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21/03/2019 | FRANCE | N°18/21095

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 21 mars 2019, 18/21095


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 1 - Chambre 2





ARRET DU 21 MARS 2019





(n°168, 11 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/21095 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6M32 et N° RG 18/21206 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6NJM, les deux procédures jointes sous le seul N° RG 18/21095 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6M32





Décision déférée à la Cour : Sur ren

voi après cassation d'un arrêt du pôle 1 chambre 3 de la cour d'appel de PARIS en date du 17 janvier 2018 rendu sur appel d'une ordonnance de référé du 17 Mai 2017 du Tribunal de ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 21 MARS 2019

(n°168, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/21095 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6M32 et N° RG 18/21206 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6NJM, les deux procédures jointes sous le seul N° RG 18/21095 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6M32

Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation d'un arrêt du pôle 1 chambre 3 de la cour d'appel de PARIS en date du 17 janvier 2018 rendu sur appel d'une ordonnance de référé du 17 Mai 2017 du Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/51848

DEMANDEURS A LA SAISINE (APPELANTS) 18/21206

Monsieur M... X...

[...]

[...]

né le [...] à CASABLANCA - MAROC (93300)

Madame V... W... J... épouse X...

[...]

[...]

née le [...] à LOURCHES (59156)

Représentés et assistés par Me Antoine ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, toque :C2306

DEMANDEURS A LA SAISINE (APPELANTS) 18/21095 ET DÉFENDEURS À LA SAISINE 18/21206

SCI SOCIETE CIVILE 10 [...]

[...]

[...]

SCI SOCIETE CIVILE 72 [...]

[...]

[...]

Représentés et assistés par Me France GUENET de l'AARPI SOLVENS, avocat au barreau de PARIS, toque : G451

DEFENDEURS A LA SAISINE (INTIMÉE) 18/21095 et 18/21206

SAS COGEMAD Agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social

[...]

[...]

Représentée par Me Véronique KIEFFER JOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0028

Représentée par Me Olivier BEAUGRAND de l'AARPI OB£MA CONSEILS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0457

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bernard CHEVALIER, Président, chargé du rapport, et Mme Véronique DELLELIS, Présidente.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard CHEVALIER, Président

Mme Véronique DELLELIS, Présidente

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bernard CHEVALIER, Président et par Aymeric PINTIAU, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Les faits et la procédure

M. X... et Mme J... épouse X..., la SCI 72 [...] et la SCI 10 [...] sont propriétaires d'hôtels particuliers situés autour du square de l'[...], anciennement dénommé square du [...], dans le 16ème arrondissement de Paris.

L'immeuble des époux X... est situé au [...] . Celui de la société civile 72 [...] l'est au n° 8. Celui de la SCI éponyme [...] l'est au n° 10.

Le square de l'[...] est placé sous le régime de l'indivision. Les conditions de celle-ci sont prévues dans un cahier des charges du 9 décembre 1863.

La SAS COGEMAD, par acte du 11 mai 2016, a fait l'acquisition de l'hôtel particulier situé [...] construit sur la parcelle inscrite au cadastre à la section [...] . Elle y a poursuivi à partir de l'été 2016 les travaux commencés par son vendeur en octobre 2013.

Les époux X... et les deux SCI 72 [...] lui reprochent d'avoir installé, pour partie sur sa propriété mais aussi, devant celle-ci, sur l'assiette du square en indivision, des bungalow de chantier de type algeco sur trois niveaux, une dalle en ciment et des palissades. Ces installations empiéteraient ainsi sur l'assiette du square indivis, correspondant à la parcelle [...] , sur une superficie de 4,5 m de large et 25 m de long, soit 113 m².

Par acte du 2 janvier 2017, M. et Mme X... ainsi que les deux SCI 10 [...] ont fait assigner la SAS COGEMAD devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris auquel ils ont demandé de :

- la condamner à procéder à l'enlèvement de toutes constructions se trouvant sur la parcelle section [...] ;

- faire constater par le syndic de l'immeuble ou tout autre expert désigné la remise en l'état antérieur, et ce aux frais de la société COGEMAD ;

- voir interdire à la société COGEMAD et à ses préposés de se garer ou réserver des emplacements de parking à l'exception de ceux se trouvant devant la parcelle cadastrée section [...] ;

- la voir condamner à leur verser une astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du jour où la décision à intervenir deviendra exécutoire ;

- la voir condamner à leur régler la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ceux-ci compris les honoraires du constat d'huissier.

