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20/03/2019 | FRANCE | N°17/03445

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 20 mars 2019, 17/03445


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 20 MARS 2019



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/03445 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B22JX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Février 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 16/01426







APPELANTE



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[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

Représentée par Me Olivier GADY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0372







INTIMÉE



SA IPSOS OBSERVER

[Adresse ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 20 MARS 2019

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/03445 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B22JX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Février 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 16/01426

APPELANTE

Madame [O] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

Représentée par Me Olivier GADY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0372

INTIMÉE

SA IPSOS OBSERVER

[Adresse 2]

[Adresse 2]

RCS de Paris n° 403 246 606

Représentée par Me Emilie GASTÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2143

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre

Mme Anne BERARD, Présidente de chambre

Mme Aline DELIÈRE, Conseillère, rédactrice

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Martine JOANTAUZY

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, présidente de chambre et par Madame Martine JOANTAUZY, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [O] [O] a été engagée par la société IPSOS Observer en qualité d'enquêtrice vacataire à compter du 1er octobre 2007 dans le cadre de contrats de travail successifs à durée déterminée d'usage.

Le 8 février 2016 elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et en paiement de rappels de salaire, de diverses indemnités et de dommages et intérêts.

A compter du mois d'août 2016 la société IPSOS Observer ne lui a plus confié d'enquêtes.

Par jugement du 1er février 2017 le conseil de prud'hommes a débouté Mme [O] de toutes ses demandes, l'a condamnée aux dépens et a rejeté la demande de la société IPSOS Observer au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [O] a fait appel le 3 mars 2017.

Elle expose ses moyens et ses demandes dans ses conclusions notifiées et remises au greffe le 31 octobre 2018 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elle conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour :

- d'ordonner la requalification de ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée,

- de fixer son ancienneté au 1er octobre 2007,

- de dire que l'interruption de la relation de travail à la date du 24 juillet 2016 s'analyse en un licenciement nul,

- d'ordonner sa réintégration,

- de condamner la société IPSOS Observer à lui payer les sommes suivantes :

* 42 085,86 euros à titre de rappel de salaire du 24 juillet 2016 au 4 décembre 2018, outre la somme de 4208,58 euros au titre des congés payés afférents, ou à titre subsidiaire la somme de 27 167,38 euros sur la base d'un travail à temps partiel de 65 %, outre 2716,73 euros au titre des congés payés afférents,

- de renvoyer aux parties les calculs des rappels de primes de vacances, compléments d'indemnité de repas et congés d'ancienneté postérieurs au 4 décembre 2018.

A titre subsidiaire elle demande à la cour de dire que son licenciement à la date du 23 juillet 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société IPSOS Observer à lui payer les sommes suivantes :

* indemnité compensatrice de préavis : 2965,14 euros, outre la somme de 296,51 euros au titre des congés payés afférents,

* indemnité de licenciement : 2638,97 euros,

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18 000 euros,

ou à titre subsidiaire :

* indemnité compensatrice de préavis : 1931,82 euros, outre la somme de 193,18 euros au titre des congés payés afférents,

* indemnité de licenciement : 1703,29 euros,

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 11 500 euros.

En tout état de cause, elle demande à la cour de condamner la société IPSOS Observer à lui payer les sommes suivantes :

* indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée : 11 860 euros,

* rappel de salaire sur minimum conventionnel : 403,49 euros, et 40,34 euros au titre des congés payés afférents,

* rappel de salaire du 1er février 2011 au 23 juillet 2016 : 37 875,30 euros et 3787,53 euros au titre des congés payés afférents,

* indemnité de repas depuis le 1er février 2011 : 5648,93 euros,

* rappel de prime de vacances depuis 2011 : 7 204,79 euros et 720,48 euros au titre des congés payés afférents,

* rappel de congés d'ancienneté : 613,08 euros,

* dommages et intérêts sur le fondement de l'article L2262-12 du code du travail : 10 000 euros.

Elle réclame également la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et demande à la cour d'ordonner la capitalisation des intérêts.

