La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2019 | FRANCE | N°17/19687

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 21 mars 2019, 17/19687


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 4 - Chambre 7





ARRÊT DU 21 MARS 2019





(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/19687 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4KJI





Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juillet 2017 -Juge de l'expropriation de CRETEIL - RG n° 16/00212








APPELANT


r>

Monsieur J... O...


né le [...] à K'SOUR (ALGERIE)


[...]


[...]





Représenté par Me Mabrouk SASSI de la SELEURL MABROUK SASSI SELARL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0735








INTIMES





ETABLISSEMENT P...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 21 MARS 2019

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/19687 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4KJI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juillet 2017 -Juge de l'expropriation de CRETEIL - RG n° 16/00212

APPELANT

Monsieur J... O...

né le [...] à K'SOUR (ALGERIE)

[...]

[...]

Représenté par Me Mabrouk SASSI de la SELEURL MABROUK SASSI SELARL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0735

INTIMES

ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMÉNAGEMENT ORLY RUNGIS SEINE AMONT (EPA ORSA)

N° SIRET : 499 084 283 00021

[...]

[...]

Représenté par Me Miguel BARATA de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2608

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[...]

[...]

Représentée par M. Nouri BERKANE en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Hervé LOCU, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Hervé LOCU, président

M. Gilles MALFRE, conseiller

Mme Valérie MORLET, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Isabelle THOMAS

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Isabelle THOMAS, Greffière présente lors du prononcé.

Exposé :

Par arrêté du 11 février 2014, le préfet du Val-de-Marne a déclaré d'utilité publique au profit de l'établissement public d'aménagement Orly Rungis Seine Amont (EPA ORSA), l'acquisition et l'aménagement des immeubles et droits réels immobiliers nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) du centre ville à Villeneuve-Saint-Georges.

Par arrêté du 30 octobre 2014, les immeubles et droits réels immobiliers ont été déclarés cessibles immédiatement au profit de l'EPA ORSA.

L'ordonnance d'expropriation, au profit de l'EPA ORSA, a été rendue le 26 janvier 2015.

Est concernée par cette opération la parcelle [...] , située [...] d'une superficie de 267 m², propriété de la SCI LOUIEM. Cette parcelle supporte un ensemble immobilier à usage d'hôtel meublé et de café restaurant d'une surface utile de 425m² exploité par M. J... O....

Faute d'accord sur le montant de l'indemnité, l'EPA ORSA a saisi le juge de l'expropriation du Val-de-Marne.

Par jugement du 24 juillet 2017, celui-ci a :

- fixé l'indemnité d'éviction revenant à M. J... O... comme suit :

- 367778euros au titre de l'indemnité principale ;

- 311178euros pour l'activité hôtel ;

[103726euros de CA annuel moyen TTC x 3]

- 56600euros pour l'activité restauration ;

[66588euros de CA annuel moyen TTC x 0,85]

- 35628euros au titre du remploi ;

- 7000euros pour trouble commercial :15 jours du chiffre d'affaire moyen TTC

[103726+66588)*15:365]

- sursis à statuer sur la demande au titre des indemnités de licenciement,

- dit qu'il appartiendra à M. O... de saisir à nouveau la juridiction pour qu'elle satue sur les indemnités de licenciement,

- donné acte à l'EPA ORSA de son droit à percevoir une indemnité d'occupation, égale au loyer précédemment payé par M. J... O... au propriétaire exproprié, et ce à compter du 1° mai 2017 et jusqu'au départ effectif de M. J... O... du bien en cause,

- condamné l'EPA ORSA aux dépens,

- condamné l'EPA ORSA à verser à O... la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. J... O... a interjeté appel de cette décision le 16 octobre 2017.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- adressées au greffe, par M. J... O..., le 05 janvier 2018, notifiées le 17 janvier 2018 (AR des 22 et 23 janvier 2018) aux termes desquelles il demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- fixer son indemnité d'éviction à la somme totale de 598766 euros se décomposant comme suit :

- 533791euros au titre de l'indemnité principale ;

- 466767euros pour l'activité d'hôtellerie ;

[103726euros de CA TTC moyen x 4,5 de coefficient multiplicateur]

- 67024euros pour l'activité restaurant/café ;

[67024euros de CA TTC moyen x 100%]

- 64975euros au titre des indemnités accessoires ;

- 53379euros au titre du remploi ;

- 10596euros pour trouble commercial ;

[42384euros de résultats d'exploitation moyen x 3/12]

- condamner l'EPA ORSA à payer 5000euros au titre de l'article 700du code de procédure civile ;

- condamner l'EPA ORSA aux dépens d'appel ;

