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14/03/2019 | FRANCE | N°18/00299

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 14 mars 2019, 18/00299


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 14 MARS 2019



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00299 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4XFD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2017 -Juge de l'expropriation de BOBIGNY - RG n° 16/00173





APPELANTE



SARL HOTELS SYMPAS FORMULE

N°SIRET 425 117 884 00022<

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[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant légal : Mme [R] [D] en vertu d'un pouvoir général



Représentée par Me Mohamed LOUKIL de la SCP SCP LOUKIL RENARD ASSOCIES, avocat au barreau...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 14 MARS 2019

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00299 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4XFD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2017 -Juge de l'expropriation de BOBIGNY - RG n° 16/00173

APPELANTE

SARL HOTELS SYMPAS FORMULE

N°SIRET 425 117 884 00022

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant légal : Mme [R] [D] en vertu d'un pouvoir général

Représentée par Me Mohamed LOUKIL de la SCP SCP LOUKIL RENARD ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J069

INTIMÉES

Société SEQUANO AMÉNAGEMENT

N° SIRET 301 852 042 00078

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me François DAUCHY, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE ST DENIS COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Mme [A] [K] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Hervé LOCU, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M.Hervé LOCU, président

M. Gilles MALFRE, conseiller

Mme Marie-José BOU, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Isabelle THOMAS

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, président et par Isabelle THOMAS, greffière présente lors du prononcé.

La S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule était propriétaire d'un fonds de commerce exploité dans des locaux commerciaux situés [Adresse 1] (93), sur la parcelle cadastrée section numéro [Cadastre 1], d'une contenance cadastrale de 414 m², selon acte sous-seing privé du 15 septembre 1999, pour une durée renouvelable de 9 ans.

Il s'agit d'un local commercial dans lequel elle exerce une activité d'hôtel/bar.

La parcelle est située dans le périmètre de la [Adresse 5] à [Localité 3].

Par délibération du 25 juin 2007, le conseil municipal de la ville de [Localité 3] a décidé de créer la [Adresse 5], d'en délimiter le périmètre et d'arrêter le programme global prévisionnel des constructions édifiées à l'intérieur de la zone.

SEQUANO s'est vu confier la réalisation de la [Adresse 5] dans le cadre d'une concession d'aménagement signée le 4 octobre 2007, approuvée par délibération du conseil municipal de la commune de [Localité 3] du 24 septembre 2007.

Par arrêté du 10 mars 2011, le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d'utilité publique acquisition par SEQUANO à l'amiable ou par voie d'expropriation, les terrains nécessaires à l'aménagement de la Zac ainsi que les travaux nécessaires à cette opération ; les effets de l'arrêté déclaratif d'utilité publique du 10 mars 2011 ont été prorogés pour une durée de 5 ans suivant arrêté du préfet de Seine-Saint-Denis du 8 mars 2016.

Par arrêté préfectoral du 25 mars 2016, le préfet de Seine-Saint-Denis a déclaré immédiatement cessible pour cause d'utilité publique, au profit de SEQUANO, la parcelle cadastrée section J numéro 11, nécessaire à la réalisation de l'opération d'aménagement de la [Adresse 5] sur le territoire de la commune de [Localité 3].

Une ordonnance d'expropriation, emportant transfert de propriété des biens situés dans le périmètre de l'opération, a été rendue le 28 juin 2016 au profit de SEQUANO.

Aucun accord n'étant intervenu entre les parties, par mémoire de saisine du 24 octobre 2016 reçu au greffe le 25 octobre 2016, SEQUANO a saisi le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de fixation des indemnités de dépossession à revenir à la S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule.

Après transport sur les lieux le 24 mai 2017, par jugement en date du 21 novembre 2017 le juge de l'expropriation a :

'fixé à 308'940 euros l'indemnité totale d'éviction due par SEQUANO à la S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule se décomposant de la façon suivante :

'280'893,5 euros à titre d'indemnité principale, selon la valeur de l'entier fonds de commerce

'27'039,35 euros à titre d'indemnité de remploi

'précisé que l'indemnité de l'éviction commerciale selon la valeur de l'entière fonds de commerce implique que le commerçant MAC ne se réinstalle pas à court terme à proximité du local commercial exproprié,

'condamné SEQUANO à payer à la S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux dépens.

