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03/04/2019 | FRANCE | N°16/09011

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 03 avril 2019, 16/09011


Copies exécutoires délivrées le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

à :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 03 Avril 2019

(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/09011 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZEQC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL RG n° 11/00490



APPELANT



Monsieur [P] [T] [X]

né le [Date nai

ssance 1] 1969 au PORTUGAL

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]



comparant en personne, assisté de Me Philippe ACHACHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 238



INTI...

Copies exécutoires délivrées le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

à :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 03 Avril 2019

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/09011 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZEQC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL RG n° 11/00490

APPELANT

Monsieur [P] [T] [X]

né le [Date naissance 1] 1969 au PORTUGAL

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Philippe ACHACHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 238

INTIMEES

La société SNC OTUS

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS, toque : R047

La société VEOLIA PROPRETE FRANCE

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS, toque : R047

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Février 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Soleine HUNTER-FALCK, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bruno BLANC, Président

Mme Soleine HUNTER-FALCK, conseillère

M. Olivier MANSION, conseiller

Greffier : Mme Marine BRUNIE, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, progé à ce jour,

- signé par M. Bruno BLANC, Président et par Mme Marine BRUNIE, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

La SNC OTUS qui a une activité de collecte de déchets ménagers est soumise à la convention collective des activités de déchets ; elle comprend plus de 10 salariés.

Monsieur [P] [X], né en 1969, a été engagé par contrat à durée déterminée à temps plein (39 h par semaine) par la SA OMNIUM DE TRANSPORTS ET DE NETTOIEMENT (OTN) du 01.12.1987 au 29.02.1988 pour pourvoir au remplacement de M.[Q], ripeur.

Ce contrat a été renouvelé le 29.02.1988 pour pourvoir au remplacement de M. [A] jusqu'au 30.06.1988, puis le 30.06.1988 en raison d'un surcroît d'activité jusqu'au 30.09.1988, enfin le 01.10.1988 pour pourvoir au remplacement de M. [J] jusqu'au 30.11.1988.

Un contrat à durée indéterminée a été conclu entre les parties le 30.11.1988 à temps plein sur le poste de ripeur indice 181 ; un nouveau contrat a été signé le 10.06.2002 avec reprise d'ancienneté au 01.12.1987, Monsieur [P] [X] étant promu chef d'équipe coefficient 132 filière exploitation à temps plein (35h par semaine).

Le 30.06.2008, la SNC OTUS a attribué à Monsieur [P] [X] un logement à titre gratuit dans les locaux de l'entreprise sur le site de [Localité 2].

Par avenant du 01.09.2009 conclu avec la SNC OTUS, filiale de la SAS VEOLIA PROPRETE France, Monsieur [P] [X] a été embauché dans la filière exploitation en qualité de chef de secteur niveau III échelon 3 coefficient 132 classification agent de maîtrise à temps plein (35 heures).

La moyenne mensuelle des salaires de Monsieur [P] [X] s'établit à 3.002 €.

Par ailleurs, Monsieur [P] [X] a été embauché par la SA ASPIROTECHNIQUE à compter du 05.09.2002 ; il a signé avec cette société un avenant le 01.10.2005 en qualité d'agent de service échelon AS1 à durée indéterminée à raison de 5 heures par semaine.

Le 01.04.2010, Monsieur [P] [X] a été engagé par cette même société à temps plein (151h67 par mois) en qualité d'inspecteur échelon MP3 avec reprise d'ancienneté au 05.09.2002.

Monsieur [P] [X] a fait l'objet d'un accident de trajet le 03.06.2010 dans le cadre du contrat de travail conclu avec la SA ASPIROTECHNIQUE.

Il a été mis en arrêt de travail à compter du 04.06.2010 qui a été prolongé successivement jusqu'au 31.05.2013.

A défaut d'avoir pu faire effectuer une contre-visite au domicile du salarié en raison de son absence à deux reprises, l'employeur a décidé de suspendre le paiement des indemnités complémentaires de salaire du 27.09 au 05.10.2011.

Le 15.07.2010, la SNC OTUS a avisé la SA ASPIROTECHNIQUE que Monsieur [P] [X] était embauché par elle à des horaires de travail similaires.

Monsieur [P] [X] a été convoqué par la SNC OTUS par lettre du 19.08.2010 à un entretien préalable fixé le 31.08.2010 et repoussé au 09.09.2010.

