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11/03/2019 | FRANCE | N°17/06923

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 11 mars 2019, 17/06923


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 11 MARS 2019



(n° 2019/ , 20 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06923 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B27TU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/05733





APPELANTS



Monsieur [X] [J] assisté de son cur

ateur Monsieur Thierry [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]



Monsieur Thierry [J] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualité de curateur de Mo...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 11 MARS 2019

(n° 2019/ , 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06923 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B27TU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/05733

APPELANTS

Monsieur [X] [J] assisté de son curateur Monsieur Thierry [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

Monsieur Thierry [J] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualité de curateur de Monsieur [X] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 2]

Madame [O] [G] épouse [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 3]

Monsieur [G] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 1]

Tous représentés par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Tous assistés de Me Géraldine HUDSON - AARPI VERNASSIERES ET HUDSON avocat au barreau de PARIS toque B1136

INTIMÉES

SA ALLIANZ IARD

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 542 11 0 2 911

Représentée et assistée de Me Patrice GAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

CPAM DE [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée et assistée de Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL [Personne physico-morale 1], avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre

Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Clarisse GRILLON, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Clarisse GRILLON dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Zahra BENTOUILA

ARRÊT : contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 4 mars 2019, prorogé au 11 mars 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

et par Laure POUPET, Greffière présente lors du prononcé.

*******

Exposé du litige :

Le 12 octobre 2009, [X] [J], né le [Date naissance 1] 1981 et alors âgé de 27 ans, salarié de la SARL Assistance Manutention Levage 91 (AML 91), a été victime d'un accident du travail à la suite de l'effondrement d'un échafaudage.

Par jugement rendu le 15 décembre 2011, le tribunal correctionnel de Metz a déclaré la société AML 91 et [H] [W], son gérant, coupables du délit de blessures involontaires, ainsi que [Z] [V], en charge de la sécurité sur le chantier, préposé de la société ACF Contrôle Formation assurée auprès de la société Allianz Iard, qui ne conteste pas le droit à entière indemnisation de la victime.

Par décision du 5 mai 2010, le juge des tutelles du tribunal d'instance d'Etampes a ordonné le placement sous tutelle de [X] [J] et désigné son père, [R] [J], en qualité de tuteur. La mesure de tutelle a été transformée en curatelle renforcée le 9 juin 2011, mesure renouvelée par jugement du 6 juin 2016.

[X] [J] a été expertisé extra-judiciairement par les docteurs [M] [X] (mandaté par la société Allianz Iard) et [F] [O] (médecin conseil de la victime). Après avoir sollicité l'avis de plusieurs sapiteurs, ils ont clos leur rapport le 11 avril 2014.

[X] [J] a engagé une action devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 4] (ci-après le TASS), afin de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la société AML 91.

Par jugement du 21 novembre 2016 (instance n° 15-05733), le tribunal de grande instance de Paris a :

- ordonné le sursis à statuer, dans l'attente de la décision du TASS de [Localité 4] statuant sur le doublement de la rente à son taux maximum, sur l'indemnisation de [X] [J] des postes de préjudice suivants : dépenses de santé actuelles, dépenses de santé futures, pertes de gains passés et futurs, incidence professionnelle, déficit fonctionnel permanent,

- ordonné le sursis à statuer, dans l'attente de la décision du TASS de [Localité 4] statuant sur les préjudices non couverts par le livre IV de la sécurité sociale subis par [X] [J], sur l'indemnisation de ce dernier des postes de préjudice suivants : tierce personne avant consolidation, déficit fonctionnel temporaire, souffrances physiques et morales, préjudice esthétique temporaire et définitif, préjudice d'agrément, préjudice sexuel, préjudice d'établissement,

- condamné la société Allianz Iard à payer à [X] [J], assisté de son curateur [R] [J], les sommes suivantes en réparation de l'assistance par tierce personne à compter de la consolidation :

pour la période du 13 octobre 2013 au 31 décembre 2015 : 198 176,69 €,

à compter du 1er janvier 2016, une rente viagère et trimestrielle de 20 622 € payable à compter du 1er janvier 2016 à terme échu, revalorisable conformément à la loi du 5 juillet 1985 et qui sera suspendue en cas de prise en charge de [X] [J] dans un établissement médical ou institutionnel durant plus de 45 jours,

- condamné la société Allianz Iard à payer les sommes suivantes :

$gt; à [R] [J] en personne et à [O] [J] : 5 000 € au titre de leurs frais divers,

$gt; à[R] [J] en personne :

20 000 € au titre de son préjudice d'affection,

10 000 € au titre des troubles dans les conditions d'existence,

$gt; à [O] [J] :

20 000 € au titre de son préjudice d'affection,

10 000 € au titre des troubles dans les conditions d'existence,

$gt; à [G] [J] :

10 000 € au titre de son préjudice d'affection,

- condamné la société Allianz Iard à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] les sommes suivantes :

$gt; 111 781,12 € à valoir sur les postes d'indemnisation suivants :

dépenses de santé actuelles : 42 720,05 €

pertes de gains professionnels actuels : 10 375,85 €

pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent : 54 947,92 €

dépenses de santé futures : 3 737,30 €,

ces sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2016 pour les prestations déjà engagées par la caisse et de leur versement pour les prestations futures,

$gt; 1 047 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- condamné la société Allianz Iard à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes suivantes :

3 000 € à [X] [J], assisté de son curateur, [R] [J],

2 000 € globalement à [R] [J], agissant en son nom personnel, [O] [J] née [G] et [G] [J],

1 000 € à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4],

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Sur appel interjeté par déclaration du 30 mars 2017, et selon dernières conclusions notifiées le 9 octobre 2017, il est demandé à la cour par [X] [J], [R] [J], [O] [G] épouse [J] et [G] [J] de, essentiellement :

- déclarer la société Allianz Iard irrecevable, à tout le moins mal fondée en son appel incident, et la débouter de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

ordonné le sursis à statuer, dans l'attente de la décision du TASS de [Localité 4] statuant sur le doublement de la rente à son taux maximum, sur l'indemnisation de [X] [J] des postes de préjudice suivants : dépenses de santé actuelles, dépenses de santé futures, pertes de gains passés et futurs, incidence professionnelle, déficit fonctionnel permanent,

ordonné le sursis à statuer, dans l'attente de la décision du TASS de [Localité 4] statuant sur les préjudices non couverts par le livre IV de la sécurité sociale subis par [X] [J], sur l'indemnisation de ce dernier des postes de préjudice suivants : tierce personne avant consolidation, déficit fonctionnel temporaire, souffrances physiques et morales, préjudice esthétique temporaire et définitif, préjudice d'agrément, préjudice sexuel, préjudice d'établissement,

condamné la société Allianz Iard à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] les sommes suivantes :

$gt; 111 781,12 € à valoir sur les postes d'indemnisation suivants :

dépenses de santé actuelles : 42 720,05 €

pertes de gains professionnels actuels : 10 375,85 €

pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent : 54 947,92 €

dépenses de santé futures : 3 737,30 €,

ces sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2016 pour les prestations déjà engagées par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] et de leur versement pour les prestations futures,

$gt; 1 047 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- le réformer en ses autres dispositions et statuant à nouveau, condamner la société Allianz Iard à payer à [X] [J], assisté de son curateur, [R] [J], en réparation de l'assistance par tierce personne à compter de la consolidation :

pour la période du 13 octobre 2013 au 30 juin 2015 : 185 234,63 €,

à compter du 10 octobre 2015 (sic) : une rente viagère et trimestrielle d'un montant annuel de 170 205,36 €, payable à compter du 1er juillet 2015 (sic), par arrérages à échoir, indexée conformément aux coefficients de revalorisation du SMIC, correspondant à un capital représentatif de 5 787 663,06 € (170 205,36 € x 34,004) selon le barème publié par la Gazette du Palais des 27 et 28 mars 2013,

- condamner la société Allianz Iard à payer à [R] [J], agissant en son nom personnel, et [O] [J] née [G] :

7 273,85 € au titre de leurs frais divers,

50 000 € chacun au titre de leur préjudice d'affection,

70 000 € chacun au titre de leurs troubles dans les conditions d'existence,

- condamner la société Allianz Iard à payer à [O] [J] née [G] : 64 266,49 € au titre de ses pertes de revenus,

- condamner la société Allianz Iard à payer à [G] [J] :

30 000 € au titre de son préjudice d'affection,

15 000 € au titre de ses troubles dans les conditions d'existence,

- condamner la société Allianz Iard à payer à [X] [J], assisté de son curateur, [R] [J], 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme allouée en première instance,

- condamner la société Allianz Iard à payer à [R] [J], agissant en son nom personnel, [O] [J] née [G] et [G] [J] 500 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme allouée en première instance.