La S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule a interjeté appel le 16 décembre 2017.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

' déposées au greffe par la S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule , le 14 mars 2018, notifiées le 14 mars 2018 (AR du 19 mars 2018), du 23 mars 2018 notifiées le 27 mars 2018 (AR du 28 mars 2018 et du 3 avril 2018), et le 4 janvier 2009 notifiées le 4 janvier 2019 (AR) aux termes desquelles elle demande à la cour :

'infirmer le jugement du 21 novembre 2017, statuant à nouveau :

'fixer les indemnités lui revenant comme suit :

'indemnité principale d'éviction : 412'250 euros

'indemnité de remploi : 40'075 euros

'indemnité de licenciement : 28'000 euros

'indemnité de déménagement 13'980 euros

'indemnité pour trouble commercial : 15'000 euros

'indemnité de frais administratifs : 8000 euros

'condamner SEQUANO à la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

'adressées au greffe le 18 mars 2018, par SEQUANO, intimé appelant incident, et notifiées le 18 juin 2018 (AR du 21 juin 2018), aux termes de desquelles il demande :

'dire la S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule mal fondée en son appel et la débouter de l'ensemble de ses demandes,

'déclarer recevable et bien-fondé son appel incident, réformer le jugement, et en conséquence fixer l'indemnité d'éviction à revenir S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule comme suit :

'indemnité principale : valeur du fonds de commerce : 74'231 eurosTTCX 2,6= 193'000 euros

'indemnités accessoires :

'frais de remploi : 18'150 euros

'frais de déménagement : à titre principal néant et à titre subsidiaire 11'750 euros HT

'trouble commercial : néant

-frais divers : néant

'frais de licenciement : sursis à statuer

-adressées au greffe le 19 juin 2018 par le commissaire du gouvernement et notifiées le 19 juin 2018 (AR du 28 juin 2018), aux termes desquelles il demande à la cour de confirmer sur le principe et le quantum les modalités de détermination des indemnités fixées par le juge en première instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule fait valoir s'agissant de l'indemnité principale que l'activité d'hôtel a généré un chiffre d'affaire moyen de 91'610,80 euros TTC sur les années 2010- 2015, qu'il convient de retenir, la baisse du chiffre d'affaires des 2 dernières années étant directement liée à la procédure d'expropriation ; l'indemnité d'éviction constituera la quasi-totalité des actifs au moment de la liquidation amiable, celle-ci étant soumise à une imposition tant dans le patrimoine de la société que dans celui de ses associés.

Pour l'indemnité de licenciement, elle a des salariés qu'elle va devoir licencier, leur calcul n'étant pas encore disponible, les indemnités de licenciement seront évaluées à 28'000.€

Pour l'indemnité de déménagement, la fermeture va générer des frais administratifs et juridiques évalués à 13'980 euros.

Pour l'indemnité du trouble commercial la fermeture de l'hôtel génère nécessairement un trouble commercial qui peut être évalué à 15'000 euros.

Sur l'indemnité de frais administratifs, la fermeture de l'hôtel ne manquera pas de générer des frais administratifs et juridiques évalués à 8000 euros.

SEQUANO rétorque que sur la valeur du fonds de commerce, la S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule n'a versé ni en première instance ni en cause d'appel les documents comptables retraçant son activité. L'indemnité d'éviction est censée refléter la valeur réelle et actuelle du fonds de commerce évincé et se calcule sur les données comptables des 3 dernières années ; en l'espèce la société appelante ne justifie pas d'un préjudice causé par la réduction progressive des facteurs locaux commerciaux à l'intérieur de l'opération résultant directement de celle-ci ; la fixation par le tribunal de la valeur du fonds de commerce sur la base des exercices couvrant les années 2010- 2015 est incompréhensible, puisque aucune donnée comptable, autres que les simples affirmations de l'appelant, n'a été versé aux débats pour les exercices 2010,2011,2012 et 2013.

S'agissant du coefficient de valorisation, le coefficient de valorisation revendiqué en cause d'appel doit être écarté, puisque l'appelant ne produit aucun terme de comparaison crédibilisé en sa demande ; il convient de ramener ce coefficient à 2,6 sur la base des termes de comparaison versés aux débats.

Pour les frais de déménagement, le mémoire rectificatif 23 mars 2018, est postérieur à l'expiration du délai 3 mois et en conséquence en application de l'article R321'26, la demande est irrecevable ; à titre subsidiaire la somme sera ramenée à 11'650euros hors-taxes, l'appelant ayant vocation à récupérer la TVA.

Il est pour la première fois sollicité en cause d'appel une indemnité pour trouble commercial de 15'000euros, cette demande est irrecevable et n' est justifiée par aucun élément.

Pour le même motif la demande pour frais divers sera rejetée.

Pour les frais de licenciement la demande sera écartée au profit d'un sursis à statuer dans l'attente de connaître le nombre de licenciement et le montant précis des sommes exposées par l'appelant au titre des indemnités légales de licenciement.

Le commissaire du gouvernement indique que les pièces comptables des années 2015- 2016 ne sont pas disponibles car non déposées et non publiées alors que l'activité est actuellement exercée ; seul le bilan de 2014 est disponible et permet de constater que le taux TVA appliqué est de 5,5 % et non de 20 % comme supposé par les parties.

Compte tenu de la rareté des ventes de fonds commerciaux à usage d'hôtel sur la commune de [Localité 3], une étude de marché a été étendue sur l'ensemble du département qui aboutit à un coefficient moyen de chiffre d'affaires de 3,26 contre un coefficient médian de 2,12 ; compte tenu de la situation géographique du fonds de commerce, de l'évolution des résultats comptables (hausse du chiffre d'affaire en 2015 et 2016), et sous réserve de la publication de tous les éléments comptables de la société, un coefficient 3,5 peut être retenu en 2017.

En cause d'appel l'exproprié ne propose pas de nouveaux termes ; pour les indemnités de déménagement, trouble commercial de frais administratifs, elle sous-tend qu'il y a eu à ce jour une convention de réinstallation élaborée entre les parties ce qui n'a pas été démontré ; par conséquent l'indemnité d'éviction commerciale doit être estimée par la valeur pleine du fonds de commerce majorée de l'indemnité de remploi et des frais éventuels de licenciement sous réserve de justificatifs ; même si cela avait été possible de les calculer, le fait de n'avoir transmis qu'un seul devis pour les frais de déménagement et aucun pour les frais administratifs ne permet pas de calculer rationnellement ces coûts ; pour l'indemnité de licenciement, elle doit se calculer sur la base de justificatifs qui n'ont pas été transmis.

SUR CE

- sur la recevabilité des conclusions et pièces

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 22 décembre 2017 ,à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce les conclusions de la S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule du 14 mars 2018, de SEQUANO du 18 mars 2018 et du commissaire du gouvernement du 19 juin 2018 déposées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions de la S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule des 23 mars 2018 et du 4 janvier 2019 sont de pure réplique à l'appel incident de SEQUANO et ne formulant pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux, sont recevables au delà des délais initiaux.

S'agissant des frais de déménagement, la SEQUANO soulève l'irrecevabilité de la demande sur le fondement de l'article R311- 26 du code de l'expropriation, en indiquant que celle- ci a été formulée au delà du délai de 3 mois en produisant un devis de la société OVER TOP.

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel ; ce même délai vaut également pour un mémoire complémentaire, qui doit également être déposé impérativement dans le délai de 3 mois, ainsi que pour les pièces.

En l'espèce la S.A.R.L. hôtel sympa dans ses conclusions du 14 mars 2018 déposées dans le délai de trois mois ne sollicite aucune indemnité liée à son déménagement et ne produit aucune pièce se rattachant à cette demande.

Dans son mémoire rectificatif du 23 mars 2018, soit postérieurement à l'expiration du délai de 3 mois susvisé, l'appelant sollicite une indemnité de déménagement de 13980 euros en versant aux débats un devis de la société OVER TOP.

Cette demande et la pièce produite à son soutien étant postérieures à l'expiration du délai de trois mois, il convient en application de l'article R311-26 du code de l'expropriation de constater l'irrecevabilité de cette demande.

- au fond

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété , si ce n'est pour cause d'utilité publique , et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Conformément aux dispositions de l'article L322-2, du code de l'expropriation , les biens sont estimés à la date de la décision de première instance , seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L322-3 à L322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel porte sur l'indemnité principale et sur les indemnités accessoires.