Il a été mis en demeure le 17.09.2010 par la SNC OTUS de justifier des horaires effectué pour le compte de la SA ASPIROTECHNIQUE et de respecter les dispositions légales relatives au cumul d'emploi.

Le 20.09.2010, Monsieur [P] [X] a été licencié pour faute grave par la SA ASPIROTECHNIQUE au sein de laquelle il exerçait les fonctions d'inspecteur depuis le 01.04.2010, cette société ayant appris que le salarié travaillait à temps plein dans une autre entreprise et Monsieur [P] [X] n'ayant pas choisi entre ses deux employeurs.

Le 21.10.2010, le conseil des prud'hommes de Créteil a été saisi par Monsieur [P] [X] en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, indemnisation des préjudices subis pour discrimination syndicale et raciale, et pour diverses demandes liées à l'exécution du contrat de travail ; devant le bureau de jugement, le salarié a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Monsieur [P] [X] avait été désigné délégué syndical pour le compte du syndicat FORCE OUVRIERE en 2005, puis par le syndicat CGT à compter de 2008 jusqu'au 09.10.2009 ; il était représentant syndical au comité d'établissement de la société VEOLIA à [Localité 2].

Le 19.04.2012, Monsieur [P] [X] a fait savoir à la SNC OTUS qu'il démissionnait de tous ses mandats (délégué du personnel suppléant et membre du comité d'entreprise titulaire) à effet immédiat.

Monsieur [P] [X] a été déclaré inapte à son poste actuel lors de la première visite de reprise le 06.06.2013 ; cet avis a été confirmé le 21.06.2013 après étude du poste le 07.06.2013 avec pour précision : 'ne pourrait être reclassé qu'à un poste sédentaire de type administratif'.

Le 05.07.2013, les délégués du personnel ont donné un avis majoritairement favorable au licenciement de leur collègue.

La SNC OTUS a proposé au salarié en reclassement le 15.07.2013 le poste d'agent de planning au sein de la filliale TAIS.

Monsieur [P] [X] a été convoqué par lettre du 08.08.2013 à un entretien préalable fixé le 26.08.2013, puis licencié par son employeur le 29.08.2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté le 29.06.2016 par Monsieur [P] [X] du jugement rendu le 10.06.2016 par le conseil de prud'hommes de Créteil section Commerce en formation de départage, qui a mis hors de cause la SAS VEOLIA PROPRETE France et condamné la SNC OTUS à verser à Monsieur [P] [X] :

- 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour non respect du repos hebdomadaire,

- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

le salarié étant débouté du surplus.

Vu les conclusions visées à l'audience du 04.02.2019 au soutien de ses observations orales par lesquelles Monsieur [P] [X] demande d'infirmer le jugement et de condamner la SNC OTUS à payer :

A titre principal

Résiliation judiciaire du contrat de travail :

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 36 mois: 108.072 Euros.

A titre subsidiaire,

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 36 mois :108.072 euros

Dans tous les cas :

Dommages intérêts pour discrimination raciale et syndicale : 15.000 Euros

Heures supplémentaires :65.154 Euros

Congés payés incidents :6.515 Euros

Astreintes :77.735 Euros

Congés payés incidents :7.773 Euros

Indemnité de préavis :6.004 euros

Congés payés incidents :600,40 euros

Dommages et intéréts pour dépassement de la durée légale du travail 8.000 euros

Dommages et intéréts pour non respect du repos quotidien 8.000 euros

Dommages et intéréts pour absence de visite médicale périodique 6.000 euros

Dommages et intéréts pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires 6.000 euros

Indemnité au titre de Particle 700 du Code de procedure civile :3.000 Euros.

Débouter les sociétés OTUS et Véolia de toutes leurs demandes, fins et prétentions

Remise du certificat de travail, de l'attestation Pole Emploi et des bulletins de paies conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 15 Euros par jour de retard et par document

Entiers dépens.

Oralement, Monsieur [P] [X] a renoncé à ses demandes à l'encontre de la SAS VEOLIA PROPRETE France.

