La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/03/2019 | FRANCE | N°17/20864

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 25 mars 2019, 17/20864


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 25 MARS 2019



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/20864 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4OHD



Décision déférée à la cour : jugement du 02 Octobre 2017 -Tribunal de Commerce d'AUXERRE - RG n° 2015002141



APPELANTE



SA ENEDIS, anciennement ERDF

Ayant son siège social [Adresse 1]



[Adresse 1]

N° SIRET : 444 608 442 (NANTERRE)

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Stéphane FERTIE...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 25 MARS 2019

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/20864 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4OHD

Décision déférée à la cour : jugement du 02 Octobre 2017 -Tribunal de Commerce d'AUXERRE - RG n° 2015002141

APPELANTE

SA ENEDIS, anciennement ERDF

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 444 608 442 (NANTERRE)

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Ayant pour avocat plaidant : Me Romain GRANJON, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Cyril DELCOMBEL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE

SARL LE MOULIN SIMONOT

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Ayant pour avocat plaidant : Me François FERRARI de la SELARL A.C.T.A.H., avocat au barreau de BEZIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Edouard LOOS, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, ConseillèreMadame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Edouard LOOS, Président et par Madame Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La Sarl Le Moulin Simonot a pour activité la production d'électricité d'origine renouvelable.

Elle a engagé des démarches pour la mise en 'uvre d'une centrale photovoltaïque sur la commune de [Localité 1]) et, pour ce faire, a constitué un dossier correspondant aux obligations légales qu'elle a adressé à ERDF qui l'a reçu le 27 août 2010.

Le dossier a été déclaré complet.

La société ERDF aurait dû dans un délai de trois mois à compter de la réception du dossier soit le 27 novembre 2010 formuler une proposition technique et financière (PTF).

Le dossier n'a pas été instruit dans les délais.

Une nouvelle réglementation rentrant en application le 10 décembre 2010 a fixé une tarification moins avantageuse que la précédente.

Par acte du 09 novembre 2015, la société Le Moulin Simonot a fait assigner la société ERDF en indemnisation de son préjudice résultant de la non réalisation de l'opération.

Vu le jugement prononcé par le tribunal de commerce d'Auxerre le 02 octobre 2017 qui a :

- débouté ERDF de l'ensemble de ses demandes,

- condamné ERDF à payer à la Sarl Le Moulin Simonot la somme de 229 968 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,

- condamné ERDF à payer à la Sarl Le Moulin Simonot la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné ERDF aux entiers dépens.

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Vu l'appel le 13 novembre 2017 de la société Enedis (anciennement ERDF),

Vu les conclusions signifiées le 26 décembre 2018 par la société Enedis,

Vu les conclusions signifiées le 14 décembre 2018 par la société Le Moulin Simonot,

La société Enedis demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

Vu la procédure de traitement des demandes de raccordement ;

Vu le décret n 2010-1510 du 9 décembre 2010 ;

Vu les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la décision de la CJUE du 15 mars 2017 ;

1) Sur l'application du décret moratoire au projet

- juger que la société Enedis était dans l'obligation d'appliquer les dispositions du décret du 09 décembre 2010 au projet de la société Moulin Simonot, à défaut de retour de l'offre de raccordement acceptée avant l'entrée en vigueur dudit décret ;

- juger que la société Enedis n'a commis aucune faute en ce sens ;

2) Sur le défaut de lien de causalité

- juger que, en l'absence de conclusion d'un contrat d'achat d'électricité entre la société Moulin Simonot et EDF au moment de l'entrée en vigueur du décret du 09 décembre 2010 et (ii) à défaut de retour de la convention de raccordement acceptée avant le 2 décembre 2010, l'interruption du processus de raccordement par Enedis au moment du moratoire n'aurait eu aucune incidence sur la perte de l'ancien tarif d'achat conformément au principe général de suspension de l'obligation d'achat édicté par l'article 1er dudit décret ;

- juger que, en l'espèce, la société Moulin Simonot ne démontre pas que, en l'absence de retard d'Enedis dans la transmission de la convention de raccordement, elle aurait nécessairement matérialisé son accord sur ce document avant le 02 décembre 2010 ;

- juger en conséquence, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le dépassement du délai de trois mois dans la transmission de la convention de raccordement et le préjudice allégué, qui résulte exclusivement de l'application du décret du 9 décembre 2010 au projet ;

- subsidiairement, si la Cour estime que la question de l'interprétation du décret n  2010-1510 du 9 décembre 2010 pour les conventions de raccordement directes acceptées avant l'entrée en vigueur dudit décret soulève une difficulté sérieuse qui met en jeu la séparation des ordres de juridiction, soumettre, avant dire-droit, au tribunal des conflits la question suivante et surseoir à statuer dans l'attente de sa résolution : « La question du bénéfice ou non de l'obligation d'achat d'électricité, au regard des dispositions du décret n 2010-1510 du 9 décembre 2010, pour les projets ayant fait l'objet de conventions de raccordement directes acceptées après le 2 décembre 2010 mais avant l'entrée en vigueur dudit décret, relève-t-elle de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif ' »

3 ) Subsidiairement, sur le caractère non réparable du préjudice allégué

- juger que l'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans les conditions définies par l'arrêté du 12 janvier 2010, a le caractère d'une aide d'Etat ;

- constater que cet arrêté n'a pas été notifié préalablement à la Commission européenne en violation de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE ;

- juger que cet arrêté est illégal et que son application doit, en tout état de cause, être écartée ;

- juger pareillement à propos de l'arrêté du 10 juillet 2006 ;

- au besoin, écarter l'application de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 en raison de sa contrariété avec l'article 108 paragraphe 3 du TFUE ;

- rejeter en conséquence, les demandes de la société Moulin Simonot fondée sur l'application de cet arrêté ;

- rejeter la demande subsidiaire de condamnation forfaitaire qui n'a pas de base légale ;

4) Plus subsidiairement, sur la perte de chance inexistante

- juger que le seul préjudice dont pouvait se prévaloir la société Moulin Simonot était la perte d'une chance d'avoir pu matérialiser son accord sur une offre de raccordement avant le 1er décembre 2010 minuit; que cette perte de chance était inexistante et, dès lors, non indemnisable ;

5) Encore plus subsidiairement, sur l'assiette de la perte de chance

- juger que les hypothèses de calcul de l'assiette de préjudice proposées par la société Moulin Simonot et retenues par le tribunal étaient totalement injustifiées en leur quantum;

6) En conséquence

- infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Auxerre en ce qu'il a :

* débouté la société Enedis de l'ensemble de ses demandes,

* condamné la société Enedis à payer à la Sarl Le Moulin Simonot somme principale de 229 968 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement

* condamné la société Enedis à payer à la Sarl Le Moulin Simonot la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la société Enedis aux entiers dépens.

Et, statuant de nouveau,

- débouter la société Le Moulin Simonot de l'ensemble de ses demandes,

- rejeter toutes prétentions contraires et appel incident ;

- condamner la société Moulin Simonot au paiement :

* de la somme de 9 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* des entiers dépens de l'instance dont ceux d'appel distraits au profit de Me Stéphane Fertier de l'AARPI JRF Avocat

La société Le Moulin Simonot demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

- vu la doctrine et la jurisprudence citées,

- vu la loi n 2000-108 du 10 février 2000, le décret n 2000-877 du 7 septembre 2000, le décret n 2003-229 du 13 mars 2003, l'arrêté du 17 mars 2003, le décret n 2003-588 du 27 juin 2003, le décret n 2006-1731 du 23 décembre 2006, le décret n 2007-1280 du 28 août 2007, le décret n 2007-1826 du 24 décembre 2007, le décret n 2008-386 du 23 avril 2008, la délibération de la CRE du 9 juin 2009 et la décision de l'autorité de la concurrence du 14 février 2013,

- vu les articles 9 et 668 du code de procédure civile,

- vu l'article 1240 du code civil, anciennement 1382,

- vu l'article 1190 du code civil anciennement 1162,

- vu l'ordonnance de la CJUE du 15 mars 2017,

- vu la décision de la commission de Bruxelles du 10 février 2017 déclarant compatible au droit communautaire le dispositif d'obligation d'achat,

- vu l'arrêt de la Cour de cassation du 19 février 2013 et l'arrêt du Conseil d'Etat du 7 juin 2017,

- vu l'arrêt du Conseil d'Etat du 15 avril 2016,

- vu l'arrêt de la CJCE du 12 février 2008,

- vu le règlement CE n 659/1999 du 22 mars 1999,

- vu la décision du 21 décembre 2009 de la Commission de Bruxelles,

- vu le règlement européen 800/2008 du 6 août 2008,

- vu le règlement européen 651/2014 du 17 juin 2014,

- juger que les arrêtés du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010 ne sont pas constitutifs d'une aide d'Etat, faute de réunion des quatre critères exigés,

- juger que la directive 2009/28/CE lue en combinaison avec les articles 107, 3 b, c et e, et 109 du TFUE exclut l'incompatibilité de l'arrêté du 12 janvier 2010,

- juger que, par application de l'article 10 du règlement n 659/1999 du 22 mars 1999 du Conseil de l'Union Européenne, la Commission de Bruxelles a validé l'arrêté du 12 janvier 2010,

- juger que, par application de l'article 42 du règlement du 17 juin 2014, il n'est plus nécessaire de notifier les arrêtés du 12 janvier 2010 et 10 juillet 2006, et qu'ils ne peuvent donc être déclarés illégaux,

- vu l'absence de remise en cause du système d'aide d'Etat constituée par les textes instaurant la CSPE,

- vu l'arrêté du 12 janvier 2010 fixant uniquement le tarif d'achat sans instaurer le mécanisme de la compensation du surcoût de l'obligation d'achat par l'opérateur obligé,

- vu l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 validant législativement l'arrêté du 12 janvier 2010 et lui ôtant donc son caractère réglementaire,

- vu le rapport de la Cour des comptes européenne,

- vu l'arrêt du Conseil d'Etat du 12 avril 2012 rejetant le recours contre l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 validant l'arrêté du 12 janvier 2010,

- vu la jurisprudence unique produite par AXA permettant uniquement la remise en cause d'une disposition réglementaire,

- vu l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 8 février 2018,

- jugeant que le propre de la responsabilité civile est de replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si la faute n'avait pas été commise et, par voie de conséquence, en l'absence d'annulation des contrats en cours, que la concluante aurait obtenu un contrat d'achat insusceptible d'être remis en cause,

- jugeant que par sa validation législative du 12 juillet 2010, l'arrêté du 12 janvier 2010 n'a plus le caractère réglementaire,

- jugeant l'impossibilité pour le tribunal de commerce puis la cour de céans de remettre en cause une disposition législative,

- jugeant l'absence de démonstration de la réunion des trois critères de l'aide d'Etat exclus par la CJUE au visa de l'article 9 du code de procédure civile,

- constatant que ERDF comme ses assureurs n'invoquent pas que les contrats en cours soient annulables,

- jugeant que même une illégalité de l'arrêté ne peut avoir pour effet de remettre les contrats conclus en cause et que le contrat d'achat aurait nécessairement été conclu en 2011 sans difficulté puisque l'arrêté du 12 janvier 2010 ne fait l'objet d'aucun recours et qu'il est définitif,

- jugeant que même dans l'hypothèse d'une invalidation de l'arrêté du 12 janvier 2010, celle-ci ne peut être rétroactive au vu de la jurisprudence de la CJUE et du nombre de contrats impactés,

- en tout état de cause, jugeant la conformité avec le droit européen de l'aide d'Etat apportée aux énergies renouvelables et au secteur photovoltaïque en particulier excluant que l'arrêté du 12 janvier 2010 puisse être invalidé, même s'il devait être considéré comme une aide d'Etat et avait organisé la CSPE,