La société COGEMAD a appelé en garantie la SNC Entreprise Petit en charge des travaux. L'association des propriétaires du square de l'[...] représentée par son gestionnaire la société Dominique G Fessart est intervenue au soutien des demandes des requérants.

Par ordonnance contradictoire rendue le17 mai 2017, la juridiction saisie a :

- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'association des propriétaires du square de l'[...] ;

- débouté la société COGEMAD de sa demande de nullité de l'assignation qui lui a été délivrée le 2 janvier 2017 par M. et Mme X..., la SCI 10 [...] et la SCI 72 [...] ;

- déclaré M. et Mme X..., la SCI 10 [...] et la SCI 72 [...] irrecevables en leur action intentée à l'encontre de la société COGEMAD ;

- condamné in solidum M. et Mme X..., la SCI 10 [...], la SCI 72 [...] ainsi que la société G. Fessart aux dépens ;

- condamné in solidum M. et Mme X..., la SCI 10 [...] et la SCI 72 [...] à payer à la société COGEMAD et à l'Entreprise Petit la somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a fondé sa décision en ce qui concerne l'irrecevabilité de l'action de M. et Mme X..., de la SCI 10 [...] et de la SCI 72 [...] sur le motif selon lequel un cahier des charges établi les 5 et 6 mars 1863 pour la vente des immeubles entourant le square concerné établit les règles de fonctionnement et d'usage de la propriété indivise et qu'il prévoit à l'article 2 paragraphe II, chapitre II que les décisions relatives aux voies et autre intérêts communs seront prises par les propriétaires réunis chez l'un d'eux à la majorité des propriétaires, de sorte que les trois demandeurs n'ont pas la qualité pour agir individuellement de leur propre chef au nom de l'intérêt collectif et de l'ensemble des propriétaires indivis.

Par déclaration en date du 19 juin 2017, M. X..., la SCI 10 [...] et la SCI 72 [...] ont fait appel de cette ordonnance. Mme J..., épouse X... a interjeté appel le 9 novembre 2017. Les appels ont été joints.

Par arrêt du 17 janvier 2018 la chambre 3 du pôle 1 de la cour d'appel de Paris, a :

- infirmé l'ordonnance de référé du 17 mai 2017 en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau :

- ordonné à la SAS COGEMAD de procéder à l'enlèvement de toutes les constructions et installations se trouvant sur la parcelle cadastrée section [...] sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision ;

- interdit à la société COGEMAD et à ses préposés de se garer ou réserver des emplacements de parking à l'exception de ceux se trouvant devant sa parcelle, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné la SAS COGEMAD à payer à M. et Mme X..., à la SCI 10 [...] et à la SCI 72 [...] la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civileainsi qu'à supporter les dépens de première instance et d'appel.

La société COGEMAD s'est pourvue en cassation.

La Cour de cassation, par arrêt du 5 juillet 2018 a :

- cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 17 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

- remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

- condamné M. et Mme X... et les sociétés civiles [...] aux dépens ;

- rejeté la demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour suprême a estimé que la cour d'appel avait privé sa décision de base légale en accueillant la demande après avoir relevé que le règlement intérieur n'autorise que le stationnement de véhicules et que la société COGEMAD a commis un empiétement sur les parties indivises sans aucun droit, constitutif d'un trouble manifestement illicite pour ses voisins directs, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les installations litigieuses, qui n'occupaient qu'une partie du terrain indivis, portaient atteinte à l'exercice du droit d'usage et de jouissance de M. et Mme X... et des SCI sur ce terrain.

Par déclaration du 19 septembre 2018, les SCI 10 [...] ont saisi la cour de ce renvoi de cassation. Cette affaire a été inscrite au registre des affaires en cours sous le n° 18/21095.

Les époux X... ont également saisi la cour de ce renvoi par déclaration du 21 septembre 2018 en intimant aussi les SCI 10 [...] . Cette affaire a été inscrite sous le numéro 18/21206.

Les époux X... ont conclu le 9 novembre 2018. Les SCI 10 [...] ont conclu dans les deux affaires de manière identique le 5 février 2019, de même que la SAS COGEMAD le 5 décembre 2018.

