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12/03/2019 | FRANCE | N°17/14723

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 12 mars 2019, 17/14723


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 12 MARS 2019



(n° 111, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/14723 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B32CL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 15/01390





APPELANTS



Monsieur [Y] [Z]

[Adresse 1]

[Ad

resse 1]



né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1] (Maroc)





Monsieur [T] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



né le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 2] (75)





Monsieur [H] [Z]

[Adress...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 12 MARS 2019

(n° 111, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/14723 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B32CL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 15/01390

APPELANTS

Monsieur [Y] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1] (Maroc)

Monsieur [T] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 2] (75)

Monsieur [H] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 3] (77)

Représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Marine LE BIHAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P445

INTIMES

Monsieur [A] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 1] (Maroc)

Représenté et plaidant par Me Olivier OHAYON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0004

SCI DU [Adresse 1] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Anne de LACAUSSADE, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Christian HOURS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière présent lors du prononcé.

*****

Le 7 janvier 1999, M. [Y] [Z] et M. [A] [J], agents immobiliers, ont constitué, à parts égales, la société civile immobilière du [Adresse 1], ayant pour objet l'acquisition,'l'administration'et'la'jouissance, par'bail'ou autrement, d'un immeuble' sis'[Adresse 1](Val' de Marne).

M. [A] [J] était gérant statutaire de la société qui a opté pour l'impôt sur le revenu.

La SCI [Adresse 1] a acquis l'immeuble désigné, alors constitué de 38 lots, lesquels ont, à l'issue d'importants travaux financés par un emprunt, été transformés en 14 lots d'habitation et 7 boxes.

En 2002, les lots d'habitation 27 et 28 ont été cédés, leur prix étant partagé entre les deux associés, la SCI [Adresse 1] restant propriétaire de 12 lots d'habitation et 7 boxes sous le régime de la copropriété.

Le'lot'numéro'[Cadastre 1],'d'une'surface'de'90'm²,'a'été occupé de 2002' à 2006'par'M [Z] et son'épouse, tandis que le lot' numéro'[Cadastre 2],'d'une'surface'de'57'm², était occupé'par'leurs'deux'fils

M. [Z] et M. [J] étaient alors convenus que le montant du loyer de chacun de ces deux lots serait fixé à la somme de 900 euros, soit pour les deux lots 1 800 euros et que la moitié du loyer de chaque lot (450 euros) serait versée directement depuis le compte personnel de M. [Z] et de ses fils vers le compte personnel de M. [J].

Le 27 mai 2005, M. [Z] a cédé la nue-propriété des parts qu'il détenait dans le capital social de la SCI [Adresse 1] à ses deux fils, MM. [H] et [T] [Z], au prix de 76 000 euros, l'acte mentionnant notamment que':

- la SCI [Adresse 1] n'a pas d'autre passif que celui susvisé,

-'la société est à jour du remboursement des emprunts conformément aux tableaux d'amortissement dont les donataires ont pris connaissance,'

-'elle est à jour de ses dettes courantes (impôts locaux, charges de copropriété et assurances).

En juin 2006, M. [Z] a reproché à M. [J] un manque de transparence et l'a menacé de demander la dissolution de la SCI.

'

M. [Z] et son épouse ont libéré le lot n°[Cadastre 1] en décembre 2006 et occupé le lot'n°'[Cadastre 3]'pour'lequel'ils'ont acquitté, auprès'de'la'SCI'[Adresse 1], un'loyer mensuel de 900 euros.

'

A partir de 2007, Mme [V] [J], fille de M. [J], a également occupé un logement dans la SCI pour un loyer mensuel de 500 euros.

Le montant du loyer payé par M. [Y] [Z] pour le lot n° [Cadastre 3] et celui payé par MM. [T] et [H] [Z] pour le lot n° [Cadastre 2] ont alors été réévalués à la somme de 800 euros sur la base du calcul du prix au m² du loyer consenti à Mme [J].

M. [Z], reprochant un manque de transparence à son associé dans la gestion de la société, a désigné M. [T], expert-comptable, afin de clarifier la situation. Celui-ci a indiqué qu'aucune comptabilité n'était tenue et a signalé des prélèvements effectués par M. [J].

Le 12 septembre 2013, M. [T] [Z], a écrit, au nom de son père, à M. [J] pour lui'faire'part'de'sa préoccupation'quant'à'la'situation'comptable'de'la'SCI. Il'lui'a demandé également de remettre la comptabilité à'M.'[T], expert-comptable, et'de'confier'la'gestion de'la'SCI'à'un'syndic.

