La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2019 | FRANCE | N°17/10465

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 20 mars 2019, 17/10465


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 20 Mars 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/10465 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B35JJ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° F 14/08158





APPELANTE



EPIC OPERA NATIONAL DE [Localité 1] Pris en la personne de son représentant légalr>
[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : [Établissement 1]79



représentée par Me Pierre-henri D'ORNANO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0213





INTIME



Monsieur [L...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 20 Mars 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/10465 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B35JJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° F 14/08158

APPELANTE

EPIC OPERA NATIONAL DE [Localité 1] Pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : [Établissement 1]79

représentée par Me Pierre-henri D'ORNANO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0213

INTIME

Monsieur [L] [I]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Claire DAUBREY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1540 substitué par Me Jean-Philippe MOREL, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Janvier 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller

Madame Florence OLLIVIER, Vice Président placé faisant fonction de Conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 17 décembre 2018

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinnette COLAS, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [L] [I] a été engagé par l'Opéra National de [Localité 1] suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 1997, en qualité de technicien professionnel, affecté au service transport- patrimoine-décors à l'opéra [Établissement 2].

Il a ensuite été nommé technicien qualifié à compter du 1er septembre 2000. À partir du 1er mars 2006, il a été promu sous-chef au service intérieur de l'Opéra National de [Localité 1] au siège soit à Bastille. Il bénéficie du statut de cadre et est placé au niveau IV de la classification telle qu'issue de la convention collective.

Actuellement, il occupe les fonctions de « chargé de l'inventaire » du patrimoine mobilier du palais [Établissement 2].

Il bénéficie du statut de salarié protégé.

Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits salariaux, et considérant être victime d'une discrimination syndicale, M. [L] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 17 juin 2014 afin d'obtenir divers rappels de salaire, des dommages-intérêts pour discrimination salariale une indemnité compensatrice de congés payés.

Par un jugement du 30 juin 2017 le conseil de prud'hommes de Paris a condamné l' EPIC Opéra National de [Localité 1] à payer à M. [L] [I] les sommes suivantes :

- 43 504 € au titre d'un rappel de salaire outre 4350,40 euros pour les congés payés afférents,

- 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'EPIC Opéra National de [Localité 1] a, par la voie de son avocat, relevé appel du jugement, par une déclaration transmise par le réseau virtuel des avocats en date du 21 juillet 2017.

Par des écritures remises par le réseau privé virtuel des avocats auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens invoqués, L'EPIC Opéra National de [Localité 1] demande à la cour d'infirmer le jugement, d'ordonner le remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement, de débouter M. [L] [I] de l'intégralité de ses prétentions et de le condamner à lui verser une indemnité de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des écritures remises par le réseau privé virtuel des avocats auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens invoqués, M. [L] [I] demande à la cour de reconnaître que l'employeur a violé le principe de l'égalité salariale, relève appel du jugement déféré et sollicite la condamnation de l'EPIC Opéra National de [Localité 1] à lui verser les sommes suivantes :

- 62 880 € au titre d'un rappel de salaire,

- 6288 € pour les congés payés afférents,

- 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi.

Il demande également à la cour de donner injonction à l'EPIC Opéra National de [Localité 1] de revaloriser son salaire brut de 599 € par mois, à compter du 1er janvier 2019, sous astreinte de 20 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir.

Il sollicite enfin le versement d'une indemnité de 4500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS 

Sur la demande au titre de l'égalité salariale ;

En vertu du principe « à travail égal salaire égal », l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunérations entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal salaire égal » de soumettre des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité.

Si de tels éléments de fait sont établis, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant la différence.

