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13/03/2019 | FRANCE | N°17/01911

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 13 mars 2019, 17/01911


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 13 MARS 2019



(n° 139/19 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/01911 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2RNP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/08691





APPELANTE



Madame [S] [U]

[Adresse 1]

[Adr

esse 1]

née le [Date naissance 1] 1962 à PARIS (75000)



Représentée par Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 095





INTIMEE



Société SANOFI-...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 13 MARS 2019

(n° 139/19 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/01911 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2RNP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/08691

APPELANTE

Madame [S] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1962 à PARIS (75000)

Représentée par Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 095

INTIMEE

Société SANOFI-AVENTIS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 403 335 904

Représentée par Me Jeannie CREDOZ-ROSIER de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sandra ORUS, Présidente

Mme Carole CHEGARAY, Conseillère

Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente Placée

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Sandra ORUS, Présidente dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Amélie FERRARI

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sandra ORUS, Présidente et par Catherine CHARLES, Greffière présent lors du prononcé.

Exposé du litige

La société SANOFI-AVENTIS France (SA) a employé madame [S] [U] par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er mars 1986. Elle exerce au dernier état de la relation de travail les fonctions de visiteuse médicale.

La société SANOFI-AVENTIS a pour activité la promotion et la commercialisation en France de médicaments et produits de santé du groupe SANOFI-AVENTIS. Elle emploie plus de 1.000 salariés et fait application de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

Le 30 juin 2015, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande d'indemnisation au titre de l'occupation d'une partie de son logement personnel à des fins professionnelles.

Le 13 décembre 2016, le conseil des prud'hommes de Paris a:

- condamné la société SANOFI-AVENTIS à verser à Mme [U] la somme de 1.960 euros à titre d'indemnité compensant la mise à disposition de son domicile personnel à compter du 1er juillet 2010 jusqu'au 1er mars 2016, sur la base de 35 euros/mois (x 56 mois) ;

- ordonné à la société SANOFI-AVENTIS de remettre à Mme [U] un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit, en application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail ;

- condamné la société SANOFI-AVENTIS à verser à Mme [U] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société SANOFI-AVENTIS de sa demande reconventionnelle ;

- dit que la présente décision sera assortie des intérêts au taux légal ;

- condamné la société SANOFI-AVENTIS aux dépens.

Par déclaration du 26 janvier 2017, Mme [U] a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 23 janvier 2018, Mme [U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu l'existence de l'indemnisation au titre de la mise à disposition de son domicile personnel pour les besoins de son activité professionnelle ;

- l'infirmer pour le surplus ;

- lui allouer les sommes suivantes :

* indemnité compensant la mise à disposition du domicile personnel pour les besoins de l'activité professionnelle du 15.06.2010 au 31.05.16 sur une base de 91 euros /mois : 6.597,50 euros ,

* dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail : 3.000 euros,

* somme de 91euros à compter du 01.06.16 au titre de la mise à disposition de son domicile personnel pour les besoins de l'activité professionnelle et tant que durera cette situation,

* bulletin de paie conforme à l'arrêt sous astreinte de 15 euros /jour,

* intérêts légaux à compter de la saisine,

* article 700 du code de procédure civile en cause d'appel : 1.500 euros,

* capitalisation des intérêts (1154 du code civil),

* les entiers dépens incluant les frais des constats d'huissier.

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 6 décembre 2018, la société SANOFI-AVENTIS France demande à la cour de :

A titre principal :

- constater que les demandes d'indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles formée par la salariée et de dommages-intérêts pour manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail sont parfaitement mal fondées, en l'absence de contrainte d'occuper son domicile à des fins professionnelles et d'exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

En conséquence :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a partiellement fait droit aux demandes de la salariée et le confirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

- débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

- constater que l'indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles sollicitée par la salariée doit en tout état de cause nécessairement reposer sur une appréciation individuelle et concrète de la sujétion qu'elle prétend subir mais que la salariée ne justifie pas de manière individuelle et circonstanciée;

En conséquence :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a partiellement fait droit aux demandes de la salariée et le confirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

- débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes ;

- à défaut, désigner en tout état de cause, en application des articles 232 et 263 et suivants du code de procédure civile, l'expert qui lui plaira afin de procéder, dans le délai qu'il lui fixera, à l'appréciation individuelle de la sujétion subie au titre de l'occupation du domicile de la salariée à des fins professionnelles ;