S'agissant de la date de référence, il convient de confirmer le jugement qui l'a fixé au 29 mars 2013 en application de l'article L213-6 du code de l'urbanisme, correspondant au PLU approuvé le 25 janvier 2010 , modifié le 29 mars 2013.

S'agissant des données d'urbanisme, le premier juge a exactement indiqué que les locaux commerciaux dans lesquels le commerce est exploité sont situés en zone UIB [Adresse 5] du PLU.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'un fonds de commerce implanté au sein de 2 immeubles cadastrés [Cadastre 1]; les bâtiments ont été construits en R+1 et R+2 datant de 1820.

La S.A.R.L. Hôtels Sympas Formule occupe l'immeuble en vertu d'un bail commercial du 15 septembre 1999 pour une durée renouvelable 9 ans ; le bail porte sur la totalité de l'ensemble immobilier exproprié.

Le commissaire du gouvernement indique que le fonds commercial est situé au pied de la seine, dans une zone peu dynamique, en l'absence de commerce aux alentours, que la situation est peu favorable pour ce type d'activité commerciale , et que la zone est excentrée et loin des transports en commun.

L'appelant souligne que la parcelle est située en bord de seine et à proximité de l'ensemble des services: crèches, écoles, commerces, bus ainsi que des secteurs d'activité, ce qui bénéficie au fonds qu'elle exploite dont l'objet est la location d'appartements meublés pour courts séjours; elle estime que le bâtiment est en parfait état et qu'il présente des caractéristiques exceptionnelles notamment son grand terrain de forme régulière et de surface plane, comportant une cour aménagée et arborée et une accessibilité parfaite.

SEQUANO estime que l'état d'entretien général de l'ensemble immobilier peut être qualifié de passable.

Le premier juge indique que suite au transport sur les lieux, il a été constaté que le bien se trouve dans la [Adresse 5], à environ 15 mn à pied du centre ville et de la station Marie de saint Ouen( ligne 13) et à 2km de la gare des grésillons et de la gare [Établissement 1] (RER C) et desservie également par la ligne de bis 85; il s'agit d'un ensemble immobilier de construction ancienne, à usage d'hôtel meublé, d'habitation et de local commercial, ouvrant sur la route départementale 1 , en bord de la seine, dans une zone d'activités en cours de restructuration ; il est situé à proximité immédiate du Grand Parc de [Localité 3] et de L'île de [Localité 4] ; l'ensemble est en état d'usage et l'entretien extérieur est correct ; la distribution des chambres appartements est empirique ; l'activité d'hôtel meublé est répartie dans 3 corps de bâtiment, au sein d'anciens logements subdivisés en chambres privatives ; les chambres situées au rez-de-chaussée sont dans un état d'entretien passable ; les chambres situées aux 2 étages, la chambre contiguë l'entrepôt et l'appartement professionnel sont dans un état d'entretien correct ; les équipements sont sommaires et usagés.

Le premier juge a conclu que les caractéristiques du bien permettent de dégager :

'un facteur de plus-value : la situation du bien, dans une zone en cours de réhabilitation, en bord de Seine

'des facteurs de moins-value : également la situation du bien, éloigné des transports en commun et de toutes commodités , l'état d'usage de l'intérieur des bâtiments, en particulier des chambres d'hôtel

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé c'est celle de la première instance, soit 21 novembre 2017.

- sur l'indemnité principale

Les parties s'accordent pour déterminer la valeur de l'entier de commerce à retenir la méthode consistant à multiplier le chiffre d'affaires moyen (toutes taxes comprises) des 3 derniers exercices clos par un ratio prix de vente/chiffre d'affaires.

En l'espèce le premier juge a considéré qu' il convenait de prendre en compte les six derniers chiffres d'affaires, la création de la [Adresse 5] ayant eu lieu en 2007 et la DUP en 2011 , et les opérations de réaménagement des Docks ayant eu une influence sur le chiffre d'affaires des activités localisées.

Il a relevé que le chiffre d'affaires réalisé en 2016 n'était pas communiqué et que les données de l'expropriant et de l'expropriée concordent lorsque le taux de TVA appliqué est de 5, 5% comme le soutient à juste titre le commissaire du gouvernement.