Après avoir exposé qu'il a, dès 2010, évoqué une différence significative entre son salaire et celui des autres cadres de l'Opéra National de [Localité 1] se trouvant dans une situation équivalente et indiqué avoir saisi l'inspection du travail de cette situation, M. [L] [I] allègue des éléments suivants:

- l'EPIC Opéra National de [Localité 1] n'a pas une politique de rémunération transparente par la mise en place d'une grille de critères permettant d'objectiver lesdites rémunérations et d'en informer les salariés,

- sa rémunération est inférieure au salaire médian de la catégorie des cadres dont il relève.

Pour en justifier, il communique le rapport de l'inspection du travail rédigé le 26 février 2013, lequel a mis en évidence la différence de rémunérations mais aussi d'évolution des coefficients de rémunération entre ceux qui lui sont appliqués et ceux qui sont appliqués aux autres salariés dans une situation identique.

L'inspection du travail a sollicité et obtenu les bulletins de paie des mois de décembre 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 de quatre salariés de la catégorie cadre classés au niveau 4 de la convention collective, les comptes-rendus annuels d'évolution des 4 salariés concernés ainsi que le bilan social de l'Opéra National de [Localité 1] pour les années 2010 et 2011.

Outre M. [L] [I], les 3 autres salariés concernés sont M. [M] [P] , M.[U] [A] et M. [O] [D].

Les salaires mensuels de ces 4 salariés ressortent de la manière suivante :

2008

2009

2010

2011

2012

M. [P]

sous chef

3029,56

3226,12

3364,93

3364,93

3442,23

M. [A]

coordinateur

2420,09

2552,14

2582,81

2582,81

2705,58

M. [D]

sous chef

2464,58

2489,93

3046,62

3137,57

3137,57

M. [L] [I]

sous chef

2153,17

2291,53

2387,28

2387,28

2432,75

Les coefficients de rémunération appliqués à ces salariés ont été les suivants :

2008

2009

2010

2011

2012

M. [P]

sous chef

681

718

740

740

757

M. [A]

coordinateur

544

568

568

568

595

M. [D]

sous chef

554

670

670

690

690

M. [L] [I]

sous chef

484

510

525

525

535

Monsieur [I] note qu'aucune fiche de poste n'existait avant 2013, que l'EPIC Opéra National de [Localité 1] a minimisé ses attributions, qu'il n'a pas bénéficié d'entretiens d'évaluation notamment .

Pour combattre la minimisation de ses missions, M. [L] [I] communique de nombreux documents de nature à révéler leur importance au sein même de l'opéra. Il a été notamment tout spécialement chargé du dossier relatif à l'évaluation du coût et au suivi de la restauration des orgues Cavaillé du Palais [Établissement 2], classées au titre des monuments historiques.

Il justifie également des démarches entreprises par lui pour la mise en vente d'objets d'intérêt historique et artistique conservés au sous-sol de l'établissement.

Enfin, il produit des lettres de différentes personnalités le félicitant pour ses fonctions au sein du conseil économique et social régional d'île de France ainsi que les éléments soulignant ses qualités et évoquant sa nomination au grade de chevalier de l'Ordre National du Mérite.

Par ces éléments, M. [L] [I] établit des faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

L'EPIC Opéra National de [Localité 1] estime que la seule appartenance du salarié à une même catégorie socioprofessionnelle n'implique pas une identité de situation, une analyse comparative des fonctions, des tâches et des responsabilités de chacun devant être opérée, en sorte que la méthode retenue par l'inspection du travail et que Monsieur [L] [I] reprend, est inappropriée. Il fait observer qu'il a été soutenu à bon escient par le directeur des ressources humaines que « les fixations de salaires se font sur la base d'éléments de management personnels » ce qui ne signifie pas que les rémunérations sont décidées de façon discrétionnaire.

L'EPIC Opéra National de [Localité 1] se livre à une étude comparative des situations des quatre salariés en ce compris de l'évolution de leurs fonctions et responsabilités respectives depuis leur embauche et en conclut qu'elles ne sont ni identiques, ni similaires, qu'au regard de la réalité des fonctions qu'il exerce, sans assurer aucun encadrement, sans aucune contrainte horaire, et avec un périmètre de responsabilités restreint, la différence de rémunération réservée à Monsieur [L] [I] repose sur des éléments objectifs.