La société IPSOS Observer expose ses moyens et ses demandes dans ses conclusions notifiées et remises au greffe le 7 novembre 2018 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elle conclut à la confirmation du jugement et réclame la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de :

- fixer à la somme de 810,05 euros, au plus, l'indemnité de requalification sur le fondement de l'article L1245-1 du code du travail,

- ordonner à Mme [O] de lui restituer la somme indûment perçue de 3112,31 euros au titre de « l'indemnité de fin de contrat » prévue à l'article 53 de l'annexe « Enquêteurs » du 16 décembre 1991,

- fixer à la somme de 1526,50 euros bruts, au plus, le rappel de salaire au titre de la relation de travail à temps plein revendiquée,

- dans l'hypothèse où la restitution de « l'indemnité de fin de contrat » ne serait pas ordonnée, de dire qu'aucune somme n'est due à Mme [O] au titre de la relation de travail à temps plein revendiquée,

- cantonner le rappel de salaire au titre de la nullité du licenciement à la somme de 6065,15 euros,

- limiter le montant des indemnités inhérentes à la rupture du contrat de travail ainsi :

* 1620,10 euros au titre du préavis de deux mois en application de l'article 15 de la convention collective SYNTEC, outre 162,01 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 2106 euros au titre de l'indemnité de licenciement en application de l'article 29 de la convention collective SYNTEC,

* 4860,30 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse en application de l'article L1235-3 du code du travail.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1) Sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée

Les contrats de travail de travail de Mme [O] ont été conclus dans le cadre des dispositions des articles L1242-2-3° du code du travail, D1242-1-8° du code du travail et d'un accord du 16 décembre 1991 ayant créé une annexe « Enquêteurs » à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseil et des sociétés de conseil (Syntec).

Dans ce cadre, il appartient à l'employeur de démontrer qu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire des emplois.

Mme [O] a travaillé entre le 1er octobre 2007 et le 23 juillet 2016, soit pendant plus de 8 années en qualité d'enquêteur vacataire dans le cadre de plusieurs centaines de contrats de travail à durée déterminée portant sur une ou plusieurs journées de travail. Elle a travaillé chaque mois, le plus souvent pendant au moins la moitié des jours ouvrables et parfois jusqu'à plus de 20 jours ouvrables par mois. Elle a réalisé un nombre d'heures mensuelles variables et en moyenne plus de 85 heures par mois de février 2011 à juillet 2016.

La société IPSOS Observer soutient seulement que l'activité d'enquête répond à des besoins ponctuels de ses clients, que les enquêtes n'ont aucun lien entre elles et sont imprévisibles, temporaires, discontinues et aléatoires, que chaque demande doit être traitée de façon individualisée, que la durée de réalisation est variable et que la conclusion de contrats de travail à durée déterminée est justifiée par des raisons objectives.

La société IPSOS Observer, dont l'activité principale est la réalisation d'enquêtes et de sondages, ne verse aucune pièce à la procédure sur le volume et la répartition dans le temps de son activité. Elle ne justifie pas que le nombre d'enquêteurs qu'elle emploie et qui travaillent journellement ou sur quelques jours varie de façon importante de semaine en semaine ou de mois en mois.

Par ailleurs, même si elle doit élaborer pour chaque enquête qui lui est demandée une méthodologie, cela n'implique pas qu'elle a besoin d'un enquêteur différent pour chaque type enquête. Ainsi Mme [O] pouvait se voir confier toutes sortes d'enquêtes et appliquer les différentes méthodologies définies pour chaque enquête par son employeur.

La société IPSOS Observer ne démontre pas que son activité d'enquêtes et de sondages est fluctuante au point que l'emploi d'enquêteur de Mme [O] était par nature temporaire et ne pouvait être pourvu dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Après infirmation du jugement, il y a donc lieu de requalifier l'ensemble des contrats de travail signés par Mme [O] en contrat de travail à durée indéterminée.

Aux termes de l'article L1245-2 alinéa 2 du code du travail quand le conseil de prud'hommes fait droit à la demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il accorde au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

A ce titre, après infirmation du jugement, il sera alloué à Mme [O] une indemnité de 1500 euros, dont le montant est supérieur à un mois de salaire.

2) Sur la requalification du temps de travail en temps de travail à temps complet

Mme [O] soutient que la société IPSOS Observer a violé les dispositions de l'article L3123-14 du code du travail sur les mentions du contrat de travail du salarié à temps partiel relatives à la durée et à la répartition du travail.

L'article L3123-14 alinéas 1 et 2 du code du travail dispose : « Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat. »

Il en ressort comme le soutient la société IPSOS Observer que les dispositions qui portent sur la durée et la répartition du travail et qui se réfèrent à des durées hebdomadaires ou mensuelles ne s'appliquent pas aux contrats de travail signés par Mme [O] car ils sont tous d'une durée inférieure à une semaine.

Par ailleurs, les contrats signés par Mme [O], qui portent sur la période allant de décembre 2011 à juillet 2016, sont conformes, quand à la durée et à la répartition du travail, aux dispositions de l'annexe « Enquêteurs » de la convention collective Syntec.

En conséquence, Mme [O] ne peut soutenir que ses contrats de travail à durée déterminée sont irréguliers et qu'ils sont présumés conclus pour un temps complet.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

3) Sur le paiement des périodes interstitielles

Mme [O] réclame le paiement d'un rappel de salaire, sur la base de 151,67 heures par mois, en estimant qu'elle s'est tenue en permanence à la disposition de son employeur comme dans le cadre d'un contrat de travail à temps complet, y compris pendant les périodes entre deux contrats, dites interstitielles.

Le salarié, engagé par plusieurs contrats de travail à durée déterminée successifs et dont le contrat de travail est requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s'il prouve qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

Il ressort des attestations de travail destinées à Pôle emploi et des bulletins de salaire de Mme [O] qu'entre le 1er février 2011 et le 23 juillet 2016 elle a travaillé régulièrement chaque mois, pendant un nombre de jours variable qui pouvait aller jusqu'à plus de 20 jours par mois.

Elle expose qu'elle devait appeler tous les jours entre 15 h 30 et 16 h 30 pour savoir si du travail lui serait confié le lendemain. Ce fait ressort du « livret administratif enquêteurs » remis aux enquêteurs vacataires qui impose aux enquêteurs, qui ne sont pas affectés à une étude, d'appeler le planning tous les jours, à des horaires précis, et s'ils sont « en blanc » pour plusieurs jours d'appeler le dernier jour ouvrable du « blanc ». Les jours de travail vont du lundi au samedi, jusqu'à 21 heures, et le dimanche et les jours fériés en cas d'études spécifiques. La durée des études est variable, d'une journée à plusieurs semaines et il est imposé au salarié d'être disponible au moins 4 jours consécutifs et d'accorder au moins deux samedis par mois.

S'agissant des jours où l'enquêteur doit travailler pour réaliser les études qui lui sont confiées, c'est le chef d'équipe qui distribue le planning pour le lendemain et le cas échéant les jours suivants si l'enquête dure plusieurs jours. Il n'est confié qu'une étude à la fois par enquêteur.

Le livret précise que si l'enquêteur n'appelle pas aux horaires indiqués, il sera remplacé sur l'étude à laquelle il avait été affecté et ne sera plus prioritaire pour le planning.

Mais Mme [O] pouvait poser des jours d'indisponibilité 8 jours à l'avance et choisissait les jours où elle voulait travailler.

En effet, le règlement de la société IPSOS Observer prévoit que l'enquêteur peut poser des jours d'indisponibilité permanente, dès le pré-recrutement, et des indisponibilités ponctuelles, qui sont acceptées systématiquement si elles sont posées au moins 8 jours à l'avance.

Dans des attestations le directeur de terrain de la société Ipsos Observer et la responsable du site de production de [Localité 2] confirment que les enquêteurs peuvent librement, sans avoir à justifier d'un motif, poser des indisponibilités ponctuelles et permanentes sur une partie de la journée ou sur toute la journée et pour la période de leur choix.

La société IPSOS Observer produit un relevé informatique des indisponibilités permanentes et ponctuelles de Mme [O] entre le 6 octobre 2007 et le 31 juillet 2016 ainsi que plusieurs demandes d'indisponibilité ponctuelle posées en 2015 et en 2016 .

Mme [O] ne conteste pas avoir été indisponible en permanence :

- le lundi et le jeudi de 9 h à 11 h à compter du 23 janvier 2008 jusqu'au 4 septembre 2011,

- le samedi de 14 h à 21 h à compter du 2 février 2008 jusqu'au 30 octobre 2009,

- le vendredi de 9 h à 10 h à compter du 10 septembre 2012 au 9 janvier 2014,

- du lundi au jeudi de 9 h à 10 h à compter du 10 septembre 2012 jusqu'à la fin de son contrat de travail,

- le vendredi de 9 h à 10 h à compter du 11 janvier 2014 jusqu'à la fin de son contrat de travail.