SEQUANO relève que l'appelant n 'a versé aux débats ni en première instance , ni en appel les documents comptables( bilans, liasses fiscales).

Le commissaire du gouvernement indique que les éléments comptables d'appréciation commerciale dans son tableau sont issus des données comptables communiquées par l'expropriant et l'expropriée, que les pièces comptables des années 2015 et 2016 ne sont pas disponibles car non déposées et non publiées alors que l'activité est actuellement exercée; seul le bilan de 2014 est disponible et permet de constater que le taux de TVA appliqué est de 5,5% et non de 20%.

Si l' appelant n'a toujours pas versé aux débats les pièces comptables, il produit cependant dans ses conclusions du 4 janvier 2019 ( pièce N°2) une attestation de M&IMCO S.A.R.L. cabinet d'expert comptable du 10 octobre 2016 qui atteste que selon les liasses fiscales déclarées auprès du service des impôts des entreprises de Saint Ouen, les chiffres d'affaires de la S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule étaient comme suit:

2010:79136 euros

2011:82595 euros

2012:85240 euros

2013:81570 euros

2014:59945 euros

2015:69568 euros

Ces chiffres d'affaires correspondent pour les années 2013, 2014 et 2015 aux chiffres du commissaire du gouvernement; le résultat d'exploitation n'est donc connu que pour 2014, de 27833 euros, avec une rentabilité d'exploitation de 46,4% et un bénéfice de 28248 euros.

Cette attestation émanant d'un expert comptable, la cour se basera donc sur ces chiffres d'affaires, étant précisé que l'activité est toujours en cours et que le chiffre d'affaires de 2016 n'est toujours pas communiqué.

Comme l'indique lui même l'appelant, la méthode habituelle consiste à retenir les trois derniers exercices .

Il ne peut cependant être retenu 2016;l'appelant affirme que la baisse du chiffre d'affaire des deux dernières années est directement liée à la procédure d'expropriation ne lui ayant pas permis de réaliser les investissements nécessaires au développement de son fonds de commerce dans un contexte d'éviction annoncée ; cette affirmation ne peut être vérifiée pour les années 2015 et 2016, puisqu'aucune pièce comptable n'est versée pour 2016; en outre l'attestation de l'expert comptable démontre pour le chiffre d'affaires HT une stabilité de 2010 à 2013, une baisse en 2014 à 5994 euros, mais une augmentation en 2015 à 69568 euros; en outre la rentabilité d'exploitation, au regard des pièces versées n'est établie que pour 2015.

En conséquence en l'absence de la preuve d'une baisse du chiffre d'affaire des deux dernières années, il convient de ne pas faire droit à la demande de retenir un chiffre d'affaire moyen de 91610, 80 euros TTC comme demandé par la S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule, mais selon la méthode habituelle comme demandé par la SEQUANO et le commissaire du gouvernement par référence aux pièces comptables des exercices 2013 2015 soit :

'CA TTC 2013 : 86'056euros

'CA TTC 2014 : 63'242 euros

'CA TTC 2015 : 73'394 euros

soit la moyenne de 74'231 euros

Pour le coefficient de situation, le premier juge a retenu 3,5 ; l'appelant sollicite de retenir un ratio de 4,5 en indiquant que l'indemnité d'éviction constituera la quasi-totalité des actifs au moment de liquidation amiable et qu'elle sera soumise à une imposition tant au niveau du patrimoine de la société que dans celui de ses associés ;SEQUANO sollicite au vu de sept ventes de retenir 2,6 ; le commissaire du gouvernement indique que l'estimation des fonds commerciaux dotés d'hôtel-bar est généralement opérée sur la base d'un coefficient multiplicateur du chiffre d'affaire annuel moyen TTC en se basant sur les derniers exercices d'exploitation ; les barèmes généralement pratiqués pour les activités hôtelières sont les suivants :

' barème de l'administration fiscale :6 à 4 fois le CA annuel moyen TTC

'barème cote annuelle 2016 des valeurs vénales : 2,5 à 4 fois le CA annuel moyen TTC

'par le moniteur « évaluation des biens » : 2,5 à 4 fois le CA annuel moyen TTC

' barème site Internet WW.gérantdesarl.com: 2 à 4 fois le CA annuel moyen TTC

En se basant sur cette mutation, le coefficient moyen est de 3,26 contre un coefficient médian de 2,12 ; compte tenu de la situation géographique de commerce, de l'évolution des résultats comptables (hausse du chiffre d'affaires en 2015 2016) et sous réserve de l'application de tous les éléments comptables de la société, il propose de retenir un coefficient de 3,5 en 2017 ; ce coefficient se situe par ailleurs à une moyenne des différentes fourchettes de barèmes traditionnellement pratiqués tient compte du niveau actuel de l'activité commerciale et de son emplacement.