C'est par de justes motifs, que la Cour adopte, que les premiers juges ont, après avoir procédé à une exacte et précise analyse des pièces qui leur étaient soumises par les parties et des explications fournies et en tous points similaires à celles qui sont présentées à la Cour, retenu que l'EPIC Opéra de [Localité 1] ne démontre pas l'existence de raisons objectives et pertinentes justifiant la différence de rémunération litigieuse.

En effet, les quatre salariés relèvent tous de la catégorie « cadre niveau 4 » en application de la convention collective applicable. Il a été relevé à bon escient que si les intéressés n'exercent pas des fonctions strictement similaires, il ressort des seuls éléments communiqués que lesdites fonctions impliquent un niveau de responsabilités, de capacités tout à fait comparable en sorte qu'ils effectuent in fine, un travail de valeur égale et se trouvent par voie de conséquence placés dans une situation identique.

Ainsi à titre d'exemple, si Monsieur [P] est en charge de l'achat de mobilier et de la location des espaces, et Monsieur [D] de la gestion des prestataires de services associés, du suivi de la gestion des autorisations de stationnement et des moyens d'accès dans le cadre du plan Vigipirate, la responsabilité de l'évaluation du coût et le suivi de la restauration des orgues du palais [Établissement 2], tout en assumant ses missions habituelles liées à l'inventaire du mobilier, impliquent un niveau de responsabilités et une charge similaires au regard des missions dévolues à ces divers cadres relevant tous « des services généraux ».

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre du rappel de salaire ;

La différence injustifiée de salaire implique que soit ordonné l'alignement de la rémunération du salarié lésé sur celle des collègues se trouvant dans la même situation.

Au regard de l'évolution du salaire médian entre 2011 et 2018 tel que proposée par le salarié, observation étant faite que l'employeur qui seul détient les éléments d'information utiles en matière de salaires des cadres des services généraux mais ne les fournit pas, des sommes qu'il a perçues et de la différence de salaire retenue de 599 euros en dernier état par Monsieur [L] [I] lui-même entre ce salaire médian et le salaire qu'il perçoit, la cour fera droit à ses demandes tant en ce qui concerne le rappel de salaire qu'en ce qui a trait l'injonction faite à l'EPIC Opéra National de [Localité 1] de porter le salaire à une somme incluant ce différentiel de 599 euros.

Aucune astreinte ne sera prononcée, aucune circonstance particulière ne le justifiant.

Sur le préjudice moral ;

La différence injustifiée de salaires subie par Monsieur [L] [I] au regard des rémunérations accordées à divers cadres et notamment aux cadres des services généraux dont les responsabilités sont comparables, et ce, au vu et au su de ses collègues est à l'origine d'un préjudice moral que la cour évalue à la somme de 5000 €.

Sur les dépens et les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

L'EPIC Opéra National de [Localité 1], qui succombe dans la présente instance sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux entiers dépens.

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. une indemnité de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 2 500 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré sauf sur le quantum du rappel de salaire accordé, et en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [I] de sa demande de dommages-intérêts pour le préjudice moral,

Le réforme sur ce point,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne l'EPIC Opéra National de [Localité 1] à verser à Monsieur [L] [I] les sommes suivantes :

- 62 880 € au titre d'un rappel de salaire,

- 6288 € pour les congés payés afférents,

- 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi,

- 2 500 en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Donne injonction à l'EPIC Opéra National de [Localité 1] de revaloriser son salaire brut de 599 € par mois, à compter du 1er janvier 2019,

Déboute Monsieur [L] [I] de sa demande d'astreinte,

Condamne l'EPIC Opéra National de [Localité 1] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/10465
Date de la décision : 20/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°17/10465 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-20;17.10465 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award