Elle ne conteste pas non plus avoir fait régulièrement des demandes ponctuelles d'indisponibilité pour tout ou partie de la journée et a usé de cette possibilité chaque mois pendant un ou plusieurs jours.

Elle n'était pas nécessairement disponible pendant 4 jours consécutifs par semaine comme le prévoit le livret administratif de l'enquêteur et elle a pu poser des semaines complètes d'indisponibilité chaque mois d'août ainsi qu'en janvier 2013.

Mme [O], pendant toute la période concernée, a ainsi organisé son temps de travail comme elle l'entendait et ne s'est pas tenue à la disposition permanente de son employeur.

Il n'est donc pas établi qu'elle était à la disposition permanente de son employeur en dehors des jours où elle a travaillé et le jugement sera confirmé pour avoir rejeté sa demande de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles.

4) Sur les demandes accessoires en paiement

a) Sur la demande de rappel de salaire au titre de l'application du taux conventionnel minimum

La société IPSOS Observer ne conteste pas avoir payé le salaire de Mme [O], entre le 1er février 2011 et le 31 août 2013 sur la base d'un taux horaire qui était inférieur au taux horaire minimum conventionnel.

A ce titre il est du un rappel de salaire de 403,49 euros selon le tableau versé à la procédure, outre la somme de 40,34 euros au titre des congés payés afférents.

Il sera donc fait droit à la demande, nouvelle en appel, de Mme [O].

b) Sur la demande au titre du complément pour tickets restaurant

Le livret administratif prévoit que le salarié bénéficie d'un ticket restaurant pris en charge à hauteur de 50 % par l'employeur, à partir de 6 heures de travail par jour de présence.

Il ressort des bulletins de paye de Mme [O] qu'elle a perçu régulièrement des indemnités au titre des tickets restaurant.

Cette indemnité n'est due que si le salarié est présent dans l'entreprise sur une journée de travail d'au moins 6 heures et Mme [O] ne démontre pas que ces conditions sont remplies, d'autant que sa demande dépend de sa demande en paiement d'un salaire pour un temps plein de travail et pour les périodes interstitielles, qui est rejetée, et qu'elle n'était pas effectivement présente dans l'entreprise pendant les périodes concernées par sa demande de rappel de salaire.

Le jugement, qui a rejeté sa demande, sera confirmé.

c) Sur la demande au titre des primes de vacances

Compte-tenu de la requalification des contrat de travail de Mme [O] en contrat de travail à durée indéterminée la convention collective « Syntec » s'applique et non, contrairement à ce que soutient la société IPSOS Observer, l'annexe « Enquêteur », qui ne concerne pas les enquêteurs travaillant dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun.

L'article 31 de la convention collective dispose : « L'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés.

Toutes primes ou gratifications versées en cours d'année à divers titres et quelle qu'en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu'elles soient au moins égales aux 10 % prévus à l'alinéa précédent et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre. »

Sur la période considérée, et chaque année, Mme [O] pouvait prétendre à une prime de vacances correspondant à 10 % des indemnités de congés payé qu'elle a perçues, montant qu'il convient de retenir à défaut d'autres éléments permettant de fixer le montant de la prime, soit au total pour la période considérée la somme de 639,79 euros.

La société IPSOS Observer justifie lui avoir versé des primes annuelles pendant la même période, pour un montant allant de 210 à 525 euros, en partie entre le 1er mai et le 31 octobre de chaque année, soit au total pour la période considérée la somme de 1625 euros.