Afin de déterminer le coefficient de situation, il convient d'examiner les références produites par les parties :

'1° par la S.A.R.L. Hôtels Sympas Formule

Aucun terme n'est proposé en appel

2° par la SEQUANO

'11 avril 2011 : fonds de commerce d'hôtel'bar à [Localité 5], CA moyen : 198'767euros, prix de vente 400'000euros soit 2,1 le CA TTC

-1er décembre 2011, Saint Denis Nord, CA moyen : 432'098euros TTC, 980'000euros de prix de vente, soit 2,23 fois le CA TTC

'19 octobre 2015 : fonds de commerce hôtel, à [Localité 6], CA moyen TTC : 155'910euros, prix de vente de 330'000euros, soit 2,12 fois le CA TTC

'Vente du 5 mai 2015 : fonds de commerce hôtel restaurant [Établissement 2], CA moyen TTC 403'000 euros, prix de vente de 403'000euros soit 3,4 fois le CA TTC

'vente du 5 septembre 2015 : fonds de commerce hôtel restaurant où il y a, CA moyen 101'429euros, prix de vente de 290'000euros soit 2,86 fois le CA TTC

'vente du 11 juin 2014 : fonds de commerce hôtel bar [Établissement 3], CA moyen de 103'971euros, prix de vente de 420'000euros soit 2,06 fois le CA TTC

'Vente du 16 octobre 2014 : fonds de commerce hôtel à [Localité 7], CA moyen : 199'947euros, prix de vente de 400'000euros soit 2 fois le CA TTC

Ces éléments font ressortir un coefficient de valorisation moyen de 2,32 fois le CA TTC.

La S.A.R.L. hôtel 5 formule ne formule aucune critique sur ces termes ; en outre ces termes sont comparables ; en conséquence il convient de les retenir.

3° le commissaire du gouvernement

'19 octobre 2015, hôtel à [Localité 6], CA TTC moyen 155'910euros, prix de vente de 330'000euros ratio PV/C de 212 %

'5 mai 2015, hôtel restaurant [Établissement 2], CA moyen de 118'412euros prix de vente de 403'000 euros ratio PV/CA de 340 %

'16 octobre 2014 , hôtel meublé du 16 octobre 2014 à pavillons sous bois, CA TTC moyen de 41'221euros prix de vente de 250'000euros, ratio PV/CA de 606 %

'16 septembre 2015 les lilas, CA TTC moyen de 101'429euros, de 29 prix de vente de 290'000euros, ratio PV/CA de 286 %

'8 septembre 2015 à [Localité 8], CA TTC moyen de 216'387euros, prix de vente de 940'000 euros, ratio PV /CA de 434 %

'11 juin 2014 Blanc-Mesnil, CA TTC moyen de 203'971euros, prix de vente de 420'000euros, ratio-PV/'CA de 206 %

'16 octobre 2014 à [Localité 7], CA TTC moyen de 199'947euros, prix de vente de 400'000 euros, ratio PV/CA su de 200 %.

Le ratio moyen de ces 5 termes de comparaison est de 3,26 et le ratio médian de 2,12, le commissaire du gouvernement proposant d'appliquer un ratio de 3,5.

Les parties n'apportent aucune critique en appel sur ces termes de comparaison.

Il convient également de retenir ces termes de comparaison.

Au regard du coefficient de valorisation moyen de 2,39, émanant de la SEQUANO, et de la proposition du commissaire du gouvernement de retenir un coefficient de 3,5, en tenant compte de l'ancienneté des termes de SEQUANO, 2 d'entre eux étant de 2011, de la bonne situation géographique du fonds de commerce situé au bord de Seine dans un quartier en cours de rénovation, de l'évolution des résultats comptables, à savoir une augmentation significative de 2014 de 59'945euros à 2015 69'568 euros,il convient de retenir comme le premier juge un coefficient de 3,5.

