RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 21 Mars 2019
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/06389 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3HXR
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mars 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUXERRE RG n° F 16/00075
APPELANTE
Madame [M] [B]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Jean-michel HOCQUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0087 substitué par Me Elizabeth CABAUD-REMY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1039
INTIMÉE
Association CROIX ROUGE FRANÇAISE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Thibaut CAYLA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2417
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre
Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère
Monsieur François MELIN, Conseiller
Greffier : Mme Anna TCHADJA-ADJE, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Madame Anna TCHADJA-ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant contrat à durée déterminée du 22 août 2007, Mme [B] a été engagée par la Croix Rouge Française, en qualité de chargée de mission auprès du secrétariat régional en charge de la Région [Localité 1], pour la période du 22 août 2007 au 29 février 2008, afin de faire face à un accroissement temporaire d'activité lié à la mise en place de la régionalisation au sein de l'association.
Par avenant en date du 26 février 2008, son contrat de travail a été renouvelé aux mêmes
conditions pour la période du 1er mars au 30 juin 2008, et à l'expiration, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, sans écrit.
Dans le dernier état, Mme [B] a exercé des fonctions de directrice régionale adjointe, position 14, palier 02, coefficient 1020, pour un salaire mensuel brut de 5 097,78 euros.
Par courrier du 8 février 2016, la Croix Rouge Française a convoqué Mme [B] à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 17 février 2016, et par courrier du 25 février 2016, la Croix Rouge Française a notifié à Mme [B] son licenciement pour cause réelle et sérieuse pour manquement à l'obligation de loyauté et à son devoir de discrétion.
Mme [B] a saisi le conseil des prud'hommes d'Auxerre le 18 avril 2016 afin de contester son licenciement, de solliciter un rappel de salaires et des dommages intérêts pour préjudice moral.
Par jugement du 27 mars 2017, le conseil de prud'hommes a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse, a condamné la Croix Rouge à lui verser la somme de 30 586,68 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et l'a déboutée de ses autres demandes.
Mme [B] a formé appel de cette décision le 25 avril 2017.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses conclusions transmises par RPVA le 17 juillet 2017, Mme [B] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement, l'infirmation du jugement pour le surplus, et la condamnation de la Croix Rouge Française à lui verser les sommes suivantes :
- 1 197 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 110 000 € à titre de rappel de salaires ;
- 100 000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral lié au harcèlement ;
- 50 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle conteste les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, ces griefs n'étant pas établis et relevant de commérages. Elle indique que la cause du licenciement n'est pas celle énoncée, mais est liée à sa dénonciation de malversations et de détournements ; qu'en outre, les griefs sont imprécis et dénués de toute objectivité.
Elle indique que la somme demandée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse représente le préjudice réel subi, du fait de son âge et des faibles chances de retrouver un emploi avant l'âge de la retraite.
Elle expose qu'elle a droit à un rappel de salaire au titre du poste de directrice régionale adjointe qu'elle a occupé sans bénéficier du salaire correspondant à cette fonction, et sollicite le différentiel entre le salaire versé et le salaire qu'elle aurait dû obtenir durant cinq années.
Elle fait valoir qu'elle a subi un harcèlement moral en lien avec la mission qui lui a été confié à savoir les dysfonctionnements de l'institution régionale, et que de ce fait, elle a été écartée de la plupart des projets, n'a plus été destinataire d'aucune information et n'était plus conviée aux déjeuners officiels, ce qui a débouché sur la proposition d'une rupture conventionnelle qu'elle a refusée ; qu'à partir de juin 2015, elle a été arrêtée pour syndrome d'épuisement professionnel.
Elle indique qu'elle a subi un préjudice moral important et sollicite de ce chef la somme de 100.000 € en raison de l'absence de reconnaissance de sa qualification, de son positionnement hiérarchique et de ses compétences ainsi que pour sanctionner le harcèlement moral dont elle a été victime.
Dans ses conclusions transmises par RPVA le 12 septembre 2017 et valant appel incident, l'association Croix Rouge Française sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement de Mme [B] et en ce qu'il lui a alloué des dommages et intérêts et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et la confirmation pour le surplus.