- déposées au greffe, par l'EPA ORSA, intimé et appelant à titre incident, le 04 avril 2018, notifiées le 04 avril 2018 (AR du 09 avril 2018) aux termes desquelles il demande à la cour :

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il lui a donné acte de son droit de percevoir une indemnité d'occupation égale au loyer précédemment payé par M. J... O... au propriétaire exproprié, et ce à compter du 1er mai 2017 et jusqu'au départ effectif de M. J... O... du bien en cause ;

- d'infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, de :

- à titre principal, constater que M. J... O... n'a pas justifié des deux derniers chiffres d'affaires réalisés et des deux dernières liasses fiscales établies pour les années 2016 et 2017, par rapport à la date du jugementet, en conséquence, rejeter toute demande d'indemnisation formée par M. J... O... ;

- à titre subsidiaire, fixer l'indemnité à revenir à M. J... O... comme suit :

- à titre principal, une somme globale de 329959eurosse décomposant comme suit :

- 300826euros au titre de l'indemnité principale ;

[151 413 euros de CA HT connu x 2]

- 29133euros au titre du remploi ;

- à titre subsidiaire, une somme globale de 328045eurosse décomposant comme suit :

- 299268euros au titre de l'indemnité principale ;

- 259315euros au titre de l'activité hôtellerie ;

[103726euros de CA moyen TTC x 2,5]

- 39953euros au titre de l'activité restauration ;

[66588euros de CA moyen TTC x 60%]

- 28777euros au titre du remploi ;

- de rejeter les demandes de M. J... O... ;

- de condamner M. J... O...à lui payer une indemnité de 3000euros sur le fondement de l'article 700du code de procédure civile ;

- de condamner M. J... O...aux dépens d'appel ;

- adressées au greffe, par le commissaire du gouvernement, le 11 avril 2018, notifiées le 20 avril 2018 (AR du 25 avril 2018) aux termes desquelles il demande à la cour de confirmer le jugement de première instance.

Motifs de l'arrêt :

- sur la recevabilité des conclusions

Les conclusions des parties déposées dans les légaux de l'article R311 26 du code de l'expropriation sont recevables.

- au fond

M. J... O... soutient que :

- contrairement à ce qui est affirmé dans le jugement, les comptes de résultats qu'il a produit permettaient tout à fait de calculer les chiffres d'affaires moyens nécessaires au calcul de l'indemnité ;

- quant au choix de coefficient multiplicateur pour l'hôtel, le tribunal n'a pas pris en compte le bon emplacement de l'hôtel, son accessibilité de Paris, son attractivité, sa clientèle stable et son activité constante et prospère, notamment en raison d'une convention conclue avec le SAMU social ;

- en raison de la renommée du restaurant dans la communauté algérienne, de la salle des fêtes qui avait un grand succès avant la procédure d'expropriation, le coefficient de 100% est applicable ;

- contrairement aux affirmations du premier juge, les pièces produites permettaient de connaître les résultats d'exploitation et de permettre l'indemnisation pour trouble commercial en raison de l'arrêt d'exploitation causée par l'expropriation ;

L'EPA ORSA réplique que :

- en cause d'appel, M. J... O... omet toujours et volontairement de verser aux débats les liasses fiscales pour les années 2016 et 2017 ; pourtant, afin de respecter l'article L.322-2 du code de l'expropriation, et estimer les biens à la date de la décision de première instance, les deux derniers chiffres d'affaires sont nécessaires ; le défaut de production de ces liasses fiscales étant assimilé à un défaut d'exploitation au cours de ces années, toute indemnisation est exclue ;

- à titre subsidiaire, l'attention de la cour est attirée sur le fait que certains chiffres divergent notamment en raison de l'application par M. J... O... d'un taux de TVA de 19,7% au lieu de 19,6% ;

- le terme de comparaison qu'il présente pour suppléer l'absence de liasses fiscales, bénéficiant d'une bien meilleure situation que le bien en cause, n'a pas été exploité par le tribunal qui n'a pas justifié son choix de ne pas en tenir compte, ce qui constitue une violation manifeste de l'article 455 du code de procédure civile ;

- le bien est situé dans un environnement défavorable (nuisances sonores liées à la RN6, au RER et au couloir aérien de l'aéroport d'Orly) et ne bénéficie d'aucune clientèle personnelle puisque les occupants sont uniquement des personnes en situation défavorisée logées à titre temporaire par le SAMU social ;

- l'indemnité pour trouble commercial est accordée lorsque, du fait de sa relocalisation causée par l'expropriation, l'activité va être économiquement troublée entre le départ et la réinstallation effective ; or, en l'espèce, M. J... O... fait lui-même état de 'l'absence de possibilité d'exploiter un nouveau fonds de commerce comparable' ; M. J... O... ne fait pas la preuve d'un tel trouble commercial ;

- il a juridiquement pris possession des lieux le 1er mai 2017, soit 1 mois après le versement de l'indemnité de dépossession au propriétaire des lieux, de sorte que M. J... O... est redevable d'un loyer pour l'exploitation du fonds à compter de cette date ;

Le commissaire du gouvernement observe que :

- les éléments de calculs retenus par l'exproprié sont erronés en ce qu'il retient un taux de 19,7% alors que le taux à appliquer est de 19,6% ;

- le coefficient de 3 pour l'activité hôtellerie est pleinement satisfactoire au regard des éléments de confort du bien et des résultats de la société ;

- le coefficient de 85% appliqué à la partie restauration tient compte de la situation géographique du bien et de la baisse constante de résultat sur les trois dernières années .

SUR CE

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété , si ce n'est pour cause d'utilité publique , et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Conformément aux dispositions de l'article L322-2, du code de l'expropriation , les biens sont estimés à la date de la décision de première instance , seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L322-3 à L322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel porte sur l'ensemble des dispositions du jugement.

S'agissant de la date de référence, Monsieur O... n'a pas conclu sur ce point, tandis que l'EPA ORSA et le commissaire du gouvernement s'accordent à la fixer au 28 juin 2016.

En application des articles L322-2 du code de l'expropriation et L213-6 du code de l'urbanisme, le bien étant soumis au droit de préemption urbain, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a exactement fixé la date de référence au 28 juin 2016, date à laquelle le document d'urbanisme applicable à la zone a été approuvé par la commune de Villeneuve Saint Georges.

S'agissant des données d'urbanisme , la parcelle [...] est en zone UAx2 à la date de référence, qui correspond à un secteur urbain mixte de la Zac multiservice du centre-ville (projet Carnot).

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'une parcelle d'une superficie de 123 m², supportant un ensemble immobilier à usage d'habitation et de commerce, avec un immeuble en R+3 à usage d'hôtel'bar'restaurant d'une surface utile de 425 m² comprenant :

'au rez-de-chaussée, un espace faisant office de bar'restaurant,

'au premier étage, une grande salle de réception,

'au 2e étage, 6 chambres avec sanitaires communs sur palier,

'au 3e étage, 6 chambres avec douches communes sur le palier,

'au sous-sol, cave avec office blanchisserie,

Le premier juge et le commissaire du gouvernement indiquent que l'ensemble est dans un état d'entretien correct, tandis que l'EPA ORSA indique qu'il est en état d'usage, en précisant que les fenêtres sont en bois et en simple vitrage.

Monsieur O... exploite un fonds de commerce à usage de « café, hôtel, restaurant », en vertu d'un bail commercial qui a lui a été concédé par la SCI LOUIEM le 31 juillet 2002.

Monsieur O... souligne que le bien est situé en centre-ville à 50 m du RER, accessible par les transports en 21 à 23 minutes et des stations Chatelet les halles et gare de Lyon; que les 2/3 des chiffres d'affaires résultant de l'occupation du fonds de commerce proviennent de l'hôtel, occupé constamment grâce à un contrat de collaboration conclu avec le SAMU social de Paris, que l'hôtel est donc en activité toute l'année, sans dépendre ni des saisons ni des variations de demandes de touristes, et que les activités de restaurant -café, salle de fête, représentent 1/3 du chiffre d'affaires, puisque les événements organisés dans l'établissement sont connus dans la communauté algérienne de la région Île-de-France.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé c'est celle de la première instance , soit le 24 juillet 2017.

1° sur l'indemnité principale

Les parties s'accordent comme en première instance pour la fixation de l'indemnité d'éviction avec l' utilisation de la méthode de la perte du fonds en se basant sur le chiffre d'affaires, et compte tenu de la nature différente des activités d'hôtellerie et de restauration, calculée pour chacune d'elles, si ce n'est que l'EPA ORSA demande de tenir compte d'une référence comparable.

Le premier juge a rappelé que l'indemnité d'éviction est calculée à partir de la moyenne des 3 derniers chiffres d'affaires TTC de l'exproprié, et qu'en l'espèce aucune pièce ne détaille les montants HT des chiffres d'affaires, qu'aucune attestation comptable n'est produite, et qu'il a pris la peine de les calculer à partir des comptes de résultats versés aux débats, à savoir les années 2012-2013,2013'2014,2014'2015.

