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26/03/2019 | FRANCE | N°17/01995

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 26 mars 2019, 17/01995


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 26 MARS 2019



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/01995 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2R3T



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 14/10778





APPELANTE



Madame [B] [D]

[Adresse 1]>
[Adresse 1]

Représentée par Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392





INTIMEE



SAS SKILL AND YOU prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[A...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 26 MARS 2019

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/01995 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2R3T

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 14/10778

APPELANTE

Madame [B] [D]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392

INTIMEE

SAS SKILL AND YOU prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Benoît CAILLAU, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Denis ARDISSON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Anne HARTMANN, présidente

M..Denis ARDISSON, président

Monsieur Didier MALINOSKY, vice-président placé ,

Greffier, lors des débats : Mme Nadia TRIKI

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Anne HARTMANN, présidente et par Nadia TRIKI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Vu le jugement du conseil des prud'hommes de Paris du 15 décembre 2019 qui a :

- dit que le licenciement de Mme [B] [D] par le GIE Forma Dis repose sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné le GIE Forma-Dis à verser à Mme [B] [D] :

25.251 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

2.521 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

25.251 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, jusqu'au jour du paiement,

- rappelé qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

- fixé cette moyenne à la somme de 8.417 euros,

- condamné le GIE Forma-Dis à verser la somme de 1.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [B] [D] du surplus de ses demandes,

- condamné le GIE Forma-Dis aux dépens.

Vu l'appel interjeté le 27 janvier 2017 par Mme [B] [D] ;

* *

Vu les conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 11 septembre 2018 pour Mme [B] [D] afin de voir :

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné le GIE Forma-Dis à payer les sommes de 25.251 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 2.525,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 25.251 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement avec intérêts, et 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Skill and You de son appel incident,

- dire que le licenciement de Mme [B] [D] est dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Skill and You à payer la somme de 101.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 du code du travail,

- constater que la société Skill and You n'a pas renoncé à la clause de non concurrence insérée dans l'avenant au contrat de travail Mme [B] [D] dans le délai édicté contractuellement,

- condamner la société Skill and You à payer à Mme [B] [D] , la somme de 50.502 euros correspondant à la totalité des échéances devenues exigibles avec intérêt au taux légal à compter de l'exigibilité de chaque échéance, à compter du 4 juin 2014 au 4 septembre 2015, outre les congés payés afférents de 5.050,20 euros,

- ordonner la remise d'un bulletin de salaire intégrant le solde de tout compte rectifié, ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiée, sous astreinte,

- dire que la cour conservera la faculté de liquider l'astreinte prononcée,

- condamner la société Skill and You au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Skill and You aux entiers dépens ;

* *

Vu les conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 11 juin 2018 pour la société Skill and You, venant aux droits et obligations du GIE Forma Dis, en vue de voir :

sur le licenciement,

- constater qu'aucun motif économique non écrit serait la cause réelle du licenciement de Mme [B] [D],

- constater que les éléments factuels énoncés dans la lettre de licenciement de Mme [B] [D] sont réels et prouvés et constituent des abstentions volontaires et/ou négligences délibérées commises par Mme [B] [D] lesquelles caractérisent des fautes ;

- juger que les fautes sanctionnées aux termes du licenciement de Mme [B] [D] ne sont pas prescrites,

- débouter Mme [B] [D] de toutes ses demandes,

- infirmer le jugement en ce que, s'il a retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse, il a cependant exclu la qualification de faute grave,

- retenir l'existence d'une faute grave,

- ordonner à Mme [B] [D] le remboursement de la somme nette de 49.867,53 euros payée le 9 février 2017 au titre de l'exécution provisoire et correspondant au principal et intérêts légaux, du solde de tout compte,

- confirmer subsidiairement le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse simple,

- débouter Mme [B] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- réduire très sensiblement le montant des dommages intérêts qui seraient alloués,

sur la clause de non concurrence,

- constater l'inexistence de tout acte juridique établissant la preuve de l'existence d'une obligation de non concurrence qui auraient été souscrite par Mme [B] [D] envers la société Skill and You au titre de son contrat de travail,

- confirmer le jugement ce qu'il a débouté Mme [B] [D] de toute demande au titre de la clause de non concurrence,

en tout état de cause,

- condamner Mme [B] [D] à payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [B] [D] au paiement des entiers dépens.