A titre infiniment subsidiaire :

- constater que le rappel d'indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles sollicité depuis juin 2010 est partiellement prescrit et ne peut courir au-delà du 1er mars 2016 ;

- constater que le montant sollicité au titre de l'indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles est en tout état de cause nécessairement excessif ;

En conséquence :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a partiellement fait droit aux demandes de la salariée et le confirmer en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

- réduire en tout état de cause le rappel d'indemnité d'occupation du domicile d'un mois pour la salariée au regard de la date à laquelle elle a saisi le conseil de prud'hommes et dire qu'aucune indemnité ne peut être allouée à la salariée pour la période courant à compter du 1er mars 2016 ;

- réduire en tout état de cause le montant de l'indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles sur la période susvisée à 18 euros par mois;

- réduire de surcroît à proportion de 83 % le montant de l'indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles de la salariée dont la part de tâches administratives est nécessairement réduite du fait de l'exercice d'un mandat de représentant du personnel ;

En tout état de cause:

condamner la salariée à verser à la société la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [U] fait valoir essentiellement qu'elle a des tâches administratives conséquentes à exécuter à domicile, que selon le rapport [T] , le temps de travail administratif déclaré comme étant réalisé à domicile par les visiteurs médicaux est de 38 minutes par jour en moyenne, que toutefois selon les rédacteurs du rapport cette moyenne est sous-évaluée puisqu'elle ne prend pas en compte l'astreinte à l'utilisation du portail dédié aux salariés, jugée ''chronophage''. Elle souligne que ce travail administratif s'est accru avec l'augmentation de la charge de travail de ''reporting'', du temps de préparation des visites, des sollicitations de l'employeur et des nombreuses formations à distance, que pour une grand partie il ne peut être effectué en déplacement, que la société Sanofi-Aventis en est d'ailleurs parfaitement consciente puisqu'elle fournit aux salariés un accès internet à domicile et une ligne téléphonique fixe à usage strictement professionnel;

Elle fait également valoir qu'elle dispose à domicile d'un ordinateur, d'une imprimante et d'un téléphone fournis par son employeur, qu'elle doit également stocker à domicile la documentation professionnelle pour laquelle l'employeur recommande d'ailleurs qu'elle soit mise en lieu sûr, que certains documents ne peuvent être dématérialisés, qu'en définitive en sa qualité de salarié itinérant, elle n'a aucune liberté de choix de travailler à domicile, ce choix étant contraint ou à tout le moins fortement incité par l'employeur. Madame [U] s'estime dès lors bien fondée à prétendre une indemnité au titre de cette occupation dès lors qu'elle ne dispose pas de moyens pour exercer son travail au sein de l'entreprise;

Elle ajoute que la différence de traitement qu'elle subit avec les directeurs et médecins régionaux issus du Laboratoire AVENTIS n'est justifiée par aucun critère objectif et pertinent et peut au contraire servir de référentiel à l'allocation d'une indemnité mensuelle;

La société SANOFI-AVENTIS demande pour l'essentiel en réplique l'infirmation du jugement déféré en soutenant que la réalisation du travail administratif par la salariée à son domicile relève de l'économie même de son contrat de travail, que la part du temps de travail dédiée à la réalisation de ces tâches est résiduelle car elle est facilitée par les nouveaux outils technologiques qui sont à disposition des salariés itinérants, leur permettant en effet de téléphoner et d'organiser leurs visites à venir pendant qu'ils attendent de pouvoir rencontrer les praticiens, d'effectuer des comptes-rendus succincts leur évitant un travail de rédaction, ou encore de consulter leurs modules de formation à distance, sauf en cas de choix spécifique pour une formation en ''présentielle'';

La société SANOFI-AVENTIS fait encore valoir que ces outils technologiques permettent aux salariés itinérants d'être totalement nomades en un quelconque endroit grâce à une clé 3G ou à une connexion WIFI qui leur permet une connexion en tout lieu en dehors de leur domicile, qu'en conséquence ils ne sont pas contraints d'effectuer leurs tâches administratives à domicile, que si certains préfèrent néanmoins réaliser ces tâches depuis leur domicile, c'est uniquement par choix personnel;

