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13/03/2019 | FRANCE | N°17/03218

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 13 mars 2019, 17/03218


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 13 MARS 2019



(n° 2019/148, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/03218 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2UZL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 Janvier 2017 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/12647





APPELANT



Monsieur [I] [L]

Né le [Date naissan

ce 1] 1971 à [Localité 1] (76)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Julien MALLET de l'AARPI MVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0905





INTIMÉE



SA BNP PARIBAS PERS...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 13 MARS 2019

(n° 2019/148, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/03218 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2UZL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 Janvier 2017 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/12647

APPELANT

Monsieur [I] [L]

Né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1] (76)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Julien MALLET de l'AARPI MVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0905

INTIMÉE

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 542 097 902

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Béatrice LEOPOLD COUTURIER de la SELARL PUGET LEOPOLD - COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R029, avocat substitué par Me Clément DÉAN de la SELARL PUGET LEOPOLD - COUTURIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

Monsieur Marc BAILLY, Conseiller

Madame Pascale GUESDON, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs CRUZ

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Françoise CHANDELON, Présidente de chambre et par Anaïs CRUZ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant offre acceptée le 15 août 2006, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a consenti à monsieur [I] [L], en vue de financer l'acquisition d'un logement à usage locatif, un prêt immobilier d'un montant de 188 468 euros, d'une durée de 27 ans dont 24 mois de période d'utilisation, et 300 mois d'amortissement du crédit, remboursable au taux d'intérêt de 3,65% l'an révisable sur la base du taux interbancaire à 3 mois offert en euros. Le taux effectif global stipulé était de 4,00% l'an et le taux de période mensuel de 0,33%.

Saisi selon acte d'huissier du 27 août 2014, de la demande de monsieur [L] soutenant que le taux effectif global ne respecterait pas diverses dispositions du code de la consommation et serait erroné, le tribunal de grande instance de Paris, par jugement en date du 6 janvier 2017 :

' a déclaré irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes formées par monsieur [I] [L] ;

' a condamné monsieur [I] [L] aux dépens ;

' a rejeté la demande formée par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

' a condamné monsieur [I] [L] à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du même code.

Monsieur [L] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 10 février 2017.

Au terme de la procédure d'appel clôturée le 4 décembre 2018, les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

Par dernières conclusions notifiées par la voie du RPVA le 5 mai 2017 monsieur [L], appelant, expose qu'informé de la condamnation de nombreux établissements de crédit, il s'est notamment adressé en vue de vérifications au cabinet HUMANIA CONSULTANTS, qui après analyse du dossier a confirmé qu'existaient des irrégularités dans le calcul du taux effectif global de son prêt. Il produit un rapport d'expertise amiable émanant d'un expert comptable, monsieur [R], en date du 10 février 2014, dont il ressort que le prêt enfreint les dispositions du code de la consommation et en outre que le taux effectif global réellement supporté par monsieur [L] est supérieur à celui annoncé.

Monsieur [L] poursuit principalement la nullité de la stipulation d'intérêts, sur le fondement des dispositions combinées des articles L.313-2 du code de la consommation et 1907 alinéa 2 du code civil. Il soutient que ces dispositions posent une condition de validité de la stipulation d'intérêts et sont sanctionnées par l'application du taux légal, en vertu de l'article 1304 du code civil.

Monsieur [L] conteste le point de départ de la prescription quinquennale, que le premier juge a situé à la date de l'offre de prêt en se contentant de constater que l'offre contenait les éléments qui permettaient de vérifier sa régularité sans rechercher si le consommateur disposait des compétences financières nécessaires pour lui permettre de déceler par lui-même à la lecture de l'acte de prêt les erreurs affectant le calcul du taux effectif global. Il ne s'agit pas de tenir compte exclusivement des éléments apparents de l'acte pour déterminer le point de départ de la prescription, il convient de retenir la date à laquelle le consommateur a été en mesure de prendre connaissance des autres erreurs affectant le prêt. Or déjà le calcul du taux de période est en réalité l'application d'une formule mathématique complexe et il ne dispose pas des compétences mathématiques élevées nécessaires pour vérifier son exactitude. Il ne pouvait pas davantage s'apercevoir que la banque a usé d'une durée de référence qui n'est pas celle de l'année civile. C'est donc bien à la date de l'expertise amiable complétée par le rapport d'analyse mathématique de la société HUMANIA CONSULTANTS, que monsieur [L] a été en mesure de prendre connaissance du caractère erroné des informations de base indispensables au calcul du taux effectif global présentées par la banque.

Monsieur [L] fait valoir qu'en présence d'un taux effectif global erroné, l'emprunteur dispose d'une option, et que l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, recevable, coexistant avec l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, est d'ailleurs très souvent prononcée par les tribunaux. Monsieur [L] défend que l'action en nullité de la stipulation d'intérêt est d'autant plus recevable, qu'il fonde son action expressément sur les articles 1304 et 1907 du code civil, qu'il critique l'inexactitude du taux effectif global dans le contrat de prêt et que d'autre part il pointe l'erreur dans la détermination du taux de période, ce qui équivaut à son absence, erreur de nature à rendre le taux effectif global lui même erroné, autant de vices sanctionnés par la nullité de la stipulation du taux d'intérêt conventionnel.

Monsieur [L] soutient sur la foi de ce rapport de la société HUMANIA CONSULTANTS, que le taux de période exact que la banque se devait d'afficher est de 0,33460% calculé sur la base des éléments affichés dans l'offre de prêt, et de 0,34635% en fonction des sommes déboursées. Or contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal aucun texte n'autorise à arrondir le taux de période, mathématiquement unique. Un arrondi, qui lui est nécessairement différent, ne saurait être considéré comme exact. Et il est constant que l'indication d'un taux de période erroné équivaut à une absence d'indication de taux de période, emportant la substitution du taux légal au taux conventionnel.

En outre le principe de proportionnalité entre le taux effectif global annuel et le taux de période ne saurait avoir été respecté ' 0,34635% x 365 (365/12) = 4,1562% et non pas 4,00% ' ce qui est également sanctionné par la nullité de la stipulation d'intérêts. En outre la pratique de l'arrondi dont se prévaut la banque n'est possible que pour ce qui concerne le taux effectif global calculé selon la méthode d'équivalence ce qui n'est pas le cas d'un prêt immobilier pour lequel le taux effectif global est un taux proportionnel.

Monsieur [L] au final soutient que l'analyse du cabinet HUMANIA CONSULTANTS démontre l'absence d'égalité entre les sommes prêtées et les versements dus ' principe d'équivalence des flux posé par l'article R.313-1 du code de la consommation.

Par ailleurs il a été omis la prise en compte des 'frais de notaire' alors que la banque ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'ils n'étaient pas déterminables au jour de l'émission de l'offre de prêt.

Enfin il est reproché à la banque d'avoir appliqué une autre durée que celle de l'année civile pour calculer le taux effectif global.

Cette accumulation d'anomalies faussant le taux effectif global caractérise également un manquement de la banque à son obligation de loyauté et à son obligation générale d'information, donnant lieu à indemnisation.

Ainsi il est demandé à la cour :

' de déclarer monsieur [I] [L] recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

' de dire et juger que l'offre de prêt émise par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE acceptée par monsieur [I] [L] ne respecte pas les dispositions légales et réglementaires applicables ;

' d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 6 janvier 2017 en l'ensemble de ses dispositions ;

En conséquence,

A titre principal,

' de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt liant les

parties ;

' de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au remboursement de l'excédent d'intérêts indus, à savoir la somme de 22 945 euros, à parfaire au jour de la décision à intervenir, avec intérêt légal à compter de la délivrance de l'acte introductif d'instance ;

' de fixer le taux applicable au contrat de prêt à hauteur du taux d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter de la décision à intervenir ;

A titre subsidiaire,

' de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels en application de l'article L.312-33 dernier alinéa (ancien) du code de la consommation ;

' de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au remboursement de l'excédent d'intérêts indus, à savoir la somme de 22 945 euros, à parfaire au jour de la décision à intervenir, avec intérêt légal à compter de la délivrance de l'acte introductif d'instance ;

' de fixer le taux applicable au contrat de prêt à hauteur du taux d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter de la décision à intervenir ;

En tout état de cause :

' de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à monsieur [I] [L] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations d'information, de loyauté et d'honnêteté ;

' de débouter la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

' de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à monsieur [I] [L], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000 euros pour la première instance et celle de 3 000 euros en cause d'appel ;

' de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions notifiées le 4 juillet 2017 par la voie du RPVA, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, intimée, demande à la cour :

de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 6 janvier 2017, et en conséquence, de bien vouloir

' à titre principal, déclarer monsieur [L] irrecevable en son action ;

' à titre subsidiaire, l'en dire mal fondé et l'en débouter intégralement ;

' le condamner à payer la somme de 4 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' le condamner aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Béatrice LEOPOLD-COUTURIER.

L'intimé soutient 'à titre liminaire' que l'action en nullité de la stipulation d'intérêts est irrecevable car la sanction d'un taux effectif global erroné, par application des dispositions de l'article L.312-33 du code de la consommation, seules applicables, n'est pas la nullité de la stipulation d'intérêts mais la déchéance du droit aux intérêts ' sanction qui au demeurant est facultative pour le juge, lequel dispose d'un pouvoir d'appréciation total.

Cette action en déchéance, régie par la prescription quinquennale de l'article L.110-4 du code de commerce, est prescrite, par application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription : s'agissant d'une offre acceptée le 15 août 2006, la prescription est acquise depuis le 19 juin 2013. Cela signifie que l'assignation du 27 août 2014 est tardive pour avoir été délivrée au delà du délai de prescription de cinq ans, dont le point de départ est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date à laquelle le consommateur aurait pu la découvrir. Or le rapport d'HUMANIA CONSULTANTS ou celui de monsieur [R], dont se prévaut monsieur [L] pour tenter de faire différer le point de départ de la prescription, sont établis à partir des seuls éléments de l'offre, et monsieur [L], qui se manifeste huit ans après la conclusion du contrat, ne saurait sur cette base et du fait de sa seule volonté, faire reporter le point de départ de la prescription quinquennale au delà du 15 août 2006 date de l'acceptation de l'offre.

A titre subsidiaire, en ce qui concerne l'action en nullité de la stipulation d'intérêts il doit être retenu qu'au regard des dispositions de l'article 1304 du code civil il y a également prescription puisque son point de départ, pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées se situe au 15 août 2006 date de l'acceptation de l'offre. Le délai pour agir a expiré le 15 août 2011.

Il en est de même en ce qui concerne l'action indemnitaire de monsieur [L], soumise à la prescription anciennement décennale et actuellement quinquennale de l'article L.110-4 du code de commerce, et dont il est de principe qu'elle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s'est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance. Les manquements allégués de la banque à ses obligations d'information, de loyauté et d'honnêteté sont en tout état de cause antérieurs à la conclusion du contrat de prêt, et les dommages et intérêts pouvant en résulter ne constituent qu'une perte de chance de ne pas contracter qui s'est manifestée dès l'émission de l'offre du 15 août 2006, de sorte de l'action sur ce fondement, engagée selon assignation du 27 août 2014, elle aussi est irrecevable comme étant prescrite.

Subsidiairement, sur le fond,

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE souligne qu'alors que monsieur [L] supporte la charge de la preuve de l'erreur affectant le taux effectif global avec un écart supérieur à la décimale, les analyses mathématiques dont il se prévaut, émises par HUMANIA CONSULTANTS, sont dénuées de toute clarté, ne démontrent aucunement le bien fondé des griefs allégués ' voire même se contredisent entre elles. Le rapport de monsieur [R] n'est pas davantage convaincant. En toute hypothèse l'un et l'autre des rapports d'HUMANIA CONSULTANTS cherchant à établir l'erreur affectant le taux effectif global, concluent à un écart bien inférieur à la décimale soit de 0,00144% si on s'en tient aux conclusions du premier rapport [ce qui donne un taux effectif global inférieur à celui affiché, de sorte que monsieur [L] ne saurait se prévaloir d'un quelconque préjudice] et de 0,0152% si l'on s'en tient aux conclusions du second. Enfin le troisième rapport, intitulé 'calcul du taux de période sur la base des frais déboursés par le client' et indiquant un taux de période qui serait de 0,34635% est dénué de toute valeur probante, en ce qu'il entend reconstituer le tableau d'amortissement en retenant un nombre d'échéances erroné (300 au lieu de 324). En conséquence toute prétention de monsieur [L] fondée sur un prétendu non respect du principe d'égalité des flux et sur un taux de période et un taux effectif global erronés ne peut être que rejetée.

Les calculs proposés par HUMANIA CONSULTANTS, censés établir qu'il y a eu recours à une autre base que celle de l'année civile, ne peuvent visiblement qu'être approximatifs pour avoir été effectués sur la base d'un taux de période arrondi de 0,33%. A l'inverse le calcul de la banque est exact, puisqu'effectué avec un taux de période plus précisément défini non arrondi à ses deux premières décimales. Il fait ressortir aussi qu'il a bien été utilisé une année civile de 365 jours, conformément au code de la consommation, ce qui est parfaitement vérifiable par l'analyse du tableau d'amortissement.

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE soutient que selon la dernière jurisprudence de la cour de cassation la règle de l'exactitude à la décimale est bien applicable au taux effectif global, y compris en ce qui concerne les prêts immobiliers : par définition si l'un des deux termes d'une multiplication peut être calculé et exprimé avec une précision d'une décimale, cela implique nécessairement notamment que le résultat c'est à dire le taux effectif global peut être donné et exprimé avec la même précision. La pratique est de bon sens, et largement répandue.