Selon dernières conclusions d'appel incident notifiées le 18 juin 2018, il est demandé à la cour par la société Allianz Iard de, essentiellement :

- déclarer les consorts [J] mal fondés en leur appel,

- confirmer le jugement prononcé le 21 novembre 2016 en ce qu'il a :

ordonné le sursis à statuer, dans l'attente de la décision du TASS de [Localité 4] statuant sur le doublement de la rente à son taux maximum, sur l'indemnisation de [X] [J] des postes de préjudice suivants :dépenses de santé actuelles, dépenses de santé futures, pertes de gains passés et futurs, incidence professionnelle, déficit fonctionnel permanent,

ordonné le sursis à statuer, dans l'attente de la décision du TASS de [Localité 4] statuant sur les préjudices non couverts par le livre IV de la sécurité sociale subis par [X] [J], sur l'indemnisation de ce dernier des postes de préjudice suivants : tierce personne avant consolidation, déficit fonctionnel temporaire, souffrances physiques et morales, préjudice esthétique temporaire et définitif, préjudice d'agrément, préjudice sexuel, préjudice d'établissement,

condamné la société Allianz Iard à payer les sommes suivantes :

$gt; à [R] [J] en personne et à [O] [J] : 5 000 € au titre de leurs frais divers,

$gt; à [R] [J] en personne : 10 000 € au titre des troubles dans les conditions d'existence,

$gt; à [O] [J] : 10 000 € au titre des troubles dans les conditions d'existence,

condamné la société Allianz Iard à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] la somme de 111 781,12 € à valoir sur les postes d'indemnisation suivants :

dépenses de santé actuelles : 42 720,05 €

pertes de gains professionnels actuels : 10 375,85 €

pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent : 54 947,92 €

dépenses de santé futures : 3 737,30 €,

renvoyé l'affaire à la mise en état du 13 mars 2017 dans l'attente de la décision du TASS,

- le réformer en ses autres dispositions et statuant à nouveau,

$gt; allouer à [X] [J] :

une indemnité de 178 564,69 € au titre des besoins d'assistance échus du 13 octobre 2013 au 1er janvier 2016,

à compter du 1er janvier 2016 : une rente viagère d'un montant trimestriel de 17 520 €, qui sera indexée conformément à la loi et suspendue en cas d'hospitalisation supérieure à 30 jours,

$gt; allouer à [O] [J] née [G] une indemnité de 15 000 € en réparation de son préjudice moral,

$gt; allouer à [R] [J] une indemnité de 15 000 € en réparation de son préjudice moral,

$gt; allouer à [G] [J] une indemnité de 7 500 € en réparation de son préjudice moral,

- débouter [X] [J], [R] [J], [O] [J] née [G], [G] [J] et la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] de toute autre demande.

Selon dernières conclusions d'appel incident notifiées le 16 avril 2018, il est demandé à la cour par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] de, essentiellement :

- constater que le jugement déféré n'est pas critiqué en ce qu'il a retenu que la société Allianz Iard devait indemniser 100 % du préjudice de la victime au titre de la tierce personne, dire que les premiers juges ne pouvaient, sans contradiction, limiter l'indemnisation lui revenant à 10 % et infirmer le jugement de ce chef,

- condamner la société Allianz Iard à lui verser la somme de 1 117 811,23 € à valoir sur les postes d'indemnisation suivants :

427 200,56 € au titre des dépenses de santé actuelles,

103 758,46 € au titre des pertes de gains professionnels actuels,

549 479,24 € au titre des pertes de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent,

37 372,97 € au titre des dépenses de santé futures,

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de chaque demande pour les prestations échues et de leur engagement pour les prestations à échoir, soit :

à compter du 6 août 2015 sur la somme de 519 912,73 €,

à compter du 11 avril 2016 sur la somme de 530 959,02 €,

à compter de leur engagement pour les dépenses futures s'élevant à la somme de 586 852,21 €, ou à compter du jugement à intervenir si la société Allianz Iard opte pour un versement en capital,

- réserver ses droits quant aux prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement,

- porter la condamnation de la société Allianz Iard à la somme de 1 066 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion en application tant des dispositions de l'article L.454-1 du code de la sécurité sociale que de l'arrêté du 20 décembre 2017,

- subsidiairement, surseoir à statuer sur les demandes de la caisse compte tenu du sursis à statuer prononcé sur la liquidation des postes de préjudice sur lesquels s'exerce le recours subrogatoire, dans l'attente de la décision à intervenir du TASS de [Localité 4],

- en toute hypothèse, condamner la société Allianz Iard à lui verser, en cause d'appel, la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction est intervenue le 15 octobre 2018.

MOTIFS de l'ARRÊT

Les prétentions des parties peuvent être récapitulées comme suit :

jugement

demandes

offres

[X] [J]

- assistance par tierce personne :

du 13/10/2013 au 9/12/2014

94 528,00 €

104 544,00 €

81 024,00 €

du 10/12/2014 au 30/06/2015

62 404,69 €

80 690,63 €

62 404,69 €

du 1/07/2015 au 31/12/2015

41 244,00 €

rente ann. 170 205,36 €*

35 136,00 €

à compter du 1/01/2016

rente ann. 82 488 €

* à compter du 1/07/2015

rente ann.70 080 €

[R] et [O] [J]

- frais de logement et déplacement

5 000,00 €

7 273,85 €

5 000,00 €

[R] [J]

- préjudice d'affection

20 000,00 €

50 000,00 €

15 000,00 €

- troubles conditions d'existence

10 000,00 €

70 000,00 €

10 000,00 €

[O] [J]

- préjudice d'affection

20 000,00 €

50 000,00 €

15 000,00 €

- troubles conditions d'existence

10 000,00 €

70 000,00 €

10 000,00 €

- perte de revenus

0,00 €

64 266,49 €

0,00 €

[G] [J]

- préjudice d'affection

10 000,00 €

30 000,00 €

7 500,00 €

- troubles conditions d'existence

0,00 €

15 000,00 €

0,00 €

1 - Sur la réparation du préjudice corporel de [X] [J]

Après avoir sollicité l'avis de plusieurs sapiteurs, en la personne du professeur [I] (neurologue) et des docteurs [F] (ophtalmologue) et [K] (ORL), les docteurs [X] et [O], experts, ont émis l'avis suivant sur le préjudice corporel subi par [X] [J] :

- blessures provoquées par l'accident : très grave traumatisme crânien et traumatisme craniofacial, contusion pulmonaire bilatérale, diverses fractures sur le plan rachidien et orthopédique traitées par ostéosynthèses,

- hospitalisations :

du 12 au 30 octobre 2009 en réanimation au CHU de [Localité 5],

du 30 octobre au 9 décembre 2009 en neurochirurgie au CHU de [Localité 5],

du 9 décembre 2009 au 17 avril 2010 au CFR d'[Localité 6] en hospitalisation complète,

du 17 avril 2010 au 15 avril 2011 au CFR d'[Localité 6] en hospitalisation de jour,

- arrêt total des activités professionnelles du 12 octobre 2009 au 12 octobre 2013,

- déficit fonctionnel temporaire :

total du 12 octobre 2009 au 17 avril 2010,

partiel à 80 % du 17 avril 2010 au 12 octobre 2013,

- aide humaine temporaire :

du 18 avril 2010 jusqu'au 18 septembre 2011 : aide humaine active de 8 heures par jour et une surveillance le reste du temps,

à compter du 18 septembre 2011 : aide humaine active de 8 heures par jour et une surveillance diurne de 8 heures + aide pour la planification, l'organisation, les tâches administratives de 3 heures par jour + aide pour les tâches ménagères (courses, préparation des repas, gestion du linge),

- consolidation fixée au 12 octobre 2013, à l'âge de 31 ans,

- déficit fonctionnel permanent : 78 %, compte tenu des séquelles ORL, ophtalmologiques, neurologiques et neuropsychologiques,

- souffrances endurées : 6/7,

- préjudice esthétique : 4/7,

- préjudice sexuel : pas d'insuffisance physiologique ni d'altération de la libido, le retentissement étant surtout relationnel et s'intégrant dans un préjudice d'établissement,

- retentissement pour les activités d'agrément : moto et vélo,

- aide humaine permanente : 8 heures par jour au titre de l'aide humaine active + 8 heures par jour au titre de la surveillance diurne,

- sur le plan professionnel : inaptitude à une activité professionnelle en milieu ouvert, inaptitude au métier de monteur-démonteur, la possibilité d'une activité occupationnelle n'étant pas certaine,

- frais futurs : 3 consultations spécialisées par an, 4 consultations avec un médecin traitant par an, 1 électroencéphalogramme tous les 18 mois ; traitement médicamenteux (Keppra : 1 cp matin et soir), appareillage auditif , consultations au CMP d'Étampes (1 séance toutes les 5 à 6 semaines sur une période de 2 ans après la consolidation).

1.1 - Sur la demande de sursis à statuer

[X] [J] a engagé une action devant le TASS de [Localité 4], afin de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Dans l'attente de la décision du TASS, il a sollicité en première instance un sursis à statuer sur l'ensemble des postes de préjudice suivants, qui seront indemnisés dans le cadre de cette instance (dépenses de santé actuelles et futures, pertes de gains passés et futurs, tierce personne avant consolidation, déficit fonctionnel temporaire et permanent, souffrances physiques et morales, préjudice esthétique temporaire et définitif, préjudice d'agrément, préjudice sexuel et préjudice d'établissement), sollicitant uniquement la liquidation du poste de tierce personne future, en précisant qu'aucune indemnisation au titre de la majoration tierce personne ne lui est versée par la caisse.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer sur l'ensemble des postes de préjudice précités.

1.2 - Sur l'indemnisation de la tierce personne permanente

Les parties s'accordent pour indemniser la tierce personne permanente en distinguant les périodes suivantes :

- du 13 octobre 2013 (date de la consolidation) au 9 décembre 2014, la tierce personne ayant été assurée par les parents de la victime,

- du 10 décembre 2014 au 30 juin 2015, la tierce personne ayant été assurée par divers prestataires outre les parents de la victime,

- enfin à compter du 1er juillet 2015 pour la période future, étant relevé que [X] [J] sollicite le versement d'une rente viagère trimestrielle à compter du 1er juillet 2015 (la mention du 10 octobre 2015 dans le dispositif des conclusions constituant manifestement une erreur matérielle) tandis que la société Allianz retient comme point de départ de la rente le 1er janvier 2016, conformément à la décision entreprise.

1.2.1 - du 13 octobre 2013 au 9 décembre 2014 :

Les parties concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu un coût horaire unique de 14 € pour l'aide active et la surveillance de jour.

[X] [J] sollicite l'indemnisation de l'assistance par tierce personne sur la base d'un coût horaire unique de 18 €, soit la somme de 104 544 € (363 jours x 16h x 18 €).

La société Allianz considère que s'il est justifié pour les besoins d'assistance active, le coût horaire de 14 € est excessif s'agissant de la simple surveillance et doit être fixé à 10 €. Elle offre une indemnité de 81 024 €, soit : (8h x14 €) + (8h x 10 €) x 422 jours.

Au sens de la nomenclature Dintilhac, les dépenses liées à la tierce personne permanente visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie .

L'indemnisation de la tierce personne est fixée en fonction des besoins de la victime. Elle n'est pas réduite en cas d'assistance bénévole par un membre de la famille ni subordonnée à la production de justificatifs.

Les docteurs [X] et [O] ont conclu à un tableau séquellaire lourd causé par l'accident dont a été victime [X] [J], à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent évalué au taux de 78 %. Au titre de la tierce personne permanente, soit à compter de la consolidation médico-légale fixée au 12 octobre 2013, ils ont retenu, en validant l'évaluation neuropsychologique du professeur [I], un besoin d'assistance évalué à 16 heures par jour 7 jours sur 7, soit'une aide humaine active fixée à 8 heures par jour et une surveillance diurne de 8 heures', étant précisé que [X] [J] peut rester seul pendant les 8 heures de nuit car il n'a jamais été rapporté de trouble pendant cette période durant laquelle il est habituellement calme dans sa chambre.

Après avoir décrit une journée type, tout en précisant les temps d'intervention de la tierce personne (pages 14-15 du rapport), les experts précisent :

- que l'aide active comprend d'une part, 4 heures pour la planification, l'organisation, la gestion des activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères et la préparation des repas), et d'autre part, 4 heures pour la stimulation, l'accompagnement sur les trajets non familiers et les activités de loisirs,

- que la surveillance durant les 8 heures restantes est destinée à guider le comportement de [X] [J] et lui éviter les mauvaises rencontres, les comportements socialement inadaptés et les mises en danger.

S'agissant de cette surveillance, il a été souligné par les parents de [X] [J] :

- que pendant la période intermédiaire où il restait seul à la maison, il lui est arrivé de faire de nombreux achats irraisonnés par internet ; que s'il peut sortir seul pour faire de petites courses ou acheter des cigarettes, il lui est arrivé à plusieurs reprises d'acheter de l'alcool ou de la drogue, en se laissant entraîner par de mauvaises rencontres faites dans la rue ou sur internet (expertise du professeur [I], pages 22-23),

- qu'il a rencontré des difficultés avec le voisinage, si bien que lorsqu'il part, ils ont toujours un contact avec lui et une possibilité de l'appeler ; que ses 'copains' ne sont pas des amis d'avant l'accident mais des jeunes qui traînent dans le village, susceptibles de venir avec de la drogue, de commettre des dégradations ou des vols ; que s'ils veillent à ce qu'il ne sorte qu'avec le montant strictement nécessaire à l'achat de ses cigarettes, il revient parfois sans cigarette et sans argent et qu'il est déjà rentré ivre et en possession de drogue ; qu'il passe son temps sur internet à 'chater' avec des inconnus et consulte de manière très fréquente des sites pornographiques (expertise des docteurs [X] et [O], pages 13 à 15).

Il se déduit des conclusions expertales ainsi détaillées, non critiquées par les parties, que le besoin d'assistance de [X] [J] doit être indemnisé distinctement selon la nature de l'aide apportée, de sorte que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a retenu un coût horaire unique.

La tierce personne active sera ainsi indemnisée au coût horaire de 16 €, tandis que l'assistance limitée à la surveillance diurne sera indemnisée à hauteur de 12 €, étant rappelé que les deux modes d'assistance ont été assurés par les membres de la famille.

La période indemnisable correspondant à 423 jours, la somme de 94 752 € sera allouée à la victime, calculée comme suit : (8h x 16 €) + (8h x 12 €) x 423 jours.

1.2.2 - du 10 décembre 2014 au 30 juin 2015 :

Les consorts [J] exposent qu'ils ont fait appel à la société Réadapt'Experts Conseils en novembre 2014, qui a procédé à un 'coaching du projet de réadaptation' moyennant la somme de 1 368 € TTC ; que les aides suivantes ont ainsi été mises en place au profit de [X] [J] :

- un accompagnement aide médico-psychologique réalisé par la société AP Services-Sabtile, disposant du label Cap'Handéo, pour le stimuler dans les actes de la vie quotidienne et réaliser des activités lui permettant de conserver ses acquis cognitifs :

soit au vu des interventions réalisées de décembre 2014 à juin 2015, une moyenne de 149,28 heures pour un mois complet (selon factures Sabtile Arpajon, pièces n°13 à 19),

soit pour la période du 10 décembre 2014 au 30 juin 2015, un total de 1 007,68 heures au coût horaire moyen de 33 €, représentant une dépense totale de 33 253,44 €,

- un accompagnement sortie réalisé par la société AP Services-Sabtile pour assurer les déplacements :

soit au vu des sorties réalisées de décembre 2014 à juin 2015, une moyenne d'interventions correspondant à 41,60 heures pour un mois complet (selon factures Sabtile Arpajon, pièces n°13 à 19),

soit pour la période précitée, un total de 278,49 heures au coût horaire moyen de 29,37 €, représentant une dépense totale de 8 179,25 €,

- une aide-ménagère réalisée par la société Tout à Dom Services, qui a assuré une partie du ménage, le surplus ayant été pris en charge par les parents de [X] [J] :

soit une moyenne d'interventions correspondant à 28 heures pour un mois complet (selon factures communiquées, pièces n°25 et 26),

soit pour la période précitée, un total de 182 heures au coût horaire de 21 €, outre des frais d'inscription annuels s'élevant à 82 €, représentant une dépense totale de 3 945 € (soit [182h x 21 €] + [82 € x 1,5 an]).

