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21/03/2019 | FRANCE | N°16/02651

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9, 21 mars 2019, 16/02651


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9



ARRÊT DU 21 MARS 2019



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02651 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BX7TJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 décembre 2015 - Tribunal d'Instance de PARIS (2ème) - RG n° 11-15-30





APPELANTE



BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme prise en la

personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, venant aux droits de la BANQUE SOLFEA en vertu de la cession de créance du 28 février 2017

N° SIRET ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9

ARRÊT DU 21 MARS 2019

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02651 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BX7TJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 décembre 2015 - Tribunal d'Instance de PARIS (2ème) - RG n° 11-15-30

APPELANTE

BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, venant aux droits de la BANQUE SOLFEA en vertu de la cession de créance du 28 février 2017

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée de Me Edgard VINCENSINI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0496

Substitué à l'audience par Me Laurent BONIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0496

INTIMÉS

Monsieur [F] [F]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

Madame [O] [Z] épouse [F]

née le [Date naissance 2] 1967 à [Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

SCP [V] [Y] prise en la personne de maître [X] [Y] ès-qualités de liquidateur de la société NOUVELLE RÉGIE DES JONCTIONS DES ÉNERGIES DE FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 3]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 janvier 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, conseiller et Mme Agnès BISCH, conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe DAVID, Président

Mme Fabienne TROUILLER,

Mme Agnès BISCH, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Philippe DAVID, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 3 décembre 2013, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. et Mme [F] signaient auprès de la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE, un bon de commande pour l'achat d'un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque, ainsi qu'un ballon thermodynamique, pour un montant de 22 990 euros. Un crédit du même montant était consenti le même jour à M. et Mme [F] par la société BANQUE SOLFEA afin de financer cette installation.

Le 13 décembre 2013, M. [F] signait une attestation de fin de travaux, et la banque procédait au règlement des fonds.

Par jugement en date 12 novembre 2014, le tribunal de commerce de Bobigny ouvrait une procédure de liquidation judiciaire au profit de la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE et désignait Me [X] [Y] en qualité de liquidateur.

Les 11 et 13 février 2015, M. et Mme [F] assignaient Me [X] [Y], en qualité de liquidateur judiciaire de la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE, enseigne de la Société Nouvelle Régie des jonctions des Energies de France (NRJEF),et la société BANQUE SOLFEA devant le tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris, en vue d'obtenir l'annulation du contrat principal et celle du contrat de crédit affecté, ainsi que la dispense de remboursement à la banque du capital emprunté.

Par jugement réputé contradictoire en date du 4 décembre 2015, le tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris :

- Rejetait la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes,

- Prononçait la nullité du contrat conclu le 3 décembre 2013,

- Constatait la nullité de plein droit du contrat de crédit,

- Ordonnait à la société BANQUE SOLFEA de restituer à M. et Mme [F] les sommes déjà versées au titre du contrat de prêt,

- Disait que M. et Mme [F] seront dispensés de restituer à la société BANQUE SOLFEA le montant du crédit affecté,

- Condamnait la société BANQUE SOLFEA à payer à M. et Mme [F] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La juridiction rejetait la demande de la société BANQUE SOLFEA visant à faire déclarer satisfactoire sa proposition de raccordement. Elle retenait que le contrat principal ne satisfaisait pas aux exigences formelles du code de la consommation, et que la banque avait commis une faute en ne vérifiant pas la régularité du contrat établi par son partenaire commercial, la privant du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté.

Par déclaration en date du 22 janvier 2016, la société BANQUE SOLFEA relevé appel de cette décision.

Aux termes d'une cession de créance intervenue le 28 février 2017, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE est venue aux droits et obligations de la société BANQUE SOLFEA.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 10 octobre 2018, l'appelante demande à la cour l'infirmation du jugement rendu en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. et Mme [F] de leurs demandes de dommages et intérêts et de dépose des panneaux par la société BANQUE SOLFEA. Elle sollicite de la cour de :

- déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme [F],

- les débouter de l'intégralité de leurs demandes,

- juger que la preuve d'une cause de résolution du contrat principal n'est pas rapportée,

- juger que la preuve d'une cause de nullité du contrat principal n'est pas rapportée,

- juger que la violation des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation est sanctionnée par une nullité relative,

- juger que M. et Mme [F] ont eu connaissance des irrégularités du bon de commande dès la signature de celui-ci,

- juger que les causes éventuelles de la nullité ont été couvertes par des actes postérieurs non équivoques,

- par conséquent, dire que l'exécution des contrats doit être poursuivie, et que M. et Mme [F] sont tenus de rembourser à la banque les échéances de prêt restituées en exécution du jugement, soit la somme de 3 422,77 euros,