En cause d'appel, comme l'indique à juste titre l'EPA ORSA, Monsieur O... verse aux débats les mêmes liasses fiscales, en omettant toujours volontairement de verser les liasses fiscales pour les années 2016 (du 1er avril 2015 au 31 mars 2016) et 2017 (du 1er avril 2016 au 31 mars 2017), alors que l'article L322-2 du code de l'expropriation dispose que les biens sont estimés à la date de la décision de première instance , soit en l'espèce le 24 juillet 2017.

Il sera relevé que la mise en place d'une collaboration directe et continuité des missions d'hébergement avec le SAMU social de Paris (pièce numéro 2) est datée du 3 juillet 2014, et qu'il est prévu que la durée de l'accord est à compter du 10 juillet 2014 pour une durée déterminée de 12 mois ; il n'est donc pas justifié d'un nouvel accord avec le SAMU social, pour les années 2016 et 2017.

Il n'y a pas lieu cependant comme le demande l'EPA ORSA de considérer qu'il y a un défaut d'exploitation, et la cour comme le premier juge, se basera sur les liasses fiscales versées aux débats.

Monsieur O... indique à tort que les chiffres d'affaires retenus par le premier juge sont amoindris, car il retient dans ses calculs (page 6 de ses conclusions ) un taux de TVA 19,7% alors que le taux appliqué de 19,6 %.

L'activité de Monsieur O... à partir des liasses fiscales versées aux débats est la suivante :

'activité hôtellerie TTC

2012'2013 : 101'875 euros

2013'2014 : 100'290 euros

2014'2015 : 109'012 euros

CA moyen TTC: 103'726 euros

Le premier juge compte-tenu de l'emplacement à proximité de la garée du chiffre d'affaires globalement stable, a appliqué un taux de 3.

'activité de restauration TTC

2012'2013 : 79'180 euros

2013'2014 : 68'542 euros

2014'2015 52'043 euros

CA moyen TTC : 66'588 euros

Le premier juge compte-tenu de l'emplacement très bruyant dans un quartier peu attractif, à proximité de la gare, et du chiffre d'affaires en recul progressif sur 3 années a appliqué un taux de 0,85.

Monsieur O... indique que pour l'activité d'hôtel ,la doctrine considère que le coefficient multiplicateur à retenir oscille entre 2,5 et 4,5 ; en raison de la clientèle stable et du bon emplacement, du chiffre d'affaires important, il convient d'appliquer un coefficient de 4,5, et que pour la partie restaurant , le coefficient multiplicateur variant entre 60 et 100 pour cent du chiffre d'affaires annuel, il convient en raison de sa renommée dans la communauté algérienne, de la dotation d'une salle des fêtes, de retenir 100 % du chiffre d'affaires.

L'EPA ORSA demande de retenir un terme de comparaison consistant en une vente du 17 avril 2013 entre la SARL R... P... S... et la SARL the dreams au [...] , correspondant à un fonds de commerce de bar restaurant hôtel, à 200 mètres de Paris, avec une moyenne des derniers CA HT de 52'677euros et un prix de cession de 113'000euros, soit un ratio de 2,15 fois le chiffre d'affaires HT, soit environ 1,9 fois le CA TTC.

Le commissaire du gouvernement demande la confirmation du jugement.

Le terme proposé par l'EPA ORSA est unique, il n'est pas corroboré par d'autres références, il ne peut donc être retenu dans le cadre de la méthode de la comparaison.

Il convient donc comme le premier juge d'utiliser la méthode de la perte du fonds de commerce en se basant sur la moyenne des 3 derniers chiffres d'affaires TTC produits et d'y appliquer des coefficients, comme proposés par Monsieur O... et le commissaire du gouvernement.

S'agissant de l'activité meublée, comme l'indique Monsieur O... pour ce type d'activité le coefficient multiplicateur oscille entre 2,5 et 4,5 ; cependant le premier juge a tenu compte de l'emplacement à proximité de la gare de l'instabilité du chiffre d'affaires avec une légère augmentation, et a donc exactement appliqué un taux de 3, puisque aucun motif particulier ne justifie en l'espèce d'appliquer le coefficient maximum de 4,5.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

S'agissant de l'activité restauration, comme l'indique Monsieur O..., le coefficient multiplicateur varie entre 60 et 100 pour cent du chiffre d'affaires annuel ; cependant il n'est pas contestable que l'emplacement est très bruyant, sur la RN 6 passante , en face des voies de la gare RER C de Villeneuve Saint Georges, en-dessous du couloir aérien de l'aéroport d'Orly en zone C, dans un quartier peu attractif, à proximité de la gare, et que le chiffre d'affaires est en recul progressif sur 3 années, de façon significative ; le premier juge a donc exactement retenu un taux de 0,85 et il n'existe aucun motif particulier pour retenir le coefficient maximum de 100 %.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