Il revient à l'emprunteur de rapporter la preuve de ce qu'il s'est bien acquitté des frais d'acte qui constituaient une condition d'octroi du crédit, de leur montant, et de ce que l'impact des dits frais serait de nature à engendrer une erreur sur le taux effectif global supérieure à la décimale tel que prescrit à l'article R.313-1 du code de la consommation. Monsieur [L] échoue dans cette démonstration. Au surplus les frais, qui n'étaient au moment de l'offre pas déterminables avec précision, ont été évalués, comme l'exige le code de la consommation, et monsieur [L] n'établit pas que cette évaluation serait erronée.

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE enfin conclut au rejet de la demande indemnitaire de monsieur [L] lequel ne prend même pas la peine de caractériser le préjudice qu'il aurait subi. La seule sanction civile de la non conformité d'une offre de prêt à l'article R.313-1 du code de la consommation est la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels en application de l'article R.312-33 du code de la consommation, de sorte que la banque ne pouvant être sanctionnée deux fois pour le même manquement l'action indemnitaire de l'emprunteur fondée sur la faute de la banque pour ne pas avoir inclus des frais dans le taux effectif global doit être rejetée.

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions ci-dessus visées.

SUR CE

Considérant que monsieur [L] axe principalement ses prétentions sur la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts ;

 

Considérant que la banque conclut à l'irrecevabilité d'une telle prétention au regard des dispositions de l'article L.312-33 du code de la consommation en ce qu'il ne sanctionne que par une déchéance du droit aux intérêts l'irrégularité du taux effectif global figurant dans l'offre de prêt ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction alors en vigueur, le prêteur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues à l'article L.312-8 ' lequel renvoie, concernant le taux effectif global, aux prescriptions de l'article L.313-1 du même code en définissant le contenu ' pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge ;

Qu'en effet, en vertu des prévisions impératives de l'article L.312-8 du code de la consommation, les manquements aux obligations prévues par cet article sont sanctionnés par l'article L.312-33 du code de la consommation, exclusivement applicables en raison du caractère d'ordre public des dites règles spécifiques édictées pour la protection du consommateur et qui l'emportent donc sur celles, plus générales posées par l'article 1907 du code civil, lequel sanctionne par la nullité l'absence de prescription d'un taux d'intérêt et par extension d'un taux effectif global, dont l'irrégularité éventuelle est assimilée à une absence ;

Qu'il en résulte qu'en droit la seule sanction d'un taux effectif global erroné n'est pas la nullité de la clause de stipulation d'intérêts mais la déchéance du droit aux intérêts ; que l'action en nullité est irrecevable ;

Considérant qu'en vertu de l'article L.312-33 ancien du code de la consommation, l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts ' demande subsidiaire au demeurant non spécialement motivée par monsieur [L] qui se contente de la formuler dans le dispositif de ses conclusions saisissant la cour sans exposer dans le cours de ses écritures quelles en seraient les spécificités ' est soumise à la prescription quinquennale, anciennement décennale, antérieurement à la loi du 17 juin 2018, prévue à l'article L.110-4 du code de commerce, notamment relative aux obligations contractées entre une banque prêteuse et le souscripteur d'un crédit immobilier, le point de départ courant à compter du moment où l'emprunteur a connu ou aurait du connaître l'erreur relative au taux effectif global ;

Considérant qu'en l'espèce, il résulte des énonciations mêmes de l'offre, non contestées par l'appelant lequel se borne à critiquer la décision du premier juge en ce qu'il n'a pas vérifié si le consommateur disposait des compétences financières nécessaires pour lui permettre de déceler par lui-même à la lecture de l'acte de prêt les erreurs affectant le calcul du taux effectif global, que l'offre de prêt acceptée le 15 août 2006 porte expressément, en particulier, les mentions suivantes, parfaitement claires :

'TAUX EFFECTIF GLOBAL DE VOTRE CRÉDIT'

Le taux effectif global (hors frais d'acte et d'assurance facultative extérieure) calculé sur la base du taux initial est de 3,65% + 0,35% = 4,00% l'an, soit un taux mensuel de 0,33% à supposer que l'indice de référence reste constant pendant toute la durée du prêt. L'incidence des frais d'acte sur ce taux est d'environ 0,06% l'an.