La société SANOFI-AVENTIS soutient en outre que la salariée n'est pas tenue de dédier un espace de son domicile au stockage du matériel qui est mis à sa disposition, comprenant un téléphone et un ordinateur portables, une imprimante, une carte 3G et un Ipad, pouvant parfaitement être stockés dans le coffre du véhicule mis à disposition par la société, qu'elle n'est pas davantage tenue de stocker de documentation professionnelle étant souligné qu'à l'exception des fiches posologiques, de l'avis de la commission de transparence et des aides de visite dont la taille est réduite, la documentation n'est plus éditée sur un support papier. La société SANOFI-AVENTIS affirme encore que les salariés sont libres de posséder ou non une ligne fixe/ADSL professionnelle à domicile, certains faisant le choix de ne pas en disposer;

La société SANOFI-AVENTIS déduit de l'ensemble de ces éléments que la salariée ne subit aucune sujétion particulière requérant une indemnisation spécifique, distincte de la rémunération globale convenue au titre de sa fonction de salarié itinérant, laquelle compense au demeurant l'éventuelle sujétion qu'elle subirait. Elle ajoute que la salariée ne peut exciper du montant de l'indemnité dont bénéficie un groupe fermé de directeurs et médecins régionaux issus du laboratoire AVENTIS depuis 2002, dès lors qu'elle n'est pas dans la même situation que ces derniers, ni en droit, lesdits salariés percevant une indemnité de bureau au titre d'un avantage individuel acquis accordé par leur précédent employeur qu'ils ont conservé lors du transfert de leur contrat de travail, ni en fait, les fonctions exercées étant différentes et qu'elle ne peut se comparer aux salariés bénéficiant de l'accord relatif au télétravail du 8 juin 2012, dont les salariés itinérants ont été expressément exclus par les partenaires sociaux;

Pour plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, il sera fait expressément référence aux dernières conclusions notifiées;

La clôture de la mise en état est intervenue le 12 décembre 2018 et l'affaire a été plaidée le 16 janvier 2019.

MOTIFS:

Sur le bien fondé de la demande d'indemnité au titre de l'occupation du domicile à des fins professionnelles

L'occupation, à la demande de l'employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles, constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n'entre pas dans l'économie générale du contrat de travail. Ainsi, le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition, peu important que les dispositions conventionnelles applicables ne prévoient pas le versement d'une telle indemnité;

Madame [U], qui exerce les fonctions de visiteuse médicale, fait partie des salariés dits ''itinérants'' qui participent, au sein de la société SANOFI-AVENTIS, à l'activité de promotion et de commercialisation des médicaments et produits pharmaceutiques du groupe;

Il est constant que les personnels itinérants consacrent une partie de leur temps de travail à des tâches administratives diverses et qu'ils doivent, sans que cette liste soit exhaustive, rendre compte de leur activité, de leurs visites sur le terrain, gérer des commandes diverses, préparer leurs visites, actualiser leurs informations, répondre à leurs courriels, se former, la formation obligatoire dispensée à distance représentant 1,38 % du total de leur activité, alors même qu'il est acquis au débat qu'ils ne disposent pas de lieu au sein de l'entreprise pour accomplir ces tâches;

La charge de travail des personnels itinérants de la société SANOFI-AVENTIS, a été plus spécifiquemnt analysée et quantifiée, en septembre 2011, par le cabinet d'experts [T], mandaté par le CHSCT ''itinérant'' de la société, duquel il ressort que s'agissant des tâches administratives de cette catégorie de personnel, elles regroupent en réalité des tâches assez nombreuses et parfois « éloignées d'un caractère réellement administratif »; qu'ainsi, sont distinguées « les tâches récurrentes et communes » : qualifications, comptes rendus d'activité, notes de frais, gestion des échantillons, commandes diverses, documentation, mises à jour, actualisation des informations, préparation des visites, préparations routières...; « les tâches récurrentes et individualisées »: matrices diverses et variées, réponses mails/questions mails, comptes rendus de toutes sortes, CR de réunions; « les tâches ponctuelles mais chronophages »: campus, préparation des manifestations professionnelles ( étiquettes, appels, relances, mises sous enveloppe, ciblage ) ;

Les experts relèvent en outre que l'outil de recensement des activités de ces personnels intitulé « TEAMS » est un outil inefficace, donc peu fiable pour rendre compte des activités, car il réduit la réalité du travail; ils précisent qu'il existe ainsi une véritable « inflation » des sollicitations notamment par les courriels électroniques; que d'une manière générale, « l'absence de lisibilité de l'activité permet d'en demander beaucoup aux itinérants »; que s'agissant de la quantification du temps de travail administratif moyen déclaré par les salariés comme étant effectué à domicile, le rapport d'expertise l'évalue à 38 minutes par jour, soit 7,6 % du temps de travail quotidien, mais que ce temps ne concerne que le travail administratif courant, c'est-à-dire lié à la journée de travail ou à des sollicitations régulières (réponses à des courriels par exemple) et qu'au final, en tenant compte des autres tâches administratives et notamment celles précédemment énumérées, le temps de travail administratif moyen réalisé à domicile par ces derniers dépasse une heure par jour;

S'il n'est pas contesté que Madame [U] peut exécuter certaines tâches administratives courantes en ''nomade'', grâce à une connexion en WIFI ou au moyen d'une clé 3G lui permettant de se connecter facilement en tout lieu, l'employeur ne peut sérieusement prétendre, au regard de l'ensemble des tâches énumérées dans le rapport d'expertise précité, que l'exécution par l'intéressée de ses tâches administratives à domicile ne résulte que de son seul choix, compte tenu de leur diversité mais également de la nécessité de pouvoir s'y consacrer dans de bonnes conditions, contrairement à ce que soutient la société SANOFI-AVENTIS, qui, minimisant l'importance du travail « annexe » des visiteurs médicaux, suggère qu'il peut être accompli « dans leur voiture ou au café »;

Il en est ainsi des formations à distance, évoquées par la salariée, sous la forme de séminaires en ligne ou de formations continues avec des évaluations en temps réduits, dont la technicité est incompatible avec un environnement public non propice à la concentration;

De même, la cour relève que l'employeur ne peut contester la réalité de l'exécution à domicile de tâches administratives par les salariés itinérants, dont fait partie Madame [U], dès lors qu'il met à leur disposition du matériel informatique ( ordinateur portable, imprimante) aux fins d'exécution des tâches administratives requises, alors qu'il ne prévoit aucun local dédié à cet effet et qu'il a procédé, pour certains d'entre eux dont l'appelante, à l'installation d'une ligne téléphonique fixe/ADSL à usage strictement professionnel à leur domicile ( peu important que cette installation ne soit réalisée qu'avec l'accord expresse du salarié);

La cour relève en outre, que s'agissant du stockage du matériel et de la documentation, dont la salariée affirme, sans être contredite utilement, qu'ils doivent être conservés et entreposés dans un endroit de nature à en permettre la conservation et en assurer la confidentialité, il n'est pas sérieux de prétendre, comme le soutient encore l'employeur, que ces matériels , même réduits en volume du fait des avancées technologiques, peuvent être stockés dans le coffre de la voiture mise à la disposition du salarié ;

Enfin, il est constaté que la société SANOFI-AVENTIS, verse au personnel itinérant non cadre une indemnité mensuelle de sujétion depuis le 1er mars 2016, d'un montant de 35 euros bruts, reconnaissant ainsi implicitement la nécessité de l'indemniser au titre de l'occupation du domicile à des fins professionnelles;

Il ressort de tout ce qui précède que confirmant l'appréciation sur ce point des premiers juges, la salariée qui ne dispose pas d'un local professionnel pour exécuter ses tâches administratives, qui a été équipée à son domicile d'un accès internet et d'une ligne téléphonique fixe à usage strictement professionnel par l'employeur, qui justifie de la nécessité d'effectuer à domicile les tâches administratives qui lui incombent et dont la diversité et l'amplitude a été relevée dans un rapport d'expertise non contesté, est soumise à une véritable sujétion qui ouvre droit à une indemnisation;

Sur le montant de l'indemnité:

Madame [U] sollicite une prime de sujétion de 91 euros par mois, contestée dans son quantum par l'employeur qui fait valoir d'une part, qu'elle ne peut être fixée en considération du montant de l'indemnité accordée aux salariés du laboratoire AVENTIS, dont les fonctions ne sont nullement comparables à celle de l'appelante, et d'autre part, que la sujétion dont fait état la salariée doit être évaluée en considération de l'espace et du temps consacré et, en tout état de cause, individualisée;

La cour considère cependant que le montant de l'indemnité ne peut dépendre que de l'importance de la sujétion imposée à la salariée, du fait de l'immixtion dans sa vie privée du travail à accomplir pour l'employeur et de la nécessité de stocker des matériels professionnels à son domicile;

Sans méconnaître la circonstance selon laquelle les indemnités accordées aux anciens salariés d'AVENTIS reposaient sur le maintien d'un avantage individuel acquis lors de leur transfert, la cour estime que ces indemnités peuvent néanmoins servir de référence aux autres salariés;

Elle estime surtout, au regard du principe précédemment rappelé, qu'il n'y a pas lieu pour fixer l'indemnité de procéder individuellement, comme le réclame l'employeur, à une analyse du temps et de l'espace consacrés par le salarié, ni de tenir compte le cas échéant du travail à temps partiel, sans effet sur l'octroi d'une indemnité forfaitaire, ni des mandats de représentation du personnel du fait du caractère indemnitaire de la prime;

La cour rappelle enfin que l'employeur a d'ores et déjà admis le principe du caractère forfaitaire de l'indemnité au titre de l'occupation du domicile, puisqu'il verse à Mme [U], comme à tous les salariés itinérants, une indemnité de 35 euros par mois depuis le mois de mars 2016 non inclus,

Ainsi, au regard de l'importance de la sujétion imposée à la salariée, en considération de la nature des tâches effectuées par celle-ci à son domicile pour l'employeur, telles qu'elles ont été analysées par l'expertise interne et des contraintes de stockage, il convient de fixer à 91 euros le montant de l'indemnité due à la salariée;

Infirmant en conséquence l'appréciation des premiers juges sur le quantum de l'indemnité, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise au regard des éléments dont la cour dispose, il conviendra de condamner la société SANOFI-AVENTIS, à verser à Mme [U] la somme mensuelle de 91 euros au titre de l'indemnité afférente à ses fonctions, sauf à déduire les sommes qui ont d'ores et déjà été versées par l'employeur de ce chef à compter du ler mars 2016;

Il conviendra en outre de condamner la société SANOFI-AVENTIS au paiement, pour la période non prescrite, de la somme de 6 188 euros à titre de rappel d'indemnité soit du ler juillet 2010 jusqu'au ler mars 2016;

Sur les dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail

L'article L.1222-1 du code du travail précise que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi. »

Mme [U] prétend que la société SANOFI-AVENTIS, a exécuté le contrat de travail de mauvaise foi en raison de sa résistance face aux décisions de justice précédentes, devenues définitives, sans rapporter cependant la preuve d'un préjudice spécifique résultant de ce manquement ; le jugement sera confirmé en qu'il l'a déboutée de ce chef de demande;

Sur les autres demandes

La société SANOFI-AVENTIS, produira un bulletin de salaire conforme à la présente décision, sans qu'il y ai lieu de recourir à l'astreinte;

La société SANOFI-AVENTIS,, qui succombe à la présente instance, en supportera les dépens.

En équité, elle sera condamnée à verser à Mme [U] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a reconnu l'existence de l'indemnisation de Mme [S] [U] au titre de l'indemnité d'occupation de son domicile à des fins professionnelles et a débouté la salariée de la demande en dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail;

INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau:

FIXE à 91 euros le montant mensuel de l'indemnité due à Mme [S] [U] au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles;

CONDAMNE la société SANOFI AVENTIS France à payer à Mme [S] [U] la somme de 91 euros par mois à compter du ler mars 2016 au titre de l'indemnité d'occupation de son domicile à des fins professionnelles, avant déduction des sommes versées à la salariée de ce chef par l'employeur;

CONDAMNE la société SANOFI -AVENTIS France à payer à Mme [S] [U] la somme de 6 188 euros à titre de rappel d'indemnité depuis le ler juillet 2010 jusqu'au ler mars 2016 non inclus;

DIT que ces sommes seront assorties des intérêts légaux à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes par l'employeur;

DIT que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil;

CONDAMNE la société SANOFI- AVENTIS à remettre à Mme [S] [U] un bulletin de salaire conforme à la présente décision;

CONDAMNE la société SANOFI -AVENTIS France à payer à Mme [S] [U] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes;

CONDAMNE la société SANOFI- AVENTIS France aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/01911
Date de la décision : 13/03/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-13;17.01911 ?
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