Elle expose qu'il est reproché à Mme [B] divers manquements à ses obligations de discrétion et de loyauté de nature à avoir d'importantes conséquences sur le climat social de deux établissements dont la Direction Régionale a la responsabilité ; que dans un climat tendu où des salariés se plaignaient du comportement d'un des directeurs, Mme [B] leur a déclaré à propos de leurs plaintes : 'qu'[S] [S], mais également [H] [D], chargée de développement à la Direction Régionale, et [L] [Y], Directeur Filière Métier enfance-famille et à ce titre supérieur hiérarchique de leur directeur, « étaient le trio infernal de la Croix-Rouge, que la Croix-Rouge essayait de les virer mais qu'ils n'y arrivaient pas ; que M. [S] [S] avait déjà un dossier de cet ordre' ; que la matérialité des faits est incontestablement établie par l'ensemble des pièces versées aux débats, et notamment les attestations, et que Mme [B] a été identifiée nominativement par les témoins ; que les propos de Mme [B] contrevenaient donc à son obligation générale de loyauté qui, en l'espèce, prenait la forme d'un devoir de réserve, mais également à sa mission propre de coordination ; que l'attitude de Mme [B] est d'autant plus inadmissible qu'elle avait été alertée de manière expresse par Mme [H] sur la nécessité de conserver un caractère confidentiel à la démarche initiée ; que ce comportement ne constitue pas un événement isolé, la salariée cultivant l'art de la manipulation et de la déstabilisation de la Direction Régionale ; qu'il est établi que les propos de Mme [B] à Mme [R] ont été rapportés par cette dernière à Mme [T] [Q] le 28 décembre 2015, ce qui constitue le point de départ de la prescription.
Elle conteste subsidiairement le montant des demandes de Mme [B], qui sont totalement disproportionnées, aucun préjudice n'étant en outre démontré.
S'agissant de la demande de rappel de salaires, la Croix Rouge Française expose que la fonction de directeur régional adjoint existe dans certaines directions régionales et est occupée par des
salariés ayants soit la qualification de chargé de mission, qui correspond à la position 11 ou 12, soit celle de chef de projet, qui correspond à la position 13 ou 14 ; qu'il n'existe aucun usage quant au poste de directeur régional adjoint, qui n'est pas présent dans toutes les directions ; que Mme [B] a été embauchée en position 12 d'abord comme chargée de mission, puis comme chargée de projet, et a obtenu la position 14 à partir du 1er juillet 2014 ; qu'elle n'a jamais été embauchée comme directrice régionale adjointe, et que la reconnaissance de sa fonction de Directrice Régionale Adjointe, intervenue dans le but de lui conférer une autorité particulière, est donc sans incidence sur son positionnement.
S'agissant du harcèlement moral, la Croix Rouge Française soutient que Mme [B] n'établit aucun fait précis et concordant ; que Mme [B], qui se présente comme lanceur d'alerte, n'a pas communiqué le moindre document de nature à étayer son propos et moins encore à établir les détournements qu'elle dénonçait ; qu'elle ne précise aucun élément pouvant laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'aucun dossier ne lui a été retiré.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2019.
MOTIFS :
Sur le bien-fondé du licenciement :
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
La lettre de licenciement du 25 février 2016 est ainsi rédigée : 'Le 28 janvier dernier, 3 salariés de la MECS de [Localité 2] étaient reçus en entretien individuel dans les locaux de la direction régionale par le département qualité de vie au travail et la responsable ressources humaines (RRH) dans le cadre d'une enquête relative aux risques professionnels. En début de matinée, vous avez interrogé [F] [H], RRH sur ce dossier. Elle vous a expressément demandé de respecter un devoir de confidentialité et de discrétion vis-à-vis de cette démarche. Vous avez échangé avec les salariés de la MECS, leur indiquant qu'[S] [S], [H] [D] et [L] [Y] (...)étaient le trio infernal de la Croix- Rouge, que la Croix-Rouge essayait de les virer mais qu'ils n'y arrivaient pas, que M. [S] avait déjà un dossier de cet ordre. Le 28 janvier, en fin d'après-midi, ces propos ont été rapportés par les salariés à un délégué du personnel de la MECS et à d'autres collègues. Ces propos ont ajouté un trouble dans la démarche engagée. En votre qualité de directeur régional adjoint, vous ne pouvez ignorer votre devoir de discrétion et vos obligations de loyauté envers la Croix Rouge française. Votre attitude est d'autant plus inadmissible que vous aviez été alertée par [F] [H] sur la nécessité de conserver un caractère confidentiel dans la démarche initiée au sein de la MECS. Nous apprenons par ailleurs qu'il ne s'agit pas d'un événement isolé puisque le 3 février dernier, nous sommes interpellés par la directrice du Pôle Enfance Famille, Mme [T] [Q] sur les faits suivants : le 28 décembre 2015, cette dernière rencontre [X] [R], technicienne administrative et comptable de l'établissement. Au cours de cet entretien, la salariée rapporte les propos que vous lui avez tenus à l'occasion d'un de ses passages dans les locaux de la direction régionale. En l'occurrence, vous avez indiqué à [X] [R] que sa directrice l'avait dans le collimateur'.