COÛT TOTAL : le coût total de votre crédit (hors frais d'acte) est, dans les mêmes hypothèses, de 134 807,23 euros' ;

Qu'il est plus haut mentionné 'Les frais d'acte (honoraires du notaire, frais liés à la prise de garantie, taxes diverses) sont évalués entre 0,5 et 1% du montant du crédit. Le montant exact vous sera indiqué par votre notaire'

Considérant qu'il est tout aussi constant que le 'rapport' de monsieur [R], en date du 10 février 2014 et donc antérieur à celui d'HUMANIA CONSULTANTS, mais qui conclut à l'erreur affectant le taux effectif global pour non respect des prévisions impératives du code de la consommation, a été établi sur la base des seules mentions contenues dans l'offre de prêt acceptée le 15 août 2006 ;

Qu'ainsi ce rapport qui en réalité n'est guère mieux qu'une grille pré-imprimée remplie par son auteur ne fait que confirmer les éléments qui ressortaient de la lecture de l'offre, sans plus-value autre que la référence au code de la consommation ou à la jurisprudence, et ceci sans qu'il soit opéré de calculs mathématiques particuliers ;

Que les dits calculs ne viendront qu'ultérieurement, en premier lieu dans le rapport de HUMANIA CONSULTANTS, en date du 17 juin 2015 d'ailleurs postérieur à l'assignation, ce qui démontre à suffisance que monsieur [L] pour initier son action en justice n'avait nul besoin des calculs d'HUMANIA CONSULTANTS sur lesquels il prétend dorénavant appuyer sa démonstration ;

Considérant qu'il résulte de ces éléments que dès la signature de l'offre l'emprunteur était en mesure de se convaincre de l'erreur invoquée relative au taux effectif global, sans avoir à mobiliser des connaissances mathématiques approfondies ;

Considérant qu'il en résulte que le délai de prescription quinquennale applicable à l'action a commencé à courir au jour de l'acceptation de l'offre le 15 août 2006 et non pas au 10 février 2014 date du rapport de monsieur [R], ou au 17 juin 2015 date du rapport de HUMANIA CONSULTANTS y apportant de plus amples développements mais somme toute sans valeur probante, comme l'a justement souligné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE dans ses écritures ;

Considérant qu'il convient de rappeler que toute prescription répond à un impératif de sécurité juridique et que son point de départ ne saurait être artificiellement retardé par les emprunteurs, sauf à lui conférer une caractère purement potestatif, de sorte que des erreurs, manifestes à la seule lecture de l'offre et permettant de se convaincre de l'irrégularité du taux effectif global et donc d'agir dans le délai légal, ils ne peuvent se prévaloir, après son expiration, de simples nouveaux arguments, révélés par des'experts' missionnés à cet effet ' au soutien de l'action engagée pour voir reconnaître leur droit ;

Considérant aussi que dès lors qu'il pouvait avoir connaissance, à la date d'acceptation de l'offre, de certaines irrégularités dans la détermination du taux effectif global indiqué, qu'il reproche à la banque et qui auraient pu fonder sa demande, alors qu'il n'a pas agi dans le délai de prescription qui expirait au 19 juin 2013 ' l'assignation introductive d'instance est datée du 27 août 2014 ' monsieur [L] emprunteur ne peut invoquer, sous peine de faire dépendre le délai de prescription de sa seule volonté, la découverte de prétendues nouvelles irrégularités issues de travaux de tiers auxquels il a eu recours en cours d'instance, comme cela est présentement le cas avec les rapports successifs d'HUMANIA CONSULTANTS datés du 17 juin 2015 postérieur à l'assignation mais déjà produit en première instance, et ceux nouveaux en cause d'appel, datés du 13 février 2017, du 13 avril 2017 (pièces 10, 11, 12) ;

Considérant que l'action en déchéance du droit de la banque à se prévaloir des intérêts est donc elle aussi prescrite (tout comme l'est l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, par ailleurs irrecevable pour les raisons précédemment exposées) ;

Considérant qu'il en est de même s'agissant de l'action en dommages-intérêts fondée sur le non respect des obligations pré-contractuelles de la banque, nécessairement antérieures ou au plus tard contemporaines à l'offre de prêt, prescrite en ce qu'elle relève elle aussi des dispositions de l'article L.110-4 du code de commerce ;

Considérant qu'en conséquence de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la prescription des actions introduites par monsieur [L] ;

Qu'il convient en outre de condamner celui-ci aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, pour des raisons tenant à l'équité, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur d'appel, la somme de 3 000 euros qu'il a cru pouvoir demander pour lui-même ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Dit irrecevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts,

Condamne monsieur [I] [L] à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur d'appel ;

Condamne monsieur [I] [L] aux dépens d'appel et admet Me Béatrice LEOPOLD COUTURIER, avocat au Barreau de Paris, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 17/03218
Date de la décision : 13/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°17/03218 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-13;17.03218 ?
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