Vu les conclusions visées à cette audience au soutien de leurs observations orales par lesquelles la SNC OTUS et la SAS VEOLIA PROPRETE France demandent de confirmer le jugement rendu sauf en ce qu'il a condamné la SNC OTUS à payer à Monsieur [P] [X] la somme de 1.000 € en vertu de l'article 700 du CPC, mettre hors de cause la SAS VEOLIA PROPRETE France, de déclarer irrecevables les demandes de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et des astreintes antérieures au 21.10.2005, et de condamner Monsieur [P] [X] à payer 3.000 € en vertu de l'article 700 du CPC.

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'exécution du contrat de travail :

1) Sur les heures supplémentaires :

Selon l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties, le salarié doit donc étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Monsieur [P] [X] déclare avoir travaillé de 4h à 11h du matin, tout en étant amené à intervenir la nuit en dépannage 7 jours / 7. Il verse aux débats un tableau récapitulant au mois le mois depuis 2004 jusqu'en 2009 les heures supplémentaires non réglées et quelques attestations de collègues.

La SNC OTUS oppose la prescription quinquennale s'appliquant à compter de la saisine du conseil des prud'hommes pour la demande antérieure au 01.01.2005.

Elle rappelle qu'en sa qualité de chef d'équipe puis chef de secteur il devait saisir ses temps de travail sur le logiciel Totem en vue du pré-établissement de la paie ce qui est confirmé par Mme [L], agent administratif ; les bulletins de paie font état effectivement du paiement d'heures supplémentaires mais aussi pour des jours fériés ou dimanches travaillés. La société produit en outre un compte rendu de réunion mentionnant les horaires réalisés par le salarié soit de 4h à 11h, la note du 04.01.2008 visant un horaire de 4h30 à 11h30, ce qui est confirmé par des plannings de l'année 2008, les autres plages horaires étant assurées par des collègues. MM. [E] vient corroborer qu'il s'adressait en cas de difficulté à son supérieur direct. Le témoignage de M. [F] n'est pas probant dès lors qu'il a quitté la société en juillet 2006 et n'est pas suffisamment circonstancié, de même que les autres témoignages apportés en faveur du salarié qui se bornent à affirmer qu'il était joignable de jour comme de nuit 24h/24. La société produit les feuilles de contrôle de saisies qui contredisent les allégations du salarié notamment en novembre 2005, en mai et juillet 2006.

La demande est prescrite pour la période antérieure au 01.01.2005. Par ailleurs la cour constate que Monsieur [P] [X] n'étaye pas suffisamment sa demande et que la société produit des éléments venant contredire les affirmations du salarié.

Cette demande sera rejetée et le jugement confirmé.

2) Sur les astreintes :

La SNC OTUS fait valoir à juste titre la prescription de la demande antérieure au 01.01.2005.

Pour le reste, si Monsieur [P] [X] produit aux débats un tableau établi mensuellement à partir de 1998 et jusqu'en 2010, et des attestations de 4 salariés affirmant qu'il était disponible 7 jours /7 et 24h /24, ces seuls éléments sont insuffisants à justifier de la réalité des astreintes alléguées, qui ne résultaient pas des dispositions contractuelles et qui ne peuvent se déduire de la seule présence sur le site du salarié qui y était logé gratuitement. Au surplus, la SNC OTUS justifie de ce qu'aucun système d'astreinte n'était en place au vu de l'accord d'entreprise du 09.06.2000 et de son avenant du 12.05.2003, mais également des feuilles d'établissement des heures de travail.

La demande sera rejetée et le jugement confirmé.

3) Sur le dépassement de la durée légale du travail :

Là encore les seuls éléments produits ne démontrent pas la réalité du dépassement allégué; la demande sera rejetée et le jugement confirmé.

4) Sur le non respect du repos quotidien et hebdomadaire :

Monsieur [P] [X] allègue, en ce qui concerne le repos quotidien, qu'il n'avait pas de cadre prédéfini pour ses horaires de travail ce qui vient en contradiction avec les éléments produits de part et d'autre. La demande sera rejetée.

La SNC OTUS cependant ne conteste pas certaines anomalies jusqu'en août 2007 en ce qui concerne le repos hebdomadaire et sollicite la confirmation de la décision rendue ; il sera fait droit à cette dernière demande qui est fondée.

5) Sur le dépassement du contingent d'heures supplémentaires :

Il résulte des éléments communiqués que Monsieur [P] [X] ne prouve pas la réalité du dépassement du contingent d'heures supplémentaires. Cette demande sera rejetée et le jugement confirmé.