Les deux affaires ont été inscrites au rôle de l'audience du 21 février 2019 et la clôture de leur instruction fixée au 13 février 2019.

Les demandes des parties

Au terme de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 9 novembre 2018, M. et Mme X... ont demandé à la cour, sur le fondement des articles 815-2 et 815-9 du code civil, 809, alinéa 1, du code de procédure civile et L.131-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes ;

- infirmer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris en date du 17 mai 2017 ;

statuant à nouveau :

- ordonner à la SAS COGEMAD de procéder à l'enlèvement de toute construction et installation se trouvant sur la parcelle cadastrée section [...] , sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à compter de la signification de la décision ;

- interdire à la société COGEMAD et ses préposés de se garer ou réserver des emplacements de parking, à l'exception de ceux se trouvant devant sa parcelle, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision ;

- condamner la société COGEMAD à leur régler la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel, en ceux-ci compris les honoraires de constat d'huissier.

Dans leurs conclusions communiquées par voie électronique le 5 février 2019, la SCI 10 [...] et la SCI 72 [...] ont demandé à la cour, sur le fondement des articles 815-2 et 815-6 du code civil, 367 et 809 du code de procédure civile et L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- 'ordonner la jonction de l'instance portant le numéro RG 1/21206 attribuée au pôle 1 chambre 2 à la présente instance' ;

- les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes ;

- infirmer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris en date du 17 mai 2017 ;

- débouter COGEMAD de toutes ses demandes ;

- ordonner à COGEMAD de procéder à l'enlèvement de toutes constructions édifiées par elle se trouvant sur la parcelle cadastrée section [...] ;

- faire constater par tout expert désigné la remise en l'état antérieur, et ce aux frais de COGEMAD ;

- interdire à COGEMAD et ses préposés de se garer ou réserver des emplacements de parking à l'exception de ceux se trouvant devant la parcelle appartenant à celle-ci et cadastrée section [...] ;

- condamner COGEMAD à leur verser une astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 17 janvier 2018 ;

- condamner COGEMAD à leur régler la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, en ceux-ci compris les honoraires de constat d'huissier.

La SAS COGEMAD, par conclusions transmises par voie électronique le 5 décembre 2018, a demandé à la cour, sur le fondement des articles 1103, 815-2, 815-9, 1873-1 et suivants, 1221 et 1231-1 du code civil et l'article 809-1 du code de procédure civile, de :

- la dire recevable en ses prétentions ;

à titre principal :

- dire les consorts X..., la SCI du [...] irrecevables ;

- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal de grande Instance de Paris en date du 17 mai 2017 ;

à titre subsidiaire :

- constater qu'en sa qualité d'indivisaire elle est autorisée à occuper temporairement les trois emplacements de stationnements du [...] dépendant de la parcelle [...] sur lesquels elle dispose d'un droit de jouissance au moyen d'une installation de chantier sous condition de ne pas nuire aux droits des autres indivisaires ;

- constater que les indivisaires du square de l'[...] (parcelle [...] ), dont elle-même, disposent du droit de faire occuper les emplacements de stationnement autour du rond de jardin par les véhicules de leurs visiteurs et locataires conformément aux dispositions de l'article 1203 du code civil et conformément à la convention d'indivision telle qu'elle résulte du règlement intérieur du 9 décembre 1863 ;

- constater que les consorts X..., la SCI du [...] ne rapportent pas la preuve d'un trouble manifestement illicite ;

- les débouter de leurs demandes ;

à titre plus subsidiaire :

- lui accorder un délai de 10 mois pour faire procéder à l'enlèvement de l'installation de chantier sur emprise de la parcelle [...] sis [...] ;

- infirmer de ce chef l'ordonnance de référé rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en date du 17 mai 2017 ;

en tout état de cause :

- dire qu'il n'y pas lieu d'ordonner une astreinte ;

- condamner in solidum M. et Mme X..., la SCI 10 [...] et la SCI 72 [...], à payer une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner in solidum aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de maître KIEFFER JOLY, avocat.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour la connaissance des moyens et des arguments exposés au soutien de leurs réclamations, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Il y a lieu d'ordonner la jonction de l'affaire 18/20206 avec l'affaire 18/21095.

Sur la recevabilité de l'action

La SAS COGEMAD a exposé en résumé ce qui suit :

- les époux X... et les SCI n'ont pas qualité à agir en tant qu'indivisaires sur le fondement de l'article 815-2 du code civil au motif que leur action ne peut pas être qualifiée d'acte conservatoiredès lors que l'occupation d'une partie de la parcelle indivise qu'ils lui reprochent n'expose celle-ci à aucun péril matériel ou juridique ; ainsi, le constat établi en novembre 2016 par les demandeurs ne fait mention que de nuisances ;

- une action en justice constitue, en principe, un acte d'administration qui requiert l'accord des titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis ;

- la parcelle [...] est soumise à un régime d'indivision conventionnelle et elle est gérée par le cabinet G Fessart ; la convention d'indivision stipule à la page 5 que 'Les décisions relatives à l'administration des voies publiques et aux autres intérêts communes seront prises par les propriétaires réunis chez l'un d'eux, à la majorité des propriétaires présents ou représentés à la réunion [...] Les propriétaires réunis nommeront pour administrateur l'un d'entre eux ou un mandataire choisi par eux qui fera exécuter leurs décisions [...]' ; les trois demandeurs n'ont pas reçu de mandat pour agir dans l'intérêt collectif des 24 propriétaires ; et si l'existence d'un administrateur ne prive pas chaque indivisaire du droit individuel que lui accorde l'article 815-2 du code civil de prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, ce droit ne peut être exercé qu'en cas de carence du gérant ; en l'espèce, la carence du cabinet Fessart n'est pas établie et celui-ci, au contraire, a autorisé l'Entreprise Petit par courriel du 30 juin 2016 à effectuer son implantation de chantier selon les plans communiqués par celle-ci ;

- le périmètre de l'installation de chantier est insusceptible de porter atteinte aux droits de jouissance propres des demandeurs, le règlement intérieur à l'article 18 prévoyant que les propriétaires peuvent stationner leur voiture devant leur porte dans la limite de la longueur de leur trottoir et sur une seule file ;

- un référé préventif est en cours afin de préserver les droits des parties contre des nuisances de chantier et, à ce jour, elle n'a relevé aucun dommage ou nuisance.

La cour retiendra ce qui suit.

Selon l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile, le juge des référés du tribunal de grande instance peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Dans l'affaire examinée, les époux X... fondent leurs réclamations sur l'argumentation selon laquelle les implantations effectuées par la société COGEMAD sur la parcelle [...] portent atteinte à leurs droits propres de propriétaires indivis.

Il est admis qu'un propriétaire indivis est en droit de faire cesser les actes portant atteinte à son droit de jouissance de la chose indivise.

Il n'est pas contesté que les époux X... de même que les SCI 72 [...] , en leur qualité de propriétaires d'hôtels particuliers situés autour du square de l'[...], sont propriétaires indivis de ce square correspondant à la parcelle [...] .

Ils sont donc recevables en cette qualité à agir en référé en cessation d'un trouble causé à leur droit de jouissance de la parcelle [...] indivise.

L'article du règlement en date du 9 décembre 1863, qui régit cette indivision, selon lequel les décisions relatives à l'administration des voies publiques et aux autres intérêts 'communes' seront prises par les propriétaires réunis chez l'un d'eux, à la majorité des propriétaires présents ou représentés à la réunion et que les propriétaires réunis nommeront pour administrateur l'un d'entre eux ou un mandataire choisi par eux qui fera exécuter leurs décisions, ne saurait faire obstacle à l'exercice par chaque propriétaire de ce droit individuel de défendre son droit propre de jouissance de ce bien en ce que ledit article ne concerne manifestement ce droit individuel de chaque indivisaire.

Et le point de savoir si les implantations contestées ont été autorisées ou non par le cabinet G Fessart désigné pour administrer l'indivision ou encore si les nuisances alléguées constituent ou non des atteintes au droit de jouissance des demandeurs ne sauraient constituer un motif d'irrecevabilité de l'action de ces derniers mais, le cas échéant, un motif de rejet de leur demande.

Il convient donc d'infirmer l'ordonnance rendue le 17 mai 2017 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action intentée par M. et Mme X... ainsi que par les SCI 10 [...] contre la SAS COGEMAD et, statuant à nouveau, de déclarer cette action recevable.

Sur l'existence d'un trouble causé au droit de jouissance des demandeurs

Il résulte avec l'évidence requise en référé des constats établis à la demande des parties appelantes, le premier, les 7, 22 et 24 novembre 2016 et, le second, le 26 juin 2018 ainsi que des plans produits par la société COGEMAD en pièces 18 et 41 que l'Entreprise Petit, qu'elle a chargée de procéder à la rénovation et à l'extension de l'hôtel particulier sis [...] en continuité de la parcelle [...] une barrière de chantier interdisant l'accès à une bande de terrain d'une superficie de 5,68 m de large du côté du [...] sur 13,90 m de long.

Cette barrière de chantier interdit ainsi l'accès au trottoir et à la partie de la chaussée du square de l'[...] qu'elle entoure, laquelle comprend les deux places de parking matérialisées au sol devant l'immeuble.

Il ressort également des photographies jointes à ces constats que la société Petit a mis en place, du côté du [...] appartenant aux époux X..., deux rangées de bungalows de chantier de type algecos sur trois niveaux et qui empiètent pour partie sur la parcelle [...] .

L'implantation de cette barrière prive les autres propriétaires, en particulier les propriétaires voisins des [...] , de la jouissance de la partie de ce square qu'elle entoure. Il ressort, en outre, du premier constat précité que les bungalows de chantier obstruent la vue des époux X... sur le square de l'[...].

Il ressort encore dudit constat que, en raison du rétrécissement de la voie de circulation sur la square de l'[...] créé par cette empiétement, la circulation est rendue impossible chaque fois qu'un camion vient livrer des matériaux pour le chantier.

Il se déduit ainsi des éléments qui précèdent avec l'évidence requise en référé que cette utilisation privative de la partie du square de l'[...] par la société COGEMAD au travers de l'Entreprise Petit porte atteinte au droit de jouissance des appelants et, en particulier, des propriétaires des immeubles sis [...] .

En outre, contrairement à ce que la SAS COGEMAD soutient, il ne ressort pas des pièces de son dossier que cette occupation privative litigieuse a été autorisée par le cabinet Fessart en charge de la gestion du square de l'[...].

En effet, si la société COGEMAD justifie avoir transmis au cabinet Fessart un dossier contenant une présentation de son implantation de chantier pour approbation au mois de juin 2016, il ressort de la réponse de celui-ci en date du 30 juin 2016 qu'il transmettait ce dossier aux membres du bureau du square pour information.

Les autres mentions de cette réponse rédigées comme suit :

'Nous vous rappelons qu'il est interdit aux intervenants de stationner dans le square autrement que pour charger et décharger. Les véhicules privés doivent impérativement se garer à l'extérieur du square.

Conformément à notre conversation, vos installations fixes de chantier ne devront en aucun cas empêcher la circulation des véhicules autour du square.

Enfin, nous avons bien compris que les travaux n'auront lieu que les jours de semaine et ne débuteront jamais avant 8h00 pour s'achever avant 18h00.'

ne sauraient être analysées avec l'évidence requise dans cette instance comme une autorisation d'implanter la barrière litigieuse sur la parcelle [...] et pour partie sur celle-ci les bungalows de chantier décrits ci-dessus.

Et cela d'autant moins que le cabinet Fessart, par lettre du 10 novembre 2016, a mis en demeure la société COGEMAD, notamment, de libérer l'espace public occupé illégalement par des algecos face au bâtiment du [...] condamnées par des cônes et des plots.

La SAS COGEMAD ne saurait davantage soutenir que l'empiétement du square de l'[...] décrit ci-dessus est conforme à l'utilisation permise aux propriétaires riverains en vertu d'un règlement intérieur modificatif qui aurait accordé à chaque propriétaire un droit privatif sur des places de stationnement devant son immeuble ni que ledit empiétement aurait été toléré lorsqu'il était le fait de son vendeur.

D'une part, la SAS COGEMAD ne justifie pas que le règlement qu'elle produit en pièce n° 25 ait été approuvé par les copropriétaires. D'autre part, au vu des plans précités qu'elle communique en pièces 18 et 41, l'emprise litigieuse excède manifestement la surface des trois places de parking qui lui auraient été attribuées par ce règlement modificatif devant le 12 du square de l'[...].

Il ressort, enfin, des pièces de son dossier ainsi que de ses écritures que l'emprise litigieuse avec les bungalows de chantier ont été mis en place par l'Entreprise Petit après qu'elle eut acquis l'immeuble en cause et qu'ils n'existaient pas du temps de son vendeur. Au vu des photographies produites à son dossier en pièce 42, l'emprise installée par son auteur pour ses travaux se limitait à la surface des deux places de parking matérialisées au sol devant l'immeuble.

Au vu de ces considérations, l'emprise matérialisée par l'entreprise mandatée par la société COGEMAD sur la parcelle [...] présente un caractère manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser en lui ordonnant de faire procéder à l'enlèvement de toute installation mise en place sur la parcelle cadastrée section [...] .

La société COGEMAD demande l'octroi pour ce faire d'un délai de dix mois mais elle ne justifie pas en quoi ce délai lui serait nécessaire pour l'achèvement de travaux qu'elle a commencés au cours de l'été 2016 et sur le déroulement desquels elle ne fournit pas d'explication.

Au vu, néanmoins, de l'importance de la tâche représentée par l'enlèvement ou le déplacement des 6 bungalows de chantier, il lui sera imparti un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, à l'expiration duquel elle devra supporter une astreinte provisoire de 1000 euros par jour de retard pendant trois mois.

Il n'y a pas lieu pour la cour de s'en réserver la liquidation.

Il n'y a pas lieu non plus pour la cour de faire constater par tout expert désigné la remise en l'état antérieur aux frais de COGEMAD, le juge n'étant pas en charge de la vérification de l'exécution de ses décisions, cette vérification incombant les cas échéant aux parties.

Les appelants soutiennent également que la société COGEMAD réserve, par la mise en place de plots, des emplacements de stationnement sur le [...] et utilise un grand nombre de stationnement dont ceux situés devant leur propriété mais force est de constater qu'ils ne produisent aucun élément attestant de la commission de tels faits postérieurs au constat du 7 novembre 2016, cela alors que l'intimée souligne que le second constat du 26 juin 2018 n'en fait pas mention.

Il importe de rappeler que, pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit.

En l'absence de tout élément de preuve permettant de tenir pour établi avec l'évidence requise en référé que la pratique alléguée persiste, il sera dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes des appelants visait à voir interdire à COGEMAD et aux préposés de celle-ci de se garer ou réserver des emplacements de parking à l'exception de ceux se trouvant devant la parcelle section [...] appartenant à celle-ci.

Les appelants ayant obtenu qu'il soit fait droit à leurs demandes pour l'essentiel, il sera dit que la SAS Coogemad devra supporter les dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Le coût des constats d'huissier que les appelants ont fait établir afin de se constituer des éléments de preuve ne font pas partie des dépens cités à l'article 695 du code de procédure civile.

Il en sera tenu compte dans la fixation de l'indemnité que l'équité commande d'attribuer aux appelants sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction de l'affaire 18/20206 avec l'affaire 18/21095 ;

Infirme l'ordonnance rendue le 17 mai 2017 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a déclaré M. et Mme X..., la SCI 10 [...] et la SCI 72 [...] irrecevables en leur action intentée à l'encontre de la société COGEMAD ;

statuant à nouveau de chef,

Déclare M. et Mme X..., la SCI 10 [...] et la SCI 72 [...] recevables en leur action intentée à l'encontre de la société COGEMAD ;

Ordonne à la SAS COGEMAD de faire procéder à l'enlèvement de toute installation mise en place sur la parcelle inscrite au cadastre section [...] avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Dit que, à défaut pour elle de s'exécuter, elle devra supporter une astreinte provisoire de 1000 euros par jour de retard pendant trois mois ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande visant à voir interdire à COGEMAD et à ses préposés de se garer ou de réserver des emplacements de parking à l'exception de ceux se trouvant devant la parcelle section [...] appartenant à celle-ci ;

Condamne la SAS COGEMAD aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la SAS COGEMAD à payer la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, d'une part, à M. et Mme X... et, d'autre part, à la SCI 10 [...] et à la SCI 72 [...] ;

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 18/21095
Date de la décision : 21/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°18/21095 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-21;18.21095 ?
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