- subsidiairement, au fond, si le contrat de crédit était annulé ou résolu, en conséquence de l'annulation ou de la résolution du contrat principal, de :

- juger que la société BANQUE SOLFEA n'a commis aucune faute,

- condamner M. et Mme [F] à rembourser à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société BANQUE SOLFEA, l'intégralité du capital restant dû à la date du jugement, soit la somme de 22 990 euros, sous déduction des échéances déjà payées mais avec intérêts au taux légal à compter de la remise des fonds,

- Dire que le préjudice éventuellement subi par M. et Mme [F] n'est pas caractérisé, que la preuve d'un préjudice équivalent au montant du capital emprunté n'est pas rapportée, et que le lien de causalité entre la faute de la banque et le préjudice éventuellement subi n'est pas caractérisé,

- très subsidiairement au fond, si la responsabilité de la société BANQUE SOLFEA était engagée, de juger que le montant du préjudice des intimés ne peut être égal au montant du capital prêté et le réduire à de plus justes proportions,

- en tout état de cause, condamner solidairement M. et Mme [F] à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [F], dans leurs dernières écritures signifiées le 29 octobre 2018, demandent à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation des contrats de vente et de crédit affecté et dire que M. et Mme [F] ne sont pas tenus à rembourser ledit crédit en raison de la faute de la société BANQUE SOLFEA qui devra leur restituer les sommes versées,

- à titre subsidiaire, si la nullité du bon de commande et du contrat de crédit affecté n'était pas prononcée, prononcer la résolution du contrat de vente et de crédit pour faute de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,

- en toute état de cause, débouter la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de sa demande de restitution des sommes prêtées et la condamner à restituer l'ensemble des mensualités du prêt affecté déjà payées par M. et Mme [F],

- condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à leur verser la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Me [X] [Y], liquidateur judiciaire, à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 25 avril 2016, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 octobre 2018.

SUR CE,

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes :

En application des articles L. 622-21 I et L. 641-3 du code de commerce, le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire, interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Il résulte de l'article L. 622-22 du même code que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de créance et qu'elles sont alors reprises de plein droit en présence du mandataire judiciaire mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

En l'espèce, par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 12 novembre 2014, la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE, enseigne de la Société Nouvelle Régie des jonctions des Energies de France (NRJEF) a été placée en liquidation judiciaire. L'action de M. et Mme [F], introduite par assignation des 11 et 13 février 2015, vise à la nullité du contrat principal signé avec cette société et, de manière subséquente, à celle du contrat de crédit.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, cette action ne vise pas au paiement d'une somme d'argent et elle ne tend pas non plus en elle-même à l'exécution d'une obligation de faire par Me [X] [Y], ès-qualités de liquidateur de la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE.

Dès lors, les demandes de M. et Mme [F], qui en l'espèce, n'auront aucune conséquence sur le passif de la liquidation, ne se heurtent pas au principe de l'arrêt des poursuites et c'est à juste titre que le premier juge a déclaré leurs demandes recevables et examiné leurs prétentions au fond.

Sur la demande d'annulation

1- Au soutien de la demande de nullité du contrat principal, M. et Mme [F] invoquent notamment le non-respect des dispositions d'ordre public du code de la consommation.

En application de l'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat « Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1°) nom du fournisseur et du démarcheur ;

2°) adresse du fournisseur ;

3°) adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4°) désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des prestations de services proposés ;

5°) conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6°) prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1;

7°) faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 ».

Ces dispositions sont liées à l'obligation générale d'information prévue à l'article L. 111-1 du code de la consommation.

Comme le relève à juste titre le premier juge, il apparaît effectivement que le bon de commande remis à l'en-tête de la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE, ne mentionne pas les caractéristiques techniques des biens en cause (marque, poids, composition des panneaux, surface, références techniques, caractéristiques en termes de rendement, de capacité de production et de performances).

Ces caractéristiques essentielles des biens offerts auraient dû figurer dans le contrat de vente, de sorte que ces irrégularités constituent une cause de nullité du contrat.

La méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation, édictées dans l'intérêt des personnes démarchées à domicile que ces textes ont vocation à protéger, est toutefois sanctionnée par une nullité relative.

L'article 1338 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 énonce : « L'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.

A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.

La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers ».