SUR CE,

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

Il sera succinctement rapporté que le groupe Euro Forma Dis et Skill and You, constitué depuis 2014 de dix-huit sociétés ayant pour activité l'enseignement privé à distance, a confié depuis l'origine au groupement d'intérêt économique Forma Dis (le GIE) la gestion des ressources humaines, juridique, comptable et financière de ses entités. Mme [B] [D] a été embauchée le 1er octobre 2002 par l'une des sociétés du groupe en qualité de contrôleur de gestion à temps partiel, puis elle a été engagée le 1er octobre 2003 par le GIE à temps plein et a été enfin nommée le 1er janvier 2007 en qualité de directrice administrative et financière ('DAF'), Mme [B] [D] ayant ultérieurement souscrit en qualité de cadre manager à un 'pacte des titulaires de valeurs mobilières' du 30 mars 2011 convenu entre les actionnaires des sociétés du groupe et des investisseurs pour une opération d'achat avec effet de levier.

Mme [B] [D] percevait en dernier lieu un salaire mensuel moyen de 8.417 euros brut primes comprises.

Confrontée à des difficultés financières, la société holding du groupe Euro Formadis a fait l'objet d'un mandat ad hoc désigné le 11 février 2013 par le président du tribunal de commerce de Paris. En septembre 2013, un secrétaire général du directeur du groupe a été désigné en la personne de Mme [G] et un audit a été décidé, préconisant notamment dans son rapport de novembre 2013 le licenciement de cinq cadres du groupe début 2014.

Le 16 mai 2014, Mme [B] [D] a été dispensée d'activité et convoquée à un entretien préalable à son licenciement qui s'est tenu le 24 mai 2014, puis son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 4 juin 2014 dans les termes suivants :

Vu vos fonctions et responsabilités, nous déplorons que vous n'ayez pas pris la mesure de la gravité et de l'urgence de la situation :

Vous ne faites aucune prévision de trésorerie au niveau du groupe, ce qui rend son pilotage extrêmement difficile ; le dernier reporting comptable qui soit sorti date du mois de novembre 2013. Vous savez que nous sommes en discussion avec un investisseur susceptible de participer à une augmentation de capital qui sauverait le groupe et ses 500 salariés et pourtant quand nous vous vous demandons la liste des derniers contrôles fiscaux et sociaux, vous mettez un mois à l'établir (15 mai 2014 pour une demande datant du 15 avril 2014)

Vous ne souhaitez pas vous entretenir avec les banques cf. email du BRED du 17 avril 2014 sur des sujets et informations de votre domaine direct de compétence°

Lors de la remise à plat des contrats de prévoyance du groupe en décembre 2013, nous avons appris que l'une des sociétés du groupe, le GIE SUD DIS est dans une situation plus que surprenante en tout 'cas présentant une situation catastrophique pour ses salariés avec la compagnie de prévoyance. En effet nous avons appris que les cotisations versées par la société SUD DIS à MALAKOFF MEDERIC s'avèrent être imputées en 'excédent' par cette compagnie au lieu d'être imputées sur le contrat de prévoyance au bénéfice des salariés ce qui implique, nous a dit cette compagnie, que les salariés de la société ne bénéficient donc pas de cette garantie prévoyance alors qu'ils pensent légitimement en bénéficier Vous nous avez informés avoir essayé de régler cette situation en 2012 ; cette situation perdure depuis 2010. Lorsqu'elle a eu connaissance de cette situation inadmissible, [N] [G] Secrétaire Générale de notre groupe) a appelé MALAKOFF MEDERIC et a obtenu en avril 2014 la mise en place immédiate d'un réel et effectif contrat de prévoyance.

Co responsabilité sur le contentieux [L] pour travail dissimulé

Le 18 novembre 2013, Madame [N] (Directeur Juridique et Ressources Humaines) a transmis à [N] [G] les arrêts rendus par la Cour d'appel contre Lignes & Formations et CEFODiS (2 entités de notre groupe) emportant notamment requalification en contrats de travail de nos contrats de droits d'auteurs.