Ils précisent qu'ils ont eu recours au mode prestataire afin d'éviter les contraintes liées à l'embauche d'un salarié, et que l'aide ménagère ne pouvant assurer la surveillance et veiller à la sécurité de [X], ils ont été contraints d'assurer une présence durant ses interventions, n'étant par conséquent déchargés de toute surveillance que par l'aide médico-psychologique et l'accompagnement de sortie.

Les consorts [J] considèrent que c'est en violation du principe de réparation intégrale du préjudice que le tribunal a évalué à 14 € le coût horaire de la tierce personne incluant les charges sociales, congés payés et jours fériés, une telle décision ayant pour effet de réduire très fortement l'intervention du service prestataire en place depuis le mois de novembre 2014, et de dépendre pour plusieurs heures quotidiennes de l'aide bénévole de sa famille pour permettre une présence 16 heures par jour.

S'agissant de l'accompagnement par une aide médico-psychologique critiqué par la société Allianz, ils font valoir :

- que le professeur [I] n'a pas été interrogé sur la qualification des aides mais sur leur seule quantification,

- que si les tâches simples de la vie quotidienne effectuées par les auxiliaires de vie recouvrent les tâches ménagères, la préparation des repas, les courses, l'entretien de la maison, la gestion du linge, la surveillance pour la toilette et la prise des repas, en revanche l'accompagnement et la stimulation d'un traumatisé crânien ne sont pas compris dans les tâches qui leur sont dévolues, s'agissant d'actes plus élaborés s'articulant autour de la personne handicapée et non de son environnement ; que [X] [J] bénéficie depuis près de deux ans d'une organisation combinant l'intervention d'une auxiliaire de vie pour les tâches quotidiennes et d'une aide médico-psychologique pour l'accompagnement et la stimulation, et qu'il s'agit d'une organisation performante, indispensable à son épanouissement et à laquelle il s'est habitué,

- qu'un accueil en foyer occupationnel avec des demi-journées ponctuelles d'activités adaptées à son handicap n'a pu aboutir, [X] [J] n'ayant aucune autonomie et étant susceptible de se mettre en danger.

Ils sollicitent par conséquent, sur la base d'un besoin en aide humaine fixé pour la période du 10 décembre 2014 au 30 juin 2015 à 3 248 heures (203 jours x 16 heures), une indemnisation calculée comme suit :

- aide médico-psychologique : 1 007,68 h x 33 € = 33 253,44 €

- accompagnement de sortie : 278,49 h x 29,37 € = 8 179,25 €

- assistance familiale : 3 248 h - (1 007,68 h + 278,49 h) x 18 € = 35 312,94 €

- aide ménagère : (182 h x 21 €) + (82 € x 1,5 an) = 3 945,00 €

- total : 80 690,63 €.

La société Allianz s'oppose à la demande, en soulignant que le docteur [X], sollicité par elle pour avis sur la mise en place de ce dispositif d'assistance, a indiqué par courrier du 31 mars 2015 (sa pièce n°1) que les aides humaines nécessitées par le handicap de [X] [J] ne doivent pas être spécialisées et peuvent être confiées à des auxiliaires de vie pour des tâches simples d'accompagnement et de stimulation.

Sur la base du besoin d'assistance fixé à 3 248 heures, elle accepte de prendre en charge les frais exposés au titre de l'accompagnement médico-psychologique et de sortie pour un montant total de 41 432,69 € représentant 1 286 h d'interventions, sans toutefois approuver le mode d'assistance choisi et a fortiori son coût.

Pour le solde restant, soit 1 962 heures (3 248 h - 1 286 h), elle offre l'indemnisation suivante :

- au titre de l'aide active : (3 248 h /2 - 1 286 h) = 338 h au coût horaire de 14 € =

4 732 €,

- pour la surveillance : 1 624 h x 10 € = 16 240 €.

Le principe de la réparation intégrale du préjudice commande de replacer la victime dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne avant l'accident. Il impose dès lors de lui permettre de faire face à ses besoins, tels que définis par les experts [X], [O] et [I], dont les conclusions ne sont pas critiquées et n'ont fait l'objet d'aucun dire par les parties.

L'indemnisation de la tierce personne doit tenir compte des besoins réels de la victime et ne peut résulter de la dépense engagée. Aussi compréhensible soit la démarche entreprise par les parents de [X] [J] pour recourir à des aides extérieures, alors que l'assistance et la surveillance étaient assurées depuis son retour à leur domicile par eux seuls, soit une lourde charge au quotidien décrite par [O] [J] dans son attestation (pièce n°46), le choix des différents intervenants est contesté par la société Allianz aux motifs qu'il ne répond pas aux besoins définis par les experts, notamment s'agissant de l'aide médico-psychologique.

Ni les docteurs [X] et [O] ni le professeur [I] n'ont conclu à la nécessité d'une aide médico-psychologique au titre de l'aide active, et aucun élément en sens contraire n'est communiqué par les appelants, qui affirment que le handicap de [X] [J] nécessiterait l'assistance d'une aide médico-psychologique sans toutefois le démontrer par la seule documentation relative à la formation et aux missions spécifiques des aides médico-psychologiques (pièces n°51 à 53).

Or il n'est pas démontré en quoi l'intervention d'une auxiliaire de vie sociale serait insuffisante ou inadaptée au handicap de [X] [J]. Il résulte en effet de la fiche métier versée aux débats que l'auxiliaire de vie sociale 'aide les personnes malades, handicapées ou fragilisées, très dépendantes pour accomplir les actes de la vie ordinaire. Elle est présente pour faciliter le lever, le coucher, la toilette, les soins d'hygiène. Elle assure la préparation et la prise des repas, les travaux ménagers. Elle prend en charge les démarches administratives, les sorties, les courses etc. Par sa présence régulière, elle apporte soutien et réconfort. Ses modalités d'intervention sont décidées au cas par cas, en fonction du degré de présence de la personne aidée' (pièce n°50).

Ces nombreuses missions correspondent en tous points aux préconisations du professeur [I] concernant l'assistance quotidienne de [X] [J] : 4 heures d'aide pour la planification, l'organisation et la gestion des activités de la vie quotidienne (tâches ménagères, préparation des repas, courses, entretien de la maison, gestion du linge et surveillance pour la toilette et la prise des repas) et 4 heures par jour d'aide pour la stimulation, l'accompagnement sur les trajets non familiers et les activités de loisirs, soit l'accompagnement de sortie.

Dans le courrier rédigé le 31 mars 2015 à la demande de la société Allianz, le docteur [X] écrit dans le même sens :

'Les aides humaines nécessaires pour le détail ci-dessus ne doivent pas être spécialisées. Il s'agit d'auxiliaires de vie pour les tâches simples. L'accompagnement, la stimulation ne justifient pas de formation spécifique. D'autre part, les déplacements, compte tenu de la fatigabilité qui est importante et que nous avions soulignée, ne sont pas quotidiens, journaliers, et ne peuvent être prolongés dans le temps.

Vous me questionnez sur la justification d'un accompagnement par aide médico-psychologique, celle-ci n'est pas du tout indiquée. Je dois vous dire qu'ayant vu beaucoup de traumatisés crâniens, je n'ai jamais été confronté à ce type d'organisation. Dans l'environnement et les structures de prise en charge des traumatisés crâniens, il existe des foyers occupationnels dans lesquels les traumatisés crâniens peuvent passer des demi-journées ponctuellement et bénéficier d'activités adaptées à leur handicap, et ce dans une équipe médico-sociale avec d'autres patients. En aucune façon il est envisageable de mettre en place un quelconque accompagnement personnalisé par des aides médico-psychologiques qui n'ont pas pour mission ce type d'accompagnement'.