'

Le 28'avril'2014, M.'[J]'a indiqué'avoir'décidé'de'confier'la comptabilité de la SCI au cabinet E.C. Consulting.

'

M. [Z] a contesté cette décision prise sans son accord et,'par courrier en date du 10 mai 2014, a reproché'à'M. [J]'sa gestion, demandant la dissolution de la société.

Le 24'septembre'2014,'M.'[Z]'et'ses'fils'ont fait assigner M. [J] et la SCI devant le tribunal de grande instance de Créteil afin que celui-ci :

- à titre principal, prononce la dissolution anticipée de la société en raison de la perte' de' l'affectio societatis,'subsidiairement' en raison de la' mésentente' des associés,

-'à'titre'subsidiaire, désigne un'expert'avec'pour'mission'de'reconstituer l'intégralité de la comptabilité de la SCI [Adresse 1] sur les dix dernières années.

Par jugement en date du 27 juin 2017, le tribunal de grande instance de Créteil a :

- rejeté l'intégralité des demandes des consorts [Z] ;

- les a condamnés à payer à M. [J] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

Cette juridiction a retenu que :

- les consorts [Z] n'articulent aucun fait à l'appui de leur demande de dissolution anticipée de la SCI [Adresse 1] ;

- les allégations concernant "les irrégularités flagrantes commises par M. [J] dans l'établissement de la comptabilité et la dissimulation de loyers perçus directement en espèce" concernent des fautes dans l'exécution du mandat de gérant et non dans l'exécution par un associé de ses obligations ;

- le choix d'un expert comptable pour établir les comptes de la société et les déclarations fiscales est un acte de gestion courante qui ne requiert pas l'approbation de l'assemblée générale ; le désaccord sur le choix de l'expert comptable ne constitue pas en soi une preuve de la mésentente entre associés, d'autant que celle-ci, à la supposer établie, ne constitue pas non plus un juste motif de dissolution de la société dès lors qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait pour effet d'en paralyser le fonctionnement.

- les consorts [Z] ne produisent aucun élément permettant de douter de la fiabilité de la société EC Consulting ayant établi la comptabilité.

Les consorts [Z], qui ont interjeté appel de ce jugement, demandent à la cour, dans leurs dernières conclusions du 19 octobre 2017, d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 27 juin 2017 en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- à titre principal, prononcer la dissolution anticipée de la SCI [Adresse 1] pour justes motifs;

'- subsidiairement, désigner un expert-comptable pris sur la liste des experts judiciaires inscrits auprès de la cour d'appel de Paris, avec pour mission d'établir la comptabilité de la SCI [Adresse 1] depuis sa constitution ;

- en tout état de cause, condamner M. [J] à verser à [Y], [H] et [T] [Z] chacun, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- le condamner'aux'entiers dépens'dont'distraction au'profit'de'la'Selarl Lexavoué' Paris-Versailles.

Dans leurs dernières écritures du 12 décembre 2017, M. [J] et la SCI [Adresse 1] demandent à la cour de :

-' confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue le 27 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Créteil ;

-' débouter en conséquence les consorts [Z] de leur demande de dissolution de la SCI [Adresse 1] ;'

'- les débouter de leur demande d'expertise ;

'- subsidiairement, juger que la mesure d'expertise sera à la charge entière et définitive des consorts [Z] ;

- les condamner à'verser à'M. [J]'la'somme'de'3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens en cause d'appel.

SUR CE,

Considérant que les consorts [Z] soutiennent que M. [J], qui a manqué à ses obligations, violé les statuts, omis de tenir régulièrement les comptes de la SCI, est à l'origine de la mésentente durable entre les associés, ses manquements graves et répétés à ses obligations ayant au surplus paralysé le fonctionnement de la SCI, l'ensemble de ces faits justifiant la dissolution de la SCI ;

Considérant que M. [J] réplique que :

- la demande de dissolution anticipée de la société est mal fondée, les appelants ne justifiant pas de ses manquements et d'une mésentente entre les associés qui auraient conduit à la paralysie du fonctionnement de la société ;

- les consorts [Z] ne sauraient caractériser une mésentente par la comptabilité établie postérieurement à la saisine du tribunal ;

- les consorts [Z] ont créé artificiellement une mésentente dans le seul dessein de conduire à la vente des biens immobiliers détenus par la SCI, dont le prix sera versé aux seuls nus-propriétaires et échappera à l'administration fiscale ;

- la société réalise son objet social, ne fait l'objet d'aucune paralysie l'empêchant de poursuivre son activité et justifiant sa dissolution ;