- jugeant que la notification d'un arrêté vise uniquement à permettre le contrôle de sa compatibilité avec le droit communautaire mais que seule l'incompatibilité avec ce droit est susceptible d'entraîner l'illicéité de la demande,

- constatant que la demande ne consiste pas à obtenir un contrat d'achat en application de l'arrêté du 12 janvier 2010,

- constatant que si l'arrêté du 12 janvier 2010 devait être écarté, l'arrêté du 10 juillet 2006 s'appliquerait avec un tarif de 60,176 cts/kWh en lieu et place des 42 ou 50 cts revendiqués,

- jugeant la faute d'ERDF consistant en l'absence de transmission dans le délai réglementaire de trois mois d'une proposition technique et financière et en la violation de l'obligation d'instruction des dossiers de manière non-discriminatoire,

- jugeant l'existence du lien de causalité aussi bien sur la causalité adéquate que sur l'équivalence des conditions,

- constatant l'absence d'une quelconque pièce venant démontrer l'augmentation prétendue par la seule ERDF des demandes de raccordements durant la dernière semaine d'août 2010,

- rappelant que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même et qu'il appartenait donc à ERDF de produire la file d'attente des dossiers de demande de raccordement,

- jugeant qu'ERDF est soumise à une obligation de résultat par l'absence d'aléa sur la réalisation de sa prestation et que ceci entraine l'existence du lien de causalité,

- constatant qu'ERDF n'a pas même respecté une obligation de moyen en embauchant uniquement 18 intérimaires à l'automne 2010 alors que la période était prétendument critique,

- constatant la parfaite connaissance par ERDF du problème des retards dans le traitement des demandes de raccordement excluant toute imprévisibilité et toute extériorité, et par voie de conséquence toute force majeure,

- constatant la baisse très importante des demandes de raccordement en soutirage et l'application de la même documentation technique aux demandes de raccordement en injection, excluant toute irrésistibilité, et par voie de conséquence toute force majeure,

- constatant l'aveu d'ERDF devant l'Autorité de la concurrence de ne pas avoir traité les dossiers dans l'ordre chronologique, fait constitutif de discrimination,

- jugeant qu'il est démontré qu'il était possible de se déplacer dans les locaux d'ERDF pour retourner sa PTF acceptée le mercredi 1 er décembre 2010, et confirmant ainsi le lien de causalité,

- jugeant l'inapplicabilité du moratoire du fait de la fourniture d'une convention de raccordement direct,

- rejeter toute conséquence du défaut de notification de l'arrêté du 12 janvier 2010,

- rejeter l'argument de l'illégitimité et de l'illicéité de la demande,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la faute commise par ERDF et la responsabilité de celle-ci,

- constatant la pérennité du tarif d'achat et la fiabilité de la technologie photovoltaïque,

- constatant la fiabilité des prévisions de production d'énergie par la transmission de pièces afférentes à plusieurs dizaines de centrales en fonctionnement,

- jugeant que la jurisprudence indemnise dans une telle hypothèse (contrat d'achat obligatoire à un tarif connu pour une durée déterminée) la perte de marge sur le contrat perdu,

- constatant que même l'application de la théorie de la perte de chance aboutit à l'indemnisation de près de 100 % de la perte de marge,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- par voie de conséquence, condamner ERDF devenue ENEDIS à payer à Le Moulin Simonot une indemnité sur la base de la somme de 229 968 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- jugeant qu'en tout état de cause, si l'arrêté du 12 janvier 2010 ne pouvait servir de base au calcul de l'indemnisation, la Cour peut valablement l'évaluer à titre forfaitaire et non plus consécutivement au calcul lié à l'arrêté, à la somme de 229 968 euros et condamner Enedis sur la base de ce montant,

- condamner en outre ERDF devenue Enedis au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP Bommart-Forster

SUR CE,

a) Sur la faute commise par la société Enedis

Considérant que la société Mounlin Simonot a adressé à la société Enedis qui l'a reçue le 27 août 2010 une demande de raccordement d'une centrale photovoltaïque d'une puissance de 57kVA ; que le dossier a été déclaré complet ;