Il est exact que le docteur [X] a rédigé ce courrier sans solliciter l'avis du docteur [O], co-désigné dans le cadre de l'expertise amiable contradictoire. Les consorts [J] n'ont toutefois pas interrogé leur propre expert et ne versent aux débats aucun avis médical préconisant un accompagnement personnalisé de type aide médico-psychologique. Ils ne produisent pas d'attestations établies par les intervenants spécialisés ayant assisté [X] [J] durant plusieurs mois ou par la société AP Services-Sabtile, dont seules les factures sont communiquées, ce qui ne permet pas d'apprécier le contenu des suivis mis en place s'agissant de la stimulation et des sorties. Enfin les préconisations de la société Réadapt'Experts Conseils, dont le 'coaching du projet de réadaptation' aurait été à l'origine des aides mises en place, ne sont pas davantage communiquées.

La preuve n'est donc pas rapportée que l'organisation ainsi mise en place par les parents de [X] [J] répondait aux besoins spécifiques de leur fils, comme étant 'parfaitement performante et indispensable à son épanouissement'.

Par ailleurs, il n'est pas justifié de la poursuite de cette organisation au-delà du 30 juin 2015, aucune précision n'étant fournie en cause d'appel par les consorts [J]. Ils ne justifient donc de l'organisation sus-décrite que du mois de novembre 2014 au 30 juin 2015, et non 'depuis près de deux ans' comme indiqué en page 14 des conclusions. L'affirmation selon laquelle 'il serait préjudiciable aux intérêts de la victime que son besoin en aide humaine permanent soit modifié pour l'avenir' n'est corroborée par aucune pièce versée aux débats.

Enfin, les consorts [J] ne justifient ni des démarches entreprises ni de l'échec d'une prise en charge de leur fils dans un foyer occupationnel pour traumatisés crâniens offrant des activités adaptées avec le concours d'intervenants spécialisés. Or il résulte de la fiche métier versée aux débats que les aides médico-psychologiques interviennent principalement, au sein d'équipes pluri-disciplinaires, dans les structures ou établissements accueillant des personnes handicapées nécessitant un accompagnement (pièce n°51). La seule affirmation selon laquelle cette prise en charge en foyer à temps partiel évoquée par le docteur [X] 'n'a pas pu être mise en place pour [X], qui n'a absolument aucune autonomie, est susceptible de se mettre en danger et ne peut donc à aucun moment être laissé seul' (page 14 des conclusions), ne peut suffire à contredire l'avis exprimé par cet expert ayant une parfaite connaissance de la gravité du handicap dont reste atteint [X] [J].

Au vu de l'ensemble de ces éléments, et afin de répondre à la fois à la gravité du handicap de la victime et à la nécessité d'organiser de façon pérenne les aides extérieures au foyer, la tierce personne permanente sera indemnisée :

- au coût horaire de 16 € s'agissant de l'aide active pour les tâches quotidiennes (dont les tâches ménagères), la stimulation et l'accompagnement de sortie,

- au coût horaire de 12 € s'agissant de la surveillance.

Les parties s'accordent pour retenir un besoin d'assistance évalué à 3 248 heures, soit 1624 heures d'aide active et 1 624 heures de surveillance.

Le besoin d'aide active est indemnisé comme suit :

- aide médico-psychologique (accord d'Allianz)

33 253,44 €

- accompagnement de sorties (accord d'Allianz)

8 179,25 €

- aide ménagère (justifiée par factures)

3 945,00 €

- aide active complémentaire assurée par la famille

[1624 heures - (1 007,68 h + 278,49 h + 182 h)] x 16 €

2 493,28 €

- sous-total47 870,97 €

Le besoin de surveillance est indemnisé comme suit :

- 1624 heures x 12 €

19 488,00 €

- factures de la société Réadapt'Expert Conseils

(non contestées par Allianz)

1 368,00 €

- soit indemnisation totale pour la période précitée :

68 726,97 €.

1.2.3 - à compter du 1er juillet 2015 :

Le tribunal a alloué annuellement la somme de 81 760 € (14 € x 16 h x 365 jours) + 728 € correspondant à une heure par semaine pour la gestion de la curatelle (14 € x 52 semaines), soit un total de 82 488 € par an. Dans un souci de simplification, il a évalué l'aide humaine nécessaire du 1er juillet au 31 décembre 2015 à la somme de 41 244 €, et alloué à compter du 1er janvier 2016 une rente trimestrielle viagère de 20 622 €, revalorisable conformément à la loi du 5 juillet 1985.

Les consorts [J] concluent à l'infirmation du jugement et sollicitent une rente viagère trimestrielle d'un montant annuel de 170 205,36 €, payable à compter du 1er juillet 2015 par arrérages à échoir et indexée conformément aux coefficients de revalorisation du SMIC, correspondant à un capital représentatif de 5 787 663,06 € (soit 170 205,36 € x 34,004 selon l'euro de rente viagère pour un homme de 33 ans au 30 juin 2015 issu du barème de la Gazette du Palais des 27 et 28 mars 2013).

Ils évaluent la présence assurée par les parents de [X] pour l'avenir au coût horaire de 25 €, correspondant au tarif 'sortie' facturé par l'association Arpajon sans les frais de déplacement, de sorte que l'indemnité annuelle est calculée comme suit, dans l'ordre d'intervention de chaque tierce personne (aide médico-psychologique, accompagnement de sortie, surveillance parentale et aide ménagère) :

12 mois x [(149,28 h x 33 €) + (41,60 h x 29,37 €) + (295,84 h x 25 €) + (26 h x 21 €)] + 82 €

= 169 162,36 €.

Ils sollicitent en outre l'indemnisation de la gestion de la curatelle renforcée exercée par [R] [J], sur la base d'une heure par semaine et d'un coût horaire de 20 € qui pourrait être facturée annuellement par une association, soit : 1h x 20 € x 365 jours/7 jours = 1 043 €.

La société Allianz considère que le besoin d'assistance de [X] [J] pour l'avenir ne saurait justifier une dépense annuelle de 170.205,36 €, aucun argument de droit ou d'équité ne pouvant justifier une indemnisation sur la base d'un coût horaire de 30 € correspondant à des services prestataires, et souligne que le principe de réparation intégrale ne signifie pas que le débiteur d'indemnisation serait tenu d'indemniser selon les seules limites fixées par le bénéficiaire.

Sur la base d'un coût horaire de 10 € pour la surveillance et de 14 € pour l'aide active, elle offre d'indemniser la tierce personne future de la manière suivante :

- du 1er juillet 2015 au 31 décembre 2015 : (8h x14 €) + (8h x10 €) x 183 jours

= 35 136 €

- à compter du 1er juillet 2016, une rente annuelle de (8 h x 14 €) + (8h x 10 €) x 365 jours = 70 080 €, soit une rente trimestrielle de 17 520 €.

La victime maintient en cause d'appel sa demande tendant voir liquider la tierce personne future à compter du 1er juillet 2015.

Le juge ayant toutefois l'obligation d'évaluer le préjudice à la date la plus proche du jour où il statue, il y a lieu de fixer l'indemnisation en distinguant d'une part, la période échue du 1er juillet 2015 au 31 décembre 2018 (au vu de l'audience de plaidoiries intervenue le 10 décembre 2018 et de la date du présent arrêt) et d'autre part, la période future à compter du 1er janvier 2019.

S'agissant de la période future, les parties s'accordent pour le versement d'une rente viagère trimestrielle dans l'intérêt de [X] [J], dont il convient de sauvegarder l'avenir étant rappelé qu'il fait l'objet d'une mesure de curatelle renforcée confiée à son père, ainsi qu'il résulte du jugement rendu le 6 juin 2016 par le juge des tutelles du tribunal d'instance d'Etampes.

Dès lors que la fonction de curateur est en principe exercée à titre gratuit, en application de l'article 419 du code civil, et qu'il n'est fait état d'aucune circonstance particulière qui justifierait d'y déroger, l'indemnisation sollicitée à ce titre sera rejetée.