La valeur de l'entier fonds de commerce est donc égale à 3,5 fois le CA TTC moyen soit 74'231euros X 3,5= 259 808euros.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

-Sur les indemnités accessoires

1° l'indemnité de remploi

Elle est égale à 23000X5%+ 236'808x10% = 24'831euros

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

2° sur l'indemnité de licenciement

Cette demande peut être présentée pour la première fois en appel, car elle constitue un accessoire de l'indemnité principale.

L'appelant indique qu'elle dispose de 2 salariés qu'elle va devoir licencier, que le calcul n'étant pas encore disponible, elle l'évalue à 28'000 euros

.

Il convient cependant dans l'attente de connaître le nombre de licenciements liés à la procédure d'élection commerciale consécutive à l'expropriation et du montant précis des sommes exposées par l'appelant au titre des indemnités légales de licenciement, de surseoir à statuer, l'appelant devant présenter sa demande devant le premier juge.

3° sur l'indemnité de déménagement

La cour a déjà statué en déclarant irrecevable cette demande.

4° sur l'indemnité de trouble commercial

L'appelant indique que la fermeture de l'hôtel ne manquera pas de générer nécessairement un trouble commercial qui peut être évalué à 15'000euros

SEQUANO indique que cette demande présentée sous forme forfaitisée sera écartée en application de l'article 554 du code de procédure civile ; cependant cette demande peut être formée pour la première fois en appel, étant un accessoire de l'indemnité principale.

Par contre, l'appelant indique dans ses conclusions qu'il va y avoir une liquidation amiable, puisque l'autorité expropriante n' a pas proposé de local de remplacement, alors quelle formule une demande qui indique donc qu'il y a eu une convention de réinstallation élaborée entre les parties ; en l'absence de la preuve d'une telle convention, il convient de débouter l'appelant de sa demande d'indemnité pour trouble commercial.

5° sur l'indemnité de frais administratifs

L'appelant indique que la fermeture de l'hôtel ne manquera pas de générer des frais administratifs et juridique évalués à 8000 euros; pour les mêmes motifs que précédemment, il convient de débouter l'appelant.

L'indemnité totale de dépossession est donc fixée à la somme de 284 39 arrondie à la somme de 285'000 €

se décomposant de la façon suivante :

'valeur pleine du fonds de 259'808 €.

'Indemnité de remploi : 24'835 €

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

- sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la société SEQUANO aménagement à payer à la S.A.R.L. Hôtels Sympas Formule la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel l'équité commande de débouter la société Hôtels Sympas Formule de sa demande de 5000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- sur les dépens.

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance qui sont à la charge de l'expropriant en application de l'article L312'1 du code de l'expropriation.

La S.A.R.L.Hôtels Sympas Formule perdant le procès sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties.

Déclare irrecevable la demande de la S.A.R.L. Hôtels Sympas Formule d'indemnité de déménagement formulée dans ses conclusions du 23 mars 2018 en application de l'article R 311-26 du code de l'expropriation.

Infirme partiellement le jugement déféré.

Statuant à nouveau

fixe à 285'000 euros arrondis l'indemnité totale d'éviction due par Sequano Aménagement à la S.A.R.L. Hôtels Sympas Formule dans le cadre de l'opération d'expropriation des locaux commerciaux d'activités situés [Adresse 1], sur la parcelle cadastrée section J numéro 11 qui se décompose de la manière suivante :

'259'808 euros à titre d'indemnité principale, selon la valeur de l'entier fonds de commerce

'24'831euros à titre d'indemnité de remploi

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions

Y ajoutant

Déboute la S.A.R.L. Hôtels Sympas Formule de ses demandes d'indemnités accessoires formées en appel au titre du déménagement, du trouble commercial, et des frais administratifs et juridiques.

Sursoit à statuer sur la demande d'indemnité pour frais de licenciement en renvoyant devant le premier juge.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Déboute la S.A.R.L. Hôtels Sympas Formule de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la S.A.R.L. Hôtels Sympas Formule aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/00299
Date de la décision : 14/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°18/00299 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-14;18.00299 ?
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