'une mise à disposition, qu'une telle lettre de mise à disposition peut accompagner le contrat de travail de la personne recrutée, comme c'est le cas en l'espèce, la mise à disposition ayant été mentionnée dans la lettre d'embauche.

Il découle du règlement du personnel communiqué que le secrétaire du comité a autorité sur le salarié mis à la disposition du comité d'établissement, ce qui entraîne une compétence en matière de discipline et de signature de congés. Ledit secrétaire signale les absences au service ressources humaines du centre ainsi que tout accident du travail.

Aucune limitation de durée de la mise à disposition ne figure sur le règlement.

Il est aussi spécifié que le salarié mis à disposition peut faire acte de candidature sur un poste au sein du CNES et donc demander sa mutation.

Alors que Madame [Q] était absente depuis janvier 2012, il est établi que lors de la réunion du comité d'établissement du 22 août 2012, la direction a proposé d'ouvrir en interne le poste de permanente du CE. Les avis des élus étaient alors divergents « sur l'ouverture du poste à défaut de connaître la situation précise et les intentions de la permanente actuelle ». Les élus ont dans l'ensemble considéré que la décision relevait de la direction.

Lors de la réunion du 21 mai 2013, il a été spécialement relevé :

« - une conséquence de la colocalisation a été l'arrêt maladie de notre permanente. Cela a perturbé notre fonctionnement durant toute l'année 2012. L'appel à une intérimaire particulièrement compétente nous a permis de fonctionner et de faire évoluer notre organisation.[...] depuis début 2013, [G] [N] a été nommée sur le poste de permanente. Le transfert de la comptabilité vers le nouveau logiciel reste à finaliser mais nous revenons à un fonctionnement normal.[...] »

Au regard des éléments communiqués, la cour relève que les membres du comité d'établissement ont en mai 2013 souligné que l'absence prolongée de la permanente avait perturbé son fonctionnement, que la nomination d'une nouvelle permanente avait permis de revenir à un fonctionnement normal.

Par ailleurs, il est patent que Madame [Q] n'était plus en arrêt maladie depuis le 12 juillet 2013 et que les difficultés qu'elle éprouvait n'étaient absolument pas en lien avec un poste d'employé administratif et de permanente au sein du CE mais avec les trajets qu'elle devait assumer pour se rendre sur son lieu de travail, en sorte que les décisions de l'employeur à la suite de la décision de déménagement des locaux, reposaient sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en lien avec son état de santé de la salariée.

Le moyen tiré de la nullité du licenciement ne peut prospérer.

Sur la demande tendant à voir déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Outre l'absence de visite de reprise et la suspension du contrat de travail, Madame [Q] invoque le non-respect de la procédure du conseil de discipline puisque son chef de service, Monsieur [E] en tant que délégué du personnel, membre et secrétaire du CE devait faire partie de la composition du conseil de discipline.

Lorsque l'arrêt maladie dure plus de trente jours, l'employeur doit organiser une visite médicale de reprise dans les 8 jours suivant la reprise effective du travail.

Dans la présente espèce, la salariée est réputée avoir repris le travail en ce qu'elle a accepté de prendre ses congés payés et des RTT entre le 12 juillet et le 25 novembre 2013.

Postérieurement à cette date, Madame [Q] ne s'est pas présentée au CNES, n'a pas adressé à son employeur des certificats médicaux, ni n'a répondu aux demandes de justificatifs de son absence, envoyées par celui-ci, à deux reprises par lettres recommandées, en ce compris consécutivement à celle qui lui a été adressée pour la mise en place de la visite médicale de reprise en date du 12 novembre 2013, de sorte qu'il ne peut être reproché à ce dernier, laissé sans nouvelles, de ne pas avoir organisé de visite de reprise.

En conséquence, l'absence injustifiée qui s'est prolongée pendant plusieurs semaines pouvait être reprochée à la salariée.

Néanmoins, pour tout licenciement disciplinaire, elle devait être convoquée devant le conseil de discipline, composé notamment de celui qui exerçait sur elle une autorité hiérarchique et ce pour satisfaire aux exigences du règlement intérieur de 1989.

C'est vainement que le CNES soutient que la salariée relevait, lors du licenciement, directement de l'autorité hiérarchique du directeur de l'établissement et non plus de celle du secrétaire du comité d'établissement.

En effet, lors de son recrutement, il a été mentionné dans la lettre d'embauche, qu'elle était mise à disposition du comité d'établissement.

Il est patent que le licenciement n'a pas pour fondement son absence prolongée rendant nécessaire son remplacement définitif au sein du comité d'établissement, mais bien un motif disciplinaire lié à un abandon de poste.

A défaut d'avoir expressément consenti à une mutation ou à un reclassement sur un poste défini autre, Madame [Q] revendique à bon droit les dispositions du règlement prévoyant que son manager qui était toujours le secrétaire du comité d'établissement dès lors qu'aucune procédure de licenciement pour perturbation du service et nécessité de la remplacer n'avait été initiée, devait faire partie de la composition du conseil de discipline, peu important la décision prise en interne quelques mois plus tôt de procéder à son remplacement.

Dans la mesure où le conseil de discipline n'a pas été composé conformément aux dispositions réglementaires, alors que la consultation d'un tel organisme chargé, en vertu d'une disposition spécifique, de donner un avis sur la mesure disciplinaire envisagée par l'employeur constitue pour le salarié une garantie de fond, la cour en déduit que le licenciement prononcé ne peut avoir de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera réformé.

Sur les conséquences du licenciement ;

Le salaire de base de Madame [Q] ressortait à la somme de 2453,98 euros auquel doivent être ajoutés la prime d'ancienneté à hauteur de 335,02 €, un complément spécifique de rémunération à hauteur de 73,62 euros ainsi qu'un complément spécifique d'ancienneté de 10,05 €, soit un total de 2872,67 euros sur 13 mois.

L'indemnité compensatrice de préavis doit correspondre à la rémunération qu'aurait perçue la salariée si elle avait exécuté son préavis en sorte que la cour lui allouera la somme de 8618,01 euros outre les congés payés afférents.

S'agissant de l'indemnité de licenciement, l'article 45. 2 du règlement intérieur prévoit qu'elle est égale à un mois de salaire par année de service sans pouvoir excéder 2 années de traitement. Toute fraction d'année de service supérieure à 6 mois est comptée pour une année.

Au regard des périodes de suspension du contrat de travail, pour une maladie non professionnelle, le montant de l'indemnité de licenciement à revenir à Madame [Q] se calcule comme suit :

15 ans et 4 mois X 3112,06 euros soit 47 718,25 euros.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à, une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens et les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le CNES, qui succombe dans la présente instance, sera débouté de sa demande à ce titre et condamné aux entiers dépens.

L'équité commande d'allouer à Madame [Q] une indemnité de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [Q] de ses demandes au titre de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail et du refus de prendre en compte sa situation de travailleur handicapé, d'un remboursement de congés payés pour la période du 12 juillet au 25 novembre 2013, d'un rappel de salaire pour la période du 25 novembre 2013 au 14 janvier 2014 outre les congés payés afférents, d'un rappel d'intéressement pour l'année 2012, d'un rappel de prime de fin d'année 2012, d'un rappel de prime de fin d'année 2013,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne le CNES à verser à Madame [Q] les sommes suivantes :

- 141,44 euros au prorata des congés payés pris sur l'année 2013, pour l'intéressement,- 8618,01 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

- 8618,01 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

- 47 718,25 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne le CNES aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/05151
Date de la décision : 03/04/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°18/05151 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-03;18.05151 ?
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