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26/03/2019 | FRANCE | N°14/01689

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 26 mars 2019, 14/01689


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 26 Mars 2019



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/01689 - N° Portalis 35L7-V-B66-BTH5X



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/10366





APPELANT

Monsieur [I], [C] [R] [X]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1]

1961 à [Localité 1] (PÉROU)

comparant en personne,

assisté de Me Avi BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1060

substitué par Me Laetitia LENCIONE, avocat au barreau d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 26 Mars 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/01689 - N° Portalis 35L7-V-B66-BTH5X

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/10366

APPELANT

Monsieur [I], [C] [R] [X]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (PÉROU)

comparant en personne,

assisté de Me Avi BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1060

substitué par Me Laetitia LENCIONE, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1060

INTIMEE

GIE HOTELS IBIS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Eglantine DOUTRIAUX, avocat au barreau de VANNES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Janvier 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambreMadame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Nadia TRIKI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [I] [C] [R] [X], engagé par la sociéte HOTELS IBIS, à compter du 8 août 1992, occupait comme dernières fonctions celles d'agent de réservation, au salaire mensuel brut moyen de 2140 euros. Il a saisi le 21 juillet 2011, le conseil de prud'hommes pour des faits de discrimination et harcèlement.

Par jugement du 7 novembre 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Monsieur [R] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Monsieur [R] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions visées au greffe le 28 janvier 2019, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [R] demande à la Cour, à titre principal, de constater la discrimination syndicale, le harcèlement moral et le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de condamner la société au paiement de :

' 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

' 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

' 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination,

' 5000 euros en réparation de la perte de chance.

À titre subsidiaire, il sollicite la somme de 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en tout état de cause, le remboursement des frais d'avocat à hauteur de 6260 euros, les intérêts et les dépens.

Par conclusions visées au greffe le 28 janvier 2019, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne les moyens, la société HOTELS IBIS sollicite la confirmation du jugement, le rejet de l'ensemble des demandes de Monsieur [R] et sa condamnation à 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la discrimination syndicale

Par application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

En application des articles L. 1132-1, et L. 1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Monsieur [R] invoque une discrimination en raison de son appartenance syndicale à la fois en termes de formation, d'évolution de carrière et de salaire et produit les pièces justificatives à l'appui de ses demandes. Néanmoins au regard de ces éléments, des pièces adverses et des débats, il y a lieu comme les premiers juges de considérer que les faits ci-dessus allégués ne révèlent aucun traitement discriminatoire de l'employeur à l'égard de Monsieur [R].

S'agissant des formations, si dans ses entretiens d'évaluation de 2007 et de 2015, le salarié a manifesté clairement le souhait d'effectuer des formations de manière à contribuer à l'évolution de sa carrière, il ne justifie pas d'un refus opposée par l'employeur à une demande spécifique notamment celle concernant la formation « animer et diriger une équipe » ou le refus de matériel supplémentaire pour exécuter une formation personnelle.

La société au contraire démontre que jusqu'en 2017 Monsieur [R] a exécuté 33 formations. À l'exclusion des quelques formations de sauveteurs secouristes, l'ensemble des intitulés des autres formations permet de conclure qu'elles avaient un contenu professionnel et rien n'indique qu'elles aient été inadaptées.

S'agissant de la discrimination résultant de l'absence d'évolution de carrière, les éléments transmis dans la cause ne démontrent pas que d'autres collègues de travail aient évolué de façon plus rapide que Monsieur [R] et que sa situation soit en lien avec ses mandats syndicaux.

En effet, alors que Monsieur [R] bénéficie de mandat électif depuis plus de 20 ans, ses fonctions ont pu évoluer : Embauché en contrat saisonnier en avril 1992, il a bénéficié en septembre 1992, d'un contrat à durée indéterminée comme réceptionniste puis en septembre 2007, il a intégré le service Réservation et le 1er octobre 2009, par un avenant à son contrat de travail, il est devenu Agent de réservation, niveau 2 échelon 1.

S'il est constant que depuis lors sa classification n'a pas évolué, le salarié qui revendique une nouvelle classification ne produit aucun élément permettant de justifier qu'il aurait du être rattaché à la classification niveau 2 échelon 2 .

Par ailleurs, rien dans les pièces produites ne démontrent que cette stagnation soit la résultante d'un conflit entre les syndicats FO et CFDT - CFTC intervenu en 2013.

Si la mise en place du protocole Acteurs a induit une adaptation des évaluations des compétences du personnel adhérent et un suivi adapté au processus dans lequel ce personnel se trouvait engagé, Monsieur [R] qui n'y a pas adhéré ne peut prétendre à un suivi identique ou revendiquer les mêmes types d'évaluation.

Rien ne démontre qu'il ait été lésé dans son évolution de carrière du fait de cette absence d'adhésion.

Les seules remarques générales faites en réunion du CHSCT prouvent que lors de sa mise en route, la démarche Acteurs a connu des difficultés d'adaptation mais rien n'indique que le service Réservation en ait fait les frais et encore moins Monsieur [R]. Dans le compte rendu du comité d'établissement du 23 avril 2009, le responsable de la société précise que l'évolution des non adhérents est analysé au cas par cas.