A cet égard, il apparaît que le bon de commande litigieux, dont il n'est produit qu'une copie peu lisible, comporte les conditions générales de vente, la reproduction intégrale des articles du code de la consommation, le bordereau d'annulation au visa de ces articles et, au recto, au dessus de la signature des acquéreurs, la mention suivante :

« CHAMPS RESERVES AU CLIENT

Je déclare avoir pris connaissance des conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande et notamment de la faculté de rétractation prévue par l'article L. 121-25 du code de la consommation ».

Avec encore la mention : « si vous annulez votre commande, vous pouvez utiliser le formulaire détachable ci-contre : ».

M. et Mme [F] n'ont pas usé de la possibilité qui leur était offerte de se rétracter.

En l'espèce, il s'agira donc de déterminer, d'une part si les acquéreurs avaient connaissance et conscience de la nullité du contrat de vente, et d'autre part s'ils ont entendu confirmer ledit contrat en toute connaissance de cause.

A cet égard, il ressort des pièces produites que M. et Mme [F] ont accepté la pose et l'installation des panneaux, ont attesté le 13 décembre 2013 de la parfaite exécution du contrat d'achat de l'installation photovoltaïque, provoquant le déblocage des fonds le 31 janvier 2014.

Le 7 janvier 2015, postérieurement à un courrier du 30 juillet 2014 par lequel ils mettaient en demeure la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE d'annuler le contrat de vente sur le fondement des articles L. 121-23 du code de la consommation, M. et Mme [F] ont fait procéder au raccordement de l'installation.

Le 13 juin 2016, soit plus d'un an après leur assignation, M. et Mme [F] ont également facturé la somme de 757,86 euros à EDF au titre de leur production photovoltaïque pour la période du 11 juin 2015 au 12 juin 2016, après qu'ils aient conclu avec elle un contrat d'achat de l'électricité produite, et ils ont enfin honoré les échéances de leur prêt jusqu'au jugement attaqué, démontrant encore leur volonté de couvrir la nullité du contrat principal.

M. et Mme [F] utilisent ainsi l'installation depuis sa mise en service en janvier 2015, soit depuis plus de quatre ans.

Il apparaît ainsi que M. et Mme [F] avaient parfaitement connaissance des moyens de nullité qu'ils invoquent aujourd'hui.

Dès lors, il se déduit de ces éléments que M. et Mme [F] ont eu, à compter du 13 décembre 2013, lorsqu'ils ont attesté de la parfaite exécution du contrat principal, et de janvier 2015, lorsqu'ils ont fait procéder au raccordement de l'installation photovoltaïque, la volonté effective, réitérée et non équivoque, de renoncer aux moyens et exceptions qu'ils auraient pu opposer contre cet acte et de purger les vices affectant le bon de contrat de vente.

2- Par ailleurs, M. et Mme [F] invoquent également avoir été victimes d'un dol, parce que la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE aurait usé de mensonges et d'artifices émanant de son commercial qui aurait volontairement omis de leur remettre la simulation commerciale, et parce que les man'uvres ont consisté à faire miroiter un rendement économique de l'opération proposée, et un projet autofinancé qui ont déterminé leur consentement.

Cependant, le dol ne se présume pas et doit être prouvé. Or M. et Mme [F] se contentent de simples allégations et n'apportent pas le moindre début de preuve, alors même que la charge de la preuve leur appartient.

Il apparaît qu'en réalité, M. et Mme [F] estiment que leur investissement n'est pas aussi rentable qu'ils ne l'escomptaient. Pour autant leur consentement n'a pas été vicié.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme [F] ne peuvent se prévaloir de la nullité invoquée, étant relevé que ceux-ci bénéficient à ce jour d'une installation fonctionnelle raccordée au réseau ERDF et leur procurant des revenus.

3- M. et Mme [F] également sollicitent la résolution du contrat principal et celle du contrat de crédit affecté.

L'article 1184 du code civil dispose que : « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques en cas de non respect des obligations par l'une des parties ».

La résolution du contrat ne peut être prononcée qu'après la constatation d'une inexécution grave, portant sur une obligation principale, déterminante pour la bonne exécution du contrat.

M. et Mme [F] font ainsi valoir que la preuve de l'obtention de la déclaration préalable en mairie et celle du CONSUEL ne serait pas rapportée, pour en conclure que la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE a manqué gravement à ses obligations.

A cet égard, le bon de commande contient en effet un encadré relatif aux démarches administratives, prévoyant que le raccordement de l'onduleur au compteur de production, l'obtention du contrat de rachat de l'électricité produite et la démarche auprès du CONSUEL d'Etat, seront à la charge de la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE.