- les consorts [Z], connaissant parfaitement la gestion de la société, ne justifient d'aucun intérêt légitime à solliciter une expertise judiciaire pour établir la comptabilité de la société depuis sa constitution';

Considérant qu'aux termes de l'article 1844-7, 5° du code civil, « la société prend fin ('.) par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société » ;

Considérant que M. [J], gérant de la SCI, n'a jamais convoqué d'assemblée générale depuis sa constitution, avant celle du 30 juin 2017, qui n'a pu se dérouler compte tenu de la mésentente existant entre les deux associés, désormais en procès ;

Considérant qu'il apparaît par ailleurs qu'aucune comptabilité n'a été tenue par le gérant depuis la constitution de la société et pendant plus de dix ans jusqu'à ce que les consorts [Z] reprochent à M. [J] d'avoir prélevé sur les comptes de la SCI l'intégralité des loyers correspondant à l'occupation des lots par [Y] [Z] et sa famille ;

Considérant dans ces conditions que la nécessité de faire reconstituer la comptabilité par un expert-comptable ayant la confiance des deux associés à égalité était manifeste ;

Considérant en outre qu'aux termes des statuts, pour les dépenses supérieures à 1 000 francs (150 euros), le concours et l'approbation de l'assemblée générale sont nécessaires;

Considérant cependant que M. [Z] n'a pas été appelé par le gérant à donner son accord sur la désignation de l'expert-comptable, alors même que cette dépense excédait la somme de 1 000 francs (150 euros) ; que M. [J], en prenant seul cette décision, a violé les dispositions statutaires ;

Considérant au surplus que la comptabilité reconstituée par le cabinet choisi par M. [J] est fortement critiquée par M. [K] [B], expert près la cour d'appel de Paris qui relève notamment qu'aucun bilan ni compte de résultat n'a été établi et qu'il existe de nombreuses irrégularités ;

Considérant que M. [J] en s'abstenant, depuis le début de la SCI, de veiller à la bonne tenue des comptes et à la convocation régulière des assemblées générales, a violé ses obligations légales et statutaires ;

Considérant par ailleurs que les pièces versées par les parties, notamment les courriers échangés, démontrent que, depuis 2013, les rapports entre M. [J] et M. [Z] sont devenus très conflictuels ;

Considérant que le désaccord sur la désignation d'un expert-comptable, déjà évoqué, est révélateur de cette situation ;

Considérant que l'impossibilité de se mettre d'accord pour prendre une décision illustre la perte de l'affectio societatis et démontre le blocage du fonctionnement de la SCI qui, eu égard à l'égalité de voix de ses associés et à l'exigence d'une décision de l'assemblée générale pour toute dépense supérieure à 1 000 francs (150 euros), ne peut prendre aucune décision ;

Considérant dans ces conditions que la demande de dissolution des consorts [Z] sera accueillie, Me [L], mandataire judiciaire, étant désignée pour faire les comptes entre les parties et procéder à la liquidation de la SCI ;

Considérant dès lors qu'il convient d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil le 27 juin 2017 et de débouter M. [J] de ses demandes ;

Considérant que M. [J] devra verser aux consorts [Z], ensemble, la somme de 3 000 euros pour compenser leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel et supporter les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS, la cour,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Créteil en date du 27 juin 2017 ;

Prononce la dissolution de la SCI [Adresse 1] et désigne Me [S] [L], demeurant [Adresse 3], mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur, pour établir les comptes entre les parties, procéder aux opérations de liquidation de la SCI conformément aux dispositions des statuts de la société et des articles 1844-8 et 1844-9 du code civil ;

Dit que le liquidateur aura les pouvoirs les plus étendus conformes aux lois et usages en la matière et en particulier aura pour mission de :

- gérer et administrer la société dans le but de sa liquidation ;

- se faire remettre par les parties les archives, les documents sociaux qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, se faire communiquer les comptes sociaux ou les établir, avec l'assistance si besoin d'un expert-comptable, régler le passif et réaliser l'actif tout en tenant compte de tout accord pouvant intervenir entre les parties ;

- faire les comptes entre les parties et répartir l'éventuel boni de liquidation en fonction des droits sociaux de chacun des associés ;

- fixe à 10 000 euros la somme à valoir sur la rémunération du liquidateur qui sera avancée par les consorts [Z] et supportée en définitive par la SCI [Adresse 1] ;

Déboute M. [J] de ses demandes ;

Le condamne à payer aux consorts [Z] ensemble la somme de 3 000 euros pour compenser les frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

Le condamne à supporter les dépens de première instance et d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/14723
Date de la décision : 12/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°17/14723 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-12;17.14723 ?
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