S'agissant de la discrimination salariale, les débats ne révèlent aucun élément permettant d'une part de considérer que son salaire serait inférieur à d'autres salariés placés dans la même situation et d'autre part que la rémunération de Monsieur [R] ait été impactée par son statut de salarié protégé.

Si sur certains points comme la facturation d'une nuit à l'hôtel, les congés payés ou l'entretien de seconde partie de carrière tardif, l'employeur ne s'explique pas, il s'agit de faits ponctuels pour lesquels le salarié ne justifie pas avoir subi un traitement défavorable ou particulier par rapport à d'autres salariés ou en lien avec son appartenance syndicale.

Sur les chèques cadeaux, l'employeur transmet sa réponse le 3 juillet 2015 et Monsieur [R] ne prouve pas qu'elle soit erronée.

Au vu de l'ensemble de ces motifs, la Cour faisant également siennes les explications transmises par le conseil de prud'hommes de Paris il y a lieu de débouter Monsieur [R] de sa demande de dommages-intérêts à titre de la discrimination syndicale.

La demande au titre de la perte de chance d'évoluer sera par voie de conséquence également rejetée.

Sur le harcèlement moral

Il appartient au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement ; celui-ci se définit, selon l'article L 1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l'intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Lorsque les faits sont établis, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Une situation de harcèlement moral se déduit ainsi essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction.

Monsieur [R] produit à l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, plusieurs courriers des 19 janvier 2011, 7 mars 2011, 6 juillet 2009, 1er et 6 décembre 2010 dans lesquels il se plaint d'une surcharge de travail, de sa hiérarchie et de l'organisation de son équipe. Il transmet aussi le compte rendu de la réunion du comité d'établissement dans lequel il invoque la perte de ses chèques cadeaux ou celui du 2 août 2010 où il demande la désignation d'un médiateur, le mail du 28 janvier 2014 adressé à son employeur sur le règlement de la chambre d'hôtel, les arrêts de travail de 2009 2010 et 2011et les suivis par le médecin du travail révélant des problèmes de santé liés à son contexte professionnel.

L'employeur démontre toutefois que ces faits sont étrangers à des agissements de harcèlement moral.

En effet, dans les réponses adressées au salarié les 2 août 2010, 19 janvier 2011, 7 et 24 février 2011 du 5 avril 2011, l'employeur s'explique sur l'organisation du travail, dans le courrier du 3 juillet 2015, il répond au salarié sur les chèques cadeaux et dans le procès verbal de réunion extraordinaire du CHSCT du 7 décembre 2009 et du 24 septembre 2010, l'employeur fait état des plaintes du salarié pour discrimination et harcèlement moral et le procès verbal de réunion du CHSCT du 17 décembre 2010 mentionne l'intervention du médecin du travail sur ces problèmes soulevés par le salarié. L'employeur communique aussi le procès verbal de la réunion du comité d'établissement du 9 juillet 2009 et de la réunion Réservation du 3 décembre 2010 amenant les précisions utiles sur l'utilisation de personnel en contrat précaire et l'organisation du travail au sein du service occupé par le salarié.

L'ensemble de ces éléments démontrent que les fonctions de Monsieur [R] n'ont pas été modifié et que ses doléances sur sa situation sont contredites, ils établissent aussi la fragilité du salarié face à tout changement issu d'une réorganisation et ses difficultés dans les relations avec ses collègues.

Ainsi les pièces et les débats ne permettent pas de caractériser des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction. la demande de dommages-intérêts à titre de harcèlement moral sera rejetée.

Sur les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité

En application des dispositions des articles L 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Il est constant que Monsieur [R] a du à plusieurs reprises être mis en arrêt de travail pour maladie et que dans son rapport du 15 mai 2013, le médecin du travail atteste de ce que le contexte professionnel dans lequel il évoluait avait une incidence sur ses problèmes de santé notamment en terme de stress.

Toutefois l'ensemble des pièces précités et plus spécifiquement le procès verbal de réunion extraordinaire du CHSCT du 7 décembre 2009 où l'employeur fixe les directives pour tenter de résoudre le mal être de son salarié au travail, le procès verbal de réunion extraordinaire du CHSCT du 24 septembre 2010 où l'employeur convie le médecin du travail pour tenter de solutionner les difficultés de son salarié et plus généralement les réponses faites par la direction permettent de considérer que la société a satisfait à son obligation de sécurité. La demande sera rejetée.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur

Monsieur [R] soulève, à titre subsidiaire, l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

Or, au regard des précédents motifs et du fait que le salarié n'invoque aucun autre argument à l'appui de cette demande, la Cour relève que Monsieur [R] ne justifie pas de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris ;

DEBOUTE Monsieur [R] de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale, de la perte de chance, du harcèlement moral, de l'exécution déloyale du contrat de travail et du manquement à l'obligation de sécurité par l'employeur ;

Y ajoutant ;

VU l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [R] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/01689
Date de la décision : 26/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°14/01689 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-26;14.01689 ?
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