6) Sur l'absence de visite médicale périodique :

Eu égard à la charge de travail dont il se prévaut, le salarié critique l'absence de visite médicale périodique, alors que la SNC OTUS verse aux débats les fiches des visites médicales passées depuis 1989 et très régulièrement tous les 2 ans à partir de 1994 ; elles ne sont pas produites entre juillet 2007 et juin 2013, cependant le salarié ne démontre pas que la faute commise par son employeur ait été à l'origine de son arrêt maladie alors qu'il a été victime d'un accident de trajet en travaillant pour le compte d'une autre société, et à temps plein de surcroît.

Monsieur [P] [X] sera débouté de cette demande et le jugement confirmé.

7) Sur la discrimination raciale et syndicale :

La Charte sociale européenne du 3 mai 1996, publiée par décret du 4 février invoque la « sensibilisation, l'information et la prévention contre les actes condamnables ou explicitement hostiles et offensifs dirigés de façon répétée contre tout salarié sur le lieu de travail ou en relation avec le travail ».

Aux termes de l'article L 1132-1, aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une nation ou une prétendue race, de ses activités syndicales.

En application de ces dispositions, l'attitude indélicate de l'employeur et des insultes répétées faisant référence régulièrement à la nationalité du salarié en la critiquant publiquement relèvent d'un management inapproprié et constituent une discrimination.

Selon l'article L1134-1 du code du travail il appartient au salarié qui se prétend victime d'une discrimination de présenter des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie adverse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes le mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [P] [X] fait valoir en premier lieu qu'il a exercé une activité syndicale sur le site de [Localité 2] mais que ses conditions de travail se sont dégradées avec l'arrivée de M. [D] ce qui a eu des effets sur sa santé.

Il dénonce le comportement insultant de ce supérieur devant témoins. M. [X] verse aux débats des attestations de collègues selon lesquels le 'seul but (de M. [D]) est de virer M. [P] [X] il dit ouvertement qu'il va le mettre dehort et ... Je n'aime pas les portugais' (M. [W]), ou encore 'les Portugais 'ne pensent qu'à l'argent' et dernièrement il fait un acharnement particulier sur la personne de Mr [X] [P] en lui parlant mal qu'il est un Portugais borné'' (M [S] le 21.06.2010); M. [H] confirme que, de la part de M. [D], 'tout est bon pour le critiquer et humilier (Monsieur [P] [X])', ce qui est confirmé par M. [I], ce comportement étant confirmé par MM. [K] et [Y] mais aussi M. [V]. Une pétition a été signée par 48 personnes dénonçant le comportement de M. [D] vis à vis de Monsieur [P] [X] ainsi que les pressions exercées pour qu'il quitte son logement de même que des sanctions.

Il reproche à son supérieur de l'avoir mis en demeure de justifier des ses absences dont il avait connaissance, à la suite de son accident de circulation intervenu en juin 2010 ; il constate avoir subi 5 contre visites venant vérifier le motif de son indisponibilité. Le salarié produit en effet les demandes de l'employeur de réaliser des contre visites les 20 et 21.10.2010, 27 et 29.09.2011.

Son médecin traitant certifie le 14.08.2010 son état dépressif et le salarié a été mis en arrêt de travail sur une longue période à compter du 04.06.2010, alors qu'il était précédemment déclaré apte.

Ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'appartenance de Monsieur [P] [X] à la nation portugaise ; en revanche l'exercice de ses mandats n'y est pas évoqué et le salarié ne présente aucun fait de nature à laisser supposer une discrimination syndicale.

La SNC OTUS réplique que le salarié n'a fait l'objet d'aucune différence de traitement. Elle conteste la portée des attestations des collègues de travail de Monsieur [P] [X] qui sont imprécises quant à la date des faits évoqués et ont été établies au cours de l'été 2010 soit, alors que la SNC OTUS avait constaté que le salarié avait un autre emploi à temps plein pour le compte de la société ASPIROTECHNIQUE. Elle apporte des témoignages contraires montrant que M. [D] avait un comportement irréprochable et relève que le salarié pourtant membre des institutions représentatives n'a pas saisi le CHSCT, ni la médecine du travail ni la direction pour se plaindre des agissements de son supérieur. Elle indique que M. [D] n'est arrivé à l'agence de [Localité 2] que le 01.07.2009. Monsieur [P] [X] ne justifie pas d'un changement de secteur décidé par son supérieur. La SNC OTUS a été contrainte d'adresser une mise en demeure au salarié le 17.06.2010 pour qu'il justifie de son absence depuis le 4 juin. Monsieur [P] [X] a fait l'objet à deux reprises et à un an d'intervalle de contre visites ce qui relevait de son pouvoir de direction.

La cour décide au vu des explications données et des documents produits que la discrimination syndicale, qui ne ressort d'aucune pièce et ne peut donc être supposée, n'est pas démontrée.

En ce qui concerne la discrimination fondée sur la nationalité, Monsieur [P] [X] dénonce des faits intervenus jusqu'à son arrêt de travail le 03.06.2010, son supérieur étant en effet dans l'agence depuis juillet 2009.

Les attestations produites par le salarié, confortées par la pétition signée de nombreux salariés, démontrent que son responsable hiérarchique direct humiliait Monsieur [P] [X] et en lui reprochait sa nationalité portugaise qu'il critiquait ouvertement.

Ces faits représentent une atteinte à la dignité du salarié et constituent comme tels une discrimination fondée sur l'appartenance à une nation. En conséquence, la SNC OTUS sera condamnée à lui verser la somme de 10.000 € en réparation du préjudice subi ; le jugement sera infirmé.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

La demande de résiliation judiciaire étant antérieure au licenciement, son bien fondé doit être vérifié dans un premier temps et, seulement si elle s'avère infondée, le licenciement sera examiné.

En cas d'inexécution de ses obligations contractuelles par l'employeur, le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur sur le fondement des articles 1224 à 1230 nouveaux (article 1184 ancien du code civil).

Lorsque les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Lorsqu'en revanche, les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère de gravité suffisant, le juge doit purement et simplement débouter le salarié de sa demande. Le contrat de travail n'étant pas résilié, son exécution se poursuivra.

La résiliation judiciaire produit effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur.

A l'appui de sa demande, Monsieur [P] [X] fait valoir plusieurs manquements à l'encontre de son employeur justifiant à son sens la résiliation de son contrat de travail aux torts de celui ci.

Il est établi que certains manquements graves sont démontrés comme l'existence d'une discrimination, outre le non respect du repos hebdomadaire. La résiliation judiciaire doit être prononcée aux torts de l'employeur et produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de Monsieur [P] [X], de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, la SNC OTUS sera condamnée à verser au salarié à titre de dommages intérêts la somme de 80.000 € ; cette somme à caractère indemnitaire est nette de tous prélèvements sociaux ; ce, outre l' indemnité de préavis.

Lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application des articles L1235-2/3/11 du code du travail, la juridiction ordonne d'office, même en l'absence de Pôle emploi à l'audience et sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-5, le remboursement par l'employeur, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois ; en l'espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités à concurrence d'un mois.

Il sera fait droit à la demande de remise des documents sociaux sans que l'astreinte soit nécessaire.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 10.06.2016 par le conseil de prud'hommes de Créteil section Commerce en formation de départage d'une part en ce qu'il a rejeté les demandes relatives aux heures supplémentaires, aux astreintes, au dépassement de la durée légale du travail, au non respect du repos quotidien, à l'absence de visite médicale et à la discrimination syndicale ; d'autre part en ce qu'il a condamné la SNC OTUS au paiement de 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour non respect du repos hebdomadaire, et 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que Monsieur [P] [X] a été victime d'une discrimination liée à l'appartenance à une nation ;

Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur;

Condamne en conséquence la SNC OTUS à payer à Monsieur [P] [X] les sommes de :

- 80.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 6.004 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 600,40 € pour les congés payés afférents ;

- 10.000 € à titre de dommages intérêts pour discrimination ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt ;

Dit que la SNC OTUS devra transmettre à Monsieur [P] [X] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Assedic/Pôle emploi conformes ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif ;

Rejette les autres demandes ;

Ordonne, dans les limites de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SNC OTUS à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à Monsieur [P] [X] à concurrence de un mois de salaire ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SNC OTUS à payer à Monsieur [P] [X] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel;

Condamne la SNC OTUS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 16/09011
Date de la décision : 03/04/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°16/09011 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-03;16.09011 ?
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