L'indemnisation sera calculée de la manière suivante :

$gt; au titre des arrérages échus du 1er juillet 2015 au 31 décembre 2018 :

Dès lors qu'il n'est pas justifié par les consorts [J] du recours à un service prestataire durant cette période, l'indemnisation sera calculée sur la base d'un coût horaire de 16 € pour l'aide active et de 12 € pour la surveillance. La somme de 286 720 € sera donc allouée à la victime, soit : (8 heures x 16 €) + (8 heures x 12 €) x 1 280 jours.

$gt; pour la période future à compter du 1er janvier 2019 :

Le lourd handicap de [X] [J] justifie qu'il soit dégagé des contraintes inhérentes au statut d'employeur, de sorte que l'indemnisation sera calculée sur la base de 412 jours correspondant au mode prestataire, tenant compte des congés payés (5 semaines) et des jours fériés (une dizaine).

Le montant horaire sera porté à 20 € pour l'aide active compte tenu de l'assistance susceptible à l'avenir d'être facturée, et maintenu à 12 € pour la surveillance, soit :

- un coût annuel de : (8 heures x 20 €) + (8 heures x 12 €) x 412 jours = 105 472 €,

- soit une rente trimestrielle viagère égale à 26 368 € (105 472 € / 4)

payable à compter du 1er janvier 2019, qui sera réévaluée le 1er janvier de chaque année selon les dispositions de l'article L.434-17 du code de la sécurité sociale s'agissant d'un accident du travail, en prenant pour base l'indice en vigueur à la date de l'arrêt, et suspendue en cas de prise en charge de [X] [J] dans un établissement médical ou institutionnel pour une période supérieure à 45 jours consécutifs,

- soit un capital représentatif calculé sur la base de l'euro de rente viagère pour un homme âgé de 37 ans au 1er janvier 2019 issu du barème de capitalisation réclamé par la victime, publié par la Gazette du Palais des 27 et 28 mars 2013 au taux de 1,2 % :105 472 € x 31,758 = 3 349 579,78 €.

2 - Sur la réparation des préjudices subis par les victimes indirectes

2.1 - sur les demandes présentées par les parents de la victime directe

[R] et [O] [J] sont les parents de [X] [J], né le [Date naissance 1] 1981, et de [G] [J], né le [Date naissance 4] 1984.

2.1.1 - sur les frais de logement et de déplacement

[R] et [O] [J] sollicitent une somme de 7.272,85 € au titre des frais de logement et de déplacement qu'ils ont dû exposer, en faisant valoir :

- qu'ils se sont rendus au chevet de leur fils hospitalisé au CHU de [Localité 5] chaque semaine du jeudi au dimanche, du 12 octobre au 9 décembre 2009, et qu'ils logeaient alors à la pension [Établissement 1] de [Localité 5],

- que lors de son hospitalisation au CRF d'[Localité 6] du 9 décembre 2009 au 17 avril 2010, ils lui ont rendu visite tous les jours à l'exception du 17 décembre 2009, date à laquelle seuls son frère et sa compagne l'ont visité, dans un premier temps ensemble puis en alternance du fait de la fatigue occasionnée par ces déplacements,

- qu'ils ont ainsi parcouru 16 283 kilomètres, soit une dépense égale à 5 488,66 €, outre les frais de péage (384,50 €), de logement à la pension [Établissement 1] (1 029,60 €) et de restauration (371,09 €).

La société Allianz considère qu'il est impossible de vérifier précisément le nombre de kilomètres parcourus et que l'obligation de l'assureur de prendre en charge les frais de déplacement ne peut s'étendre indéfiniment, et conclut à la confirmation du jugement ayant alloué une indemnité de 5 000 €.

Conformément à l'obligation probatoire qui leur incombe en vertu de l'article 9 du code de procédure civile, les époux [J] produisent un tableau récapitulatif des nombreux déplacements réalisés par eux entre le 13 octobre 2009 et 21 février 2013, avec mention pour chacun d'eux de son objet en lien avec les suites de l'accident, de sa date, de la distance parcourue et des frais afférents (quelques factures de péage - pièce n°33, factures de restauration - pièce n°34 et d'hôtellerie - pièce n°35). Ils justifient également du véhicule utilisé, dont la puissance fiscale est justifiée par la production du certificat d'immatriculation (pièce n°31) et des barèmes kilométriques fiscaux applicables pour les années concernées (pièces n°32),

Il n'est pas contesté par la société Allianz que les frais invoqués sont en lien avec l'accident.

Il résulte des éléments ainsi réunis que les frais suivants ont été exposés par les époux [J] :

- 16 283 km x 0,337 €

5 487,37 €

- indemnité forfaitaire au-delà de 5 000 km

1 288,00 €

- frais de péage : 384,50 €

- frais de logement :

1 029,60 €

- frais de restauration :

371,09 €

- total : 8 560,56 €.

En application de l'article 5 du code de procédure civile, l'indemnisation de ce poste de préjudice sera liquidée à la somme de 7 273,85 € demandée par les époux [J].

2.1.2 - sur les pertes de revenus d'[O] [J]

[O] [J] conclut à l'infirmation du jugement entrepris ayant rejeté sa demande au motif que le choix de prendre sa retraite constitue un choix personnel, et sollicite la somme de 64 266,49 €, en exposant :

- qu'afin de se rendre au chevet de son fils hospitalisé du 12 octobre au 9 décembre 2009, elle a sollicité un aménagement de ses horaires de travail, qui a été accepté en contrepartie de l'abandon de ses RTT et vacances et d'une augmentation de son volume horaire les jours travaillés ; que son époux ayant trouvé un emploi, il n'était pas possible pour des raisons financières d'engager une tierce personne tous les jours, les experts n'ayant pas encore statué sur les besoins en aide humaine, ni de solliciter la famille à long terme pour assumer cette charge ; que dès lors, en l'absence d'alternative, elle a fait valoir ses droits à la retraite de façon anticipée à compter du 1er janvier 2013, alors qu'elle aurait pu poursuivre son activité d'adjointe administrative hospitalière principale jusqu'au 1er mars 2017,

- que sa perte de revenus peut être calculée comme suit :

$gt; du 1er janvier 2013 au 1er mars 2017 :

revenus 2008 : 24 785,02 €

retraite annuelle : 15 300 €

perte : (24 785,02 € - 15 300 €) x 4,17 ans = 39 552,53 €,

$gt; à compter du 1er mars 2017 :

retraite mensuelle à temps plein : 1 374 €

retraite mensuelle perçue : 1 275 €

perte annuelle capitalisée selon l'euro de rente viagère pour une femme âgée de 62 ans au 1er mars 2017 selon barème publié par la Gazette du Palais 2013 au taux de 1,2 % :

(1 374 € - 1 275 €) x 12 mois x 20,803 = 24 713,96 €,

En réponse à la société Allianz, [O] [J] souligne que l'indemnisation réparant sa perte de revenus ne constitue pas une double indemnisation avec le poste de tierce personne, lequel constitue un préjudice personnel de [X] [J].

La société Allianz conclut au rejet de la demande aux motifs :

- que le préjudice allégué n'est pas établi, le fait de cesser de travailler constituant une décision personnelle qui n'est pas une conséquence directe et certaine de l'accident,

- que [X] [J] est indemnisé au titre des besoins d'assistance précisément afin que la charge de celle-ci ne repose pas sur ses proches, de sorte que faire droit à la demande aboutirait à une double indemnisation.

Il résulte du rapport de la commission Dintilhac que ce poste de préjudice indemnise 'la perte ou la diminution de revenus subie par les proches de la victime directe lorsqu'ils sont obligés, pour assurer une présence constante auprès de la victime handicapée, d'abandonner temporairement, voire définitivement, leur emploi', et que la réparation de ce chef de préjudice 'ne saurait conduire le proche de la victime directe à bénéficier d'une double indemnisation à la fois au titre de l'indemnisation de ce poste et de celle qu'il pourrait également percevoir au titre de l'assistance par une tierce personne, s'il décidait de remplir cette fonction auprès de la victime. Dans ce cas, il conviendra de déduire cette dernière indemnité de celle à laquelle il pourra prétendre au titre de l'indemnisation du présent poste'.