Cependant, il résulte des conditions générales de vente que seules les démarches administratives nécessaires au raccordement et à la conclusion du contrat d'achat de l'électricité produite pour permettre aux acquéreurs de raccorder leur installation et de revendre l'électricité qu'elle produirait, étaient prises en charge par la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE, mais non les autorisations administratives en tant que telles, celle-ci relevant du pouvoir de la mairie du domicile des acquéreurs.

Le raccordement et les autorisations administratives relevaient donc de tiers sur lesquels la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE n'avait pas d'emprise.

Il résulte encore des pièces versées aux débats qu'une proposition de raccordement électrique a été faite par ERDF à compter du 13 novembre 2014, et que finalement l'installation photovoltaïque a été raccordée et mise en service.

La preuve d'une inexécution contractuelle déterminante, au regard du contrat principal, n'est donc pas rapportée.

4- En ce qui concerne la résolution du contrat de crédit affecté, celle-ci se traduit normalement par la restitution par les emprunteurs du capital prêté, déduction faite des sommes versées à l'organisme prêteur, sauf à démontrer une faute de celui-ci dans l'exécution de ses obligations de nature à le priver de sa créance de restitution.

En ce sens, M. et Mme [F] font grief, à la société BANQUE SOLFEA, d'avoir commis une faute dans la délivrance des fonds le 31 janvier 2014, soit moins de deux mois après la signature du bon de commande le 3 décembre 2013, le prêt ayant d'ailleurs été accepté le 6 décembre 2013 avant que la banque soit en possession de l'attestation de fin de travaux du 13 décembre suivant.

Il est indiqué sur cette attestation que les travaux, objets du financement, sont terminés et conformes aux devis, mais ne couvrent pas le raccordement au réseau éventuel et les autorisations administratives éventuelles.

M. et Mme [F] font encore grief à la société BANQUE SOLFEA d'avoir délivré des fonds alors que le bon de commande était irrégulier et l'attestation de fin de travaux, finalement irrecevable.

Ils considèrent qu'en qualité de spécialiste du financement énergétique, elle aurait dû procéder aux vérifications nécessaires portant sur la régularité de l'opération financée et sur la régularité formelle des actes composant cette opération, pouvant aller jusqu'à la vérification de l'état d'achèvement du chantier.

Aux termes de l'article L. 311-31 du code de la consommation, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation, laquelle doit être complète.

Il est également constant que le prêteur qui délivre les fonds au vendeur ou prestataire de services sans s'assurer préalablement que celui-ci a exécuté son obligation, commet une faute qui le prive de la possibilité de se prévaloir à l'égard de l'emprunteur des effets de l'annulation du contrat de prêt, conséquence de l'annulation du contrat principal.

Au regard de l'interdépendance des contrats qui participent d'une même opération économique, la banque a une obligation de vérifier la régularité formelle du contrat financé, mais le législateur n'a pas instauré une responsabilité de plein droit de la banque en raison des manquements de son partenaire commercial en charge de préparer le contrat de crédit. La responsabilité du banquier suppose l'existence d'une violation manifeste et caractérisée de la réglementation instaurée pour protéger le consommateur, et la démonstration d'un préjudice en lien avec ce manquement.

Cependant, ainsi qu'il a été rappelé, les acheteurs ont signé le certificat de livraison contenant une acceptation sans réserve, et l'ordre donné à la société BANQUE SOLFEA de payer la somme de 22' 990 euros représentant le montant du crédit. D'autre part, l'installation fonctionne.

La société BANQUE SOLFEA n'avait pas à vérifier la réalité des déclarations de M. et Mme [F], ni s'assurer personnellement de la conformité des livraisons.

Ainsi ne pouvait-elle refuser de débloquer le prêt et s'opposer aux instructions formelles données par ses clients pour y procéder, ces derniers étant libres de se prévaloir ou non des nullités édictées en leur faveur.

Les moyens développés au soutien d'une demande en résolution du contrat de crédit apparaissent donc inopérants.

Dans ces conditions, le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. et Mme [F].

M. et Mme [F] seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes.

Les contrats litigieux continueront donc à produire leurs effets.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. et Mme [F] succombant en appel seront condamnés en tous les dépens.

En équité, il n'y aura pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile. Chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe :

- Donne acte à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE qu'elle vient aux droits et obligations de la société BANQUE SOLFEA,

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. et Mme [F],

Statuant à nouveau,

- Déboute M. et Mme [F] de toutes leurs demandes en nullité et résolution des contrats conclus avec la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE et la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, qui continueront en conséquence à produire leurs effets,

Y ajoutant,

- Rejette les autres demandes,

- Condamne in solidum M. et Mme [F] aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés directement par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/02651
Date de la décision : 21/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G9, arrêt n°16/02651 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-21;16.02651 ?
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