En conséquence il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a exactement fixé l'indemnité d'éviction selon les modalités suivantes :

'activité hôtellerie: 103'726 eurosX3= 311'178euros

'activité restauration : 66'588eurosX 0,85= 56'600 euros

2° sur les indemnités accessoires

A- sur l'indemnité de remploi

Monsieur O... sollicite une indemnité de remploi, en demandant qu'elle soit calculée comme suit :

'5000 eurosX 20 %= 1000 euros

-10'000 eurosX 15 %= 1500 euros

-10 % pour le surplus.

Cependant s'agissant de la fixation à titre principal d'une indemnité d'éviction pour la perte d'un fonds de commerce, le premier juge a exactement retenu la méthode habituelle pour calculer les indemnités accessoires à savoir :

'5 % sur 23'000 euros= 1150 euros

'10 % sur 344'778 euros= 34'478 euros

total : 35'628euros

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

B- sur l' indemnité pour trouble commercial

Le premier juge a indiqué qu'en l'espèce il n'est pas démontré en quoi la cessation l'exploitation de son fonds de commerce par Monsieur O... ne lui causerait pas un préjudice spécifique distinct de celui causé par la perte du fonds et il a en conséquence alloué une indemnité pour trouble commercial s'élevant, en l'absence de pièces complètes versées aux débats relatives au résultat d'exploitation, à 15 jours du chiffre d'affaires moyen TTC soit (103'726+ 66'588)15/365= 7000 euros.

Monsieur O... sollicite une indemnité pour trouble commercial correspondant à la moyenne des 3 derniers résultats d'exploitation : 42'384 euros X 3/12= 10'596 euros

L'EPA ORSA conclut au débouté en indiquant que le premier juge a renversé la charge de la preuve et que Monsieur O... avait lui-même fait état de « l'absence de possibilité d'exploiter un nouveau fonds de commerce comparable ».

Le commissaire du gouvernement indique que conformément à la jurisprudence le trouble commercial correspond soit à 15 jours de CA TTC, soit à 3 mois de bénéfices ou 1,5 mois de salaires et charges et qu'en l'espèce il convient d'appliquer la méthode la plus favorable et de retenir 3 mois de bénéfices moyens soit la somme de 42'384X 3/12= 10'596 euros

Une indemnité pour trouble commercial est allouée afin de couvrir le préjudice résultant de l'interruption d'activité durant le déménagement et la réinstallation ou, faute de réinstallation, de l'arrêt d'exploitation.

Il est acquis en l'espèce que Monsieur O... a reçu une indemnité d'éviction en février 2018, qu'il a donc l'obligation de quitter les lieux depuis le mois de mars 2018, et qu'en l'état il a droit à une indemnité pour trouble commercial correspondant soit au préjudice certain résultant de l'interruption d'activité durant le déménagement et la réinstallation ou soit comme il indique, faute de réinstallation, de l'arrêt d'exploitation.

Le premier juge a donc exactement alloué une indemnité à Monsieur O... pour trouble commercial ; s'agissant de son montant , cette indemnité correspond soit à 15 jours de CA TTC, soit 3 mois de bénéfices, soit à 1,5mois de salaires et charges.

En l'espèce il convient donc d'appliquer la méthode la plus favorable à l' exproprié et de retenir en conséquence 3 mois de bénéfices moyens soit la somme de 42'384X3/12= 10'596euros

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

C- sur les indemnités de licenciement

Le sursis à statuer n'étant pas contesté par les parties, il convient de confirmer le jugement sur ce point.

3°Sur l'indemnité d'occupation

Le jugement n'étant pas contesté sur ce point il sera donc confirmé.

- sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné l'EPA ORSA à verser à M. O... la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de condamner l 'EPA ORSA à payer à Monsieur O... la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- sur les dépens.

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance qui sont à la charge de l'autorité expropriante conformément à l'article L312-1 du code de l'expropriation.

L'EPA ORSA perdant le procès sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties

Infirme partiellement le jugement entrepris

Statuant à nouveau

Fixe l'indemnité pour trouble commercial due par l'EPA ORSA à Monsieur O... à la somme de 10'596 euros

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

Condamne l'EPA ORSA à verser à Monsieur O... la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

Condamne l'EPA ORSA aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 17/19687
Date de la décision : 21/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°17/19687 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-21;17.19687 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award