Il est donc reproché à Mme [B] la violation de son obligation de loyauté et de discrétion vis-à-vis de son employeur.
L'employeur verse aux débats pour en justifier :
- un courriel de Mme [H] du 4 février 2016 confirmant qu'elle avait rappelé à Mme [B] son devoir de confidentialité et de discrétion quant à la situation des trois salariés ;
- un courriel du 3 février 2016, de M. [T], délégué du personnel, indiquant que '[N] [U] est venue trouver [P] [V] lui demandant si M. [S] était au courant qu'elle était dans les plaignantes. Puis, lui rapportant que 'M. [S] était cramé, qu'ils avaient eu une entrevue avec Mme [B], que M. [S], Mme [D] et M. [Y] était le trio infernal, la Croix Rouge française essayait de les virer mais qu'ils n'y arrivaient pas, M. [S] avait déjà un dossier de cet ordre'. Peu après, [V] [A] est venu trouver [P] [V] lui demandant la même chose et rapportant les mêmes propos'.
- une attestation du 28 mai 2016, de Mme [P] [V], éducatrice spécialisée, indiquant que 'le jeudi 28 janvier 2016 vers 17h30, Mme [N] [U] est venue parler avec moi de son entretien à [Localité 3]. Elle m'explique avoir rencontré Mme [B] dans les couloirs de l'établissement de la Croix Rouge française à [Localité 3]. Mme [U] m'a rapporté que Mme [B] lui avait dit que 'M. [S], Mme [D] et M. [Y] est le trio infernal de la Croix Rouge à faire sauter'.
- une attestation du 14 décembre 2016 de M. [E] [O], directeur d'établissement social, indiquant 'au cours de la semaine 8 de l'année 2016, M. [A] [V] m'a dit 'lorsque j'ai été reçu à [Localité 3] fin janvier 2016, Mme [B] [M] m'a dit que trois personnes M. [Y], M.[S] et Mme [D] ont des casseroles au cul'.
- le rapport d'enquête interne menée en février-mars 2016 sur la souffrance au travail ;
- une attestation du 5 septembre 2016 de Mme [F] [H], RRH, qui indique 'juste avant d'aller accueillir les 3 salariés, j'ai croisé [M] [B] qui m'a interpellée sur cette situation. Eu égard au contexte délicat de ce dossier, je l'ai vivement invitée à respecter son devoir de discrétion et confidentialité. Force est de constater que malgré mon alerte, cette dernière est allée le jour même rencontrer ces 3 salariés et créer un trouble dans leur esprit en portant des accusations délétères quant au directeur de cette structure mais aussi le directeur filière métier, N+1 du directeur';
- une attestation du 11 septembre 2017 de Mme [T] [Q], directrice d'établissement, qui indique 'Mme [X] [R] a bien identifié nommément Mme [M] [B], directrice régionale adjointe, et non par une seule description physique lors de son entretien concernant les griefs que j'aurais eu contre elle'.
- la fiche de poste de Mme [B], qui mentionne que la directrice régionale adjointe : 'fédère les acteurs autour du projet et promeut les synergies de travail au quotidien', ainsi qu''anime l'équipe projet par le développement de la solidarité et de l'efficacité'.
Mme [B] conteste la matérialité des faits, et verse aux débats une attestation de M. [F], responsable informatique, qui indique le 14 mars 2016 : 'les propos relatés par M. [L] lors de l'entretien préalable de Mme [B] concernant Mme [R] sont de notoriété publique, Mme [R] avait déjà été avisée par moi-même avant décembre 2015 qu'une information circulait qu'elle était dans le collimateur de sa directrice au regard des compétences qu'elle exigeait pour le poste'.
Il apparaît ainsi que les propos reprochés à Mme [B] sont rapportés par des salariés (M. [T], Mme [V], M. [O]) ayant reçu directement les déclarations des salariés concernés (Mme [U], M. [A]) le jour même ou dans les jours suivants, et ne sont donc pas de simples commérages. En outre, ces témoignages sont concordants, et confirmés par les déclarations de Mme [H], RRH, qui a croisé ce jour-là Mme [B] dans les couloirs et lui a rappelé la confidentialité nécessaire dans ce type d'affaires. Enfin, Mme [B] ne conteste pas avoir tenu les propos reprochés à Mme [R] en décembre 2015, mais indique que ces propos étaient connus de tous, ce qui ne la dédouane pas pour autant de son obligation de discrétion.