[O] [J] sollicite l'indemnisation d'un préjudice professionnel et de retraite ne résultant pas d'une incapacité à poursuivre l'exercice de son activité professionnelle mais de la nécessité de s'occuper de son fils en qualité de tierce personne, étant rappelé que le préjudice subi par [X] [J] au titre de l'obligation d'être assisté par un tiers a été réparé intégralement supra.

Il lui incombe dès lors de démontrer qu'elle a été obligée d'abandonner son emploi pour s'occuper de son fils accidenté, la société Allianz considérant pour sa part que la cessation de son activité professionnelle n'est pas une conséquence directe et certaine de l'accident.

Sont versés aux débats par la demanderesse trois avis d'impôt sur les revenus (années 2008, 2013 et 2014) les bulletins de paye de décembre 2008 et décembre 2012 et deux décomptes provisoires de pension justificatifs de sa pension de retraite versée par la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (pièces n°40 et 41), outre un brevet de pension duquel il résulte que la demande de retraite anticipée a été présentée le 14 mai 2012, alors que l'intéressée bénéficiait d'une ancienneté de 6 ans et 3 mois dans l'emploi d'adjointe administrative hospitalière principale 1ère classe, pour le motif 'parents d'enfant invalide'.

Il est établi que suite à l'accident survenu le 12 octobre 2009, le retour de [X] [J] au domicile de ses parents est intervenu en avril 2010, avec hospitalisation de jour en centre de rééducation fonctionnelle jusqu'en avril 2011.

[O] [J] ne justifie pas de l'aménagement de ses horaires de travail, en contrepartie de l'abandon de ses RTT, de ses vacances et d'une augmentation de son volume horaire les jours travaillés, afin de pouvoir se rendre au chevet de son fils hospitalisé entre le 12 octobre et le 9 décembre 2009 (aucune demande en ce sens ni aucune courrier en réponse de son employeur ne sont produits).

Elle indique que la période de chômage de son époux a permis à ce dernier de prendre en charge leur fils au domicile, mais que son retour à l'emploi a rendu nécessaire une nouvelle organisation, sans précision concernant la période concernée et la date de reprise d'une activité professionnelle par son époux, à propos de laquelle les éléments extraits des rapports d'expertise sont divergents :

- selon les experts [X] et [O] (page 12 du rapport) : 'Sa mère est retraitée depuis le 1er janvier 2013, elle était agent administratif à l'hôpital [Établissement 2]. Son père était demandeur d'emploi au moment des faits, il a trouvé une activité professionnelle en septembre 2011 comme formateur',

- selon le professeur [I] (page 22 du rapport) : 'Ses parents ont dû modifier leur vie pour s'occuper de leur fils. Son père était en recherche d'emploi au moment de l'accident, il a arrêté de chercher du travail jusqu'à la retraite de son épouse, Madame étant à la retraite depuis janvier 2013. Monsieur a ensuite retrouvé du travail'.

Il n'a pas été mentionné par [O] [J], lors des opérations d'expertise, l'obligation de cesser son activité pour les besoins d'assistance de leur fils et l'hypothèse selon laquelle [R] [J] aurait retrouvé du travail postérieurement à sa cessation d'activité ne peut être écartée, étant constaté au surplus qu'à la date du 1er janvier 2013, correspondant à l'abandon d'activité, [X] [J] vivait à temps plein au domicile de ses parents depuis avril 2011, soit depuis 1 an et 8 mois et que l'organisation mise en place durant cette période n'est nullement décrite. Les experts [X] et [O] indiquent qu'à compter du 18 septembre 2011, les époux [J] 'ont commencé à laisser leur fils seul dans la journée', après une période d'adaptation nécessaire pour l'aider à trouver ses marques, à mettre en place les consignes' (page 25 du rapport).

Au vu des seuls éléments ainsi réunis, la preuve du lien de causalité entre le départ anticipé à la retraite d'[O] [J] et la nécessité de s'occuper de son fils n'est pas rapportée, ni celle de l'existence d'un préjudice indemnisable à ce titre.

La demande sera par conséquent rejetée.

2.1.3 - sur le préjudice d'affection

[R] et [O] [J], âgés respectivement de 53 ans et 54 ans à la date de l'accident, sollicitent à ce titre la somme de 50 000 € chacun, en soulignant qu'après le choc de l'annonce de l'accident, ils ont vécu deux semaines d'angoisse et de sidération durant lesquelles le pronostic vital de leur fils était engagé ; qu'ils ont ensuite été confrontés aux conséquences gravissimes de l'accident et ont dû accepter le caractère définitif du handicap de leur fils ; qu'ils subiront toute leur vie la souffrance de voir leur enfant dans la douleur et sans aucun espoir de vie normale.

La société Allianz offre une indemnité de 15 000 € pour chacun des parents.

Il est alloué à [R] et [O] [J], en infirmation du jugement entrepris, la somme de 30 000 € chacun en réparation du préjudice d'affection causé par la vue du lourd handicap de leur fils et de la disparition de sa personnalité antérieure à l'accident, survenu alors qu'il était âgé de 27 ans.

2.1.4 - sur les troubles dans les conditions d'existence

[R] et [O] [J] sollicitent à ce titre la somme de 70 000 €, en soulignant:

- qu'ils aimaient le théâtre, les voyages à l'étranger, les sorties au restaurant, les promenades dans les bois, et avaient acquis le 9 janvier 2009 un camping-car pour profiter de moments passés à deux ; que leur vie a basculé le 12 octobre 2009, les années ayant alors été rythmées par les visites à l'hôpital et la nécessité de prendre en charge leur fils totalement dépendant,

- que leurs relations sociales se sont fortement restreintes et qu'ils ont mis leur vie entre parenthèses, ne prenant que deux semaines de vacances par an malgré la prise en charge de leur fils par un tiers une grande partie de la journée, craignant de le laisser seul,

- que leur préjudice d'accompagnement, qui a débuté le jour de l'accident, sera subi jusqu'à la fin de leur vie.

La société Allianz offre une indemnité de 10 000 € pour chacun des parents.

Les parents qui partagent dorénavant la vie de leur fils et voient leur propre vie complètement perturbée par l'accident subissent un trouble véritable dans leurs conditions d'existence, décrit par [O] [J] dans l'attestation versée aux débats,.

L'indemnisation allouée en première instance à hauteur de 10 000 € chacun sera confirmée.

2.2 - sur les demandes présentées par le frère de la victime directe

2.2.1 - sur le préjudice d'affection

[G] [J], âgé de 25 ans le jour de l'accident, sollicite la somme de 30.000 € au en réparation de son préjudice d'affection, en faisant valoir qu'il a vécu très durement la vision de son frère aîné dans le coma sous respirateur, puis l'état critique dans lequel il se trouvait à son réveil ; qu'il a ensuite dû faire le deuil de son frère tel qu'il était avant l'accident et de tout ce qu'ils partageaient, devant accepter son handicap. Il verse aux débats une attestation en ce sens.

La société Allianz offre une indemnité de 7 500 €.

L'indemnisation allouée en première instance à hauteur de 10 000 € est confirmée.

2.2.2 - sur les troubles dans les conditions d'existence

[G] [J] sollicite à ce titre la somme de 15.000 €, en soulignant que sa vie a été bouleversée par l'accident, qui a mis la vie de famille entre parenthèses, et que les retours de son frère au domicile familial alors qu'il était totalement dépendant ont été difficiles à endurer ; qu'il tente de rester très présent à ses côtés et d'aider ses parents à le prendre en charge, étant domicilié à proximité.

La société Allianz conclut au rejet de la demande.

[G] [J] ne justifie pas d'un bouleversement dans ses conditions de vie suite à l'accident dont a été victime son frère aîné, qui serait indemnisable en sus de son préjudice d'affection.

Sa demande sera dès lors rejetée en confirmation du jugement entrepris.

3 - Sur les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4]

La CPAM de [Localité 4] sollicite la condamnation de la société Allianz à lui verser la somme de 1 117 811,23 €, en réformation de la décision entreprise qui a limité son recours à 10 % des sommes réclamées. Subsidiairement, elle demande à la cour de surseoir à statuer sur ses demandes.