Mme [O] a donc été remplie de ses droits, la prime annuelle pouvant être considérée comme une prime de vacances, et le jugement, qui a rejeté sa demande au titre des primes de vacances, sera confirmé.

d) Sur la demande au titre des congés d'ancienneté

L'article 23 alinéa 1 de la convention collective Syntec dispose : « Tout salarié ETAM et I.C. ayant au moins 1 an de présence continue dans l'entreprise à la fin de la période ouvrant droit aux congés payés aura droit à 25 jours ouvrés de congés (correspondant à 30 jours ouvrables). Il est en outre accordé en fonction de l'ancienneté acquise à la date d'ouverture des droits :

- après une période de 5 années d'ancienneté : 1 jour ouvré supplémentaire ;

- après une période de 10 années d'ancienneté : 2 jours ouvrés supplémentaires ;

- après une période de 15 années d'ancienneté : 3 jours ouvrés supplémentaires ;

- après une période de 20 années d'ancienneté : 4 jours ouvrés supplémentaires »

Par l'effet de la requalification des contrats de travail à durée déterminée le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat de travail à durée déterminée irrégulier et peut se prévaloir d'une ancienneté remontant à cette date.

En l'espèce, le premier contrat de travail à durée déterminée signé par Mme [O] a pris effet le 1er octobre 2007 et la date d'effet de la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée est cette date. Elle justifie remplir les conditions pour bénéficier de congés d'ancienneté.

Après infirmation du jugement, il sera donc fait droit à la demande en paiement de Mme [O] à hauteur de la somme de 613,08 euros, arrêtée à la rupture de son contrat de travail, à titre de rappel de salaire pour congés d'ancienneté.

5) Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de respect de la convention collective

Mme [O] invoque les dispositions de l'article L2262-12 du code du travail : « Les personnes liées par une convention ou un accord peuvent intenter toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et, le cas échéant, des dommages-intérêts contre les autres personnes ou les organisations ou groupements, liés par la convention ou l'accord, qui violeraient à leur égard ces engagements. »

A la suite de la requalification de la relation de travail entre les parties en contrat de travail à durée indéterminée, la convention collective Syntec s'applique.

Mme [O] invoque plusieurs manquements de la société IPSOS Observer à ses obligations : elle a appliqué un taux horaire inférieur au minimum conventionnel ; elle a privé Mme [O] des dispositions conventionnelles relatives aux congés d'ancienneté et aux primes de vacances.

Ces manquements sont en effet établis, sauf en ce qui concerne les primes de vacances qui ont été compensées par les primes annuelles, et il a été fait droit aux demandes de rappels de salaire et d'indemnités formées par Mme [O].

Celle-ci invoque également le fait qu'elle n'a jamais bénéficié de la couverture santé et mutuelle prévue par l'article 43 de la convention collective Syntec et qu'elle a été contrainte de souscrire et de payer seule une mutuelle pour couvrir ses frais de santé, ce dont elle justifie.

Sur ce dernier point la société IPSOS Observer répond, sans que Mme [O] le conteste, qu'elle n'était pas tenue de souscrire une garantie santé pour ses salariés jusqu'au 1er janvier 2016 et que depuis cette date elle a bien mis en place une garantie santé dont bénéficie Mme [O].

Celle-ci ne démontre pas avoir subi un préjudice du fait de la violation de certaines dispositions conventionnelles, qui n'aurait pas été réparé par les condamnations prononcées par la présente décision, et le jugement sera confirmé pour avoir rejeté sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

6) Sur la rupture du contrat de travail

a) Sur la demande de nullité de la rupture du contrat de travail

Mme [O] demande à la cour de juger que la société IPSOS Observer l'a licenciée en ne lui confiant plus de nouvelles études à compter du 24 juillet 2016 et que ce licenciement est nul car il s'agit d'une mesure de rétorsion et il porte atteinte à son droit d'agir en justice, protégé par l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La société IPSOS Observer ne conteste pas ne plus avoir sollicité Mme [O] à compter du 24 juillet 2016. La rupture des relations des parties, liées par un contrat de travail à durée indéterminée après requalification, est un licenciement.

Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de son action le 12 février 2016 et la société IPSOS Observer en a été informée le 16 février 2016 à la réception de sa convocation devant le bureau de conciliation.

A compter de cette date la société IPSOS Observer a continué à confier des études à Mme [O], qui a travaillé dans les mêmes conditions qu'auparavant jusqu'au 23 juillet 2016.

Mme [O] ne conteste pas que la société IPSOS Observer lui a proposé régulièrement la signature de contrats de chargé d'enquêtes intermittent à garantie annuelle (CEIGA) et pour la dernière fois le 1er juillet 2016, le salaire annuel minimum garanti étant de 80 % des gains perçus pendant l'année de référence.

Compte-tenu de ces éléments, il n'est pas établi que la société IPSOS Observer ne souhaitait plus confier d'étude à Mme [O] après que celle-ci ait saisi le conseil de prud'hommes et qu'elle a porté atteinte à son droit d'agir en justice.

La demande de nullité du licenciement et les demandes accessoires de réintégration et de paiement d'un rappel de salaire jusqu'au 4 décembre 2018, nouvelles en appel, seront donc rejetées.

b) Sur les demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Lorsqu'un contrat de travail à durée déterminée est requalifié en contrat de travail à durée indéterminée postérieurement à son exécution, la relation contractuelle se trouve rompue de fait et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la date du premier jour suivant le jour ou l'employeur a cessé de fournir du travail au salarié et de le rémunérer.

Le dernier contrat de travail signé par Mme [O] portait sur une étude qu'elle a réalisée le 23 juillet 2016. A compter de cette date elle n'a plus été sollicitée. Il y a donc lieu de retenir que la rupture de la relation contractuelle est intervenue le 24 juillet 2016 et qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salaire brut moyen de Mme [O] est de 956,91 euros.

En conséquence, il sera fait droit à ses demandes à hauteur des sommes suivantes :

- deux mois d'indemnité de préavis, en application de l'article L1234-1 du code du travail et compte-tenu d'une ancienneté au 18 décembre 1997, soit 1913,82 euros, outre 191,38 euros au titre des congés payés afférents,

- 1703,29 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, d'un montant supérieur à l'indemnité de licenciement prévue par l'article 19 de la convention collective Syntec, tenant compte d'une ancienneté de 8 ans et 10 mois.

En application de l'article L1235-3 du code du travail il sera alloué à Mme [O], qui justifie que pendant l'année 2017 elle était sans emploi et a perçu 1000 euros par mois d'allocations de chômage, la somme de 6500 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

7) Sur la demande de la société Ipsos Observer au titre de l'indemnité de fin de contrat

L'indemnité de fin de contrat perçue par le salarié, qui compense la situation dans laquelle il se trouve du fait de son contrat de travail à durée déterminée, lui reste acquise même si son contrat de travail à durée déterminée est requalifié en contrat de travail à durée indéterminée.

En conséquence, la demande de la société IPSOS Observer de compensation du montant des indemnités de fin de contrat perçues par Mme [O] avec l'indemnité de requalification ou avec les sommes qu'elle doit au titre des rappels de salaire doit être rejetée.

8) Sur le remboursement des indemnités de chômage

Il ressort de l'article L1235-4 du code du travail que dans le cas de l'article L1235-3 le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Le remboursement des indemnités de chômage versées à Mme [O] sera donc ordonné dans la limite de 6 mois.

9) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement sera infirmé sur ces deux points.

Les dépens de première instance et les dépens d'appel seront mis à la charge de la société IPSOS Observer, partie perdante, dont la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de Mme [O] la totalité des frais qu'elle a exposés devant les deux juridictions, qui ne sont pas compris dans les dépens, et il lui sera alloué la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de requalification des contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de rappel de salaires pour les périodes interstitielles, au titre des tickets restaurant, au titre des primes de vacances et de dommages et intérêts pour défaut de respect de la convention collective Syntec,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [O] de sa demande de nullité de son licenciement et de ses demandes accessoires,

Condamne la société IPSOS Observer à payer à Mme [O] les sommes suivantes :

- 1500 euros à titre d'indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

- 403,49 euros à titre de rappel de salaire sur la base du taux horaire minimum conventionnel entre le 1er février 2011 et le 31 août 2013, outre la somme de 40,34 euros au titre des congés payés afférents,

- 613,08 euros à titre de rappel de salaire pour congés d'ancienneté,

- 1913,82 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 191,32 euros au titre des congés payés afférents,

- 1703,29 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 6500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus et impayés au moins pour une année entière,

Déboute la société IPSOS Observer de sa demande au titre de l'indemnité de fin de contrat,

Ordonne le remboursement par la société IPSOS Observer aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [O], du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

Condamne la société IPSOS Observer aux dépens de première instance et d'appel et rejette sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/03445
Date de la décision : 20/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°17/03445 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-20;17.03445 ?
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