Il résulte également des attestations concordantes que Mme [B] a employé des termes dénigrants ou excessifs pour évoquer les supérieurs hiérarchiques devant les salariés ('trio infernal', 'cramé', 'faire sauter'...), ce qui constitue un abus dans l'exercice de la liberté d'expression dont jouit tout salarié.
Par ailleurs, les propos tenus à [Localité 3], dans les locaux de la direction, et qui critiquaient directement les supérieurs hiérarchiques des trois salariés entendus dans le cadre d'une enquête interne sur la souffrance au travail, ont été tenus par Mme [B] alors que celle-ci, dans le cadre de son poste de directrice régionale adjointe, placé directement sous l'autorité de M. [J], directeur régional de l'Est, devait respecter une obligation de loyauté particulièrement importante vis-à-vis de cette direction à laquelle elle appartenait.
Ainsi, les fonctions exercées par la salariée exigeaient le respect de son obligation de loyauté, vis-à-vis des salariés afin de ne pas les déstabiliser davantage, et vis-à-vis de sa hiérarchie et de la direction régionale.
La violation de son obligation de loyauté par un cadre haut placé, et l'absence de discrétion dans un contexte de souffrance au travail qui lui avait été rappelé par la directrice des ressources humaines juste auparavant, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Il n'y a donc pas lieu de faire droit aux demandes de dommages intérêts de Mme [B] découlant de ce licenciement.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le rappel de salaires au titre du poste de directrice adjointe :
Mme [B] soutient qu'elle aurait dû dès son arrivée au sein de la Croix Rouge française bénéficier de la position 14 qui est par usage attribué aux cadres de l'entreprise occupant le poste de directeur régional adjoint.
Elle verse aux débats pour en justifier l'offre proposée par la Croix Rouge sur son site en 2007, et évoquant un poste à pourvoir 'en position 14".
Il résulte du contrat de travail du 22 août 2007 et de la promesse d'embauche du 20 juillet 2007, que Mme [B] a été embauchée par la Croix Rouge Française en qualité de 'chargée de mission auprès du secrétariat régional en charge de la région [Localité 1]', à la position 12 - palier 3 - coefficient 775, soit un salaire de 3693,49 €.
Or, il résulte de la convention collective du personnel salarié de la Croix-Rouge française que le poste de 'chargé de mission' correspond à une position 11 ou 12.
Il n'est pas contesté au vu des différents mails et de l'organigramme versés aux débats que Mme [B] a occupé à compter de septembre 2007 le poste de secrétaire régional pour la région [Localité 1], poste dont l'intitulé a évolué pour devenir celui de directrice régional adjointe.
Toutefois, il convient de distinguer le libellé de l'emploi relevant de la convention collective auquel est attaché une ou deux positions (chargé de mission, chef de projet) et le libellé du poste (directrice adjointe) qui n'est pas répertorié dans la nomenclature des emplois de cette convention, et qui n'est donc pas rattaché à une position.
Ainsi, il résulte des contrats de travail et des relevés de carrière versés aux débats par la Croix Rouge française que d'autres salariés recrutés comme chargés de mission et occupant le poste de directeur adjoint ont été embauchés à la position 11 (Mme [Z]) ou 13 (M. [C]), et ont obtenu à l'ancienneté la position 14.
De même, Mme [B] qui a été recrutée en 2007 à la position 12, a progressé et a obtenu la position 13 le 1er juillet 2008, et la position 14 à compter du 1er juillet 2014, ainsi qu'il apparaît sur ses fiches de paie.
Mme [B] ne démontre donc pas l'existence d'un usage au sein de la Croix Rouge attribuant automatiquement la position 14 aux salariés occupant le poste de directeur adjoint, cette affirmation étant contredite par les parcours professionnels d'autres salariés tels que Mme [Z] ou M. [C].
Il n'y a donc pas lieu de faire droit à cette demande de rappel de salaires.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte de ces textes que lorsque la salariée établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [B] invoque les faits suivants :
- elle est écartée de nombreux projets sur lesquels elle travaille à compter de mai 2015, date de l'arrivée de M. [L] au poste de directeur régional de l'Est ;
- elle est rétrogradée au poste de chargée de mission pour l'accompagnement des délégations de la région [Localité 4] ;
- elle n'est plus destinataire d'aucune information et n'est plus conviée aux déjeuners officiels;
- elle sollicite des demandes de formation qui ne seront jamais accordées ;
- on lui a proposé une rupture conventionnelle en novembre 2014 ;
- elle a été arrêtée à compter de juin 2015 pour dépression et syndrome d'épuisement professionnel.
Pour étayer ses affirmations, Mme [B] produit notamment :
- deux courriels du 15 et du 24 décembre 2015 dans laquelle elle n'apparaît pas dans la liste des destinataires ;
- un rapport de mission de M. [W], manager de transition de novembre 2013 à mai 2014 à la direction régionale Est, qui mentionne 'gestion de la situation de [M] [B] dont le positionnement et le titre même n'ont pas été actés officiellement par YJ malgré de nombreuses demandes de [M] [B] tant au niveau de la DIR que de la DRH siège'.
- un rapport de fin de mission de M. [Y] [J], manager de transition de juillet 2014 à avril 2015 à la direction régionale Est qui indique : 'pour le partage des agendas, deux salariés - Mmes [N] et [H]- ont clairement refusé d'appliquer la consigne du directeur régional à l'encontre de la directrice régionale adjointe malgré plusieurs relances' ;
- une attestation de M. [J] du 19 septembre 2016 indiquant 'la RRH avait à son encontre un comportement particulièrement agressif refusant de rendre compte. Certains dossiers nous ont ainsi échappés' ;
- des courriels adressés par Mme [B] au secrétariat de la présidence de la Croix Rouge pour lui rapporter les dysfonctionnements rencontrés à la DIR (mai à novembre 2015) ;
- un courriel du 14 novembre 2014 adressée par la chargée de mission à la présidence à Mme [B] lui proposant une régularisation de salaires ou une rupture conventionnelle ;
Si aucun élément n'est produit quant à sa rétrogradation sur le projet de [Localité 4], et le fait qu'elle soit mise à l'écart à compter de mai 2015, Mme [B] établit toutefois l'existence matérielle de faits précis et concordants sur les tensions au sein de la direction régionale, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.
Pour répondre à cette présomption, l'employeur fait valoir que les demandes de formation de Mme [B] ont toutes été traitées en versant un courriel du 29 décembre 2015 qui indique 'le besoin de formation de Mme [B] n'est donc pas arrêté', et précise que Mme [B] a bénéficié des formations suivantes au cours de sa carrière: carrefour de l'emploi (2008) ; piloter un exercice stratégique dans un environnement complexe (2009) ; 9 modules de formation PSC 1 (2012) ; animer et motiver une équipe dans un contexte d'incertitude (2015). Il apparaît que Mme [B] a suivi régulièrement des formations, et n'établit pas que celles-ci lui aient été refusées.
L'employeur conteste également l'affirmation selon laquelle Mme [B] n'aurait été destinataire d'aucune information, alors que seuls deux mails très généraux sont versés aux débats pour en justifier, l'un relatif à des remerciements de la part de M. [K], directeur général adjoint de la Croix Rouge (courriel du 24 décembre 2015), et l'autre au sujet d'une invitation à un verre de l'amitié par M. [L], directeur régional (courriel du 15 décembre 2015). Il apparaît donc que ces deux mails ne concernent pas des informations relatives aux projets ou aux missions, et que Mme [B] ne justifie pas d'une rétention d'informations à son égard.
L'employeur indique par ailleurs que suite aux réclamations de Mme [B] sur sa classification, la direction nationale de la Croix Rouge lui a proposé la rupture conventionnelle comme une option, l'autre option étant un rattrapage partiel des salaires (courriel du 14 novembre 2014), et que ces deux options ont été refusées par Mme [B].
Enfin, il résulte des nombreux audits et rapports versés aux débats que la direction régionale de l'Est dysfonctionnait depuis de nombreuses années, et que les tensions entre les salariés concernaient la quasi-totalité du personnel, ainsi qu'il est rappelé dans le compte rendu des entretiens du 4 mai 2015, qui mentionne que Mme [B] utilisait un ton inadapté et discourtois pour donner des injonctions aux salariés.
L'employeur démontre ainsi que les faits matériellement établis par Mme [B] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Mme [B], qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au vu de la nature de la décision, et de l'inégalité économique entre les parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, en dernier ressort, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] de ses demandes au titre du rappel de salaires et au titre du préjudice moral ;
Infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Dit que le licenciement de Mme [B] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Déboute Mme [B] de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE