RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 13 Mars 2019
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/09062 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZFEA
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 14/01825
APPELANT
Monsieur [H] [E]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Jean Jacques DIEUDONNE, avocat au barreau de COLMAR, substitué par Me Lilian SOUMSA, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉE
Société AIR FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 substitué par Me Carole MAUCCI, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE
Syndicat DES PILOTES D'AIR FRANCE (SPAF)
[Adresse 3]
[Localité 3]
représentée par Me Claire HOCQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0329
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marianne FEBVRE-MOCAER, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bruno BLANC, président
Mme Marianne FEBVRE-MOCAER, conseillère
M. Olivier MANSION, conseiller
Greffière : Mme Clémentine VANHEE, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,
- signé par M. Bruno BLANC, Président et par Mme Clémentine VANHEE, Greffière présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur [H] [E] a été engagé par la compagnie Air Inter à compter du 18 avril 1989 et a intégré la société Air France à la suite de la fusion entre Air Inter et Air France en date du 1er avril 1997.
Monsieur [H] [E] est actuellement commandant de bord sur Boeing B777 .
Le 12 juin 2012, la société Air France a notifié à Monsieur [H] [E] une mise à pied disciplinaire de 5 jours sans salaire, en ces termes :
« Monsieur,
Après avoir informé les Délégués du Personnel Navigant Technique, nous vous avons reçu le 2 avril 2012 pour un entretien préalable auquel vous avez été convoqué par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 1 er mars 2012.
Au cours de cet entretien, qui s'est déroulé en présence de Monsieur [B] [S] qui vous assistait, et de Monsieur [A] [Y], nous vous avons exposé les faits qui nous ont amenés à envisager à votre encontre une sanction disciplinaire du 1 er degré.
Le 2 février 2012, alors que vous étiez désigné pour assurer le commandement du vol AF 480 CDG/LIM , vous avez informé la Compagnie de votre décision de débarquer du vol.
Lorsque le Commandant de Bord déclenché de réserve pour assurer ce vol à votre place s'est présenté à bord de l'avion, vous avez délibérément fait obstruction à sa prise de fonction, ne lui permettant pas de prendre ses fonctions dans des conditions compatibles avec une gestion sereine du départ notamment en termes de sécurité des vols.
Conformément à votre demande et aux dispositions de l'article 4.3.1 du Règlement Intérieur du Personnel Navigant Technique, une Commission d'Investigation s'est réunie afin d'instruire les faits qui vous sont reprochés et de statuer sur la qualification (disciplinaire ou professionnelle) de ces faits.
Le rapport de la Commission d'Investigation, qui vous a été communiqué le 29 mai 2012, concluant au désaccord des deux membres sur ce point, cette décision relevait de la compétence du Directeur Général Adjoint des Opérations Aériennes.
Les explications que vous nous avez fournies lors de l'entretien préalable n'étant pas de nature à modifier notre appréciation, et le Directeur Général Adjoint des OpérationsAériennes ayant confirmé la nature disciplinaire des faits, nous vous notifions par la présente d'une mise à pied sans solde de cinq jours pour obstruction à la prise de fonction du CDB chargé de vous remplacer sur le vol AF 480 CDG/LIM'.
Monsieur [H] [E] a, par courrier en date du 18 juin 2012, exercé un recours gracieux à l'encontre cette décision .
Par courrier en date du 6 juillet 2012, la société Air France a confirmé la sanction prononcée.
Monsieur [H] [E] a saisi, le 6 novembre 2012, le conseil de prud'hommes de Colmar des demandes suivantes dirigées contre la société Air France :
« Annuler la mise à pied dont le demandeur a fait l'objet, le 12 juin 2012;
Ordonner la reconstitution du salaire du demandeur, après annulation;
Condamner la défenderesse au paiement d'un montant de 12.234,95 € au titre de rappel de salaire après annulation;
Condamner la défenderesse au paiement d'un montant de 1.223,49 € à titre de congés payés sur les éléments salariaux;
Dire que ces montants porteront intérêts au taux légal à compter de la demande ;
Condamner la défenderesse en tous frais et dépens ainsi qu'au paiement d'un montant de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ».
Lors de l'audience du 1 er février 2013, la société Air France a soulevé l'incompétence territoriale du conseil de prud'hommes de Colmar au profit du conseil de prud'hommes de Bobigny.
Par jugement en date du 8 mars 2013, le conseil de prud'hommes de Colmar s'est déclaré territorialement incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Bobigny.
Monsieur [H] [E] a formé un contredit à l'encontre de ce jugement.
La Cour d'appel de Colmar a, par un arrêt en date du 3 juillet 2013, rejeté ce contredit.
C'est dans ces circonstances que l'affaire a été renvoyée devant le conseil de prud'hommes de Bobigny.
Le Syndicat des Pilotes d'Air France est, par la suite, intervenu volontairement à l'instance par voie de conclusions communiquées en date du 25 février 2014 aux termes desquelles il était demandé au conseil de prud'hommes de Bobigny de :
« Dire recevable l'intervention volontaire du SPAF,
Annuler la sanction de 5 jours de mise à pied infligée à Monsieur [H] [E] et en tirer toutes les conséquences quant à la répartition du préjudice subi par ce Commandant de bord;
Condamner AIR FRANCE à verser au SPAF la somme de 5.000 € de dommages et intérêts en raison de l'atteinte portée aux intérêts de la profession et celle de 3.600 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ».
Par la suite, Monsieur [H] [E] a, communiqué de nouvelles conclusions aux termes desquelles il faisait valoir qu'il aurait subi une discrimination en raison de l'âge du fait d'une absence de mise en stage de qualification sur Airbus A380.
Aux termes de ses conclusions, Monsieur [H] [E] demandait désormais au Conseil de Prud'hommes de :
« Annuler la mise à pied dont le demandeur a fait l'objet, le 12 juin 2012;
Ordonner la reconstitution du salaire du demandeur, après annulation ;
Condamner la défenderesse au paiement d'un montant de 12.234,95 € au titre de rappel de salaire après annulation ;
Condamner la défenderesse au paiement d'un montant de 1.223,49 € à titre de congés payés sur les éléments salariaux;
Dire que ces montants porteront intérêts au taux légal à compter de la demande;
Dire et juger que la décision de la défenderesse d'écarter Monsieur [H] [E] de plusieurs campagnes de qualification successives sur Airbus A380 constitue une discrimination fondée sur l'âge et par conséquent un trouble manifestement illicite;
Ordonner à la défenderesse de retenir Monsieur [H] [E] pour la prochaine campagne de qualification sur Airbus A380 ouvrant après la notification de la présente décision.
Condamner la défenderesse au paiement à Monsieur [H] [E] de la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la discrimination fondée sur l'âge dont il a fait l'objet ;
Condamner la défenderesse au paiement à Monsieur [H] [E] de la somme de 161.852,93 € à titre de rappel de salaire ;
Dire que ces montants porteront intérêts au taux légal à compter de la demande;
Condamner la défenderesse en tous frais et dépens ainsi qu'au paiement d'un montant de 2.000 € par application de l'article 700 du NCPC ».
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [H] [E] du jugement rendu le 2 juin 2016 par le conseil de prud'hommes de Bobigny, qui a :
« Débouté M. [H] [E] de l'ensemble de ses demandes ;
Débouté la société Air France de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile , à l'encontre de M. [H] [E] et à l'encontre du Syndicat SPAF ;
Débouté le syndicat SPAF de l'ensemble de ses demandes ;
Condamné Monsieur [H] [E] aux éventuels dépens ».
La cour , avec l'accord des parties, a ordonné une médiation le 25 janvier 2018. Aux termes de son rapport en date du 16 avril 2018, le médiateur a informé la cour de l'échec de ce processus de sorte que l'affaire a été rappelée à l'audience du 29 janvier 2019.
Vu les conclusions en date du 29 janvier 2019, au soutien de ses observations orales, par lesquelles Monsieur [H] [E] demande à la cour de :
' Dire l'appel interjeté par M. [E] contre le jugement du Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY du 2 juin 2016, recevable et bien fondé ;
En conséquence, infirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Annuler la mise à pied dont le demandeur a fait l'objet, le 12 juin 2012 ;
Ordonner la reconstitution du salaire du demandeur, après annulation ;
Condamner la défenderesse au paiement d'un montant de 12.234,95 € au titre de rappel de salaire après annulation, outre un montant de 1.223,49 € à titre de congés payés sur les éléments salariaux ;
Dire que ces montants porteront intérêts au taux légal à compter de la demande ;
Dire que la décision de la défenderesse d'écarter Monsieur [E] de plusieurs campagnes de qualification successives sur Airbus A380 constitue une discrimination fondée sur l'âge et par conséquent un trouble manifestement illicite ;
Ordonner à la défenderesse de retenir Monsieur [E] pour la prochaine campagne de qualification sur Airbus A380 ouvrant après la notification de la présente décision ;
Condamner la défenderesse au paiement à Monsieur [E] de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la discrimination fondée sur l'âge dont il a fait l'objet ;
Condamner la défenderesse au paiement à Monsieur [E] de la somme de 161.852,93 € à titre de rappel de salaire ;
Dire que ces montants porteront intérêts au taux légal à compter de la demande ;
Condamner la défenderesse en tous frais et dépens ainsi qu'au paiement d'un montant de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ».
Vu les conclusions en date du 29 janvier 2019 par lesquelles le SPAF demande à la cour de :
Dire recevable son intervention ;
Annuler la sanction de 5 jours de mise à pied infligée à Monsieur [E] et en tirer toutes conséquences quant à la réparation du préjudice subi par le commandant de bord ;
Condamner AIR FRANCE à verser au SPAF la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'atteinte portée à la profession et celle de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en raison des frais exposés en première instance comme en appel ;
Condamner AIR FRANCE aux dépens.
Vu les conclusions en date du 29 janvier 2019 par lesquelles la société AIR FRANCE demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par la section Encadrement du conseil de prud'hommes de Bobigny ;
Par conséquent,
S'agissant de l'intervention volontaire du SPAF :
- à titre principal : dire et juger nulle l'intervention volontaire du syndicat SPAF ;
- à titre subsidiaire : débouter le SPAF de ses demandes infondées ;
S'agissant des demandes de Monsieur [H] [E] :
- dire et juger que les demandes de Monsieur [H] [E] sont infondées et l'en débouter ;
En tout état de cause :
- condamner Monsieur [H] [E] à payer à la société Air France la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le SPAF à payer à la société Air France la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laisser les éventuels dépens à la charge de Monsieur [H] [E] et du SPAF.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.
A l'issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 13 mars 2019 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
sur la nullité de l'intervention volontaire du SPAF :
Considérant qu'à l'audience du 29 janvier 2019, la société AIR FRANCE se désiste de sa demande tendant à voir juger nulle l'intervention du SPAF ;
Sur la mise à pied disciplinaire :
Considérant qu'il résulte des constatations contenue dans le rapport de la commission d'investigation en date du 29 mai 2012, réunie à la demande de Monsieur [H] [E], en application de l'article 4.3.1 du règlement intérieur du PNT :
Qu'à la suite du refus de renfort qui lui était opposé relatif à sa demande d'embarquer un 3ème OPL supplémentaire, en application du paragraphe 3.1.3 du chapitre III de l'annexe I du décret du 11 juillet 1991, Monsieur [H] [E] a mis fin à sa mission sur le vol CDG/LIMA ;
Que le texte sus visé dispose : 'Tout membre de l'équipage doit s'abstenir d'exercer ses fonctions dès qu'il ressent une déficience quelconque de nature à lui faire croire qu'il ne remplit pas les conditions d'aptitude nécessaires à l'exercice de ses fonctions';
Que la retranscription des conversations téléphoniques est sans équivoque à ce sujet Monsieur [E] indiquant : ' Je débarque et Monsieur [R] le premier officier débarque également conformément au GENOPS' ;
Que suite à ce débarquement, le centre de contrôle des opérations a déclenché un capitaine de réserve avec un OPL de réserve afin de prendre la relève de l'équipage s'étant déclaré devant s'abstenir d'exercer ses fonctions ;
Que l'équipage de réserve s'est présenté à l'avion mais s'est trouvé face au refus de Monsieur [H] [E] de quitter son poste dans l'attente d'une confirmation écrite que sa demande de 3ème OPL était refusée ;
Que ce faisant, Monsieur [H] [E] a empêché le nouvel équipage de prendre possession de l'avion et a généré un retard conséquent dans le départ du vol, départ qui n'a pu intervenir qu'à une minute seulement avant l'heure d'annulation du vol ;
Que Monsieur [H] [E] n'a quitté son poste qu'à la réception écrite de l'acars lui signifiant le refus du 3 ème OPL de renfort sans qu'il soit pour autant établi que la non réception de ce document faisait obstacle au débarquement annoncé selon les procédures applicables et alors même que Monsieur [H] [E] avait, sans ambiguïté, mis lui même fin à sa mission ;
Qu'en définitive, et alors qu'il n'est pas discuté par la société AIR FRANCE que Monsieur [H] [E] et le copilote étaient fondés à faire usage 'de la clause de fatigue', l'appelant ne rapporte pas la preuve d'une disposition réglementaire ou d'une disposition interne à l'entreprise imposant la réception écrite préalable d'un acars avant le départ effectif du cockpit du PNT ayant décidé en débarquer ;
Que Monsieur [H] [E] a généré délibérément un retard dans la relève de l'équipage, attitude d'obstruction délibérée qui, à elle seule, a justifié la sanction disciplinaire prise par l'employeur ;
Qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé sur ce point étant précisé qu'à défaut d'atteinte établie à l'intérêt collectif et à la sécurité des vols le syndicat des pilotes d'AIR FRANCE sera débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
Sur la contestation de l'absence de mise en stage sur A 380 au titre de la saison Eté 2010 et des saison suivantes :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 1132-1 du Code du travail :
« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire , directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1erde la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »
Qu'en application des dispositions de l'article L. 1134-1 du Code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions relatives au principe de non-discrimination, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte définie ci-dessus;
Qu'au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Considérant que le chef de demande tendant à la reconnaissance d'une discrimination a été présenté pour la première fois en 2017 devant la cour, alors que le Conseil de Prud'hommes de Colmar a été saisi en 2012;
Que Monsieur [H] [E] , exerçant la fonction de commandant de bord sur 777 soutient qu'il s'est porté candidat aux formations sur A 380 dès avril 2010 et pour les campagnes de formation suivantes mais que, bien que réunissant l'ensemble des critères administratifs et techniques, il n'a jamais été retenu en raison de son âge ce qui constitue une discrimination prohibée ;
Qu'en réponse, la société AIR FRANCE soutient que le refus de faire bénéficier le salarié d'un stage de qualification sur A 380 n'était pas lié à son âge mais était fondé sur le fait que Monsieur [H] [E] ne remplissait pas les conditions conventionnellement exigées pour y prétendre et qu'en dernier lieu il était licite , au regard des dispositions du code du travail ( article L 1133-2 ) , de prévoir un âge maximum pour le recrutement en considération de la formation requise pour le poste concerné ou d'une période d'emploi raisonnable avant la retraite ;
Que force est de constater que la première demande datant d'avril 2010 a été la première d'une série constante de refus de la part de la société AIR FRANCE alors qu'il n'est pas contesté que Monsieur [H] [E] pouvait voler jusqu'à ses 65 ans soit au plus tard le 19 décembre 2019;
Que la prise en considération de l'âge de Monsieur [H] [E] au moment de sa première demande est établie, l'appelant produisant sa fiche de renseignements PNT au 05 novembre 2008, sur laquelle l'employeur a porté au titre du plan de qualification la mention : ' PN en limité d'âge' ;
Qu'ainsi, il est démontré par Monsieur [H] [E] que les refus constants de la société AIR FRANCE à toutes ses demandes de stage de qualification sur A 380 étaient, pour le moins, fondées sur son âge en violation de la directive
2000/78 du 27 novembre 2000 et des dispositions du code du travail sus visées ;
Que la discrimination fondée sur l'âge est établie.
Considérant en conséquence qu'il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [H] [E] de ses demandes liées la contestation de l'absence de mise en stage sur A 380 au titre de la saison Eté 2010 et des saison suivantes ;
Sur les demandes d'indemnisation présentées par Monsieur [H] [E] :
Considérant que si Monsieur [H] [E] a été privé de la chance d'exercer des fonctions de pilote sur A 380, il est cependant établi que les différents postes de préjudice dont Monsieur [H] [E] sollicite la réparation trouvent leur origine dans un fait unique, à savoir la perte de chance d'accéder au pilotage d'un A 380 et des droits qui en découlent en ce qui concerne tant la rémunération, que les droits à la retraite et le montant de l'indemnité de fin de carrière ;
Que la réparation de cette perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut, en toute hypothèse, être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, ce qui ne présente aucun caractère de certitude ;
Que la cour dispose des éléments pour fixer le montant du préjudice subi à la somme de 70.000 euros ;
Sur les autres demandes':
Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif;
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel de Monsieur [H] [E] recevable,
INFIRME le jugement uniquement en ce qu'il a débouté Monsieur [H] [E] de ses demandes au titre de la discrimination liée à l'âge ;
Et statuant à nouveau:
JUGE que les décisions successives de la société AIR FRANCE de ne pas retenir Monsieur [H] [E] sur les campagnes de qualification constituent une discrimination liée à l'âge ;
CONDAMNE la société Air France à payer à Me [H] [E] la somme de 70.000 € à titre de dommages-intérêts, ainsi que la somme de 5000 € au titre de la perte de chance de bénéficier du droit individuel à la formation avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;
CONDAMNE la société Air France à payer à Monsieur [H] [E] 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE la société Air France aux entiers dépens de première instance et d'appel,
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT