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27/03/2019 | FRANCE | N°16/21943

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 27 mars 2019, 16/21943


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 27 MARS 2019



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/21943 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ5RX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Septembre 2016 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015015411





APPELANTE



SAS TOLERIES DU SUD-OUEST

Ayant son siège soc

ial : [Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 811 278 928 (BAYONNE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Maryline LUGOSI de ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 27 MARS 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/21943 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ5RX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Septembre 2016 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015015411

APPELANTE

SAS TOLERIES DU SUD-OUEST

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 811 278 928 (BAYONNE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073

Ayant pour avocat plaidant : Me Davy LABARTHETTE de la SELARL PICOT - VIELLE & Associés, avocat au barreau de BAYONNE, case : 83

INTIMÉE

SA MR BRICOLAGE

Ayant son siège social : [Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 348 033 473 (ORLEANS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Antoine DEROT de la SELARL REINHART MARVILLE TORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0030

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Février 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur,

Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller,

Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Vu le jugement rendu le 19 septembre 2016 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

- dit que la société MR Bricolage n'a pas rompu brutalement ses relations commerciales avec la société Tôleries du Sud Ouest, immatriculée au RCS de Bayonne B 811 278 928, venant aux droits de la société Tôleries du Sud Ouest, immatriculée au RCS de Bayonne B 309 468 957,

- débouté la société Tôleries du Sud Ouest de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Tôleries du Sud Ouest aux dépens et à payer à la société MR Bricolage la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel relevé par la société Tôleries du Sud Ouest et ses dernières conclusions notifiées le 20 juin 2018 par lesquelles elle demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ainsi que des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, de réformer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- constater la rupture brutale et sans préavis de la relation commerciale établie avec la société MR Bricolage du fait de cette dernière et constater sa rupture abusive et sans préavis,

- en conséquence, condamner la société MR Bricolage à lui payer les sommes suivantes :

* 1.306.463,50 euros en réparation du préjudice issu de l'irrespect du délai de préavis,

* 50.000 euros en réparation du préjudice financier de reconversion subi du fait de la rupture brutale,

* 30.000 euros en réparation du préjudice d'image subi du fait de la rupture brutale,

* 50.000 euros en réparation du préjudice moral et commercial subi du fait de la rupture brutale,

- dire que l'ensemble de ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2014, date de la rupture des relations contractuelles,

- condamner la société MR Bricolage à lui payer la somme de 20.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 avril 2018 par la société MR Bricolage qui demande à la cour, au visa de l'article L 442-6-1 5° du code de commerce, de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société Tôleries du Sud Ouest de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Tôleries du Sud Ouest aux entiers dépens et à lui payer la somme de 30.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR

Il est constant qu'une relation commerciale établie existait depuis 1997 entre la société MR Bricolage, qui exerce l'activité de centrale de référencement de divers points de vente et la société Tôleries du Sud Ouest, qui commercialise une gamme de conduits d'évacuation de fumée, conduits de cheminées, conduits de ventilation, autres raccordements et accessoires de raccordements.

En dernier lieu, le 13 février 2013, les parties avaient signé un contrat cadre de commercialisation de produits prévoyant, en son article 19 intitulé « durée du contrat » :

- que celui-ci est conclu pour une durée indéterminée à compter du 1er janvier 2013 et que ce caractère indéterminé ne fait pas obstacle à l'engagement des parties de se réunir annuellement pour rediscuter des conditions juridiques et financières de leurs relations commerciales,

- qu'il pourra être mis fin au contrat moyennant l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception laissant courir un préavis en fonction de l'ancienneté de la relation des parties et de l'accord interprofessionnel intervenu le 15 janvier 2002 entre la Fédération des magasins de bricolage (FMB) et l'Union nationale des industries du bricolage, du jardinage et des activités manuelles et de loisirs (UNIBAL),

- en cas de caducité de l'accord, que les parties conviennent de respecter les dispositions suivantes : préavis de 3 mois pour des relations commerciales d'une durée de 1 à 5 ans, préavis de 6 mois pour des relations commerciales d'une durée de 6 à 10 ans et préavis de 9 mois au delà.

Par courriel du 27 mai 2013, la société MR Bricolage a informé la société Tôleries du Sud Ouest qu'elle lançait un appel d'offres 'Conduits et fumisterie' au deuxième semestre 2013, la priant de bien vouloir remplir le document joint.

Le 12 juin 2013, la société Tôleries du Sud Ouest lui a transmis son support pour un entretien fixé au 20 juin ; en réponse, la société MR Bricolage lui a demandé de reprendre les grandes lignes dans le document qui lui avait été adressé au départ, précisant qu'elle avait besoin de ses connaissances du marché ; la société Tôleries du Sud Ouest lui a alors indiqué qu'elle présenterait ces éléments « marché » lors de leur entretien du 20 juin.

Par courriel du 2 juillet 2013, la société MR Bricolage a envoyé à la société Tôleries du Sud Ouest son appel d'offres 'Fumisterie 2014" en lui demandant d'indiquer ses prix 'direct' et 'entrepôt' ; la société Tôleries du Sud Ouest y a répondu par courriel du 22 juillet 2013 et, le 24 juillet suivant, elle lui a confirmé son souhait de ne pas répondre à son 'offre entrepôt', et de rester sur sa proposition 'en direct'.

Par courriel du 10 mars 2014, la société MR Bricolage a précisé à M. [O], président de la société Tôleries du Sud Ouest, qui l'interrogeait sur l'issue de l'appel d'offres :

- que le 21 octobre 2013, elle avait reçu M. [P] (qui était alors son directeur commercial) pour lui faire part de sa décision de ne pas retenir la candidature de sa société,

- que par lettre envoyée en début d'année 2013, il lui avait été indiqué la date effective de déréférencement au 23 février 2014.

Le conseil de la société Tôleries du Sud Ouest, dans une lettre recommandée avec avis de réception du 15 avril 2014, a précisé à la société MR Bricolage que sa cliente contestait formellement avoir reçu début 2013 une lettre lui annonçant son déréférencement et qu'au demeurant, le prévis annoncé serait insuffisant.

Suivant lettre recommandée avec avis de réception du 8 juillet 2014, la société MR Bricolage a répondu qu'elle maintenait sa décision de déréférencement prise pour le 23 février 2014 mais a accordé à la société Tôleries du Sud Ouest un délai supplémentaire jusqu'au 23 février 2015.

C'est en cet état que le 25 juillet 2014, la société Tôleries du Sud Ouest, invoquant la rupture brutale des relations, a fait assigner la société MR Bricolage devant le tribunal de commerce d'Orléans, lequel s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris ; par le jugement déféré, ce tribunal a débouté la société Tôleries du Sud Ouest de toutes ses demandes.

La société Tôleries du Sud Ouest, appelante, soutient :

- que la société MR Bricolage ne pouvait s'affranchir de la clause contractuelle stipulant l'envoi d'une lettre recommandée faisant courir le délai de préavis, en organisant un appel d'offres factice par courriel,

- que c'est à tort que le tribunal a retenu que le courriel du 27 mai 2013 faisait courir le délai de préavis alors que ce courriel ne manifestait pas l'intention de ne pas poursuivre la relation commerciale en cas d'échec de la candidature à l'appel d'offres,

- que le point de départ du préavis ne peut être fixé qu'en mars 2014, lorsqu'elle a été informée des résultats de l'appel d'offres,

- que la société MR Bricolage n'a pas respecté l'exigence d'une rencontre préalable avant l'annonce de la rupture, comme prévu par l'accord FMB/UNIBAL,

- qu'elle n'a jamais reçu la lettre du 22 février 2013 dont se prévaut la société MR Bricolage,

- que contrairement à ce que prétend l'intimée, la relation commerciale n'a pas perduré jusqu'en septembre 2015, la société MR Bricolage n'ayant pas maintenu son volume de commandes antérieur,

- que les commandes passées par ses magasins intégrés et non intégrés ont chuté de 41 % entre mars 2014 et mars 2015,

- que de mars 2014 à début 2016, son chiffre d'affaires avec la société MR Bricolage a chuté de 68 %, ce qui vide de toute substance le préavis allégué.

L'appelante fait valoir que l'existence d'un accord professionnel ne dispense pas le juge de vérifier si le préavis convenu était suffisant ; pour démontrer qu'un préavis de 24 mois était justifié, elle invoque, outre l'ancienneté de la relation commerciale, son état de dépendance économique en exposant :

- qu'en 2012, la part des commandes de la société MR Bricolage dans son chiffre d'affaires était de 42 %,

- que le poids de la société MR Bricolage dans son chiffre d'affaires est le reflet du poids de celle-ci sur le marché, sur lequel sa part est de 11,3 %, et que cette société occupe la troisième place du secteur en France,

- que même si le rachat de la société MR Bricolage par le groupe britannique Kingfisher n'a pas eu lieu, la tendance est à la très grande concentration des enseignes intervenant dans le secteur du bricolage.

Il apparaît que la société MR Bricolage ne peut prouver que, par lettre recommandée du 22 février 2013, elle a notifié à la société Tôleries du Sud Ouest sa décision de mettre fin aux relations commerciales à effet au 23 février 2014 ; en effet, elle ne verse pas aux débats l'avis de réception de cette lettre.