Elle fait valoir :

- qu'en application de l'article L.454-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale, il appartient à la juridiction saisie de déterminer à la fois la part de responsabilité du tiers mais également la part du préjudice de la victime en droit commun, poste par poste, avant de liquider sa créance,

- que le tribunal correctionnel a définitivement consacré la responsabilité pénale de l'employeur de [X] [J] et de la société ACF, sans toutefois déterminer la part de responsabilité civile de chacun des coupables ; que la société Allianz a reconnu un droit à indemnisation intégrale de la victime, qui s'impose à elle à l'égard de la CPAM subrogée dans les droits de la victime ; que dès lors, le tribunal ne pouvait, sans se contredire, déclarer la société Allianz tenue d'indemniser 100 % du préjudice de la victime tout en limitant son recours à 10 %,

- que la cause déterminante de l'accident résidant dans l'ancrage insuffisant de l'échafaudage, alors qu'un contrôleur de sécurité avait été spécialement mandaté à cette fin, le tribunal ne pouvait entériner la proposition minimaliste de la société Allianz, qui ne correspond pas à la réalité du dossier.

Elle ajoute que la société Allianz devra lui verser la somme réclamée avec intérêts au taux légal à compter de chacune de ses demandes et non à compter de la dernière demande, conformément aux articles 1231-6 du code civil et L.454-1 du code de sécurité sociale, les dépenses dont les organismes sociaux poursuivent le remboursement portant intérêts de droit à compter du jour de leur première demande pour les prestations échues et de leur engagement pour les prestations à échoir.

Au soutien de sa demande, la CPAM produit une attestation de créance et une attestation de frais futurs en date du 8 avril 2016, outre une attestation d'imputabilité du docteur [P] en date du 3 août 2015 (pièces n°1 à 3).

La société Allianz sollicite la confirmation du jugement en rappelant que l'action de la caisse est fondée sur les dispositions de l'article L.454-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale, au visa duquel la Cour de cassation a jugé qu'il appartient au juge, afin de permettre la fixation des droits de la caisse, de se prononcer sur les parts respectives de responsabilité de l'employeur et du tiers responsable. Elle souligne que le tribunal a considéré que l'ensemble des fautes imputables à l'employeur permet de retenir une part de responsabilité minime de la société ACF, justifiant une répartition de l'indemnité à hauteur de 90 % à la charge de l'employeur et de 10 % à la charge de la société ACF, ce que la caisse n'a pas contesté en première instance, de sorte qu'elle ne peut agir contre le tiers responsable que dans la limite de sa dette, au regard de la part mise à la charge fictive de l'employeur.

Elle sollicite en revanche la réformation du jugement en ce qu'il a assorti la condamnation des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2016, date de signification des conclusions, alors qu'à cette date, la créance de la caisse n'était ni certaine ni liquide puisqu'elle n'a été fixée par le tribunal que le 21 novembre 2016.

L'article L.454-1 du code de la sécurité sociale dispose en son alinéa 6 : Si la responsabilité du tiers est partagée avec l'employeur, la caisse ne peut poursuivre un remboursement que dans la mesure où les indemnités dues par elle en vertu du présent livre dépassent celles qui auraient été mises à la charge de l'employeur en vertu du droit commun.

Il s'en déduit que lorsque la responsabilité d'un accident de travail est partagée entre l'employeur de la victime et un tiers, la caisse dispose d'un recours contre ce dernier, mais seulement dans la mesure où les prestations dues par elle en vertu de la loi dépassent la part des indemnités réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime qui auraient été mises à la charge de l'employeur en vertu du droit commun.

La CPAM de [Localité 4] est dès lors mal fondée à soutenir que la société Allianz ayant reconnu à [X] [J] un droit à indemnisation intégrale, il ne pourrait lui être appliqué aucune limitation de l'indemnisation lui revenant au titre de son recours subrogatoire.

Le tribunal ayant sursis à statuer sur l'ensemble des postes de préjudice soumis au recours de l'organisme social, la demande de la CPAM tendant au remboursement de ses débours par le tiers responsable devra être examinée par cette même juridiction du premier degré après liquidation de l'assiette de ce recours, sur lequel il n'appartient donc pas à la cour de statuer.

Le jugement entrepris sera donc infirmé s'agissant des demandes de la caisse.

Il est rappelé qu'en cas d'action de la victime d'un accident du travail contre le tiers responsable devant la juridiction de droit commun, il ne peut être statué sur l'éventuelle responsabilité de l'employeur sans que celui-ci ait été appelé en déclaration de jugement commun. Il incombe dès lors à la société Allianz, assureur du tiers responsable, d'appeler en déclaration de jugement commun la société AML 91 dans la première instance pendante.

4 - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Les dépens d'appel incomberont à la société Allianz, partie débitrice de l'indemnisation.

Les demandes indemnitaires de [X] [J] d'une part, [R] et [O] [J] d'autre part, fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, seront accueillies dans leur principe et dans leur montant.

La demande présentée sur le même fondement par [G] [J] sera rejetée dès lors que le jugement est confirmé s'agissant de ses demandes.

PAR CES MOTIFS,

la Cour

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 21 novembre 2016 en ce qu'il a :

- ordonné le sursis à statuer, dans l'attente de la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 4] statuant sur le doublement de la rente à son taux maximum, sur l'indemnisation de [X] [J] des postes de préjudice suivants : dépenses de santé actuelles, dépenses de santé futures, pertes de gains passés et futurs, incidence professionnelle, déficit fonctionnel permanent,

- ordonné le sursis à statuer, dans l'attente de la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 4] statuant sur les préjudices non couverts par le livre IV de la sécurité sociale subis par [X] [J], sur l'indemnisation de ce dernier des postes de préjudice suivants : tierce personne avant consolidation, déficit fonctionnel temporaire, souffrances physiques et morales, préjudice esthétique temporaire et définitif, préjudice d'agrément, préjudice sexuel, préjudice d'établissement,

- condamné la société Allianz Iard à payer à [R] [J] et à [O] [J], chacun, la somme de 10 000 € au titre des troubles dans les conditions d'existence,

- rejeté la demande d'[O] [J] au titre de ses pertes de revenus,

- condamné la société Allianz Iard à payer à [G] [J] la somme de 10 000 € au titre de son préjudice d'affection,

- condamné la société Allianz Iard à payer sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile les sommes suivantes :

3 000 € à [X] [J], assisté de son curateur [R] [J],

2 000 € globalement à [R] [J], agissant en son nom personnel, [O] [J] née [G] et [G] [J],

Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la société Allianz Iard à payer à [X] [J], assisté de son curateur [R] [J], les sommes suivantes à titre de réparation du besoin d'assistance par tierce personne permanente causé par l'accident du 12 octobre 2009, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus :

- 450 198,97 € pour la tierce personne échue du 12 octobre 2013 au 31 décembre 2018,

- une rente trimestrielle viagère d'un montant de 26 368 € pour la tierce personne future (soit en capital la somme de 3 349 579,78 €), ladite rente étant payable à compter du 1er janvier 2019, à terme échu et révisable au 1er janvier de chaque année conformément aux dispositions de l'article L.434-17 du code de la sécurité sociale en prenant pour base l'indice en vigueur à la date de l'arrêt, et devant être suspendue en cas de prise en charge de [X] [J] dans un établissement médical ou institutionnel pour une période supérieure à 45 jours consécutifs,

Condamne la société Allianz Iard à payer à [R] [J] et à [O] [J] née [G] les sommes de :

- 7 273,85 € au titre de leurs frais divers,

- 30 000 € chacun au titre de leur préjudice d'affection,

Dit qu'il devra être statué par la juridiction du premier degré sur les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] après que l'assiette de son recours aura été liquidée,

Condamne la société Allianz Iard aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Allianz Iard à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel :

- 4 000 € à [X] [J], assisté de son curateur [R] [J],

- 500 € chacun à [R] [J] et [O] [J] née [G],

Rejette toute autre demande,

Dit qu'une copie du présent arrêt sera transmise par le greffier au juge des tutelles du tribunal d'instance d'Etampes, compte tenu de la mesure de protection en cours concernant [X] [J] (RG n°10/00098).

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/06923
Date de la décision : 11/03/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°17/06923 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-11;17.06923 ?
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