Considérant qu'en application de « la procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 KVA et en HTA au réseau public de distribution géré par ERDF » applicable au 3 juillet 2010 prise en conformité avec la délibération de la commission de régulation de l'énergie (CRE) du 11 juin 2009 portant décision sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d'éléctricité et le suivi de leur mise en 'uvre et de l'article 1.4.2 applicable aux raccordements de puissance supérieure à 36 kVA et de l'annexe 1 de cette délibération que la société Enedis disposait d'un délai de 3 mois expirant le 27 novembre 2010 pour transmettre une proposition technique et financière (PTF)  ;

Considérant que, faute de PTF qu'elle aurait dû recevoir au plus tard le 27 novembre 2010 et en conséquence privée de la possibilité de l'accepter , la société Le Moulin Simonot s'est trouvée soumise au décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 « suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil », la suspension portant sur une durée de 3  mois ; qu'en effet l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 prévoit que les dispositions de l'article 1er ne sont pas applicables « aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire du réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau » ; qu'à l'issue de la période de suspension il a été prévu que de nouvelles demandes de raccordement devront être présentées pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat (article 5) ;

Considérant que la société Enedis a manqué à son obligation de raccordement dans le délai de trois mois ; que cette faute présente un lien de causalité direct et certain avec le préjudice subi par la société Le Moulin Simonot qui a dû déposer une nouvelle demande de raccordement à l'issue du moratoire ; que l'arrêté du 04 mars 2011 a défini de nouveaux tarifs d'achat d'un montant inférieur jugés adaptés par la commission de régulation de l'économie (CRE) ;

Considérant que la société Le Moulin Simonot n'ayant pas fait l'objet d'une convention de raccordement entre le 2 décembre 2010 et le 10 décembre 2010, la demande tendant à poser une question au tribunal des conflits relative à la compétence des juridictions de l'ordre administratif ou judiciaire est sans objet ;

Considérant que la société Enegis expose que l'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans les conditions définies par l'arrêté du 12 janvier 2010, a le caractère d'une aide d'Etat ; que cet arrêté n'a pas été notifié préalablement à la commission européenne en violation de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE ; que cet arrêté serait illégal, son application devant, en tout état de cause, être écartée ainsi que l'arrêté du 10 juillet 2006 ; qu'il conviendrait également d'écarter l'application de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 en raison de sa contrariété avec l'article 108 paragraphe 3 du TFUE ;

Mais considérant, ainsi que relevé par la société Le Moulin Simonot, que par décision du 10 février 2017, la commission européenne a autorisé trois régimes français d'aides aux producteurs d'énergie solaire et hydroélectrique au regard des règles de l'UE en matière d'aides d'Etat ; que la demande tendant à déclarer nul l'arrêté du 12 janvier 2010 ainsi que l'arrêté du 10 juillet 2006 est infondée et non nécessaire à la solution du litige ;

Considérant que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a reconnu le comportement fautif de la société Enedis ;

b) Sur le préjudice

Considérant que préjudice subi par la société Le Moulin Simonot porte sur la perte de chance d'avoir pu bénéficier du tarif de rachat de l'électricité antérieur au décret du 9 décembre 2010 pendant une durée de 20 ans, en tenant compte de la différence entre le prix de rachat qu'elle aurait pu obtenir et le montant qui lui a effectivement été appliqué résultant en application du nouveau tarif d'un montant inférieur étant rappelé s'agissant d'une perte de chance que l'indemnisation ne peut pas porter sur le préjudice intégral ; que, contrairement à ce que soutient la société Enedis, ce préjudice présente un lien de causalité direct et certain avec la faute ci-dessus caractérisée ;

Considérant que le jugement déféré doit être également confirmé en ce que, tenant compte des éléments ci-dessus rappelées, il a chiffré le préjudice de la société à 229 968 euros ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré ;

CONDAMNE la société Enedis à payer à la société Le Moulin Simonot une somme complémentaire de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE la société Enedis aux dépens et accorde à la SCP Bommart-Forster le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/20864
Date de la décision : 25/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°17/20864 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-25;17.20864 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award