La stipulation de l'accord sur le déréférencement FMB/UNIBAL prévoyant, comme règle de bonne conduite, que l'annonce de toute rupture des relations commerciales soit précédée d'une rencontre entre interlocuteurs, n'a pas été reprise dans le contrat de commercialisation du 13 février 2013.

Cependant, en signant ce contrat, les parties se sont engagées à se réunir annuellement pour rediscuter des conditions juridiques et financières de leurs relations commerciales ; il n'est pas contesté qu'une réunion a eu lieu entre les parties le 20 juin 2013.

Auparavant, dès le 27 mai 2013, la société MR Bricolage avait informé la société Tôleries du Sud Ouest qu'elle lançait un appel d'offres au deuxième semestre 2013 en l'invitant à y participer ; puis la société Tôleries du Sud Ouest, après plusieurs relances de la société MR Bricolage, a émis une offre incomplète, ne mentionnant pas ses prix de vente ' entrepôt ' qui étaient demandés et précisant rester sur sa proposition de prix de vente en ' direct '.

En annonçant le 27 mai 2013, par écrit, son recours à la procédure d'appel d'offres pour 2014, la société MR Bricolage a manifesté sans équivoque son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans les conditions antérieures ; la société Tôleries du Sud Ouest était informée par la mention des destinataires en copie des courriels échangés que trois autres entreprises concourraient à ses côtés ; c'est donc en vain qu'elle invoque le caractère factice de l'appel d'offres.

Si le formalisme prévu au contrat, à savoir l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception dans un but probatoire, n'a pas été suivi, il demeure que la société Tôleries du Sud Ouest, qui a été exactement informée de la procédure d'appel d'offres et qui y a participé, n'a pu se méprendre sur la volonté exprimée par sa cocontractante.

En conséquence, c'est à juste raison que le tribunal a dit que le délai de préavis avait commencé à courir le 27 mai 2013, le terme de celui-ci étant le début de 2014.

La société Tôleries du Sud Ouest estime qu'un préavis de 24 mois était nécessaire, tandis que la société MR Bricolage prétend qu'elle a accordé un préavis de 27 mois, les relations ayant pris fin le 10 septembre 2015, après que la société MR Bricolage ait accordé à la société Tôleries du Sud Ouest des délais supplémentaires après discussions entre les parties.

Mais l'appelante ne démontre en aucune façon qu'elle était dans un état de dépendance économique ; en effet, elle ne réalisait que 42 % de son chiffre d'affaires avec la société MR Bricolage ; il lui était loisible de chercher d'autres débouchés commerciaux auprès d'autres enseignes telles que Kingfisher, Leroy Merlin ou Bricomarché ; elle ne se trouvait pas dans l'impossibilité de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle avait nouées avec la société MR Bricolage. Elle n'était en outre liée par aucune clause d'exclusivité.

Compte tenu de la durée des relations entretenues pendant 17 ans et du temps nécessaire pour permettre à la société Tôleries du Sud Ouest de redéployer son activité en trouvant d'autres débouchés, la durée du préavis sera fixée à 12 mois ; courant à compter du 27 mai 2013, ce délai expirait donc le 27 mai 2014.

Il ressort des pièces versées aux débats que le chiffre d'affaires réalisé par la société Tôleries du Sud Ouest avec la société MR Bricolage a été de 1.029.924 euros pour l'exercice clos le 31 mars 2013 et de 999.391 euros pour l'exercice clos le 31 mars 2014; la société Tôleries du Sud Ouest ne justifie pas de ses chiffres d'affaires réalisés en avril et mai 2014, se bornant à faire état d'un chiffre d'affaires de 591.247,84 euros au titre de l'exercice clos le 31 mars 2015 ; en cet état, elle ne démontre pas une baisse sensible de son chiffre d'affaires pendant la période de préavis.

En conséquence, la rupture des relations commerciales établie ne présentant pas un caractère brutal ni abusif, et le préavis apparaissant aussi avoir été effectif, toutes les demandes de la société Tôleries du Sud Ouest doivent être rejetées.

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer la somme supplémentaire de 8.000 euros à la société MR Bricolage et de débouter la société Tôleries du Sud Ouest de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Tôleries du Sud Ouest à payer à la société MR Bricolage la somme de 8.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société Tôleries du Sud Ouest de toutes ses demandes ;

CONDAMNE la société Tôleries du Sud Ouest aux dépens d'appel.

Le Greffier La Présidente

Cécile PENG Irène LUC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 16/21943
Date de la décision : 27/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°16/21943 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-27;16.21943 ?
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