[N] [G] vous demandait ainsi qu'à Madame [N], sur le champ, en présence des Directrices d'école, de procéder la régularisation de ce dossier en particulier en établissant des fiches de paies en bonne et due forme. Cette demande était confirmée par courriel du 22 novembre 2013. Début décembre 2013, [N] [G] vous rappelait l'importance de ne pas attendre la rédaction des nouveaux contrats pour cesser de payer les auteurs sous forme de contrats d'auteurs pour les payer en salaire, bien que des pourvois en cassation aient été décidés contre ces deux arrêts de la Cour d'appel.

Quasi simultanément, [N] [G] était saisie par deux responsables pédagogiques de deux demandes d'auteurs, datant chacune de plusieurs mois, de régularisation de leur situation au regard de l'AGESSA.

[N] [G] vous a demandé de traiter ces demandes rapidement car l'une des demandes était adressée à la société Ecole des Métiers du WEB qui n'avait pas de compte AGESSA et qui dès lors, ne réglait aucune cotisation sociale. Lors de votre entretien préalable, vous nous avez indiqué ne pas savoir si un compte AGESSA était bien ouvert pour Ecole des Métiers du WEB et ne pas avoir d'information.

Le 17 janvier 2014, l'avocat de Madame [L] adressait une lettre indiquant avoir été saisie par le professeur en question et demandant de bien vouloir régulariser la situation en bonne intelligence, omiablement, dans de bonnes conditions et rapidement''.

Le 28 mars, au cours d'une réunion à laquelle participaient, Madame [N], [C] [O] (Responsable comptable) et vous même, [N] [G] apprenait que ce dossier n'ayant pas été réglé malgré nos instructions, Madame [L] avait depuis plus de dix jours assigné la société Ecole des Métiers du WEB pour régularisation et travail dissimulé.

[N] [G] découvrait ainsi que tant Madame [N] que vous même pour les tâches vous incombant respectivement sur ce dossier, n'aviez rien fait.

Conformément à nos instructions vous auriez dû il y a bien longtemps établir les bulletins de salaires de régularisation et effectivement payer les cotisations et charges sociales afférentes.

Le triste résultat déploré est malheureusement là: Ecole des Métiers du WEB est par votre grave faute assignée devant le Conseil de prud'hommes de Paris (Section Activités Diverse RG n° 14/03586) pour travail dissimulé

Ne traitant pas diligemment ce dossier en concertation avec la Directrice Juridique et des Ressources Humaines du GIE, vous avez laissé perdurer un risque de contentieux grave tant au plan civil, qu'éventuellement pénal pour travail dissimilé. Du fait de votre carence et du mépris de nos instructions, ce risque s'est malheureusement concrétisé avec le contentieux prud'homal de Madame [L].

Lors de i'audience de conciliation du 7 mai 2014, l'avocat de Madame [L] a indiqué à [N] [G] qu'en tout état de cause, Madame [L] entendait aller au bout de ce contentieux pour travail dissimulé.

Compte tenu d'une part des risques juridiques (malheureusement concrétisés), d'autre part des demandes de règlement de ce dossier datant de fin 2013 et début 2014, il est inadmissible que vous n'ayez pas pris les dispositions nécessaires pour nous éviter un tel grave contentieux.

Vous nous avez également, mais a posteriori, informés que le renouvellement de commissaires aux comptes avait été oublié sur deux sociétés, LIGNES & FORMATIONS et TENDANCES - FORMATIONS.

Le 1er ' avril 2014, [N] [G] a intercepté une convocation à une Assemblée générale des actionnaires du groupe ne respectant pas les délais de convocation prévus dans ses statuts, en présence du CE. Lors de votre entretien préalable, vous avez indiqué que M. [Z] représente le GIE comme l'ensemble de ses membres, et que dès lors le non respect du délai statutaire ne posait pas problème [N] [G] a également coupé court à votre demande de faire signer « sur papier '' le procès-verbal d'assemblée générale des actionnaires par un actionnaire avec lequel les relations du groupe sont tendues.

De telles propositions ou prises de position de votre part ne sont pas admissibles dès lors qu'elles exposent à de sérieux risques juridiques l'une quelconque des sociétés du groupe auquel nous appartenons et pour lesquels le GIE Forma Dis, notamment par votre intermédiaire, fournit des prestations.

En conclusion, ces faits rendent, même temporairement, impossible votre maintien dans l'entreprise.

Les faits ci dessus sont constitutifs d'une faute grave justifiant et fondant votre licenciement.

Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture.

Revendiquant vainement le 30 juillet 2014 à l'employeur le paiement de la contrepartie de la clause de non concurrence à laquelle elle prétendait avoir souscrit, et contestant son licenciement, Mme [B] [D] a saisi le conseil des prud'hommes le 7 août 2014 pour entendre dire, au principal, mal fondé son licenciement et réclamer la condamnation du GIE au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés afférents, l'indemnité de licenciement conventionnelle, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de la contrepartie financière de clause de non concurrence.

1. Sur le bien fondé de la rupture du contrat de travail

En premier lieu, et ainsi que le conclut Mme [B] [D], il s'évince des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, de sorte que la mise en 'uvre de la rupture du contrat de travail de ce chef doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire, ce dont il résulte, en premier lieu, qu'il n'y a pas lieu de discuter les moyens des parties qui s'opposent sur la prescription des faits sur le fondement de l'article L. 1332-4 du code du travail applicable uniquement en matière de sanction disciplinaire.

En second lieu, l'employeur reproche à la salariée ses carences dans la mise en place d'outils de prévision de la trésorerie des sociétés du groupe mais dont l'existence est toutefois contemporaine de la création du GIE. Il prétend en outre avoir découvert les carences de Mme [B] [D] dans le suivi du contrat de prévoyance de deux cadres du GIE le 16 avril 2014, ses manquements dans la régularisation des bulletins de paie d'une salariée réclamée le 7 mars 2014, et non exécutée le 28 mars suivant, la régularisation le 28 février 2014 des mandats des commissaires aux comptes nommés en 2011 dans deux sociétés arrivés à échéance. Il déplore encore avoir dû rappeler à la salariée le 1er avril 2014 l'impératif de convoquer les actionnaires à une assemblée générale dans le délai de 15 jours et lui reproche enfin, son manquement à la demande de la banque BRED du 17avril 2014 de communiquer les comptes consolidés de 2012 et 2013.

Au demeurant, il se déduit de la chronologie de ces faits la preuve qu'un mois ou plus se sont écoulés entre la connaissance que l'employeur avait de chacun de ceux-ci, et la mise en oeuvre de la procédure de licenciement de la salariée pour faute grave,sans que celui-ci justifie ne s'explique sur le délai écoulé ou n'invoque la nécessité de procéder à des vérifications, de sorte que ces griefs tardivement dénoncés ne peuvent servir de fondement à la procédure de licenciement.

En troisième lieu, l'employeur conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu cause réelle et sérieuse du licenciement de Mme [B] [D] fondée sur son insuffisance professionnelle.

Toutefois, la lettre de licenciement qui fixe la limite du litige n'autorise pas le juge à se substituer à l'appréciation de l'employeur dans son choix d'un licenciement disciplinaire, et alors d'une part, que l'insuffisance professionnelle ne présente pas le caractère d'une faute et d'autre part, que toute faute reprochée à Mme [B] [D] a été écartée ci-dessus, il convient d'infirmer les premiers juges de ce chef et de dire que le licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse.

2. Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée le salaire retenu au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ainsi que l'indemnité conventionnelle de licenciement.

En revanche, il résulte de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement retenue ci-dessus que Mme [B] [D] est bien fondée à réclamer l'allocation d'une indemnité en application de l'article L. 1235-3, alinéa 2, du code du travail dans sa version en vigueur au moment du licenciement.

Eu égard au montant de la rémunération moyenne de 8.417 euros brut, de son ancienneté dans l'entreprise de onze ans et demi, de son âge de 59 ans au moment de la rupture du contrat de travail, de sa qualification professionnelle, de l'absence de reprise d'activité avant la perspective de la retraite, il y a lieu de lui allouer la somme de 84.170 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, en application de l'article L. 1235-4, alinéa 2, du code du travail, l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement justifie que soit ordonné d'office à l'employeur le remboursement à Pôle emploi des indemnités que cet organisme a versées à Mme [B] [D], dans la limite de deux mois d'indemnités.

3. Sur la preuve du bénéfice de la clause de non concurrence

Pour voir confirmer le jugement qui a rejeté le bénéfice de la clause de non concurrence dont Mme [B] [D] réclame la contrepartie financière, la société Skill and You soutient que la salariée n'établit pas la preuve de l'avenant à son contrat de travail signé qui stipulerait cette clause dans les conditions de l'article 1359 du code civil, en vigueur depuis le 1er octobre 2016, et applicable aux écrits excédant la valeur de 1.500 euros. L'employeur rappelle qu'il a vainement réclamé la communication de cet avenant du cabinet d'avocats qui l'aurait rédigé et qui était tenu de le conserver, et relève d'autre part, que Mme [N], autre dirigeant manager licenciée du groupe pour faute grave, a été déboutée de la même demande de contrepartie financière de clause de non concurrence qu'elle avait présentée devant la juridiction prudhomale de Paris.

Au demeurant, Mme [B] [D] soulève à bon droit que les règles relatives à la preuve de l'écrit de l'article 1341 du code civil, dans sa version applicable aux faits antérieurs au 1er octobre 2016, reçoivent exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit consistant, suivant l'article 1347 du même code, dans tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.

Mme [B] [D] communique un projet d'avenant attaché à un courrier électronique émis le 29 mars 2011 par Mme [N], alors directeur juridique, qui indiquait à tous les directeurs manager joindre ce document que nous aurons à signer demain dans le cadre de management package, projet qui stipule en point 2, une obligation de non concurrence d'une durée de 15 mois après son départ effectif de l'entreprise avec faculté de renonciation à l'obligation de non concurrence de l'entreprise stipulée ainsi La Société pourra toutefois décharger le salarié de cette obligation à la condition de l'en informer par écrit lors de la rupture du contrat de travail dans un délai maximal d'un mois suivant la notification de la rupture à l'initiative du salarié ou de la société.

Ce courriel a été adressé la veille de la souscription par Mme [B] [D] au 'pacte des titulaires de valeurs mobilières' dûment signé le 30 mars 2011 par tous les 'manager' et qui stipulait en son point 6 le même engagement de non concurrence aux mêmes conditions.

La vraisemblance de cet avenant est au surplus corroborée par l'attestation de M. [U] [A] qui déclare: Avoir signé un avenant à mon contrat de travail relatif à la clause de non concurrence en date du 30 mars 2011, lors de la cession d'EURO FORMA DIS. Cet avenant a été signé par l'ensemble des managers impliqués dans le projet de cession soit : Le directeur général, la directrice marketing, la directrice commerciale, la directrice juridique, Madame [D] alors directrice administrative et financière et moi-même, alors directeur du développement numérique. Je n'ai jamais récupéré l'exemplaire signé ainsi que l'ensemble des managers malgré nos multiples relances. Lors de mon départ, ma clause de non concurrence fut, pour ma part, levée.

Il convient en conséquence de tenir acquise la preuve de la clause de non concurrence, d'infirmer le jugement de ce chef, et tandis qu'il est constant que la société Skill and You n'a pas renoncé au bénéfice de la clause, elle sera condamnée à verser à la salariée la somme de 50.502 euros avec intérêts au taux légal à compter de chaque mois du 4 juin 2014 au 4 septembre 2015, outre les congés payés afférents de 5.050,20 euros.

4. Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Skill and You succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens. En cause d'appel, il est équitable de le condamner à payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Donne acte à la société Skill and You de son intervention aux droits et obligations du groupement d'intérêt économique Forma Dis ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a retenu la cause réelle et sérieuse du licenciement et débouté Mme [B] [D] de sa demande de contrepartie financière à sa clause de non concurrence;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit le licenciement de Mme [B] [D] par le groupement d'intérêt économique Forma Dis le 4 juin 2014 dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Skill and You à verser à Mme [B] [D] la somme de 84.170 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision ;

Ordonne à la société Skill and You de délivrer à Mme [B] [D] un bulletin de paie et une attestation Pôle Emploi rectifiés dans le délai de 2 mois à compter de la notification de la présente décision ;

Condamne la société Skill and You à verser à Mme [B] [D] la somme de 50.502 euros avec intérêts au taux légal à compter de chaque mois du 4 juin 2014 au 4 septembre 2015, outre les congés payés afférents de 5.050,20 euros ;

Ordonne à la société Skill and You le remboursement à Pôle emploi des indemnités chômage perçues par Mme [B] [D] ;

Condamne la société Skill and You aux dépens d'appel ;

Condamne la société Skill and You à verser à Mme [B] [D] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 17/01995
Date de la décision : 26/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°17/01995 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-26;17.01995 ?
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